Nostradamus connaissait-il les plan�tes trans-saturniennes ? par Patrice Guinard (original) (raw)

Nostradamica

CORPUS NOSTRADAMUS 84 -- par Patrice Guinard

Nostradamus connaissait-il les plan�tes trans-saturniennes ?

Ce texte, d�di� � Vlaicu Ionescu, est paru le 17 mai 2000 au CURA, le premier consacr� � Nostradamus, puis dans une version l�g�rement �court�e dans la revue Atlantis (n� 404, 1er trimestre 2001, p.63-71). Traduit en espagnol ("�Nostradamus conoc�a los planetas transaturninos?", 2001), en anglais ("Did Nostradamus know the Transaturnian Planets?", 2003), en finnois par Marita H�ltt� ("Tunsiko Nostradamus transsaturniset planeetat?", 2004) et en russe("Нострадамус,знал ли он транс-сатурнические планеты?", 2005), il rejoint le Corpus Nostradamus en janvier 2008.

Depuis 1984, et approximativement tous les 3 ans, quelques ouvrages essentiels sont venus m�tamorphoser la connaissance jusque l� tr�s parcellaire qu'on pouvait se forger sur l'oeuvre du proph�te de Salon. Citons pour m�moire la r��dition en fac-simil�, par Robert Benazra, des_Propheties (Lyon 1555)_ d'apr�s l'exemplaire d'Albi et avec quelques variantes de l'exemplaire de Vienne en Autriche (Lyon, Les Amis de Michel Nostradamus, 1984), la_Bibliographie Nostradamus XVI�-XVII�-XVIII� si�cles_de Michel Chomarat (Baden-Baden, Valentin Koerner, 1989) puis celle de Robert Benazra, le R�pertoire chronologique nostradamique(Paris, La Grande Conjonction, 1990), la r��dition en fac-simil�, d'apr�s l'exemplaire de la biblioth�que Sz�ch�nyl de Budapest, par Michel Chomarat, de l'�dition de 1557 des Proph�ties(Lyon, 1993), l'ouvrage de Pierre Brind'Amour (1941-1995), Nostradamus astrophile (Presses de l'Universit� d'Ottawa (Can.) & Paris, Klincksieck, 1993), suivi de l'�dition critique de la premi�re partie des quatrains, par le m�me auteur, Nostradamus. Les premi�res Centuries ou Propheties (Gen�ve, Droz, 1996), et surtout la r�cente �dition du Recueil des Presages prosaiques(BM Lyon, ms 6852) du secr�taire de Nostradamus, Jean-Aim� de Chavigny, par Bernard Chevignard, les Pr�sages de Nostradamus(Paris, Le Seuil, 1999).

Ces ouvrages ont tendance � laisser dans l'ombre les deux tentatives les plus originales d'�lucidation du corpus nostradamique : celles du p�ruvien Daniel Ruzo (1900-1991) et du roumain Vlaicu Ionescu (1922-2002), le premier ayant travaill� sur le d�cryptage de l'ordre des quatrains et montr� en 1975 que le testament laiss� par Nostradamus faisait partie int�grante du corpus proph�tique (in Le testament de Nostradamus, trad. fr., Monaco, Le Rocher, 1982), le second ayant avanc� dans divers ouvrages des interpr�tations judicieuses qui laissent bien en retrait, par leur pr�cision, les amateurs de pr�dictions astrologiques. Ionescu titre l'un des chapitres de son premier ouvrage : "1991, l'ann�e de l'�croulement du r�gime sovi�tique", avant de pr�ciser : "Cela devra se passer en Juin 1991." (in Le message de Nostradamus sur l'�re prol�taire, Paris, Dervy, 1976, p.777-778). Le 12 juin 1991, Boris Eltsine �tait �lu au suffrage universel � la pr�sidence de la F�d�ration de Russie, avant que l'U.R.S.S. ne se d�sagr�ge quelques mois plus tard.

Les deux livres des Proph�ties sont divis�s en 7 et 3 centuries, comme les plan�tes du syst�me solaire au sens astrologique : les 7 plan�tes du Sept�naire classique incluant la Lune, et les 3 plan�tes extra-saturniennes, Uranus, Neptune et Pluton, auxquelles Nostradamus consacrera � chacune un quatrain. Dans un article essentiel ("Nostradamus et les plan�tes trans-saturniennes", in Atlantis 325, 1983, p.205-241), Ionescu avance l'id�e que Nostradamus ferait r�f�rence � la d�couverte des 3 plan�tes trans-saturniennes dans les quatrains VIII 69, IV 33 et I 84.

Le quatrain VIII 69 : la d�couverte d'Uranus

Sur ce quatrain, cf. aussi mon Nostradamus ou l'�clat des Empires (Paris, 2011, p.114-116).

Aupres du jeune le vieux ange baisser,
Et le viendra surmonter � la fin
Dix ans esgaux au plus vieux rabaisser,
De trois deux l'un l'huitiesme seraphin.

R�f. : Les Propheties, Lyon, Benoist Rigaud, 1568 (BM Grasse : R�s. 12597)

Le th�me de la d�couverte d'Uranus est dress� pour le 13 mars 1781, Bath, 21h10. Position des plan�tes concern�es par le quatrain : Uranus : 84� 27, Mars 263� 23, Saturne 259� 42

D�couverte d'Uranus

L'interpr�tation de ce quatrain, comme des suivants, s'appuie sur un double plan de r�f�rence, �troitement imbriqu�s : le plan mythologique et le plan astronomique (cf. Ionescu, p.212, p.214...)

Aupres du jeune le vieux ange baisser,
Et le viendra surmonter � la fin

Le vieux dieu Ouranos (vieux ange), le ciel �toil�, rabaiss� (baisser) par son fils Saturne (le Kronos grec), le plus jeune d'entre les Titans (le jeune), qui le mutile et lui ravit son tr�ne (et astronomiquement Saturne est la derni�re plan�te du Sept�naire, celle qui occupe la "septi�me sph�re"), reprendra finalement ses droits lors de la d�couverte de la plan�te � laquelle les astronomes donneront son nom (Et le viendra surmonter � la fin).

Dix ans esgaux au plus vieux rabaisser,
De trois deux l'un l'huitiesme seraphin.

En diminuant (rabaisser) la valeur de 10 "ans" (10 cycles) saturniens, le plus long cycle plan�taire jusqu'alors connu (Dix ans esgaux au plus vieux), - qui est aussi le fameux cycle mentionn� par Albumasar, et au terme duquel Pierre d'Ailly a pr�dit l'av�nement de l'Ant�christ - , soit environ 295 ann�es solaires, c'est-�-dire en intervertissant les deuxi�me et troisi�me chiffres (De trois deux) du nombre total de l'ensemble du cycle (l'un), on obtient 259, qui est la position �cliptique approximative de Saturne (259�), et on peut observer que la position �cliptique de la nouvelle plan�te, Uranus (l'huitiesme seraphin), � 84�, a un nombre �gal (l'un) � la dur�e de son cycle, soit 84 ans.

J'ajoute qu'en astrologie, Uranus �tant la plan�te de l'unification (cf. thesis meae sequentiam), ce terme, l'un, rev�t dans le quatrain une importance particuli�re. Toute la polys�mie du quatrain y aboutit, et Ionescu l'a quelque peu escamot�, puisqu'il se r�f�re pour son texte � une �dition post�rieure, qui l'incite � interpr�ter dans sa globalit� l'expression "l'un huitiesme seraphin", et non � s�parer l'un de l'huitiesme seraphin. En revanche, Ionescu montre avec pertinence (p.218) que l'axe Uranus-Mars s�pare la configuration plan�taire en 2 groupes de plan�tes, laquelle repr�sente l'embl�me qui sera attribu� � Uranus.

En outre, les premiers et le dernier termes du quatrain, Aupres du et seraphin contiennent l'anagramme suivante : Uranus de phi pares, c'est-�-dire "Uranus, tu te montres � travers (le nombre) Phi" ou "Uranus, tu te soumets (ou tu ob�is) au nombre Phi". La r�volution sid�rale d'Uranus (84 ans) vaut 52 fois le nombre phi (approximation 0.15%), ou encore, cette fois exprim�e en jours, 19 000 fois le nombre phi (approximation 0.19%).

Le quatrain IV 33 : la d�couverte de Neptune

Iuppiter joint plus Venus qu'� la Lune
Apparoissant de plenitude blanche:
Venus cach�e soubs la blancheur Neptune,
De Mars frapp� par la gran�e branche.

R�f : Les premi�res �ditions ne s'accordent pas pour le 4�me vers : le texte de 1555 donne "De Mars frapp� par la gran�e branche", mais les �ditions de 1557 donnent "frapp�e" et suppriment la virgule apr�s "Neptune".

Paradoxalement, ce quatrain qui mentionne explicitement le nom de Neptune, reste �nigmatique, puisqu'il se rapporte � une date de d�couverte, qui n'est pas celle g�n�ralement admise. Le th�me de la d�couverte de Neptune est dress� pour le 8 ao�t 1846, observatoire de Cambridge, vers minuit (0h10), � une date, choisie par Ionescu (et qui l'aurait �t� par Nostradamus), interm�diaire entre les 4 et 12 ao�t 1846, jours o� la plan�te a �t� observ�e, � deux reprises donc, par l'astronome anglais James Challis (selon Nigel Calder, The comet is coming, New York, The Viking Press, 1980 ; cit� par Ionescu). Pour ce quatrain et le rapport � Challis, Ionescu s'inspire de Centurio qui dresse le th�me pour le 7 ao�t 1846 avec Neptune et la Lune au MC (in Nostradamus. Der Prophet der Weltgeschichte, 1953 ; 1955, p.94). Le R�v�rend James Challis, directeur de l'observatoire de Cambridge, dans une lettre dat�e du 15 octobre 1846 au journal_The Athenaeum_ (cf. le num�ro 990 du journal, en date du 17 octobre, p. 1069), d�clare avoir observ� la plan�te Neptune (dont il sugg�re le nom "Oceanus") les 4 et 12 ao�t 1846, soit quelques jours apr�s le d�but de ses recherches. Il ajoute ne pas avoir alert� la communaut� scientifique car il estimait que de plus amples v�rifications s'av�raient n�cessaires :"I had an impression that a much more extensive search was required to give any probability of discovery." (cf. les "Selected excerpts of correspondence, concerning the discovery of Neptune" � la page http://www.dioi.org/kn/neptune/corr.htm). A cette date, symbolique, la plan�te, conjointe � la Lune, est dans son �tat d'occultation. En outre l'�cheveau de circonstances particuli�rement troublantes qui accompagne sa d�couverte s'accorde assez bien au caract�re astrologique de la plan�te, et le dossier contenant la correspondance entre George Airy et John Adams (et qui pourrait renseigner sur le r�le de James Challis dans la d�couverte de Neptune) aurait disparu des archives de l'observatoire de Greenwich.

Position des plan�tes concern�es par le quatrain : Jupiter 71� 33, V�nus 102� 43, Mars 145� 59, Lune 325� 43, Neptune 327� 05

D�couverte de Neptune

Le quatrain d�crit le th�me dress� � la date symbolique de la d�couverte de Neptune : 106� s�parent Jupiter de la Lune, mais seulement 31� de V�nus (Iuppiter joint plus Venus qu'� la Lune) ; c'est la pleine lune (Apparoissant de plenitude blanche) ; V�nus est sous l'horizon (Venus cach�e) ; Neptune, dont le nom est mentionn�, est conjointe � la Lune qui l'occulte (soubs la blancheur Neptune) ; Mars est oppos� � Neptune (Neptune, De Mars frapp� par la gran�e branche).

A noter que Ionescu, qui utilise une �dition tardive, probablement tronqu�e, interpr�te l'expression grav�e blanche. Or le terme latin granatus (grenu, abondant en grains, au grain apparent) pourrait justement se rapporter � la Voie lact�e, � laquelle, selon lui (cf. p.224), Nostradamus fait r�f�rence dans ce quatrain. Quant au terme branche, et non blanche, il semble se rapporter au trident qui est l'attribut de Neptune. En effet, le th�me pr�sente un double trident : Saturne-Neptune-Lune et Mercure-Mars-Soleil, qui illustre deux fois l'embl�me qui sera attribu� � Neptune. Le quatri�me vers peut donc s'interpr�ter comme suit : Mars et Neptune, en opposition, (Neptune, De Mars frapp�) s'accablent mutuellement (_Neptune, De Mars frapp�(e)_et Mars frapp� par), � l'aide d'une fourche (branche), travers�e par la Voie lact�e (gran�e branche). Ce quatrain semble donc construit sur le th�me de la dualit� : double mention de la blancheur (celle de la Lune, pleine, et celle de la Voie lact�e), double mention de V�nus (la plan�te double, de la dissociation (cf. thesis meae sequentiam), dont les astrologues consid�rent Neptune comme l'octave sup�rieure), double trident.

L'insistance sur Jupiter et V�nus reste cependant quelque peu probl�matique, puisque les deux plan�tes n'appartiennent pas � la configuration en double-trident, m�me si l'astrologue peut ais�ment comprendre que la nouvelle plan�te rassemble en quelque sorte les caract�res de l'une et de l'autre. Le premier vers, Iuppiter joint plus Venus qu'� la Lune, outre son sens mythologique trivial (V�nus/Aphrodite reste dans l'entourage imm�diat de Jupiter/Zeus, ce qui n'est pas le cas de Diane/Art�mis), fait appara�tre dans les lettres composant les 3 plan�tes, le nom latin du dieu Neptunus. Mais _Iuppiter_et Venus ont chacun 4 lettres en commun avec Neptunus, tandis que la Lune n'en a que 3.

Ionescu (p.225) relie le cycle neptunien � la position de V�nus et au nombre PHI : 164.79 = 1.618034 fois 102.72 (approximation : 0.86%). En outre, Iuppiter, avec ses deux p, contient 8 lettres, et Venus en contient 5, ce qui marque une nouvelle fois la proportion du nombre d'or. De m�me que 12 mois (lunaires) s'inscrivent dans une ann�e solaire, 12 fois phi mois v�nusiens s'inscrivent dans une ann�e jupit�rienne : 12 x 1.618034 x 0.615 = 11.94 ~ 11.86 (approximation : 0.67%). Ce qui r�sout cette fois compl�tement l'�nigme inscrite dans le premier vers.

L'interpr�tation sceptique des quatrains de Nostradamus est g�n�ralement un v�ritable fiasco, par exemple celle de Pierre Brind'Amour (1996, p.513) pour le quatrain neptunien : "Jupiter (l'�tain), joint plus � V�nus (au cuivre) qu'� la Lune (qu'� l'argent), appara�tra dot� de pl�nitude blanche ; V�nus (le cuivre), cach�e sous la blancheur de Neptune (de l'eau), sera frapp�e par la branche alourdie de Mars (par le pilon arm� de fer). (...) Un alliage d'�tain et de cuivre se forme au cours d'une op�ration alchimique ; il est ensuite refroidi dans l'eau, puis pulv�ris� au moyen d'un pilon de fer." !

Le quatrain I 84 : la d�couverte de Pluton

Lune obscurcie aux profondes tenebres,
Son frere pasle de couleur ferrugine:
Le grand cach� long temps sous les latebres,
Tiedera fer dans la playe sanguine.

R�f : Les Propheties (Lyon, 1555, exemplaire de Vienne en Autriche). Variantes de l'exemplaire d'Albi : Son frere "passe" ; "plaie"

Le th�me de la d�couverte de Pluton est dress� pour le 23 janvier 1930, Lowell Observatory de Flagstaff (Arizona), 21h. Position des plan�tes concern�es par le quatrain : Lune 242� 04, Soleil 303� 27, Mars 289� 31, Pluton 108� 14

D�couverte de Pluton

Les deux premiers vers s'inspirent directement des �pigrammes d'Ulrich von Hutten, et non des_G�orgiques_ de Virgile comme le suppose Brind'Amour (1996, p.165) : "Bis petit obscurum et condit se Luna tenebris // Ipse quoque obducta pallet ferrugine frater." ("Par deux fois la lune cherche � atteindre l'obscurit� en se cachant dans les t�n�bres, et son fr�re lui-m�me p�lit, assombri de couleur ferrugineuse", in_Poemata_, �d. B�cking, p.253 ; cf. CN 47, f�v. 2007).

Mais l'ensemble du quatrain d�crit le th�me dress� pour le 23 janvier 1930, date des premi�res prises photographiques effectu�es par Clyde Tombaugh : la Lune est sous l'horizon au FC (Lune obscurcie aux profondes tenebres) ; le Soleil (Apollon, qui personnifie le Soleil, est le fr�re jumeau d'Art�mis, laquelle personnifie la Lune) a d�pass� Mars, la plan�te rouge associ�e au fer, depuis 14 jours (Son frere pasle de couleur ferrugine) ; Pluton longtemps invisible (Le grand cach� long temps sous les latebres) est en opposition � Mars (Tiedera fer dans la playe sanguine).

Ionescu souligne qu'aux dates de leurs d�couvertes respectives, Mars �tait en opposition � chacune des plan�tes concern�es (p.212), ce qui corrobore la signification astrologique de Mars, le d�clencheur, l'�veilleur des tensions. Par ailleurs, et comme pour les deux th�mes pr�c�dents, la configuration du th�me illustre l'embl�me qui sera attribu� � la plan�te, avec son point d'ancrage, form� par un amas de 5 plan�tes, ses deux branches, en direction de Neptune et de Jupiter, sa barre transversale, l�g�rement pench�e (Lune et Uranus), et Pluton, la plan�te invisible. A noter qu'en ajoutant les positions �cliptiques de la Lune (242�) et d'Uranus (8�), on obtient la dur�e approximative de la r�volution sid�rale de Pluton. En revanche, et comme le remarque Ionescu (p.237), la position �cliptique de Pluton, 108�, vaut 9 fois 12 (mois) solaires et 4 fois 27 (jours) lunaires, ce qui semble justifier le choix des luminaires. J'ajoute que l'�quation 9 x 4 = 108 / 3 corrobore l'id�e de triplicit� qui enveloppe ce quatrain.

L'amas plan�taire Mars-V�nus-Mercure-Soleil �volue en direction d'Uranus, d'o� l'anagramme du second vers (que je donne comme une curiosit�) : Son coeur (celui du Soleil) l'esp�re : figer Uranus de fer. Le terme latin_latebra_ signifie "abri, cachette", et le terme grec _A�d�s/a�d�s_d�signe � la fois le dieu des Enfers, A�d�s (qui deviendra Had�s), et la qualit� de rester invisible, a�d�s. Ionescu observe que tiedera est l'anagramme de tri - a�d�, ce qui pourrait souligner la triple opposition de Pluton, � Mars, � Saturne, et au groupe Soleil-Mercure-V�nus, mais aussi, bien s�r, le fait que Pluton est 3 fois cach� : une fois comme plan�te invisible (beaucoup plus petite que Neptune et Uranus), une fois dans l'embl�me qui la repr�sente, et une fois par son nom (cf. infra).

Reste le probl�me du grand cach�: pourquoi cet attribut, alors que Pluton est une plan�te minuscule ? Aux quatrains II 59, II 78, III 1 et au pr�sage pour mai 1559, il est question du grand Neptune, ce qui sugg�re que cette plan�te, et non Pluton, est le protagoniste des deux derniers vers : Neptune, longtemps invisible, en position dominante � l'Ascendant et en trigone de Saturne, temp�rera (tiedera) la dissonance de Mars (fer) au sein de l'amas plan�taire en Capricorne-Verseau (dans la playe sanguine). Cette interpr�tation renforce le statut de Pluton comme plan�te cach�e, puisque, d�s lors, elle n'appara�t plus m�me parmi les protagonistes du quatrain qui lui est consacr�. Il existe cependant une autre interpr�tation consistant � consid�rer cette fois cach�, et non plus grand, comme le substantif auquel se rapporte l'adjectif grand. Ce qui ram�ne � l'interpr�tation initiale, mais aussi sugg�re que Pluton, le grandement cach�, trois fois invisible, pourrait d�sormais occuper les fonctions du "trois fois grand", Herm�s, et donner ainsi naissance � un nouvel herm�tisme, celui pr�cis�ment initi� par le devin de Salon.

Comme le premier quatrain, relatif � la premi�re plan�te trans-saturnienne, �tait command� par l'unit�, et comme le second, relatif � la seconde trans-saturnienne, l'�tait par la dualit�, le troisi�me, relatif � la troisi�me trans-saturnienne l'est par la triplicit�. Ionescu qui observe (p.234) que le mot playe commence par les deux premi�res lettres de Pluton (qui sont aussi les initiales de l'observatoire o� la plan�te fut d�couverte, Percival Lowell), ne remarque pas que les premi�res lettres des mots du premier vers (3 pour la plan�te qui introduit le vers, et 3 pour les autres termes, si l'on omet la pr�position, inexistante en latin) forment une anagramme de Pluton : LUNe Obscurcie aux Profondes Tenebres = PLUTON. Nouvelle co�ncidence, dira le sceptique, que j'invite � v�rifier s'il existe dans l'ensemble du corpus un autre vers qui v�rifie ces conditions.

D�monstration more arithmetico du bien-fond� de l'interpr�tation de Vlaicu Ionescu

"Les trois quatrains forment une unit� et n'importe quelle voie indiqu�e pour l'un d'eux est en m�me temps une invitation implicite pour suivre cette voie en ce qui concerne les autres." (Ionescu, p.225)

Dans L'�n�ide (10.175-177) de Virgile, il est question d'un devin, haruspice et astrologue, du nom d'Asilas : "le fameux interpr�te des hommes et des dieux, � qui ob�issent (et se r�v�lent) les entrailles des animaux, les astres du ciel, les langues des oiseaux et les feux proph�tiques de la foudre." Ce devin mythique est l'anc�tre du proph�te de Salon, puisque, � lui aussi se sont r�v�l�s les trois astres du ciel jusqu'alors inconnus. Les deux premiers vers des_trois_ quatrains forment un acrostiche � peine voil� : A E I A L S, soit Asilae, "� Asilas", � qui ce groupe de quatrains est d�di�.

Les noms des 3 plan�tes trans-saturniennes apparaissent dans les quatrains qui leur sont consacr�s : celui de Neptune est explicite, ceux de Pluton et d'Uranus apparaissent sous forme cod�e. L'attribution des noms des 3 trans-saturniennes par les astronomes a connu une histoire tout-�-fait rocambolesque, et les fonctions des dieux mythologiques co�ncident �troitement avec les significations qui seront ult�rieurement attribu�es aux plan�tes par les astrologues. Il est tout aussi remarquable que les embl�mes qui d�sormais repr�sentent ces plan�tes ont une tr�s curieuse ressemblance avec les figures th�matiques dress�es aux moments respectifs de leur d�couverte, co�ncidence qui semble ne pas avoir �chapp� � l'auteur des Centuries.

Le quatrain I 84 (consacr� � Pluton) indique clairement la dur�e du cycle uranien (84 ans), mais aussi le fait que Pluton a �t� d�couvert 84 ans apr�s Neptune. (Et curieusement Neptune a �t� d�couvert 65 ans apr�s Uranus, et Pluton 149 ans apr�s Uranus!)

Le quatrain IV 33 (= 333) indique les p�riodes des deux autres plan�tes, et souligne leurs harmonies : en effet 333 = 84 (Uranus) + 249 (Pluton) = 165 (Neptune) + 2 x 84 (Uranus). L'�quation des p�riodes sid�rales (Uranus + Neptune = Pluton) est remarquable, puisque l'approximation est inf�rieure � 0.1%. Le nombre 333 vaut aussi approximativement 2 fois la p�riode neptunienne (� 1.04% pr�s), ce qui est corrobor� par le fait que le quatrain semble r�gi par la dualit�, comme je l'ai montr� pr�c�demment.

Enfin le quatrain VIII 69 (= 769), consacr� � Uranus, indique la dur�e du cycle plutonien (249 ans), comme le quatrain I 84, consacr� � Pluton, indiquait celle du cycle uranien. En effet 769 = 249 (Pluton) + 520 (ou encore 84 (Uranus) + 165 (Neptune) + 520), ce dernier nombre, 520, n'�tant autre que la somme des positions �cliptiques des 3 plan�tes lors de leur d�couverte : 84� 27 + 327� 05 + 108� 14 = 519� 46, arrondi � 520�.

Les lettres initiales des deux premiers vers des trois quatrains consacr�s aux trans-saturniennes forment l'acrostiche A S I L A E, "� Asilas", devin et voyant qui est le troisi�me des quatre chefs de guerre �trusques rejoignant les troupes d'�n�e. Le vers 175 du Xe chant de Virgile commence par Tertius < ille hominum divumque interpres Asilas >. Or le dernier vers du troisi�me quatrain de Nostradamus, celui consacr� � Pluton, commence par un T, comme Trois (quatrains), comme Troisi�me(chef de guerre, chez Virgile), comme Tyrrh�niens ou encore_Toscans_, ainsi nomm�s par Virgile pour d�signer les �trusques. Et en additionnant la valeur num�rique (chiffres romains) des autres lettres choisies par Nostradamus pour introduire les vers restants, soit D D V D L, on obtient la date de la premi�re �dition des Proph�ties, � savoir 1555 ... Ainsi donc peut se lire l'acrostiche latin crypt� par Nostradamus : " � Asilas T, 1555".

Ainsi l'interpr�tation de l'ensemble de ces 3 quatrains montre que Nostradamus connaissait les noms des 3 trans-saturniennes, la dur�e de leurs p�riodes sid�rales, et leurs positions �cliptiques respectives aux jours de leur d�couverte. C.Q.F.D.

�pilogue

Baruch de Spinoza, le philosophe immoraliste, ath�e, g�n�reux, est excommuni� en 1656 par la communaut� juive d'Amsterdam. Peu lui importait, pourvu qu'on le laisse �crire, vivre sa philosophie, dress�e � l'image de son �tre : affaire vitale qui consiste � �chapper aux tyrans et aux pr�tres, comme � la servitude volontaire. "Car Spinoza fait partie des vivants-voyants. (�) Spinoza ne croyait pas dans l'espoir ni m�me dans le courage ; il ne croyait que dans la joie, et dans la vision." (Gilles Deleuze, Spinoza, Paris, P.U.F., 1970, p.20)

Mieux vaut ob�ir aux astres, et savoir les limites r�elles de son pouvoir propre dans le monde, que de se retrouver flou� et retrouss� par l'agitation sordide d'une machine qui roule dans le n�ant et qui m�ne ses techniciens, politiciens et financiers droit dans le mur. Les certitudes et les vraisemblances des sp�cialistes autoris�s sont des viatiques qui donnent le change � la d�raison et � la torpeur devant l'inconnu. Les pouvoirs, petits et grands, �tatiques ou sociaux, �conomiques et culturels, ext�rieurs ou int�rieurs, ces petits tyrans qui asservissent la conscience, se nourrissent du sentiment imb�cile du libre-arbitre de chacun, de la crainte d'en perdre l'illusion, et de l'ignorance g�n�rale quant � la nature du R�el.

Si Nostradamus a vu l'�v�nement futur briller dans la flamme, s'il l'a transcrit dans un style qui rel�gue les textes surr�alistes au rang de simples exercices de potache, et qu'un demi-mill�naire d'ex�g�se philologique n'a pas encore os� affronter, s'il l'a crypt� afin que son oeuvre traverse les si�cles annonc�s de rationalisme obscur (et malgr� l'acharnement des biblioth�ques publiques � faire dispara�tre les traces des premi�res �ditions), alors l'histoire qui s'est fondue dans le spectacle depuis quelques d�cennies, n'est que la ratification de la contemplation du proph�te proven�al. Et si l'histoire encore, est v�ritablement, depuis cinq si�cles, � la remorque des Proph�ties de Nostradamus, alors la volont� de changer les choses, l'arrogant dogme de l'id�ologie moderne, n'est rien de plus qu'un leurre (ce pour quoi Spinoza a th�oris�), et ces deux penseurs d'ascendance juive, l'un proph�te et penseur, l'autre philosophe et voyant, sont probablement les premiers pourfendeurs de l'ontologie jud�o-chr�tienne, dont la pens�e _unique_est l'ultime et le plus pitoyable avatar.

Et peu importe que la principale qualit� des Proph�ties et des_Pr�sages_ soit de simplement pr�ter � interpr�tation, si l'attention et l'�motion qu'ils suscitent sont pleinement satisfaites par l'�cho qu'ils inspirent dans la conscience, et uniquement dans celle qui saura respecter le plan d'immanence g�n�r� par l'oeuvre proph�tique : celui de la vision.

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Patrice Guinard: Nostradamus connaissait-il les plan�tes trans-saturniennes ?
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17-05-2000, last updated : 31-05-2018
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