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Papers by Jean-Claude Cheynet
choix iconographiques sont guidés par une fonction. Dans ce cas, l'appar tenance au groupe l'empo... more choix iconographiques sont guidés par une fonction. Dans ce cas, l'appar tenance au groupe l'emporte sur le choix individuel, ou plutôt l'individu choisit de se glisser dans un moule préexistant : saint Nicolas est ainsi souvent choisi par les serviteurs de l'État. Les sceaux sont donc un très bon indicateur de la popularité d'un culte. C'est pourquoi une étude de la présence des archanges ou des anges sur les sceaux peut fournir de précieuses indications sur le culte des anges. Il faut attendre les v e-vi e siècles pour commencer à trouver des sceaux bifaces portant de l'iconographie. À la fin de l'empire byzantin, les sceaux en cire beaucoup plus fragiles et donc moins souvent conservés, remplacent le plus souvent les sceaux en plomb. La documentation sigillographique n'est donc pas répartie de manière égale sur l'ensemble de l'histoire de l'empire byzantin : une petite série de sceaux portant des figures ailées date de la période protobyzantine, un grand nombre de sceaux de la période médiobyzantine, après 843, et un nombre plus limité provient des derniers siècles de l'empire byzantin. Les sceaux en plomb sont souvent réutilisés à l'intérieur de l'empire par recyclage du plomb, et il y a donc une concentration de sceaux préservés dans les régions qui ont cessé d'être sous le contrôle impérial et aux époques d'invasions : le vii e siècle, le xi e siècle en particulier. Si la figure de l'ange est très familière durant l'époque médiévale et facilement identifiable dans ses différentes formes, du séraphin à l'archange, durant les premiers siècles byzantins, les figures ailées ne sont pas nécessairement des anges et une ambiguïté existe. Ainsi par exemple, quand une figure ailée est représentée en présence de l'empereur, il faut évaluer s'il s'agit d'une Victoire ou d'un ange. Du point de vue iconographique, les deux figures peuvent être très similaires. Toutefois, les Victoires sont des figures féminines tandis que les anges sont des figures masculines, mais dépourvues de barbe 2. Les anges sont aussi présents sur les sceaux byzantins qui reprennent des images narratives illustrant la vie du Christ ou de sa mère. Dans ces cas particuliers, l'ambiguïté est levée et on peut plus clairement identifier la figure angélique car elle est citée dans les Écritures. Toutefois, en dehors de scènes narratives comme l'Annonciation, où l'on attend Gabriel, quand les anges sont représentés en groupe, ils sont anonymes. Quand il s'agit de figures ailées isolées, on peut penser qu'il s'agit de l'un des archanges. Le culte des archanges, en particulier celui de saint Michel, se développe dès la fin de l'Antiquité et tout au long du Moyen Âge. Un grand nombre de sceaux médiévaux porte la figure de l'archange saint Michel. En effet, comme chef des armées célestes, c'est une figure protectrice sous laquelle nombre de sigillants viennent s'abriter. On trouve donc trois types de figures ailées sur les sceaux : les Victoires dans la tradition romaine, les anges présents lors d'épisodes bibliques et les archanges qui sont choisis par les sigillants soit parce qu'ils portent leur prénom, soit parce qu'ils en attendant une protection particulière.
Travaux et Mémoires, 2022
Il s'agit d'observer le passage de la Victoire à l'ange, puis de voir pourquoi certains sceaux on... more Il s'agit d'observer le passage de la Victoire à l'ange, puis de voir pourquoi certains sceaux ont des images ou de scènes avec des anges
choix iconographiques sont guidés par une fonction. Dans ce cas, l'appar tenance au groupe l'empo... more choix iconographiques sont guidés par une fonction. Dans ce cas, l'appar tenance au groupe l'emporte sur le choix individuel, ou plutôt l'individu choisit de se glisser dans un moule préexistant : saint Nicolas est ainsi souvent choisi par les serviteurs de l'État. Les sceaux sont donc un très bon indicateur de la popularité d'un culte. C'est pourquoi une étude de la présence des archanges ou des anges sur les sceaux peut fournir de précieuses indications sur le culte des anges. Il faut attendre les v e-vi e siècles pour commencer à trouver des sceaux bifaces portant de l'iconographie. À la fin de l'empire byzantin, les sceaux en cire beaucoup plus fragiles et donc moins souvent conservés, remplacent le plus souvent les sceaux en plomb. La documentation sigillographique n'est donc pas répartie de manière égale sur l'ensemble de l'histoire de l'empire byzantin : une petite série de sceaux portant des figures ailées date de la période protobyzantine, un grand nombre de sceaux de la période médiobyzantine, après 843, et un nombre plus limité provient des derniers siècles de l'empire byzantin. Les sceaux en plomb sont souvent réutilisés à l'intérieur de l'empire par recyclage du plomb, et il y a donc une concentration de sceaux préservés dans les régions qui ont cessé d'être sous le contrôle impérial et aux époques d'invasions : le vii e siècle, le xi e siècle en particulier. Si la figure de l'ange est très familière durant l'époque médiévale et facilement identifiable dans ses différentes formes, du séraphin à l'archange, durant les premiers siècles byzantins, les figures ailées ne sont pas nécessairement des anges et une ambiguïté existe. Ainsi par exemple, quand une figure ailée est représentée en présence de l'empereur, il faut évaluer s'il s'agit d'une Victoire ou d'un ange. Du point de vue iconographique, les deux figures peuvent être très similaires. Toutefois, les Victoires sont des figures féminines tandis que les anges sont des figures masculines, mais dépourvues de barbe 2. Les anges sont aussi présents sur les sceaux byzantins qui reprennent des images narratives illustrant la vie du Christ ou de sa mère. Dans ces cas particuliers, l'ambiguïté est levée et on peut plus clairement identifier la figure angélique car elle est citée dans les Écritures. Toutefois, en dehors de scènes narratives comme l'Annonciation, où l'on attend Gabriel, quand les anges sont représentés en groupe, ils sont anonymes. Quand il s'agit de figures ailées isolées, on peut penser qu'il s'agit de l'un des archanges. Le culte des archanges, en particulier celui de saint Michel, se développe dès la fin de l'Antiquité et tout au long du Moyen Âge. Un grand nombre de sceaux médiévaux porte la figure de l'archange saint Michel. En effet, comme chef des armées célestes, c'est une figure protectrice sous laquelle nombre de sigillants viennent s'abriter. On trouve donc trois types de figures ailées sur les sceaux : les Victoires dans la tradition romaine, les anges présents lors d'épisodes bibliques et les archanges qui sont choisis par les sigillants soit parce qu'ils portent leur prénom, soit parce qu'ils en attendant une protection particulière.
Saeculum, 2014
La puissance et donc la gloire de l’Empire reposaient sur l’octroi des dignités, selon l’expressi... more La puissance et donc la gloire de l’Empire reposaient sur l’octroi des dignités, selon l’expression fameuse de Michel Psellos (1018–1078)1, qui, ayant un temps servi de secrétaire à l’empereur Constantin IX Monomaque (1042–1055) pour rédiger une partie de sa correspondance diplomatique, était bien placé pour apprécier la valeur des dignités octroyées par les basileis. Celles-ci représentaient un pilier majeur de la société byzantine, permettant au détenteur de l’une d’elles de se situer au sein de la hiérarchie sociale. Rappelons que les dignités étaient accompagnées, sauf en temps de crise financière aiguë, d’un traitement (ou roga), dont le niveau dépendait de leur importance : ainsi, un protospathaire, titulaire de la première des dignités ouvrant les portes du Sénat, recevait chaque année, lors de la semaine pascale, soixante-douze pièces d’or. L’empereur, situé au sommet de la pyramide sociale, pouvait accumuler des biens immenses et rester constamment la principale source d’enrichissement pour l’aristocratie. Le basileus disposait non seulement de l’argent des impôts, mais aussi d’un volant de propriétés foncières et d’une masse d’objets, précieux à divers titres : tissus de soie, vêtements luxueux, bijoux, orfèvrerie, émaux, ivoires, portes de bronze et surtout reliques. Dans une société où la production n’augmente que lentement, les stocks, sauf en ce qui concerne les textiles, restent assez stables, sauf au moment des triomphes militaires lorsque le butin acquis est considérable. La possession de ces objets, qui, en plus de leur valeur, portaient un capital de prestige, résultait nécessairement de leur circulation au sein des élites sociales. Aujourd’hui cette circulation est assurée par le commerce, mais au Moyen Âge, si cette forme de transfert n’est pas inconnue, le gros des acquisitions passe par les dons ou le paiement des rogai. Rien n’illustre mieux ce rôle de l’empereur que le commentaire de Michel Attaleiatès (ca. 1020/1030–après avril 1078), thuriféraire de l’empereur Nicéphore Botaneiatès, sur sa générosité lors de son avènement en 1078. Selon Attaleiatès, les pauvres de la capitale devinrent riches, tellement les sénateurs furent comblés de bienfaits par le nouveau basileus2. Même si le compliment de l’historien laisse sceptique, la preuve est faite que donner aux élites finit par profiter à tous, car le chef de famille fait profiter de sa bonne fortune tout son oikos, constitué de sa famille proche, des
Travaux et Mémoires t. 26
Mélanges J. Howard Johnston, 2022
choix iconographiques sont guidés par une fonction. Dans ce cas, l'appar tenance au groupe l'empo... more choix iconographiques sont guidés par une fonction. Dans ce cas, l'appar tenance au groupe l'emporte sur le choix individuel, ou plutôt l'individu choisit de se glisser dans un moule préexistant : saint Nicolas est ainsi souvent choisi par les serviteurs de l'État. Les sceaux sont donc un très bon indicateur de la popularité d'un culte. C'est pourquoi une étude de la présence des archanges ou des anges sur les sceaux peut fournir de précieuses indications sur le culte des anges. Il faut attendre les v e-vi e siècles pour commencer à trouver des sceaux bifaces portant de l'iconographie. À la fin de l'empire byzantin, les sceaux en cire beaucoup plus fragiles et donc moins souvent conservés, remplacent le plus souvent les sceaux en plomb. La documentation sigillographique n'est donc pas répartie de manière égale sur l'ensemble de l'histoire de l'empire byzantin : une petite série de sceaux portant des figures ailées date de la période protobyzantine, un grand nombre de sceaux de la période médiobyzantine, après 843, et un nombre plus limité provient des derniers siècles de l'empire byzantin. Les sceaux en plomb sont souvent réutilisés à l'intérieur de l'empire par recyclage du plomb, et il y a donc une concentration de sceaux préservés dans les régions qui ont cessé d'être sous le contrôle impérial et aux époques d'invasions : le vii e siècle, le xi e siècle en particulier. Si la figure de l'ange est très familière durant l'époque médiévale et facilement identifiable dans ses différentes formes, du séraphin à l'archange, durant les premiers siècles byzantins, les figures ailées ne sont pas nécessairement des anges et une ambiguïté existe. Ainsi par exemple, quand une figure ailée est représentée en présence de l'empereur, il faut évaluer s'il s'agit d'une Victoire ou d'un ange. Du point de vue iconographique, les deux figures peuvent être très similaires. Toutefois, les Victoires sont des figures féminines tandis que les anges sont des figures masculines, mais dépourvues de barbe 2. Les anges sont aussi présents sur les sceaux byzantins qui reprennent des images narratives illustrant la vie du Christ ou de sa mère. Dans ces cas particuliers, l'ambiguïté est levée et on peut plus clairement identifier la figure angélique car elle est citée dans les Écritures. Toutefois, en dehors de scènes narratives comme l'Annonciation, où l'on attend Gabriel, quand les anges sont représentés en groupe, ils sont anonymes. Quand il s'agit de figures ailées isolées, on peut penser qu'il s'agit de l'un des archanges. Le culte des archanges, en particulier celui de saint Michel, se développe dès la fin de l'Antiquité et tout au long du Moyen Âge. Un grand nombre de sceaux médiévaux porte la figure de l'archange saint Michel. En effet, comme chef des armées célestes, c'est une figure protectrice sous laquelle nombre de sigillants viennent s'abriter. On trouve donc trois types de figures ailées sur les sceaux : les Victoires dans la tradition romaine, les anges présents lors d'épisodes bibliques et les archanges qui sont choisis par les sigillants soit parce qu'ils portent leur prénom, soit parce qu'ils en attendant une protection particulière.
Travaux et Mémoires, 2022
Il s'agit d'observer le passage de la Victoire à l'ange, puis de voir pourquoi certains sceaux on... more Il s'agit d'observer le passage de la Victoire à l'ange, puis de voir pourquoi certains sceaux ont des images ou de scènes avec des anges
choix iconographiques sont guidés par une fonction. Dans ce cas, l'appar tenance au groupe l'empo... more choix iconographiques sont guidés par une fonction. Dans ce cas, l'appar tenance au groupe l'emporte sur le choix individuel, ou plutôt l'individu choisit de se glisser dans un moule préexistant : saint Nicolas est ainsi souvent choisi par les serviteurs de l'État. Les sceaux sont donc un très bon indicateur de la popularité d'un culte. C'est pourquoi une étude de la présence des archanges ou des anges sur les sceaux peut fournir de précieuses indications sur le culte des anges. Il faut attendre les v e-vi e siècles pour commencer à trouver des sceaux bifaces portant de l'iconographie. À la fin de l'empire byzantin, les sceaux en cire beaucoup plus fragiles et donc moins souvent conservés, remplacent le plus souvent les sceaux en plomb. La documentation sigillographique n'est donc pas répartie de manière égale sur l'ensemble de l'histoire de l'empire byzantin : une petite série de sceaux portant des figures ailées date de la période protobyzantine, un grand nombre de sceaux de la période médiobyzantine, après 843, et un nombre plus limité provient des derniers siècles de l'empire byzantin. Les sceaux en plomb sont souvent réutilisés à l'intérieur de l'empire par recyclage du plomb, et il y a donc une concentration de sceaux préservés dans les régions qui ont cessé d'être sous le contrôle impérial et aux époques d'invasions : le vii e siècle, le xi e siècle en particulier. Si la figure de l'ange est très familière durant l'époque médiévale et facilement identifiable dans ses différentes formes, du séraphin à l'archange, durant les premiers siècles byzantins, les figures ailées ne sont pas nécessairement des anges et une ambiguïté existe. Ainsi par exemple, quand une figure ailée est représentée en présence de l'empereur, il faut évaluer s'il s'agit d'une Victoire ou d'un ange. Du point de vue iconographique, les deux figures peuvent être très similaires. Toutefois, les Victoires sont des figures féminines tandis que les anges sont des figures masculines, mais dépourvues de barbe 2. Les anges sont aussi présents sur les sceaux byzantins qui reprennent des images narratives illustrant la vie du Christ ou de sa mère. Dans ces cas particuliers, l'ambiguïté est levée et on peut plus clairement identifier la figure angélique car elle est citée dans les Écritures. Toutefois, en dehors de scènes narratives comme l'Annonciation, où l'on attend Gabriel, quand les anges sont représentés en groupe, ils sont anonymes. Quand il s'agit de figures ailées isolées, on peut penser qu'il s'agit de l'un des archanges. Le culte des archanges, en particulier celui de saint Michel, se développe dès la fin de l'Antiquité et tout au long du Moyen Âge. Un grand nombre de sceaux médiévaux porte la figure de l'archange saint Michel. En effet, comme chef des armées célestes, c'est une figure protectrice sous laquelle nombre de sigillants viennent s'abriter. On trouve donc trois types de figures ailées sur les sceaux : les Victoires dans la tradition romaine, les anges présents lors d'épisodes bibliques et les archanges qui sont choisis par les sigillants soit parce qu'ils portent leur prénom, soit parce qu'ils en attendant une protection particulière.
Saeculum, 2014
La puissance et donc la gloire de l’Empire reposaient sur l’octroi des dignités, selon l’expressi... more La puissance et donc la gloire de l’Empire reposaient sur l’octroi des dignités, selon l’expression fameuse de Michel Psellos (1018–1078)1, qui, ayant un temps servi de secrétaire à l’empereur Constantin IX Monomaque (1042–1055) pour rédiger une partie de sa correspondance diplomatique, était bien placé pour apprécier la valeur des dignités octroyées par les basileis. Celles-ci représentaient un pilier majeur de la société byzantine, permettant au détenteur de l’une d’elles de se situer au sein de la hiérarchie sociale. Rappelons que les dignités étaient accompagnées, sauf en temps de crise financière aiguë, d’un traitement (ou roga), dont le niveau dépendait de leur importance : ainsi, un protospathaire, titulaire de la première des dignités ouvrant les portes du Sénat, recevait chaque année, lors de la semaine pascale, soixante-douze pièces d’or. L’empereur, situé au sommet de la pyramide sociale, pouvait accumuler des biens immenses et rester constamment la principale source d’enrichissement pour l’aristocratie. Le basileus disposait non seulement de l’argent des impôts, mais aussi d’un volant de propriétés foncières et d’une masse d’objets, précieux à divers titres : tissus de soie, vêtements luxueux, bijoux, orfèvrerie, émaux, ivoires, portes de bronze et surtout reliques. Dans une société où la production n’augmente que lentement, les stocks, sauf en ce qui concerne les textiles, restent assez stables, sauf au moment des triomphes militaires lorsque le butin acquis est considérable. La possession de ces objets, qui, en plus de leur valeur, portaient un capital de prestige, résultait nécessairement de leur circulation au sein des élites sociales. Aujourd’hui cette circulation est assurée par le commerce, mais au Moyen Âge, si cette forme de transfert n’est pas inconnue, le gros des acquisitions passe par les dons ou le paiement des rogai. Rien n’illustre mieux ce rôle de l’empereur que le commentaire de Michel Attaleiatès (ca. 1020/1030–après avril 1078), thuriféraire de l’empereur Nicéphore Botaneiatès, sur sa générosité lors de son avènement en 1078. Selon Attaleiatès, les pauvres de la capitale devinrent riches, tellement les sénateurs furent comblés de bienfaits par le nouveau basileus2. Même si le compliment de l’historien laisse sceptique, la preuve est faite que donner aux élites finit par profiter à tous, car le chef de famille fait profiter de sa bonne fortune tout son oikos, constitué de sa famille proche, des
Travaux et Mémoires t. 26
Mélanges J. Howard Johnston, 2022