Elisabeth Plas | Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle (original) (raw)
Papers by Elisabeth Plas
Le conseil de rédaction de la revue Romantisme a décidé de programmer un numéro théorique consacr... more Le conseil de rédaction de la revue Romantisme a décidé de programmer un numéro théorique consacré à la Zoopoétique, qui paraîtra en janvier 2026. Il s'agira d'interroger les effets de la présence animale sur les poétiques du XIX e siècle, tous genres et registres confondus, afin de contribuer en dix-neuviémistes aux réflexions théoriques actuelles sur les représentations de l'animal et de l'animalité en littérature. Le numéro se propose ainsi de faire le point sur ce courant critique, la zoopoétique, en envisageant ses possibles développements et en observant ses champs d'application. Les propositions d'articles (un titre, une demi page de texte rédigé et une biobibliographie de quelques lignes) sont à envoyer à elisabethplas@gmail.com avant l5 décembre 2024. La date de remise des articles qui auront été acceptés est fixée au 30 mai 2025. *** Depuis une vingtaine d'années, les recherches sur l'animal et l'animalité dans la littérature française et francophone prennent une ampleur considérable, se structurent collectivement et illustrent une forme féconde d'interdisciplinarité entre les études littéraires, les sciences dites humaines (philosophie, anthropologie, histoire, archéozoologie, psychologie, sociologie…) et les sciences dites naturelles (éthologie, biologie, écologie…). À la manière des Gender studies et des Postcolonial studies, les Animal Studies anglo-saxonnes réunissent des spécialistes de disciplines variées et sont issues à l'origine d'un militantisme politique et intellectuel qui les rendent indissociables du mouvement de libération animale et du questionnement éthique du philosophe australien Peter Singer 1 sur la domination dite spéciste. Cette pratique des Études animalesque l'on peut dire « animalistes » en ce qu'elles revendiquent une défense politique et éthique des animauxfait toutefois peu de place à la littérature et ne sélectionne souvent, dans les vastes corpus, que les oeuvres elles-mêmes jugées animalistes. En se livrant à une évaluation purement axiologique des oeuvres, une partie des Animal Studies anglo-saxonnes s'est concentrée sur un corpus restreint de ces oeuvres que l'on dit « à thèse » (comme Elizabeth Costello de J. M. Coetzee, par exemple), laissant de côté les représentations complexes, ambiguës, figurées, amorales ou immorales des relations entre hommes et bêtes, ou des formes et des genres (comme la fable ou le conte) supposés reconduire la domination symbolique spéciste de l'homme sur les autres animaux. À partir des années 2000 et surtout 2010, les Études animales littéraires se sont développées en France, en mobilisant leurs propres références théoriques et outils conceptuels, et en se déliant souvent de leurs origines militantes, pour ouvrir la voie à d'autres perspectives critiques. Fédérées en France par Anne Simon, à qui l'imaginaire de l'arche est cher, les Études animales littéraires ont choisi de « prendre en considération ce que la littérature avait à dire 2 » et de recentrer le questionnement sur ses moyens d'expression singuliers et sur les savoirs spécifiques qu'elle façonnait sur les bêtes (attribuant ainsi à la littérature une place centrale dans le dialogue interdisciplinaire). Les deux projets d'envergure pilotés par Anne Simon, « Animalittérature » et « Animots », furent tous deux centrés sur la littérature et sur la langue, comme l'indiquent les néologismes (tous deux forgés par Derrida) retenus pour titres 3 . Si quelques spécialistes de la littérature du XIX e siècle ont ponctuellement participé à ces projets (Paule Petitier et Hugues Marchal, notamment), les membres des deux programmes étaient toutes et tous spécialistes de la littérature des XX e -XXI e siècles, et il en va de même du colloque de clôture du projet « Animots »
Acta Fabula, 2021
Entre les lignes des textes, entre les lignes de nos vies, se nichent des animaux qui nous fascin... more Entre les lignes des textes, entre les lignes de nos vies, se nichent des animaux qui nous fascinent, nous étonnent et nous charment. Ces bêtes hantent les pages de nos livres, les habitent, bruyamment ou discrètement, sur le devant de la scène ou en sourdine, de leur animale étrangeté. Tissés par nos mots, elles ne nous en demeurent pas moins mystérieuses, et ne cessent de nous enchanter. Le dernier essai d'Anne Simon leur est consacré et envisage la complexité des rapports entre humains et animaux au prisme du langage, des récits, des mythes fondateurs et de l'imagination des écrivains. Il a pour sujet les animaux autant que les animots, selon le néologisme de Derrida 1êtres de papier, chimères linguistiques, mais aussi êtres de récit, euxmêmes narrateurs de leurs propres histoires, créateurs du tracé de leurs vies. Car les mots ne sont pas étrangers aux animaux : c'est là le point de départ d'Une Bête entre les lignes. Si l'animal a trop longtemps et trop souvent été considéré comme l'autre du logos, comme étranger au discours, à la rationalité et au langage articulé, Anne Simon rappelle que l'animal est loin d'être « hors-langue », comme l'ont pressenti tant d'écrivains et d'écrivaines et comme l'illustraient tant de mythes qui « n'ont eu de cesse d'intégrer l'animalité dans la sphère créatrice et agissante du Verbe » (p. 20). Il est dans le soufflesouffle sans lequel, pas de langage-, dans la vibration des cordes vocales, dans le travail du larynx, dans nos cris, nos respirations. Il est à la lisière de notre langage, et le langage lui-même est en retour traversé par un souffle vital, habité par une faune sauvage et domestique, et tissé à même la vie. À l'origine de cet essai de zoopoétique donc, le refus de percevoir le langage comme une abstraction, la mémoire du souffle vital qui l'habite, le souvenir des langues animales que les hommes ont eu tort d'oublier et la curiosité pour les histoires animalescelles imaginées par les hommes, et celles inventées par les animaux eux-mêmes. Zoopoétique : mise à nu, déplacements et déterritorialisation La zoopoétique est fille de cette conception vitaliste du langage qu'Anne Simon a commencé à élaborer dans ses précédents travaux sur les rapports sensibles entre l'écriture et 1
Romantisme, 2024
Le dernier essai de Robert Sayre et Michael Löwy, Romantisme anticapitaliste et nature, s'inscrit... more Le dernier essai de Robert Sayre et Michael Löwy, Romantisme anticapitaliste et nature, s'inscrit dans la lignée des réflexions menées par les deux auteurs depuis une trentaine d'années sur ce qu'ils nommaient eux-mêmes le romantisme à contre-courant de la modernité (1992). Comme dans leurs précédents ouvrages, Révolte et mélancolie (Payot, 1992) et Esprits de feu. Figures du romantisme anticapitaliste (Éditions du Sandre, 2010), Löwy et Sayre défendent une lecture marxiste du romantisme, qu'ils conçoivent comme une vision du monde, au sens où l'entend Lucien Goldmann, ayant pour principe directeur une opposition à la modernité capitaliste. Ce que le romantisme refuse dans la société moderne, c'est le désenchantement du monde-selon l'expression de Schiller reprise par Max Weber-, la rationalisation abstraite, la mécanisation et la dissolution des liens sociaux, et ce refus s'exprime dans diverses formes d'art, de discours et de vie, depuis les origines du capitalisme, jusqu'à nos jours. En effet, l'hypothèse première de leur réflexion est la suivante : le romantisme, dans son essence même et dans toutes ses expressions, est anticapitaliste, et perdurera aussi longtemps que le système capitaliste lui-même, comme une autocritique culturelle de la modernité, renouvelant, jusqu'à nos jours, les formes, les armes et les objets de sa critique. Dans un parcours historique qui ne comporte aucun exemple français, les six chapitres monographiques explorent différentes figures de ce romantisme rouge et vert : le naturaliste américain William Bartram, l'artiste américain Thomas Cole, considéré comme le fondateur de la Hudson River School, l'artiste et artisan britannique William Morris, qui occupait déjà une place importante dans Révolte et mélancolie, les philosophes et critiques littéraires Walter Benjamin et Raymond Williams, et enfin, de manière plus déconcertante encore, la journaliste altermondialiste canadienne Naomi Klein, qualifiée de « guerrière climatique du XXI e siècle » par les auteurs, qui affirment son appartenance inconsciente à « l'univers culturel de l'anticapitalisme romantique » (p. 186), avec lequel elle n'entretient pourtant que peu de liens. Concis, clair et ambitieux, l'essai de Löwy et Sayre est le prolongement attendu des précédents, en ce qu'il envisage désormais la dimension écologique de la protestation romantique contre la civilisation moderne. En se livrant à une réhabilitation « écosocialiste » du romantisme, pour reprendre un terme revendiqué par Löwy, les auteurs adoptent une conception hétérodoxe du romantisme, souvent perçu comme une réaction conservatrice à la Révolution française, et du marxisme, dont la critique des conséquences destructrices du capitalisme sur l'environnement naturel n'a été mise en évidence que dans de récentes relectures de Marx et Engels. Georg Lukács lui-même, à qui les auteurs attribuent le concept de romantisme anticapitaliste, y voit une idéologie réactionnaire. Le romantisme des auteurs, sociologues de la littérature et des intellectuels, n'est donc ni tout à fait celui de la critique marxiste ni celui de l'écocritique. Dans les pages qui leurs sont consacrées en introduction, les auteurs reprochent aux études environnementales de ne voir le romantisme que comme l'origine de la pensée écologique, plutôt que comme une « présence continue dans l'histoire des représentations écologiques » (p. 28), qui ne s'est pas achevée au milieu du XIX e siècle et reste aujourd'hui d'actualité. Il en va d'un autre rapport à l'histoire et d'une réinterprétation du romantisme, non comme période historique ou comme mouvement littéraire et artistique, mais comme une philosophie dont la gestation est longue. Selon les auteurs, la singularité du romantisme, qui le distingue d'autres pensées anticapitalistes, serait sa contestation de « la modernité capitaliste-industrielle au nom de valeurs passées, prémodernes ou précapitalistes » (p. 12). Ce « détour par le passé » (p. 12) est le propre du « régime d'historicité romantique » identifié par l'historien Jérôme Baschet (2018, p. 66), qui accompagnerait comme son ombre le présentisme et la croyance en un progrès souhaitable et inéluctable, caractéristique du « régime moderne d'historicité » mis en évidence par François Hartog. Cette idée directrice, déclinée dans chaque chapitre, est en elle-même discutable et conduit à exclure du corpus des auteurs tels que Jules Michelet, Charles Fourier ou George Sand, dont la critique de la
Actes du colloque "Michelet et Hugo comme penseurs"
Parlements, 2022
Aux lendemains de la Révolution, s'ouvre, selon l'expression de François Hartog 1 , un nouveau ré... more Aux lendemains de la Révolution, s'ouvre, selon l'expression de François Hartog 1 , un nouveau régime d'historicité, marqué par le sentiment d'accélération du temps et d'une fuite en avant qui semble interdire toute stabilité. Face aux bouleversements du monde des hommes, le monde naturel apparaît à certains comme le lieu de l'immuable, de l'éternel retour du même, et à d'autres, comme un miroir ou prolongement du monde des hommes, traversé par les mêmes bouleversements que lui. Les cigognes de Chateaubriand incarnent bien la première représentation, duelle et scindée, opposant les rythmes imprévisibles et capricieux de l'histoire humaine aux cycles rassurants de la nature : Cette mobilité des choses humaines est d'autant plus frappante, qu'elle contraste avec l'immobilité du reste de la nature. Comme pour insulter à l'instabilité des sociétés humaines, les animaux même n'éprouvent ni bouleversements dans leurs empires, ni altération dans leurs moeurs. J'avais vu, lorsque nous étions sur la colline du Musée, des cigognes se former en bataillon, et prendre leur vol vers l'Afrique. Depuis deux mille ans elles font ainsi le même voyage ; elles sont restées libres et heureuses dans la ville de Solon comme dans la ville du chef des eunuques noirs. Du haut de leurs nids, que les révolutions ne peuvent atteindre, elles ont vu au-dessous d'elles changer la race des mortels : tandis que des générations impies se sont élevées sur les tombeaux des générations religieuses, la jeune cigogne a toujours nourri son vieux père 2 .
Cahier d'histoire, 2022
, CRP19) est docteure en littérature française, spécialiste de la représentation des animaux au X... more , CRP19) est docteure en littérature française, spécialiste de la représentation des animaux au XIX e siècle. Résumé : Cet article est une contribution à l'histoire des animaux et particulièrement à l'histoire des points de vue sur la domestication. Alors que le rapport aux animaux est encore perçu comme un territoire de naturalité, cet article montre à partir de la nouvelle de Balzac Une Passion dans le désert que les relations qui se nouent entre hommes et animaux sont sociales et politiques. La rencontre extraordinaire entre un soldat français et une panthère pendant la campagne napoléonienne en Égypte dialogue avec les thèses contemporaines sur la domestication, allégorise les rapports pratiques et fantasmatiques entre colons et indigènes, tout en imaginant d'autres relations possibles et alternatives entre hommes et animaux. Mots-clés : Histoire des animaux ; domestication ; Balzac ; zoopoétique ; orientalisme ; études animales.
Genesis Manuscrits Recherche Invention, Apr 10, 2012
2. Nous nous référerons aux deux volumes disponibles à la Bibliothèque historique de la Ville de ... more 2. Nous nous référerons aux deux volumes disponibles à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris du manuscrit intitulé simplement « La Mer », et qui malheureusement n'a pas encore de cote. 3.
Mémoires du livre, 2014
Alphonse Toussenel est un naturaliste français atypique, marginal sociologiquement et philosophiq... more Alphonse Toussenel est un naturaliste français atypique, marginal sociologiquement et philosophiquement dans le champ institutionnel des savoirs du xixe siècle. Son projet de « zoologie passionnelle », tel qu’il le développe dans L’Esprit des bêtes, publié en 1847, se construit à rebours de la doxa scientifique de son époque. D’édition en édition, une entreprise de légitimation se fait jour, du côté de la production comme de la réception du texte, alors même que Toussenel consolide un éthos auctorial offensif. À partir d’une étude du paratexte, cet article s’intéresse aux stratégies éditoriales parfois contradictoires qui ont accompagné la publication de cette oeuvre inclassable, et dont l’évolution semble révélatrice d’une progressive recomposition du champ des savoirs. Après avoir tenté de hiérarchiser les divers processus de marginalisation dont L’Esprit des bêtes a fait l’objet, nous avancerons l’hypothèse d’un Toussenel anachronique, en nous appuyant notamment sur l’enthousiasm...
La « vraie fleur du monde » et le « plaisir des tyrans ». Lecture écoféministe de l'histoire natu... more La « vraie fleur du monde » et le « plaisir des tyrans ». Lecture écoféministe de l'histoire naturelle de Michelet.
Itinéraires. Littérature, textes, cultures., 2020
Fabrique des valeurs dans la littérature du XIX e siècle, Presses Universitaires de Bordeaux, col... more Fabrique des valeurs dans la littérature du XIX e siècle, Presses Universitaires de Bordeaux, coll. « Sémaphore », 2017, EAN 9791030001167.
« La chatte est la bête noire du moineau franc, emblème des ardentes et fidèles amours. Elle est ... more « La chatte est la bête noire du moineau franc, emblème des ardentes et fidèles amours. Elle est en relation de sympathie avec l'asperge, emblème parlant des amours tarifées que protège la police. » 1 Ces mots d'Alphonse Toussenel sont représentatifs de son oeuvre et de sa pensée. Ils se trouvent au coeur d'un ouvrage de zoologie dont le titre les éclaire un peu : L'Esprit des bêtes. Essai de zoologie passionnelle. Tout, dans ces deux phrases, surprend, à commencer par leur vocabulaire et l'idée même que des animaux ou des végétaux puissent être des emblèmes et entretenir, en vertu de ces relations emblématiques, des rapports d'antipathie ou de sympathie. C'est de cette surprise, et de l'écart qui s'est creusé entre cette pensée et la nôtre, que nous aimerions parler.
Cette phrase de Michelet, située dans un chapitre de La Mer intitulé « La mer de lait », sonne co... more Cette phrase de Michelet, située dans un chapitre de La Mer intitulé « La mer de lait », sonne comme un effort pour se prémunir -mais en vain -contre ceux qui ont fait et qui feront de lui un poète, un affabulateur qui donne autant de créance aux légendes populaires qu'aux écrits scientifiques des naturalistes de son temps et du XVIII e siècle. Pour qui lit la tétralogie naturaliste 2 de Michelet, il ne fait aucun doute que celle-ci fait la part belle à l'imagination et même au fantasme, de sorte que les interprétations d'un Barbey d'Aurevilly ou d'un Taine 3 , bien que naïves, reflètent probablement, aujourd'hui encore, le premier mouvement du lecteur face à ces oeuvres d'un genre qui nous est devenu inhabituel.
Existe-t-il […] quelque chose de plus charmant, de plus fertile, et d'une nature plus positivemen... more Existe-t-il […] quelque chose de plus charmant, de plus fertile, et d'une nature plus positivement excitante que le lieu commun ? » 1 demandait Baudelaire dans une lettre à « Monsieur le directeur de la Revue française », exprimant ainsi un intérêt profondément moderne, qu'il partagea avec Flaubert, pour les idées reçues et pour l'emploi d'images usées qui, à force d'usage artistique, sont devenues des clichés. La métaphore de la femme-panthère est sans doute de celles-ci, tant elle constitue un topos de la rhétorique amoureuse, dont Baudelaire lui-même a perçu et exploité l'incroyable « fertilité », comme avant lui Balzac, et après lui Barbey d'Aurevilly. L'emploi littéraire et pictural de la femme-panthère est très documenté, en particulier au XIX e siècle. La preuve en est que le terme « panthère » se met à désigner, dans les années 1840, outre l'animal, la courtisane. Cette polysémie nouvelle, et la possible syllepse de sens qui en découle, ouvre des horizons prometteurs à des auteurs désireux de jouer des ambiguïtés et proximités de la félinité et de la féminité. Le génie de Balzac entre tous fut probablement d'explorer à la fois la polysémie et la réversibilité de la métaphore pour en libérer les potentialités narratives et poétiques, tout en mettant au jour ses soubassements philosophiques et épistémologiques. Dans La Fille aux yeux d'or, Paquita Valdès est l'archétype de la femme féline : si ses bonds agiles et son regard magnétique faisaient déjà d'elle une chatte, son statut de courtisane et son exotisme, qui la marginalisent dans l'espace social comme dans l'imaginaire géographique, font d'elle une panthère, dans les deux sens, animal et érotique, littéral et figuré, du terme. Quelques 40 ans plus tard, Barbey d'Aurevilly proposera une réécriture du roman balzacien dans la dernière nouvelle des Diaboliques, intitulée La Vengeance d'une femme, après avoir gratifié ses lecteurs de l'extraordinaire face à face d'une femme et d'une panthère de Java au Jardin des Plantes, dans l'incipit du Bonheur dans le crime, -face à face qui mériterait d'ailleurs d'être relu à partir de la scène inaugurale de La Féline, film d'épouvante de Jacques Tourneur réalisé en 1942, qui lui aussi met en miroir, de manière plus inquiétante encore, une panthère noire en cage et 1 Baudelaire, Curiosités esthétiques, « Salon de 1859 », Paris, Lemerre, s. d., p. 230.
Genesis, Jan 1, 2012
Intertextualité, Métatextualité et Architextualité dans un texte d'histoire naturelle : Etude gén... more Intertextualité, Métatextualité et Architextualité dans un texte d'histoire naturelle : Etude génétique du chapitre « Fécondité » de La Mer de Michelet. » Elisabeth Plas Les manuscrits du chapitre « Fécondité » 1 de l'ouvrage de Michelet intitulé La Mer, troisième volet publié en 1861 de son cycle naturaliste commencé avec L'Oiseau en 1856, et poursuivit en 1858 avec L'Insecte, lorsqu'on les découvre pour la première fois, à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris 2 , semblent d'abord particulièrement « lisibles », du moins si on les compare à ceux de Flaubert ou de Joyce par exemple. Les manuscrits appartenant à la phase rédactionnelle sont tous relativement propres, ordonnés, et il arrive même de trouver de longs passages sans ratures et laissés tels quels jusqu'à l'édition finale.
Drafts by Elisabeth Plas
La thèse que je présente, préparée sous la direction de Paolo Tortonese de 2013 à 2017, porte sur... more La thèse que je présente, préparée sous la direction de Paolo Tortonese de 2013 à 2017, porte sur les manières dont l'animal a été pensé et représenté au XIX e siècle en France. En réfléchissant aux formes et aux enjeux de l'anthropomorphisme de l'animal, j'ai voulu décrire certaines manières de penser le monde à travers l'analogie dans la période romantique, entendue dans un sens large : de la Révolution au Second Empire. Le sujet de l'anthropomorphisme peut surprendre : caractérisé comme une illusion ou une erreur, il serait un obstacle à la connaissance et à la recherche de la vérité. Comme d'autres types de métaphores, l'anthropomorphisme est une construction discursive particulière dans laquelle s'entend une subjectivité, en même temps qu'un imaginaire commun. Pour cette raison, on peut espérer entendre, dans les métaphores anthropomorphiques, l'expression d'une vision personnelle et d'un rapport intime à l'animal, autant qu'un accès aux stéréotypes et à l'imaginaire de l'époque romantique que les métaphores construisent, transmettent et restructurent.
Pour la troisième année consécutive, les doctorants du Centre de Recherches sur les Poétiques du ... more Pour la troisième année consécutive, les doctorants du Centre de Recherches sur les Poétiques du XIXe siècle (CRP19-Paris III Sorbonnenouvelle) mettront à l'honneur, lors d'une journée d'études, une oeuvre du XIX e siècle, pour concentrer autour d'elle les méthodes et savoirs de chacun. Cette année, notre journée sera consacrée à La Mer de Michelet. Ce choix d'un texte non fictionnel peut surprendre ou rebuter : qui a lu Michelet et pourquoi le spécialiste de littérature s'embarrasserait-il d'histoire naturelle, de méduses et autres polypes ? Pour une raison simple : La Mer est une oeuvre fondamentalement romantique, un chant lyrique et épique, entre rêverie poétique et exploration scientifique, synthétisant tous les savoirs pour plonger au coeur du vivant.
Le conseil de rédaction de la revue Romantisme a décidé de programmer un numéro théorique consacr... more Le conseil de rédaction de la revue Romantisme a décidé de programmer un numéro théorique consacré à la Zoopoétique, qui paraîtra en janvier 2026. Il s'agira d'interroger les effets de la présence animale sur les poétiques du XIX e siècle, tous genres et registres confondus, afin de contribuer en dix-neuviémistes aux réflexions théoriques actuelles sur les représentations de l'animal et de l'animalité en littérature. Le numéro se propose ainsi de faire le point sur ce courant critique, la zoopoétique, en envisageant ses possibles développements et en observant ses champs d'application. Les propositions d'articles (un titre, une demi page de texte rédigé et une biobibliographie de quelques lignes) sont à envoyer à elisabethplas@gmail.com avant l5 décembre 2024. La date de remise des articles qui auront été acceptés est fixée au 30 mai 2025. *** Depuis une vingtaine d'années, les recherches sur l'animal et l'animalité dans la littérature française et francophone prennent une ampleur considérable, se structurent collectivement et illustrent une forme féconde d'interdisciplinarité entre les études littéraires, les sciences dites humaines (philosophie, anthropologie, histoire, archéozoologie, psychologie, sociologie…) et les sciences dites naturelles (éthologie, biologie, écologie…). À la manière des Gender studies et des Postcolonial studies, les Animal Studies anglo-saxonnes réunissent des spécialistes de disciplines variées et sont issues à l'origine d'un militantisme politique et intellectuel qui les rendent indissociables du mouvement de libération animale et du questionnement éthique du philosophe australien Peter Singer 1 sur la domination dite spéciste. Cette pratique des Études animalesque l'on peut dire « animalistes » en ce qu'elles revendiquent une défense politique et éthique des animauxfait toutefois peu de place à la littérature et ne sélectionne souvent, dans les vastes corpus, que les oeuvres elles-mêmes jugées animalistes. En se livrant à une évaluation purement axiologique des oeuvres, une partie des Animal Studies anglo-saxonnes s'est concentrée sur un corpus restreint de ces oeuvres que l'on dit « à thèse » (comme Elizabeth Costello de J. M. Coetzee, par exemple), laissant de côté les représentations complexes, ambiguës, figurées, amorales ou immorales des relations entre hommes et bêtes, ou des formes et des genres (comme la fable ou le conte) supposés reconduire la domination symbolique spéciste de l'homme sur les autres animaux. À partir des années 2000 et surtout 2010, les Études animales littéraires se sont développées en France, en mobilisant leurs propres références théoriques et outils conceptuels, et en se déliant souvent de leurs origines militantes, pour ouvrir la voie à d'autres perspectives critiques. Fédérées en France par Anne Simon, à qui l'imaginaire de l'arche est cher, les Études animales littéraires ont choisi de « prendre en considération ce que la littérature avait à dire 2 » et de recentrer le questionnement sur ses moyens d'expression singuliers et sur les savoirs spécifiques qu'elle façonnait sur les bêtes (attribuant ainsi à la littérature une place centrale dans le dialogue interdisciplinaire). Les deux projets d'envergure pilotés par Anne Simon, « Animalittérature » et « Animots », furent tous deux centrés sur la littérature et sur la langue, comme l'indiquent les néologismes (tous deux forgés par Derrida) retenus pour titres 3 . Si quelques spécialistes de la littérature du XIX e siècle ont ponctuellement participé à ces projets (Paule Petitier et Hugues Marchal, notamment), les membres des deux programmes étaient toutes et tous spécialistes de la littérature des XX e -XXI e siècles, et il en va de même du colloque de clôture du projet « Animots »
Acta Fabula, 2021
Entre les lignes des textes, entre les lignes de nos vies, se nichent des animaux qui nous fascin... more Entre les lignes des textes, entre les lignes de nos vies, se nichent des animaux qui nous fascinent, nous étonnent et nous charment. Ces bêtes hantent les pages de nos livres, les habitent, bruyamment ou discrètement, sur le devant de la scène ou en sourdine, de leur animale étrangeté. Tissés par nos mots, elles ne nous en demeurent pas moins mystérieuses, et ne cessent de nous enchanter. Le dernier essai d'Anne Simon leur est consacré et envisage la complexité des rapports entre humains et animaux au prisme du langage, des récits, des mythes fondateurs et de l'imagination des écrivains. Il a pour sujet les animaux autant que les animots, selon le néologisme de Derrida 1êtres de papier, chimères linguistiques, mais aussi êtres de récit, euxmêmes narrateurs de leurs propres histoires, créateurs du tracé de leurs vies. Car les mots ne sont pas étrangers aux animaux : c'est là le point de départ d'Une Bête entre les lignes. Si l'animal a trop longtemps et trop souvent été considéré comme l'autre du logos, comme étranger au discours, à la rationalité et au langage articulé, Anne Simon rappelle que l'animal est loin d'être « hors-langue », comme l'ont pressenti tant d'écrivains et d'écrivaines et comme l'illustraient tant de mythes qui « n'ont eu de cesse d'intégrer l'animalité dans la sphère créatrice et agissante du Verbe » (p. 20). Il est dans le soufflesouffle sans lequel, pas de langage-, dans la vibration des cordes vocales, dans le travail du larynx, dans nos cris, nos respirations. Il est à la lisière de notre langage, et le langage lui-même est en retour traversé par un souffle vital, habité par une faune sauvage et domestique, et tissé à même la vie. À l'origine de cet essai de zoopoétique donc, le refus de percevoir le langage comme une abstraction, la mémoire du souffle vital qui l'habite, le souvenir des langues animales que les hommes ont eu tort d'oublier et la curiosité pour les histoires animalescelles imaginées par les hommes, et celles inventées par les animaux eux-mêmes. Zoopoétique : mise à nu, déplacements et déterritorialisation La zoopoétique est fille de cette conception vitaliste du langage qu'Anne Simon a commencé à élaborer dans ses précédents travaux sur les rapports sensibles entre l'écriture et 1
Romantisme, 2024
Le dernier essai de Robert Sayre et Michael Löwy, Romantisme anticapitaliste et nature, s'inscrit... more Le dernier essai de Robert Sayre et Michael Löwy, Romantisme anticapitaliste et nature, s'inscrit dans la lignée des réflexions menées par les deux auteurs depuis une trentaine d'années sur ce qu'ils nommaient eux-mêmes le romantisme à contre-courant de la modernité (1992). Comme dans leurs précédents ouvrages, Révolte et mélancolie (Payot, 1992) et Esprits de feu. Figures du romantisme anticapitaliste (Éditions du Sandre, 2010), Löwy et Sayre défendent une lecture marxiste du romantisme, qu'ils conçoivent comme une vision du monde, au sens où l'entend Lucien Goldmann, ayant pour principe directeur une opposition à la modernité capitaliste. Ce que le romantisme refuse dans la société moderne, c'est le désenchantement du monde-selon l'expression de Schiller reprise par Max Weber-, la rationalisation abstraite, la mécanisation et la dissolution des liens sociaux, et ce refus s'exprime dans diverses formes d'art, de discours et de vie, depuis les origines du capitalisme, jusqu'à nos jours. En effet, l'hypothèse première de leur réflexion est la suivante : le romantisme, dans son essence même et dans toutes ses expressions, est anticapitaliste, et perdurera aussi longtemps que le système capitaliste lui-même, comme une autocritique culturelle de la modernité, renouvelant, jusqu'à nos jours, les formes, les armes et les objets de sa critique. Dans un parcours historique qui ne comporte aucun exemple français, les six chapitres monographiques explorent différentes figures de ce romantisme rouge et vert : le naturaliste américain William Bartram, l'artiste américain Thomas Cole, considéré comme le fondateur de la Hudson River School, l'artiste et artisan britannique William Morris, qui occupait déjà une place importante dans Révolte et mélancolie, les philosophes et critiques littéraires Walter Benjamin et Raymond Williams, et enfin, de manière plus déconcertante encore, la journaliste altermondialiste canadienne Naomi Klein, qualifiée de « guerrière climatique du XXI e siècle » par les auteurs, qui affirment son appartenance inconsciente à « l'univers culturel de l'anticapitalisme romantique » (p. 186), avec lequel elle n'entretient pourtant que peu de liens. Concis, clair et ambitieux, l'essai de Löwy et Sayre est le prolongement attendu des précédents, en ce qu'il envisage désormais la dimension écologique de la protestation romantique contre la civilisation moderne. En se livrant à une réhabilitation « écosocialiste » du romantisme, pour reprendre un terme revendiqué par Löwy, les auteurs adoptent une conception hétérodoxe du romantisme, souvent perçu comme une réaction conservatrice à la Révolution française, et du marxisme, dont la critique des conséquences destructrices du capitalisme sur l'environnement naturel n'a été mise en évidence que dans de récentes relectures de Marx et Engels. Georg Lukács lui-même, à qui les auteurs attribuent le concept de romantisme anticapitaliste, y voit une idéologie réactionnaire. Le romantisme des auteurs, sociologues de la littérature et des intellectuels, n'est donc ni tout à fait celui de la critique marxiste ni celui de l'écocritique. Dans les pages qui leurs sont consacrées en introduction, les auteurs reprochent aux études environnementales de ne voir le romantisme que comme l'origine de la pensée écologique, plutôt que comme une « présence continue dans l'histoire des représentations écologiques » (p. 28), qui ne s'est pas achevée au milieu du XIX e siècle et reste aujourd'hui d'actualité. Il en va d'un autre rapport à l'histoire et d'une réinterprétation du romantisme, non comme période historique ou comme mouvement littéraire et artistique, mais comme une philosophie dont la gestation est longue. Selon les auteurs, la singularité du romantisme, qui le distingue d'autres pensées anticapitalistes, serait sa contestation de « la modernité capitaliste-industrielle au nom de valeurs passées, prémodernes ou précapitalistes » (p. 12). Ce « détour par le passé » (p. 12) est le propre du « régime d'historicité romantique » identifié par l'historien Jérôme Baschet (2018, p. 66), qui accompagnerait comme son ombre le présentisme et la croyance en un progrès souhaitable et inéluctable, caractéristique du « régime moderne d'historicité » mis en évidence par François Hartog. Cette idée directrice, déclinée dans chaque chapitre, est en elle-même discutable et conduit à exclure du corpus des auteurs tels que Jules Michelet, Charles Fourier ou George Sand, dont la critique de la
Actes du colloque "Michelet et Hugo comme penseurs"
Parlements, 2022
Aux lendemains de la Révolution, s'ouvre, selon l'expression de François Hartog 1 , un nouveau ré... more Aux lendemains de la Révolution, s'ouvre, selon l'expression de François Hartog 1 , un nouveau régime d'historicité, marqué par le sentiment d'accélération du temps et d'une fuite en avant qui semble interdire toute stabilité. Face aux bouleversements du monde des hommes, le monde naturel apparaît à certains comme le lieu de l'immuable, de l'éternel retour du même, et à d'autres, comme un miroir ou prolongement du monde des hommes, traversé par les mêmes bouleversements que lui. Les cigognes de Chateaubriand incarnent bien la première représentation, duelle et scindée, opposant les rythmes imprévisibles et capricieux de l'histoire humaine aux cycles rassurants de la nature : Cette mobilité des choses humaines est d'autant plus frappante, qu'elle contraste avec l'immobilité du reste de la nature. Comme pour insulter à l'instabilité des sociétés humaines, les animaux même n'éprouvent ni bouleversements dans leurs empires, ni altération dans leurs moeurs. J'avais vu, lorsque nous étions sur la colline du Musée, des cigognes se former en bataillon, et prendre leur vol vers l'Afrique. Depuis deux mille ans elles font ainsi le même voyage ; elles sont restées libres et heureuses dans la ville de Solon comme dans la ville du chef des eunuques noirs. Du haut de leurs nids, que les révolutions ne peuvent atteindre, elles ont vu au-dessous d'elles changer la race des mortels : tandis que des générations impies se sont élevées sur les tombeaux des générations religieuses, la jeune cigogne a toujours nourri son vieux père 2 .
Cahier d'histoire, 2022
, CRP19) est docteure en littérature française, spécialiste de la représentation des animaux au X... more , CRP19) est docteure en littérature française, spécialiste de la représentation des animaux au XIX e siècle. Résumé : Cet article est une contribution à l'histoire des animaux et particulièrement à l'histoire des points de vue sur la domestication. Alors que le rapport aux animaux est encore perçu comme un territoire de naturalité, cet article montre à partir de la nouvelle de Balzac Une Passion dans le désert que les relations qui se nouent entre hommes et animaux sont sociales et politiques. La rencontre extraordinaire entre un soldat français et une panthère pendant la campagne napoléonienne en Égypte dialogue avec les thèses contemporaines sur la domestication, allégorise les rapports pratiques et fantasmatiques entre colons et indigènes, tout en imaginant d'autres relations possibles et alternatives entre hommes et animaux. Mots-clés : Histoire des animaux ; domestication ; Balzac ; zoopoétique ; orientalisme ; études animales.
Genesis Manuscrits Recherche Invention, Apr 10, 2012
2. Nous nous référerons aux deux volumes disponibles à la Bibliothèque historique de la Ville de ... more 2. Nous nous référerons aux deux volumes disponibles à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris du manuscrit intitulé simplement « La Mer », et qui malheureusement n'a pas encore de cote. 3.
Mémoires du livre, 2014
Alphonse Toussenel est un naturaliste français atypique, marginal sociologiquement et philosophiq... more Alphonse Toussenel est un naturaliste français atypique, marginal sociologiquement et philosophiquement dans le champ institutionnel des savoirs du xixe siècle. Son projet de « zoologie passionnelle », tel qu’il le développe dans L’Esprit des bêtes, publié en 1847, se construit à rebours de la doxa scientifique de son époque. D’édition en édition, une entreprise de légitimation se fait jour, du côté de la production comme de la réception du texte, alors même que Toussenel consolide un éthos auctorial offensif. À partir d’une étude du paratexte, cet article s’intéresse aux stratégies éditoriales parfois contradictoires qui ont accompagné la publication de cette oeuvre inclassable, et dont l’évolution semble révélatrice d’une progressive recomposition du champ des savoirs. Après avoir tenté de hiérarchiser les divers processus de marginalisation dont L’Esprit des bêtes a fait l’objet, nous avancerons l’hypothèse d’un Toussenel anachronique, en nous appuyant notamment sur l’enthousiasm...
La « vraie fleur du monde » et le « plaisir des tyrans ». Lecture écoféministe de l'histoire natu... more La « vraie fleur du monde » et le « plaisir des tyrans ». Lecture écoféministe de l'histoire naturelle de Michelet.
Itinéraires. Littérature, textes, cultures., 2020
Fabrique des valeurs dans la littérature du XIX e siècle, Presses Universitaires de Bordeaux, col... more Fabrique des valeurs dans la littérature du XIX e siècle, Presses Universitaires de Bordeaux, coll. « Sémaphore », 2017, EAN 9791030001167.
« La chatte est la bête noire du moineau franc, emblème des ardentes et fidèles amours. Elle est ... more « La chatte est la bête noire du moineau franc, emblème des ardentes et fidèles amours. Elle est en relation de sympathie avec l'asperge, emblème parlant des amours tarifées que protège la police. » 1 Ces mots d'Alphonse Toussenel sont représentatifs de son oeuvre et de sa pensée. Ils se trouvent au coeur d'un ouvrage de zoologie dont le titre les éclaire un peu : L'Esprit des bêtes. Essai de zoologie passionnelle. Tout, dans ces deux phrases, surprend, à commencer par leur vocabulaire et l'idée même que des animaux ou des végétaux puissent être des emblèmes et entretenir, en vertu de ces relations emblématiques, des rapports d'antipathie ou de sympathie. C'est de cette surprise, et de l'écart qui s'est creusé entre cette pensée et la nôtre, que nous aimerions parler.
Cette phrase de Michelet, située dans un chapitre de La Mer intitulé « La mer de lait », sonne co... more Cette phrase de Michelet, située dans un chapitre de La Mer intitulé « La mer de lait », sonne comme un effort pour se prémunir -mais en vain -contre ceux qui ont fait et qui feront de lui un poète, un affabulateur qui donne autant de créance aux légendes populaires qu'aux écrits scientifiques des naturalistes de son temps et du XVIII e siècle. Pour qui lit la tétralogie naturaliste 2 de Michelet, il ne fait aucun doute que celle-ci fait la part belle à l'imagination et même au fantasme, de sorte que les interprétations d'un Barbey d'Aurevilly ou d'un Taine 3 , bien que naïves, reflètent probablement, aujourd'hui encore, le premier mouvement du lecteur face à ces oeuvres d'un genre qui nous est devenu inhabituel.
Existe-t-il […] quelque chose de plus charmant, de plus fertile, et d'une nature plus positivemen... more Existe-t-il […] quelque chose de plus charmant, de plus fertile, et d'une nature plus positivement excitante que le lieu commun ? » 1 demandait Baudelaire dans une lettre à « Monsieur le directeur de la Revue française », exprimant ainsi un intérêt profondément moderne, qu'il partagea avec Flaubert, pour les idées reçues et pour l'emploi d'images usées qui, à force d'usage artistique, sont devenues des clichés. La métaphore de la femme-panthère est sans doute de celles-ci, tant elle constitue un topos de la rhétorique amoureuse, dont Baudelaire lui-même a perçu et exploité l'incroyable « fertilité », comme avant lui Balzac, et après lui Barbey d'Aurevilly. L'emploi littéraire et pictural de la femme-panthère est très documenté, en particulier au XIX e siècle. La preuve en est que le terme « panthère » se met à désigner, dans les années 1840, outre l'animal, la courtisane. Cette polysémie nouvelle, et la possible syllepse de sens qui en découle, ouvre des horizons prometteurs à des auteurs désireux de jouer des ambiguïtés et proximités de la félinité et de la féminité. Le génie de Balzac entre tous fut probablement d'explorer à la fois la polysémie et la réversibilité de la métaphore pour en libérer les potentialités narratives et poétiques, tout en mettant au jour ses soubassements philosophiques et épistémologiques. Dans La Fille aux yeux d'or, Paquita Valdès est l'archétype de la femme féline : si ses bonds agiles et son regard magnétique faisaient déjà d'elle une chatte, son statut de courtisane et son exotisme, qui la marginalisent dans l'espace social comme dans l'imaginaire géographique, font d'elle une panthère, dans les deux sens, animal et érotique, littéral et figuré, du terme. Quelques 40 ans plus tard, Barbey d'Aurevilly proposera une réécriture du roman balzacien dans la dernière nouvelle des Diaboliques, intitulée La Vengeance d'une femme, après avoir gratifié ses lecteurs de l'extraordinaire face à face d'une femme et d'une panthère de Java au Jardin des Plantes, dans l'incipit du Bonheur dans le crime, -face à face qui mériterait d'ailleurs d'être relu à partir de la scène inaugurale de La Féline, film d'épouvante de Jacques Tourneur réalisé en 1942, qui lui aussi met en miroir, de manière plus inquiétante encore, une panthère noire en cage et 1 Baudelaire, Curiosités esthétiques, « Salon de 1859 », Paris, Lemerre, s. d., p. 230.
Genesis, Jan 1, 2012
Intertextualité, Métatextualité et Architextualité dans un texte d'histoire naturelle : Etude gén... more Intertextualité, Métatextualité et Architextualité dans un texte d'histoire naturelle : Etude génétique du chapitre « Fécondité » de La Mer de Michelet. » Elisabeth Plas Les manuscrits du chapitre « Fécondité » 1 de l'ouvrage de Michelet intitulé La Mer, troisième volet publié en 1861 de son cycle naturaliste commencé avec L'Oiseau en 1856, et poursuivit en 1858 avec L'Insecte, lorsqu'on les découvre pour la première fois, à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris 2 , semblent d'abord particulièrement « lisibles », du moins si on les compare à ceux de Flaubert ou de Joyce par exemple. Les manuscrits appartenant à la phase rédactionnelle sont tous relativement propres, ordonnés, et il arrive même de trouver de longs passages sans ratures et laissés tels quels jusqu'à l'édition finale.
La thèse que je présente, préparée sous la direction de Paolo Tortonese de 2013 à 2017, porte sur... more La thèse que je présente, préparée sous la direction de Paolo Tortonese de 2013 à 2017, porte sur les manières dont l'animal a été pensé et représenté au XIX e siècle en France. En réfléchissant aux formes et aux enjeux de l'anthropomorphisme de l'animal, j'ai voulu décrire certaines manières de penser le monde à travers l'analogie dans la période romantique, entendue dans un sens large : de la Révolution au Second Empire. Le sujet de l'anthropomorphisme peut surprendre : caractérisé comme une illusion ou une erreur, il serait un obstacle à la connaissance et à la recherche de la vérité. Comme d'autres types de métaphores, l'anthropomorphisme est une construction discursive particulière dans laquelle s'entend une subjectivité, en même temps qu'un imaginaire commun. Pour cette raison, on peut espérer entendre, dans les métaphores anthropomorphiques, l'expression d'une vision personnelle et d'un rapport intime à l'animal, autant qu'un accès aux stéréotypes et à l'imaginaire de l'époque romantique que les métaphores construisent, transmettent et restructurent.
Pour la troisième année consécutive, les doctorants du Centre de Recherches sur les Poétiques du ... more Pour la troisième année consécutive, les doctorants du Centre de Recherches sur les Poétiques du XIXe siècle (CRP19-Paris III Sorbonnenouvelle) mettront à l'honneur, lors d'une journée d'études, une oeuvre du XIX e siècle, pour concentrer autour d'elle les méthodes et savoirs de chacun. Cette année, notre journée sera consacrée à La Mer de Michelet. Ce choix d'un texte non fictionnel peut surprendre ou rebuter : qui a lu Michelet et pourquoi le spécialiste de littérature s'embarrasserait-il d'histoire naturelle, de méduses et autres polypes ? Pour une raison simple : La Mer est une oeuvre fondamentalement romantique, un chant lyrique et épique, entre rêverie poétique et exploration scientifique, synthétisant tous les savoirs pour plonger au coeur du vivant.