Bruno Quélennec | Université Paris 8 (original) (raw)

Books by Bruno Quélennec

Research paper thumbnail of DOSSIER : Interprétations, usages et appropriations de Leo Strauss. Philosophie et politique

Archives de philosophie, 2023

Les réceptions très politisées de l’œuvre de Leo Strauss (1899-1973) aux États-Unis et en Chine p... more Les réceptions très politisées de l’œuvre de Leo Strauss (1899-1973) aux États-Unis et en Chine provoquent souvent une sorte de perplexité chez les chercheurs européens : comment cet auteur judéo-allemand arrivé à New York en 1937 et longtemps considéré comme un simple historien de la philosophie a-t-il pu devenir l’une des figures tutélaires du néoconservatisme américain et du trumpisme ? Comment expliquer que son héritage intellectuel soit aujourd’hui revendiqué par des idéologues nationalistes chinois, alors même qu’il ne s’est jamais intéressé à l’Asie de l’Est ni à ses penseurs ? De quelle manière un philosophe « zététique » (c’est-à-dire sceptique, non-dogmatique) qui n’avait rien d’un intellectuel engagé s’est-il retrouvé, après sa mort, au centre de controverses si violentes qu’on a pu parler de Strauss Wars ? Et pour quelles raisons ces « guerres » n’ont-elles pas eu lieu en Europe ? Comment, enfin, une pensée si fortement marquée par son contexte d’émergence, celui des débats intellectuels de la République de Weimar, a-t-elle réussi à s’exporter et à circuler avec une telle facilité à travers le globe ?
Ce dossier d’Archives de philosophie propose quelques éléments de réponse à ces questions, à partir de l’étude des réceptions des écrits du philosophe aux États-Unis, en Chine, en Italie et en France. Notre parti pris interprétatif est le suivant : les raisons de la politisation (ou non) de la référence théorique « Leo Strauss » ne peuvent être élucidées qu’en considérant ensemble les écrits du philosophe et les processus de réception dont ils font l’objet. Ni radicalement « continuiste » (« tout est dans l’œuvre originale ») ni purement « discontinuiste » (toute réception est « annexion » pure et simple), notre démarche vise une voie médiane entre ces deux pôles. Car, si les écrits de Strauss donnent souvent des « prises » à leurs diverses réceptions futures, ces dernières suivent également leurs logiques propres, qu’il s’agira de prendre au sérieux dans ce dossier.

Research paper thumbnail of SPECIAL ISSUE The present of the Historik: historicizing Koselleck's theory of historical times

History of European Ideas, 2023

This special issue encompasses seven articles focusing on Reinhart Koselleck’s theory of historic... more This special issue encompasses seven articles focusing on Reinhart Koselleck’s theory of historical times and its contemporaneity, understood in two different ways. The first section develops a critical historicization and contextualization of Koselleck’s theory. The second set of articles answers some problematic aspects that this historicization brings to light by proposing new possibilities for the future development of Koselleck’s theory. As a whole, this special issue offers a novel critical perspective on Koselleck’s theory and its ambivalent relation to the present, both from a historical and a systematic perspective.

Research paper thumbnail of DOSSIER : Antisémitisme et Théorie critique aujourd'hui (coordonné avec Léa Barbisan et Agnès Grivaux)

Prismes. Théorie critique, 2023

Alors que la « première génération » de la Théorie critique est aujourd'hui redécouverte en Franc... more Alors que la « première génération » de la Théorie critique est aujourd'hui redécouverte en France avec enthousiasme, certains aspects de ses recherches restent encore peu explorés : c'est notamment le cas des travaux consacrés à l'antisémitisme. Dans les années 1940, la « question antisémite » se trouve pourtant au centre des préoccupations de Theodor W. Adorno et de Max Horkheimer, alors exilés aux États-Unis : en témoignent les nombreuses études de cette période menées par l'Institut de recherche sociale sur les attitudes et discours anti-juifs ainsi que sur leurs déterminants socio-psychologiques, économiques, culturels, politiques, voire anthropologiques. Non seulement ces travaux se révèlent décisifs pour comprendre l'évolution de la Théorie critique pendant et après la Deuxième Guerre mondiale, mais ils ont aussi eu un impact majeur sur les recherches sur l'antisémitisme dans l'après-guerre, en Europe comme aux États-Unis. Ce dossier du numéro 5 de la revue Prismes fait le pari que les études menées par la « première » Théorie critique peuvent nourrir aujourd'hui encore la réflexion sur l'antisémitisme de toutes celles et ceux qui, du côté du monde académique ou du côté des engagements militants, se réclament de l'émancipation.

Research paper thumbnail of Retour dans la caverne. Philosophie, politique et religion chez le jeune Leo Strauss

Herrmann, Collection "Le bel aujourd'hui", 2018

Cet ouvrage propose une interprétation historico-critique de l’ensemble des écrits de jeunesse de... more Cet ouvrage propose une interprétation historico-critique de l’ensemble des écrits de jeunesse de Leo Strauss, ce personnage hautement controversé de la philosophie politique du xxe siècle. À travers une lecture philosophique et politique des textes du jeune Strauss sur Spinoza, Hobbes et Maïmonide, ce livre reconstruit la trajectoire de cet intellectuel atypique, allant de Nietzsche à Platon, du sionisme au néoconservatisme. En replaçant l’émergence de sa pensée dans le contexte des débats judéo-allemands de la République de Weimar, Retour dans la caverne apporte non seulement une perspective neuve dans les études straussiennes, mais invite également le lecteur à une réflexion sur la « question juive », symbole des contradictions de la modernité politique.

Thesis Chapters by Bruno Quélennec

Research paper thumbnail of Rückkehr in die Höhle. Philosophie, Religion und Politik beim frühen Leo Strauss. Deutsche Zusammenfassung

Deutsche Zusammenfassung der Dissertation.

Research paper thumbnail of Retour dans la caverne. Philosophie, religion et politique chez le jeune Leo Strauss

Position de thèse. Thèse soutenue le 19 février 2016 à Berlin.

Papers by Bruno Quélennec

Research paper thumbnail of Un jeu de miroirs transatlantique. Deux paradigmes de réception de Leo Strauss

Archives de philosophie, 2023

Partant du principe que les raisons de la politisation (ou non) de la référence théorique « Leo S... more Partant du principe que les raisons de la politisation (ou non) de la référence théorique « Leo Strauss » ne peuvent être élucidées qu’en considérant ensemble les écrits du philosophe et les processus de réception dont ils font l’objet, cette contribution présente d’abord quelques éléments de biographie intellectuelle, découpée en six « séquences » distinctes. Au terme de ce premier parcours, c’est l’aspect « polyphonique » de l’œuvre straussienne, semblant autoriser les lectures les plus contradictoires, qui est mise en avant. Suit une exposition de deux paradigmes opposés de réception : la réception états-unienne, rythmée par les polémiques depuis les années 1980, d’une part, et la réception française, assez consensuelle, d’autre part. A la fin du texte, on tente d’expliquer comment L. Strauss a pu devenir dans l’Hexagone une figure canonique dans le contexte du « retour de la philosophie politique », en nommant trois facteurs décisifs : l’absence d’école et d’orthodoxie straussiennes ; la lecture « critique » dont son œuvre a toujours fait l’objet, même chez des auteurs « conservateurs » comme Raymond Aron, Rémi Brague ou Pierre Manent ; son appropriation « à gauche » depuis les années 1980-1990, notamment par des philosophes comme Claude Lefort ou Miguel Abensour.

Research paper thumbnail of 'Light on the enlightenment' or 'counter-enlightenment'?: Rereading Reinhart Koselleck's Critique and Crisis in its context(s)

History of European Ideas, 2023

This article tackles the political implications of Reinhart Koselleck's first work, Kritik und Kr... more This article tackles the political implications of Reinhart Koselleck's first work, Kritik und Krise, re-questioning its relationship to the 'Enlightenment' and the 'Counter-Enlightenment'. Rather than establishing the semantic contents of this pair of antonymic concepts in an abstract way, I believe that we must study the concrete uses to which they are put, that is, the discursive strategies of the actors themselves showing, in each case, the specific adversaries against whom they are mobilized and the specific ends to which they are used. The goal of the present essay is to understand whether the early Koselleck belonged to the tradition of the Enlightenment or the Counter-Enlightenment in the specific context of postWar West Germany intellectual debates. By locating Kritik und Krise in the controversies relating to the political identity of the new German Federal Republic, I show that he was not, in the 1950s, a representative of Cold War Liberalism or anti-totalitarianism but, rather, oscillated between different conservative positions ('Traditional' conservatism and 'Conservative Revolution') that were typical of the postWar period and, in large measure, hostile to the Enlightenment legacy.

Research paper thumbnail of Penser l'antisémitisme post-Auschwitz avec la « première » Théorie critique. Réceptions, apports, limites.

Prismes. Théorie critique, 2023

Les recherches sociologiques contemporaines germanophones sur l’antisémitisme doivent énormément ... more Les recherches sociologiques contemporaines germanophones sur l’antisémitisme doivent énormément à la « première » Théorie critique. On peut même dire avec Werner Bergmann que l’ampleur et l’ambition des travaux de l’Institut de recherche sociale en exil, qui mêlaient réflexions théoriques et recherches empiriques interdisciplinaires, n’ont jamais trouvé d’équivalent dans l’histoire de la sociologie de l’antisémitisme, même au sein du pourtant très actif Zentrum für Antisemitismusforschung (ZfA) de Berlin. Il y a ainsi peu de découvertes sur l’antisémitisme dont on ne peut retracer l’origine dans l’un ou l’autre des textes des représentants de la Théorie critique. D’une certaine manière, la recherche sociologique sur l’antisémitisme marche encore aujourd’hui dans les pas de l’Institut, même s’il existe depuis les années 1980 des adaptations et corrections, mais aussi des tentatives d’autonomisation à l’égard de cette école. Le présent article ne cherche pas à spéculer sur ce qu’Adorno et Horkheimer auraient pu dire sur les débats récents autour de l'antisémitisme. Son objectif est beaucoup plus modeste. Nous proposons de faire un pas de côté et de voir ce que les chercheurs germanophones travaillant sur l’antisémitisme contemporain font aujourd’hui avec la Théorie critique, comment ils se l’approprient, la prolongent et en identifient certaines limites. On se penchera ici particulièrement sur les analyses portant sur l’antisémitisme « non pas malgré, mais à cause d’Auschwitz » qu’on appelle aussi « antisémitisme secondaire ». Après un passage en revue des différents types de réception de la Théorie critique de l’antisémitisme dans l’après-guerre (I), on prendra donc comme cas d’étude la façon dont les concepts d’« antisémitisme secondaire » (sekundärer Antisemitismus) et/ou d’« antisémitisme du rejet de la culpabilité » (Schuldabwehr-Antisemitismus) issus des travaux de l’Institut et contestés depuis les années 1980 (II) sont aujourd’hui réinvestis (et critiqués) dans la recherche sociologique contemporaine (III).

Research paper thumbnail of L'antisémitisme au prisme de la Théorie critique - La Théorie critique au prisme de l'antisémitisme (avec Léa Barbisan et Agnès Grivaux)

Prismes. Théorie critique, 2023

Alors que la « première génération » de l’École de Francfort est aujourd’hui redécouverte avec en... more Alors que la « première génération » de l’École de Francfort est aujourd’hui redécouverte avec enthousiasme en France, certains aspects de ses recherches restent encore relativement peu explorés : c’est notamment le cas des travaux consacrés à l’antisémitisme. À partir de la Seconde Guerre mondiale, la question antisémite se retrouve pourtant au centre des préoccupations de Theodor W. Adorno et de Max Horkheimer, alors exilés aux États-Unis : en témoignent notamment les nombreux projets empiriques menés à l’Institut de recherche sociale lors de cette période, mais aussi le fragment consacré à l’antisémitisme dans la Dialectique de la raison (1944/1947), les « Éléments de l’antisémitisme ». Adorno ayant parfois présenté ce texte comme ce qui se rapprochait le plus, parmi les travaux de l’IRS, d’une théorie générale de l’antisémitisme, il méritera toute notre attention ici. Ce fragment propose en effet rien de moins qu’une analyse globale de l’antisémitisme, qui convoque différentes disciplines et combine plusieurs niveaux explicatifs (socio-économiques, politiques, culturels, psychologiques et anthropologiques). Il a pour immense intérêt de relier des approches souvent considérées comme antagonistes : la perspective anthropologique qui cible sa dimension « archaïque » (Adorno et Horkheimer veulent écrire une « Urgeschichte de l’antisémitisme ») d’un côté, l’analyse des évolutions du capitalisme qui aborde son caractère spécifiquement « moderne » de l’autre ; une théorie matérialiste (prise en compte des facteurs « objectifs », c’est-à-dire socio-économiques et politiques) d’un côté, et psychanalytique (analyse des facteurs « subjectifs ») de l’autre ; une théorie constructiviste (« si le Juif n’existait pas, l’antisémite l’inventerait ») d’un côté, et réaliste (l’antisémitisme est une réaction hostile à certaines « spécificités » juives) de l’autre. C’est à cette « Théorie critique de l’antisémitisme » ambitieuse, c’est-à-dire à son émergence, à ses sources et à ses évolutions au cours des années 1940 que cet article est consacré. Une reconstruction théorique immanente et historiquement informée nous semble en effet constituer une étape essentielle avant de pouvoir poser la question de la pertinence de la Théorie critique pour penser l’antisémitisme contemporain.

Research paper thumbnail of INTRODUCTION À « ERNST SIMMEL ET LA PHILOSOPHIE FREUDIENNE » DE MAX HORKHEIMER

Archives de Philosophie, 2023

Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres. © Centre Sèvres. Tous droits réservés po... more Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres. © Centre Sèvres. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

Research paper thumbnail of Pierre Bourdieu, lecteur de Martin Heidegger

Germanica, 2021

L’anniversaire des vingt ans de la mort de Pierre Bourdieu, décédé le 23 janvier 2002, constitue ... more L’anniversaire des vingt ans de la mort de Pierre Bourdieu, décédé le 23 janvier 2002, constitue une bonne occasion de revenir sur certains de ses travaux, qui ont beaucoup à offrir à l’histoire de la philosophie et des idées allemandes, notamment sur le plan méthodologique. À condition d’être combinée à une analyse pragmatique et agonistique des discours telle qu’elle est pratiquée au sein de la Cambridge School ou du Groupe de recherche sur la culture de Weimar, la sociologie bourdieusienne permet en effet de rompre définitivement avec l’idéalisme de la Geistesgeschichte et d’ancrer les débats philosophiques dans l’histoire sociale, politique et culturelle sans abandonner pour autant l’exigence de précision philologique et conceptuelle.
La relecture critique de L’ontologie politique de Martin Heidegger déployée dans cet article équivaut donc à un plaidoyer pour une approche méthodologique pluraliste et une intégration de la perspective sociologique bourdieusienne dans l’histoire des idées allemandes.Après une rapide présentation du cadre général et des contextes de parution de cette étude, on s’attardera d’abord sur ses apports analytiques, pour ensuite faire un bilan critique à la fois de ses limites et de sa réception.

Research paper thumbnail of Les Allemands ne pardonneront jamais Auschwitz aux Juifs

Cités, 2021

Cet article s’intéresse non seulement à la genèse, à la portée et aux limites du concept d'"antis... more Cet article s’intéresse non seulement à la genèse, à la portée et aux limites du concept d'"antisémitisme secondaire", mais il tente aussi de présenter de manière raisonnée les diverses interprétations et appropriations, parfois contradictoires, dont cette notion fait l’objet dans les sciences sociales germanophones aujourd’hui. Le concept d’antisémitisme secondaire est-il explicatif ou descriptif ? Renvoie-t-il à une « matrice » socio-psychologique spécifique ou bien à une nouvelle « sémantique » apparaissant en Allemagne dans l’après-guerre ? S’agit-il d’un phénomène limité dans le temps ? Vaut-il pour la génération des « bourreaux », mais pas pour celle de leurs (arrière-)petits-enfants ? Dans quelle mesure l’antisémitisme secondaire évolue-t-il en fonction du « travail sur le passé » (Vergangenheitsaufarbeitung) et des politiques mémorielles ? Le retrouve-t-on autant à « gauche » qu’à « droite » ? Est-il un phénomène propre à l’Allemagne ou le retrouve-t-on dans d’autres pays européens ?
Ces questions ne sont pas souvent posées dans la recherche germanophone, qui oscille fortement dans l’usage qu’elle fait du concept, si bien qu’il existe une forte incertitude quant aux phénomènes précis qu’il recouvre. L’antisémitisme secondaire est parfois présenté comme un motif central dans l’antisionisme d’une partie de la gauche radicale allemande, voire comme un ressort caché du racisme anti-musulman. Tantôt il désigne tous les types d’antisémitisme après 1945, tantôt seulement ses formes « mémorielles ». Tantôt il apparaît comme une forme d’hostilité anti-juive typiquement allemande, tantôt comme un phénomène globalisé. Et chez certains chercheurs, l’antisémitisme du « rejet de la culpabilité » est même constitué en noyau de la judéophobie depuis… le Moyen Âge chrétien ! Le présent article est une tentative de clarifier les contours du concept, afin de lui redonner tout son tranchant. Le jeu en vaut la chandelle, tant la notion d’antisémitisme secondaire peut s’avérer utile pour détecter des formes contemporaines de judéophobie passant souvent « sous le radar » en ce qu’elles sont plus « discrètes » que l’anti-judaïsme, l’antisémitisme moderne classique ou l’anti-israélisme.
La première partie de l’article revient sur la genèse du concept. D’abord élaboré dans le contexte de l’École de Francfort (Peter Schönbach, Theodor W. Adorno), celui-ci est par la suite significativement remanié par des sociologues n’appartenant pas à cette tradition (Werner Bergmann et Rainer Erb notamment). À partir de ces deux approches, je tente de donner une définition opératoire de l’antisémitisme secondaire, pour m’intéresser ensuite dans la deuxième partie à la portée du concept (sur le plan temporel et spatial) ainsi qu’à ses limites.

Research paper thumbnail of Thymos. Circulation et appropriations conservatrices d'un concept platonicien, de Leo Strauss à l'Alternative für Deutschland

Raisons politiques, 2021

Quélennec Bruno, « Thymos. Circulation et appropriations conservatrices d'un concept platonicien,... more Quélennec Bruno, « Thymos. Circulation et appropriations conservatrices d'un concept platonicien, de Leo Strauss à l'Alternative für Deutschland », Raisons politiques, 2021/1 (N° 81), p. 97-125. URL : https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2021-1-page-97.htm Résumé S'inscrivant dans le cadre des nouvelles recherches françaises en histoire sociale des idées politiques, cet article propose de reconstruire la carrière du concept platonicien de thymos dans l'histoire intellectuelle des 20e et 21e siècles en examinant sa circulation et ses appropriations variées, ainsi que les différents contextes dans lesquels il a été mobilisé. Après avoir restitué son émergence dans les textes des années 1930 du jeune Leo Strauss, on s'intéresse aux modalités de son implantation outre-Altantique chez les Straussians néoconservateurs (Allan Bloom et Francis Fukuyama), avant d'examiner sa réimportation dans l'Allemagne contemporaine (avec le philosophe Peter Sloterdijk et son étudiant, l'intellectuel de l'Alternative für Deutschland, Marc Jongen). L'article montre que le schème argumentatif du thymos garde une certaine stabilité dans le temps malgré la diversité de ses appropriations : il se caractérise ainsi toujours par une double charge normative qui exprime une ambivalence toute conservatrice à l'égard de l'ordre (libéral) établi, oscillant entre sa défense (protection du statu quo) et sa subversion ou radicalisation « par la droite ». L'article révèle également que le concept n'est pas uniquement mobilisé dans la lutte idéologique, mais aussi dans des luttes entre intellectuels : l'« ardeur », le « désir de reconnaissance » ou la « colère » que dénote la notion ont souvent chez les différents intellectuels étudiés aussi pour fonction d'exprimer une « révolte » de l'intellectuel conservateur face à son statut de « dominé » dans les champs intellectuels ou universitaires, positions qui contrastent souvent avec son rayonnement relatif dans d'autres champs. Abstract Inspired by the new french social history of political ideas, this paper tackles the conceptual history of thymos in the 20th and 21st centuries, by examining its circulation and uses in various historical-political contexts. Following its emergence in various texts of the early Leo Strauss, this article shows how the concept was first implanted in the United States by the neoconservative Straussians (Allan Bloom and Francis Fukuyama), before being re-imported into contemporary Germany (with Peter Sloterdijk and his student, the AfD intellectual Marc Jongen). The main thesis is that the thymos framework retains a certain stability over time, despite a great variation in its appropriations : it is thus always characterized by a double normative charge which expresses a conservative ambivalence towards the (liberal) order of things, oscillating between its defense (protection of the status quo) and its subversion or radicalization "from the right". The article also reveals that thymos is not only mobilized in ideological struggles, but also in conflicts between intellectuals: "Thymos", "spiritedness", "desire for recognition", "anger" also have the function of expressing a "revolt" of the conservative intellectual in the face of his dominated status in the intellectual or university fields, positions which often contrast with his relative influence in other fields.

Research paper thumbnail of Lumière sur les Lumières ou Contre-Lumières? Relire le jeune Reinhart Koselleck

Revue d'Histoire des Sciences Humaines, 2020

Cet article examine les implications politiques du premier ouvrage de Reinhart Koselleck, Kritik ... more Cet article examine les implications politiques du premier ouvrage de Reinhart Koselleck, Kritik und Krise, en interrogeant à nouveau frais son rapport aux « Lumières » et aux « contre-Lumières ». Plutôt que de traiter cette question de manière abstraite, on choisit ici d’historiciser les notions de « Lumières » et de « contre-Lumières », de façon à saisir la pluralité de significations dont elles sont chargées dans le contexte spécifique des débats intellectuels ouest-allemands de l’après-guerre, En situant Kritik und Krise dans les controverses relatives à l’identité politique de la nouvelle République fédérale allemande, l’approche contextualiste permet de montrer que Koselleck n’est pas dans les années 1950 un représentant des Lumières « modérées » et de l’anti-totalitarisme libéral, contrairement à ce qu’il suggère dans des interviews plus tardives, mais qu’il oscille plutôt à l’époque entre différentes positions conservatrices, encore largement hostiles au libéralisme politique.

Research paper thumbnail of L'antisémitisme "à cause" d'Auschwitz, un phénomène spécifique à l'Allemagne?

Premier résultat d’un travail de recherche en cours, cette note interroge le concept d’« antisémi... more Premier résultat d’un travail de recherche en cours, cette note interroge le concept d’« antisémitisme secondaire ». D’usage courant dans la recherche germanophone sur la judéophobie contemporaine, cette notion apparue au début des années 1960 vise à saisir un phénomène spécifique à l’après-guerre, à savoir le développement d’un antisémitisme « non pas malgré, mais à cause d’Auschwitz » (H. Broder). On résume souvent l’esprit de cette hostilité anti-juive inédite par une formule provocante attribuée au psychanalyste israélien Zvi Rix, selon laquelle « les Allemands ne pardonneront jamais Auschwitz aux juifs ». La Shoah donnerait pour ainsi dire une nouvelle raison de détester les juifs, car ces derniers rappelleraient par leur simple existence les crimes commis au nom du peuple allemand sous le IIIe Reich. L’antisémitisme secondaire a donc pour particularité de se construire à partir d’un « complexe de culpabilité », particulièrement marqué en Allemagne. Il se manifeste de plusieurs manières : par une incapacité à reconnaître toute forme de responsabilité collective pour la Shoah, par un rejet de sa commémoration, et par une tendance à renverser les rôles de bourreaux et de victimes. L’antisémitisme secondaire n’est pas un phénomène figé dans le temps. Intimement lié aux évolutions de la « maîtrise du passé » (Vergangenheitsbewältigung), il se transforme au gré des générations, des changements dans les politiques mémorielles, mais aussi des dynamiques nationalistes.
Dans cette note, on examinera d’abord la genèse du concept (I), ainsi que les phénomènes qu’il recouvre dans le contexte allemand (II), pour enfin se demander s’il peut caractériser certaines formes d’antisémitisme dans la Pologne ou la France d’aujourd’hui (III).

Research paper thumbnail of Thymos von Leo Strauss bis zur AfD. Zur Ideengeschichte eines antiliberalen und antifeministischen Motivs

Geschichte der politischen Ideengeschichte (Hrsg. G. Raulet / M. Llanque), 2018

Research paper thumbnail of Interpretationskämpfe im US-amerikanischen Konstitutionalismus. Die Liberalismus-Republikanismus-Debatte und die Entstehung der Cambridge School

Geschichte der politischen Ideengeschichte (Hrsg. G. Raulet / M. Llanque), 2018

Veröffentlicht in Markus Llanque & Gérad Raulet (Hrsg.), Geschichte der politischen Ideengeschic... more Veröffentlicht in Markus Llanque & Gérad Raulet (Hrsg.), Geschichte der politischen Ideengeschichte, Baden-Baden, Nomos, 2018, p. 461-474

Research paper thumbnail of Franz Rosenzweig et la politique. Une lecture de ses écrits de guerre

Archives des Sciences Sociales des Religions, 2018

Franz Rosenzweig est aujourd’hui considéré comme un classique de la philosophie juive du xxe sièc... more Franz Rosenzweig est aujourd’hui considéré comme un classique de la philosophie juive du xxe siècle. Après avoir été surtout mobilisé dans le dialogue interreligieux et dans la philosophie éthique, son opus magnum, l’Étoile de la rédemption (1921), est aujourd’hui également reçu dans le champ de la philosophie politique, où cette œuvre est présentée comme une critique radicale du nationalisme européen. Étonnement, ces nouveaux travaux ignorent souvent les écrits politiques de Rosenzweig, rédigés au même moment que les premières esquisses de l’Étoile. Ces derniers révèlent que le philosophe soutient massivement la politique du Reich pendant la guerre et que, loin d’être un critique du nationalisme, il sympathise à l’époque avec l’idéologie « libéral-impérialiste » de Friedrich Naumann et son projet d’une Europe Centrale (Mitteleuropa) sous hégémonie allemande.

Research paper thumbnail of Le concept de censure

L'interprétation. Un Dictionnaire philosophique (dir. : D. Thouard / C. Berner), 2015

Cette entrée rédigée pour un dictionnaire des concepts de l’herméneutique reconstruit de manière ... more Cette entrée rédigée pour un dictionnaire des concepts de l’herméneutique reconstruit de manière idéal-typique trois approches interprétatives de la censure, qui correspondent chacune à une conception différente du pouvoir. Je les distingue par leur degré de radicalité : tandis que la première approche reprend l’idée courante de la censure comme instrument de stabilisation d’un pouvoir, qui interdit ou contraint de l’extérieur la parole et l’écrit (modèle politico-juridique), la seconde fait quant à elle du texte le lieu paradoxal du compromis entre deux instances ou deux « vouloir-dire » (S. Freud / P. Bourdieu) ; la troisième, enfin, comprend la censure comme ce qui « constitue » le texte de manière quasi-transcendantale (J. Lacan/J. Butler). Cette typologie permet de mettre en valeur la réflexion de Leo Strauss sur « l’art de lire », celle-ci mettant précisément en jeu ces différentes conceptions.

Research paper thumbnail of DOSSIER : Interprétations, usages et appropriations de Leo Strauss. Philosophie et politique

Archives de philosophie, 2023

Les réceptions très politisées de l’œuvre de Leo Strauss (1899-1973) aux États-Unis et en Chine p... more Les réceptions très politisées de l’œuvre de Leo Strauss (1899-1973) aux États-Unis et en Chine provoquent souvent une sorte de perplexité chez les chercheurs européens : comment cet auteur judéo-allemand arrivé à New York en 1937 et longtemps considéré comme un simple historien de la philosophie a-t-il pu devenir l’une des figures tutélaires du néoconservatisme américain et du trumpisme ? Comment expliquer que son héritage intellectuel soit aujourd’hui revendiqué par des idéologues nationalistes chinois, alors même qu’il ne s’est jamais intéressé à l’Asie de l’Est ni à ses penseurs ? De quelle manière un philosophe « zététique » (c’est-à-dire sceptique, non-dogmatique) qui n’avait rien d’un intellectuel engagé s’est-il retrouvé, après sa mort, au centre de controverses si violentes qu’on a pu parler de Strauss Wars ? Et pour quelles raisons ces « guerres » n’ont-elles pas eu lieu en Europe ? Comment, enfin, une pensée si fortement marquée par son contexte d’émergence, celui des débats intellectuels de la République de Weimar, a-t-elle réussi à s’exporter et à circuler avec une telle facilité à travers le globe ?
Ce dossier d’Archives de philosophie propose quelques éléments de réponse à ces questions, à partir de l’étude des réceptions des écrits du philosophe aux États-Unis, en Chine, en Italie et en France. Notre parti pris interprétatif est le suivant : les raisons de la politisation (ou non) de la référence théorique « Leo Strauss » ne peuvent être élucidées qu’en considérant ensemble les écrits du philosophe et les processus de réception dont ils font l’objet. Ni radicalement « continuiste » (« tout est dans l’œuvre originale ») ni purement « discontinuiste » (toute réception est « annexion » pure et simple), notre démarche vise une voie médiane entre ces deux pôles. Car, si les écrits de Strauss donnent souvent des « prises » à leurs diverses réceptions futures, ces dernières suivent également leurs logiques propres, qu’il s’agira de prendre au sérieux dans ce dossier.

Research paper thumbnail of SPECIAL ISSUE The present of the Historik: historicizing Koselleck's theory of historical times

History of European Ideas, 2023

This special issue encompasses seven articles focusing on Reinhart Koselleck’s theory of historic... more This special issue encompasses seven articles focusing on Reinhart Koselleck’s theory of historical times and its contemporaneity, understood in two different ways. The first section develops a critical historicization and contextualization of Koselleck’s theory. The second set of articles answers some problematic aspects that this historicization brings to light by proposing new possibilities for the future development of Koselleck’s theory. As a whole, this special issue offers a novel critical perspective on Koselleck’s theory and its ambivalent relation to the present, both from a historical and a systematic perspective.

Research paper thumbnail of DOSSIER : Antisémitisme et Théorie critique aujourd'hui (coordonné avec Léa Barbisan et Agnès Grivaux)

Prismes. Théorie critique, 2023

Alors que la « première génération » de la Théorie critique est aujourd'hui redécouverte en Franc... more Alors que la « première génération » de la Théorie critique est aujourd'hui redécouverte en France avec enthousiasme, certains aspects de ses recherches restent encore peu explorés : c'est notamment le cas des travaux consacrés à l'antisémitisme. Dans les années 1940, la « question antisémite » se trouve pourtant au centre des préoccupations de Theodor W. Adorno et de Max Horkheimer, alors exilés aux États-Unis : en témoignent les nombreuses études de cette période menées par l'Institut de recherche sociale sur les attitudes et discours anti-juifs ainsi que sur leurs déterminants socio-psychologiques, économiques, culturels, politiques, voire anthropologiques. Non seulement ces travaux se révèlent décisifs pour comprendre l'évolution de la Théorie critique pendant et après la Deuxième Guerre mondiale, mais ils ont aussi eu un impact majeur sur les recherches sur l'antisémitisme dans l'après-guerre, en Europe comme aux États-Unis. Ce dossier du numéro 5 de la revue Prismes fait le pari que les études menées par la « première » Théorie critique peuvent nourrir aujourd'hui encore la réflexion sur l'antisémitisme de toutes celles et ceux qui, du côté du monde académique ou du côté des engagements militants, se réclament de l'émancipation.

Research paper thumbnail of Retour dans la caverne. Philosophie, politique et religion chez le jeune Leo Strauss

Herrmann, Collection "Le bel aujourd'hui", 2018

Cet ouvrage propose une interprétation historico-critique de l’ensemble des écrits de jeunesse de... more Cet ouvrage propose une interprétation historico-critique de l’ensemble des écrits de jeunesse de Leo Strauss, ce personnage hautement controversé de la philosophie politique du xxe siècle. À travers une lecture philosophique et politique des textes du jeune Strauss sur Spinoza, Hobbes et Maïmonide, ce livre reconstruit la trajectoire de cet intellectuel atypique, allant de Nietzsche à Platon, du sionisme au néoconservatisme. En replaçant l’émergence de sa pensée dans le contexte des débats judéo-allemands de la République de Weimar, Retour dans la caverne apporte non seulement une perspective neuve dans les études straussiennes, mais invite également le lecteur à une réflexion sur la « question juive », symbole des contradictions de la modernité politique.

Research paper thumbnail of Rückkehr in die Höhle. Philosophie, Religion und Politik beim frühen Leo Strauss. Deutsche Zusammenfassung

Deutsche Zusammenfassung der Dissertation.

Research paper thumbnail of Retour dans la caverne. Philosophie, religion et politique chez le jeune Leo Strauss

Position de thèse. Thèse soutenue le 19 février 2016 à Berlin.

Research paper thumbnail of Un jeu de miroirs transatlantique. Deux paradigmes de réception de Leo Strauss

Archives de philosophie, 2023

Partant du principe que les raisons de la politisation (ou non) de la référence théorique « Leo S... more Partant du principe que les raisons de la politisation (ou non) de la référence théorique « Leo Strauss » ne peuvent être élucidées qu’en considérant ensemble les écrits du philosophe et les processus de réception dont ils font l’objet, cette contribution présente d’abord quelques éléments de biographie intellectuelle, découpée en six « séquences » distinctes. Au terme de ce premier parcours, c’est l’aspect « polyphonique » de l’œuvre straussienne, semblant autoriser les lectures les plus contradictoires, qui est mise en avant. Suit une exposition de deux paradigmes opposés de réception : la réception états-unienne, rythmée par les polémiques depuis les années 1980, d’une part, et la réception française, assez consensuelle, d’autre part. A la fin du texte, on tente d’expliquer comment L. Strauss a pu devenir dans l’Hexagone une figure canonique dans le contexte du « retour de la philosophie politique », en nommant trois facteurs décisifs : l’absence d’école et d’orthodoxie straussiennes ; la lecture « critique » dont son œuvre a toujours fait l’objet, même chez des auteurs « conservateurs » comme Raymond Aron, Rémi Brague ou Pierre Manent ; son appropriation « à gauche » depuis les années 1980-1990, notamment par des philosophes comme Claude Lefort ou Miguel Abensour.

Research paper thumbnail of 'Light on the enlightenment' or 'counter-enlightenment'?: Rereading Reinhart Koselleck's Critique and Crisis in its context(s)

History of European Ideas, 2023

This article tackles the political implications of Reinhart Koselleck's first work, Kritik und Kr... more This article tackles the political implications of Reinhart Koselleck's first work, Kritik und Krise, re-questioning its relationship to the 'Enlightenment' and the 'Counter-Enlightenment'. Rather than establishing the semantic contents of this pair of antonymic concepts in an abstract way, I believe that we must study the concrete uses to which they are put, that is, the discursive strategies of the actors themselves showing, in each case, the specific adversaries against whom they are mobilized and the specific ends to which they are used. The goal of the present essay is to understand whether the early Koselleck belonged to the tradition of the Enlightenment or the Counter-Enlightenment in the specific context of postWar West Germany intellectual debates. By locating Kritik und Krise in the controversies relating to the political identity of the new German Federal Republic, I show that he was not, in the 1950s, a representative of Cold War Liberalism or anti-totalitarianism but, rather, oscillated between different conservative positions ('Traditional' conservatism and 'Conservative Revolution') that were typical of the postWar period and, in large measure, hostile to the Enlightenment legacy.

Research paper thumbnail of Penser l'antisémitisme post-Auschwitz avec la « première » Théorie critique. Réceptions, apports, limites.

Prismes. Théorie critique, 2023

Les recherches sociologiques contemporaines germanophones sur l’antisémitisme doivent énormément ... more Les recherches sociologiques contemporaines germanophones sur l’antisémitisme doivent énormément à la « première » Théorie critique. On peut même dire avec Werner Bergmann que l’ampleur et l’ambition des travaux de l’Institut de recherche sociale en exil, qui mêlaient réflexions théoriques et recherches empiriques interdisciplinaires, n’ont jamais trouvé d’équivalent dans l’histoire de la sociologie de l’antisémitisme, même au sein du pourtant très actif Zentrum für Antisemitismusforschung (ZfA) de Berlin. Il y a ainsi peu de découvertes sur l’antisémitisme dont on ne peut retracer l’origine dans l’un ou l’autre des textes des représentants de la Théorie critique. D’une certaine manière, la recherche sociologique sur l’antisémitisme marche encore aujourd’hui dans les pas de l’Institut, même s’il existe depuis les années 1980 des adaptations et corrections, mais aussi des tentatives d’autonomisation à l’égard de cette école. Le présent article ne cherche pas à spéculer sur ce qu’Adorno et Horkheimer auraient pu dire sur les débats récents autour de l'antisémitisme. Son objectif est beaucoup plus modeste. Nous proposons de faire un pas de côté et de voir ce que les chercheurs germanophones travaillant sur l’antisémitisme contemporain font aujourd’hui avec la Théorie critique, comment ils se l’approprient, la prolongent et en identifient certaines limites. On se penchera ici particulièrement sur les analyses portant sur l’antisémitisme « non pas malgré, mais à cause d’Auschwitz » qu’on appelle aussi « antisémitisme secondaire ». Après un passage en revue des différents types de réception de la Théorie critique de l’antisémitisme dans l’après-guerre (I), on prendra donc comme cas d’étude la façon dont les concepts d’« antisémitisme secondaire » (sekundärer Antisemitismus) et/ou d’« antisémitisme du rejet de la culpabilité » (Schuldabwehr-Antisemitismus) issus des travaux de l’Institut et contestés depuis les années 1980 (II) sont aujourd’hui réinvestis (et critiqués) dans la recherche sociologique contemporaine (III).

Research paper thumbnail of L'antisémitisme au prisme de la Théorie critique - La Théorie critique au prisme de l'antisémitisme (avec Léa Barbisan et Agnès Grivaux)

Prismes. Théorie critique, 2023

Alors que la « première génération » de l’École de Francfort est aujourd’hui redécouverte avec en... more Alors que la « première génération » de l’École de Francfort est aujourd’hui redécouverte avec enthousiasme en France, certains aspects de ses recherches restent encore relativement peu explorés : c’est notamment le cas des travaux consacrés à l’antisémitisme. À partir de la Seconde Guerre mondiale, la question antisémite se retrouve pourtant au centre des préoccupations de Theodor W. Adorno et de Max Horkheimer, alors exilés aux États-Unis : en témoignent notamment les nombreux projets empiriques menés à l’Institut de recherche sociale lors de cette période, mais aussi le fragment consacré à l’antisémitisme dans la Dialectique de la raison (1944/1947), les « Éléments de l’antisémitisme ». Adorno ayant parfois présenté ce texte comme ce qui se rapprochait le plus, parmi les travaux de l’IRS, d’une théorie générale de l’antisémitisme, il méritera toute notre attention ici. Ce fragment propose en effet rien de moins qu’une analyse globale de l’antisémitisme, qui convoque différentes disciplines et combine plusieurs niveaux explicatifs (socio-économiques, politiques, culturels, psychologiques et anthropologiques). Il a pour immense intérêt de relier des approches souvent considérées comme antagonistes : la perspective anthropologique qui cible sa dimension « archaïque » (Adorno et Horkheimer veulent écrire une « Urgeschichte de l’antisémitisme ») d’un côté, l’analyse des évolutions du capitalisme qui aborde son caractère spécifiquement « moderne » de l’autre ; une théorie matérialiste (prise en compte des facteurs « objectifs », c’est-à-dire socio-économiques et politiques) d’un côté, et psychanalytique (analyse des facteurs « subjectifs ») de l’autre ; une théorie constructiviste (« si le Juif n’existait pas, l’antisémite l’inventerait ») d’un côté, et réaliste (l’antisémitisme est une réaction hostile à certaines « spécificités » juives) de l’autre. C’est à cette « Théorie critique de l’antisémitisme » ambitieuse, c’est-à-dire à son émergence, à ses sources et à ses évolutions au cours des années 1940 que cet article est consacré. Une reconstruction théorique immanente et historiquement informée nous semble en effet constituer une étape essentielle avant de pouvoir poser la question de la pertinence de la Théorie critique pour penser l’antisémitisme contemporain.

Research paper thumbnail of INTRODUCTION À « ERNST SIMMEL ET LA PHILOSOPHIE FREUDIENNE » DE MAX HORKHEIMER

Archives de Philosophie, 2023

Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres. © Centre Sèvres. Tous droits réservés po... more Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres. © Centre Sèvres. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

Research paper thumbnail of Pierre Bourdieu, lecteur de Martin Heidegger

Germanica, 2021

L’anniversaire des vingt ans de la mort de Pierre Bourdieu, décédé le 23 janvier 2002, constitue ... more L’anniversaire des vingt ans de la mort de Pierre Bourdieu, décédé le 23 janvier 2002, constitue une bonne occasion de revenir sur certains de ses travaux, qui ont beaucoup à offrir à l’histoire de la philosophie et des idées allemandes, notamment sur le plan méthodologique. À condition d’être combinée à une analyse pragmatique et agonistique des discours telle qu’elle est pratiquée au sein de la Cambridge School ou du Groupe de recherche sur la culture de Weimar, la sociologie bourdieusienne permet en effet de rompre définitivement avec l’idéalisme de la Geistesgeschichte et d’ancrer les débats philosophiques dans l’histoire sociale, politique et culturelle sans abandonner pour autant l’exigence de précision philologique et conceptuelle.
La relecture critique de L’ontologie politique de Martin Heidegger déployée dans cet article équivaut donc à un plaidoyer pour une approche méthodologique pluraliste et une intégration de la perspective sociologique bourdieusienne dans l’histoire des idées allemandes.Après une rapide présentation du cadre général et des contextes de parution de cette étude, on s’attardera d’abord sur ses apports analytiques, pour ensuite faire un bilan critique à la fois de ses limites et de sa réception.

Research paper thumbnail of Les Allemands ne pardonneront jamais Auschwitz aux Juifs

Cités, 2021

Cet article s’intéresse non seulement à la genèse, à la portée et aux limites du concept d'"antis... more Cet article s’intéresse non seulement à la genèse, à la portée et aux limites du concept d'"antisémitisme secondaire", mais il tente aussi de présenter de manière raisonnée les diverses interprétations et appropriations, parfois contradictoires, dont cette notion fait l’objet dans les sciences sociales germanophones aujourd’hui. Le concept d’antisémitisme secondaire est-il explicatif ou descriptif ? Renvoie-t-il à une « matrice » socio-psychologique spécifique ou bien à une nouvelle « sémantique » apparaissant en Allemagne dans l’après-guerre ? S’agit-il d’un phénomène limité dans le temps ? Vaut-il pour la génération des « bourreaux », mais pas pour celle de leurs (arrière-)petits-enfants ? Dans quelle mesure l’antisémitisme secondaire évolue-t-il en fonction du « travail sur le passé » (Vergangenheitsaufarbeitung) et des politiques mémorielles ? Le retrouve-t-on autant à « gauche » qu’à « droite » ? Est-il un phénomène propre à l’Allemagne ou le retrouve-t-on dans d’autres pays européens ?
Ces questions ne sont pas souvent posées dans la recherche germanophone, qui oscille fortement dans l’usage qu’elle fait du concept, si bien qu’il existe une forte incertitude quant aux phénomènes précis qu’il recouvre. L’antisémitisme secondaire est parfois présenté comme un motif central dans l’antisionisme d’une partie de la gauche radicale allemande, voire comme un ressort caché du racisme anti-musulman. Tantôt il désigne tous les types d’antisémitisme après 1945, tantôt seulement ses formes « mémorielles ». Tantôt il apparaît comme une forme d’hostilité anti-juive typiquement allemande, tantôt comme un phénomène globalisé. Et chez certains chercheurs, l’antisémitisme du « rejet de la culpabilité » est même constitué en noyau de la judéophobie depuis… le Moyen Âge chrétien ! Le présent article est une tentative de clarifier les contours du concept, afin de lui redonner tout son tranchant. Le jeu en vaut la chandelle, tant la notion d’antisémitisme secondaire peut s’avérer utile pour détecter des formes contemporaines de judéophobie passant souvent « sous le radar » en ce qu’elles sont plus « discrètes » que l’anti-judaïsme, l’antisémitisme moderne classique ou l’anti-israélisme.
La première partie de l’article revient sur la genèse du concept. D’abord élaboré dans le contexte de l’École de Francfort (Peter Schönbach, Theodor W. Adorno), celui-ci est par la suite significativement remanié par des sociologues n’appartenant pas à cette tradition (Werner Bergmann et Rainer Erb notamment). À partir de ces deux approches, je tente de donner une définition opératoire de l’antisémitisme secondaire, pour m’intéresser ensuite dans la deuxième partie à la portée du concept (sur le plan temporel et spatial) ainsi qu’à ses limites.

Research paper thumbnail of Thymos. Circulation et appropriations conservatrices d'un concept platonicien, de Leo Strauss à l'Alternative für Deutschland

Raisons politiques, 2021

Quélennec Bruno, « Thymos. Circulation et appropriations conservatrices d'un concept platonicien,... more Quélennec Bruno, « Thymos. Circulation et appropriations conservatrices d'un concept platonicien, de Leo Strauss à l'Alternative für Deutschland », Raisons politiques, 2021/1 (N° 81), p. 97-125. URL : https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2021-1-page-97.htm Résumé S'inscrivant dans le cadre des nouvelles recherches françaises en histoire sociale des idées politiques, cet article propose de reconstruire la carrière du concept platonicien de thymos dans l'histoire intellectuelle des 20e et 21e siècles en examinant sa circulation et ses appropriations variées, ainsi que les différents contextes dans lesquels il a été mobilisé. Après avoir restitué son émergence dans les textes des années 1930 du jeune Leo Strauss, on s'intéresse aux modalités de son implantation outre-Altantique chez les Straussians néoconservateurs (Allan Bloom et Francis Fukuyama), avant d'examiner sa réimportation dans l'Allemagne contemporaine (avec le philosophe Peter Sloterdijk et son étudiant, l'intellectuel de l'Alternative für Deutschland, Marc Jongen). L'article montre que le schème argumentatif du thymos garde une certaine stabilité dans le temps malgré la diversité de ses appropriations : il se caractérise ainsi toujours par une double charge normative qui exprime une ambivalence toute conservatrice à l'égard de l'ordre (libéral) établi, oscillant entre sa défense (protection du statu quo) et sa subversion ou radicalisation « par la droite ». L'article révèle également que le concept n'est pas uniquement mobilisé dans la lutte idéologique, mais aussi dans des luttes entre intellectuels : l'« ardeur », le « désir de reconnaissance » ou la « colère » que dénote la notion ont souvent chez les différents intellectuels étudiés aussi pour fonction d'exprimer une « révolte » de l'intellectuel conservateur face à son statut de « dominé » dans les champs intellectuels ou universitaires, positions qui contrastent souvent avec son rayonnement relatif dans d'autres champs. Abstract Inspired by the new french social history of political ideas, this paper tackles the conceptual history of thymos in the 20th and 21st centuries, by examining its circulation and uses in various historical-political contexts. Following its emergence in various texts of the early Leo Strauss, this article shows how the concept was first implanted in the United States by the neoconservative Straussians (Allan Bloom and Francis Fukuyama), before being re-imported into contemporary Germany (with Peter Sloterdijk and his student, the AfD intellectual Marc Jongen). The main thesis is that the thymos framework retains a certain stability over time, despite a great variation in its appropriations : it is thus always characterized by a double normative charge which expresses a conservative ambivalence towards the (liberal) order of things, oscillating between its defense (protection of the status quo) and its subversion or radicalization "from the right". The article also reveals that thymos is not only mobilized in ideological struggles, but also in conflicts between intellectuals: "Thymos", "spiritedness", "desire for recognition", "anger" also have the function of expressing a "revolt" of the conservative intellectual in the face of his dominated status in the intellectual or university fields, positions which often contrast with his relative influence in other fields.

Research paper thumbnail of Lumière sur les Lumières ou Contre-Lumières? Relire le jeune Reinhart Koselleck

Revue d'Histoire des Sciences Humaines, 2020

Cet article examine les implications politiques du premier ouvrage de Reinhart Koselleck, Kritik ... more Cet article examine les implications politiques du premier ouvrage de Reinhart Koselleck, Kritik und Krise, en interrogeant à nouveau frais son rapport aux « Lumières » et aux « contre-Lumières ». Plutôt que de traiter cette question de manière abstraite, on choisit ici d’historiciser les notions de « Lumières » et de « contre-Lumières », de façon à saisir la pluralité de significations dont elles sont chargées dans le contexte spécifique des débats intellectuels ouest-allemands de l’après-guerre, En situant Kritik und Krise dans les controverses relatives à l’identité politique de la nouvelle République fédérale allemande, l’approche contextualiste permet de montrer que Koselleck n’est pas dans les années 1950 un représentant des Lumières « modérées » et de l’anti-totalitarisme libéral, contrairement à ce qu’il suggère dans des interviews plus tardives, mais qu’il oscille plutôt à l’époque entre différentes positions conservatrices, encore largement hostiles au libéralisme politique.

Research paper thumbnail of L'antisémitisme "à cause" d'Auschwitz, un phénomène spécifique à l'Allemagne?

Premier résultat d’un travail de recherche en cours, cette note interroge le concept d’« antisémi... more Premier résultat d’un travail de recherche en cours, cette note interroge le concept d’« antisémitisme secondaire ». D’usage courant dans la recherche germanophone sur la judéophobie contemporaine, cette notion apparue au début des années 1960 vise à saisir un phénomène spécifique à l’après-guerre, à savoir le développement d’un antisémitisme « non pas malgré, mais à cause d’Auschwitz » (H. Broder). On résume souvent l’esprit de cette hostilité anti-juive inédite par une formule provocante attribuée au psychanalyste israélien Zvi Rix, selon laquelle « les Allemands ne pardonneront jamais Auschwitz aux juifs ». La Shoah donnerait pour ainsi dire une nouvelle raison de détester les juifs, car ces derniers rappelleraient par leur simple existence les crimes commis au nom du peuple allemand sous le IIIe Reich. L’antisémitisme secondaire a donc pour particularité de se construire à partir d’un « complexe de culpabilité », particulièrement marqué en Allemagne. Il se manifeste de plusieurs manières : par une incapacité à reconnaître toute forme de responsabilité collective pour la Shoah, par un rejet de sa commémoration, et par une tendance à renverser les rôles de bourreaux et de victimes. L’antisémitisme secondaire n’est pas un phénomène figé dans le temps. Intimement lié aux évolutions de la « maîtrise du passé » (Vergangenheitsbewältigung), il se transforme au gré des générations, des changements dans les politiques mémorielles, mais aussi des dynamiques nationalistes.
Dans cette note, on examinera d’abord la genèse du concept (I), ainsi que les phénomènes qu’il recouvre dans le contexte allemand (II), pour enfin se demander s’il peut caractériser certaines formes d’antisémitisme dans la Pologne ou la France d’aujourd’hui (III).

Research paper thumbnail of Thymos von Leo Strauss bis zur AfD. Zur Ideengeschichte eines antiliberalen und antifeministischen Motivs

Geschichte der politischen Ideengeschichte (Hrsg. G. Raulet / M. Llanque), 2018

Research paper thumbnail of Interpretationskämpfe im US-amerikanischen Konstitutionalismus. Die Liberalismus-Republikanismus-Debatte und die Entstehung der Cambridge School

Geschichte der politischen Ideengeschichte (Hrsg. G. Raulet / M. Llanque), 2018

Veröffentlicht in Markus Llanque & Gérad Raulet (Hrsg.), Geschichte der politischen Ideengeschic... more Veröffentlicht in Markus Llanque & Gérad Raulet (Hrsg.), Geschichte der politischen Ideengeschichte, Baden-Baden, Nomos, 2018, p. 461-474

Research paper thumbnail of Franz Rosenzweig et la politique. Une lecture de ses écrits de guerre

Archives des Sciences Sociales des Religions, 2018

Franz Rosenzweig est aujourd’hui considéré comme un classique de la philosophie juive du xxe sièc... more Franz Rosenzweig est aujourd’hui considéré comme un classique de la philosophie juive du xxe siècle. Après avoir été surtout mobilisé dans le dialogue interreligieux et dans la philosophie éthique, son opus magnum, l’Étoile de la rédemption (1921), est aujourd’hui également reçu dans le champ de la philosophie politique, où cette œuvre est présentée comme une critique radicale du nationalisme européen. Étonnement, ces nouveaux travaux ignorent souvent les écrits politiques de Rosenzweig, rédigés au même moment que les premières esquisses de l’Étoile. Ces derniers révèlent que le philosophe soutient massivement la politique du Reich pendant la guerre et que, loin d’être un critique du nationalisme, il sympathise à l’époque avec l’idéologie « libéral-impérialiste » de Friedrich Naumann et son projet d’une Europe Centrale (Mitteleuropa) sous hégémonie allemande.

Research paper thumbnail of Le concept de censure

L'interprétation. Un Dictionnaire philosophique (dir. : D. Thouard / C. Berner), 2015

Cette entrée rédigée pour un dictionnaire des concepts de l’herméneutique reconstruit de manière ... more Cette entrée rédigée pour un dictionnaire des concepts de l’herméneutique reconstruit de manière idéal-typique trois approches interprétatives de la censure, qui correspondent chacune à une conception différente du pouvoir. Je les distingue par leur degré de radicalité : tandis que la première approche reprend l’idée courante de la censure comme instrument de stabilisation d’un pouvoir, qui interdit ou contraint de l’extérieur la parole et l’écrit (modèle politico-juridique), la seconde fait quant à elle du texte le lieu paradoxal du compromis entre deux instances ou deux « vouloir-dire » (S. Freud / P. Bourdieu) ; la troisième, enfin, comprend la censure comme ce qui « constitue » le texte de manière quasi-transcendantale (J. Lacan/J. Butler). Cette typologie permet de mettre en valeur la réflexion de Leo Strauss sur « l’art de lire », celle-ci mettant précisément en jeu ces différentes conceptions.

Research paper thumbnail of La « révolution conservatrice » en exil – Art d'écrire et politique chez Leo Strauss

Les penseurs allemands et autrichiens à l'épreuve de l'exil (Dir. : D. Azuelos), 2010

Cette contribution retrace la genèse de la « redécouverte » de l’art d’écrire des « anciens » par... more Cette contribution retrace la genèse de la « redécouverte » de l’art d’écrire des « anciens » par Leo Strauss dans les années 1940, après son exil aux États-Unis. Pour cela, elle ressaisit d’abord la particularité de sa position politico-philosophique dans l’Allemagne des années 1920 et 1930. Reprenant les résultats de mon mémoire de Master, je montre comment Strauss importe au sein du mouvement de la « renaissance juive » de Weimar une position résolument « conservatrice-révolutionnaire », qu’il exportera ensuite aux États-Unis. En m’appuyant sur l’article séminal « Persecution and the Art of Writing » (1941), je suggère ensuite que Leo Strauss ne découvre pas seulement l’art d’écrire des anciens après l’exil aux États-Unis, mais qu’il le pratique lui-même. Après son arrivée sur le continent américain, cette technique d’écriture lui permettra ainsi de masquer (tout en la dévoilant aux « initiés ») sa critique de la pensée politique libérale.

Research paper thumbnail of Compte rendu Nicolas Guilhot, After the Enlightenment. Political Realism and International Relations in the Mid-Twentieth Century

Revue d'Histoire des Sciences Humaines, 2022

Il semble aujourd'hui que le moment « néo-conservateur » de la politique extérieure américaine, q... more Il semble aujourd'hui que le moment « néo-conservateur » de la politique extérieure américaine, qui débuta avec l'ère Reagan et connut son apogée sous George W. Bush, soit définitivement achevé ; les adeptes de l'exportation de la démocratie et des droits de l'homme par la force semblent ne plus avoir voix au chapitre au sein des administrations présidentielles : avec l'arrivée de Donald Trump au pouvoir, on a même assisté au retour d'une forme d'isolationnisme. Dans la sous-discipline de la théorie des relations internationales (RI), on assiste à une évolution similaire, même si les logiques politiques et universitaires ne sont jamais tout à fait superposables. On observe ainsi que le messianisme démocratique va-ten -guerre (Pierre Hassner parlait de « wilsonisme botté ») des néoconservateurs est en net recul ces dernières années, l'« idéalisme » ayant cédé la place à l'école « (néo-)réaliste », devenue hégémonique. C'est à une histoire politique de ce dernier courant de pensée-de ses origines « weimariennes » à la publication du manifeste néo-réaliste Theory of International Politics de Kenneth N. Waltz en 1979-que se consacre le politiste et historien des RI Nicolas Guilhot, engagé depuis quelques années dans une histoire transnationale de la discipline...

Research paper thumbnail of Compte rendu de Adrien Louis, Leo Strauss. Philosophe politique,  2019

Revue philosophique de France et de l’étranger, 2021

Ce bel ouvrage sur Leo Strauss s'articule autour de deux questions qui se recoupent. La première ... more Ce bel ouvrage sur Leo Strauss s'articule autour de deux questions qui se recoupent. La première renvoie à l'interprétation straussienne de la modernité et souligne un paradoxe : comment se fait-il

Research paper thumbnail of Philosophies judéo-allemandes (H. Cohen, F. Rosenzweig, L. Strauss)

Archives de Philosophie, 2019

Note de lecture sur Danielle COHEN-LEVINAS, Marc DE LAUNAY, Gérald SFEZ (dir.), Leo Strauss, juda... more Note de lecture sur Danielle COHEN-LEVINAS, Marc DE LAUNAY, Gérald SFEZ (dir.), Leo Strauss, judaïsme et philosophie, suivi de « La situation religieuse actuelle » par Leo STRAUSS, Paris, Beauchesne, Coll. « Le grenier à sel », 2016, 196 p. et Sophie NORDMANN, Levinas et la philosophie judéo-allemande, Paris, Vrin, Coll. « Histoire de la philosophie », 2017, 180 p.
Une version légèrement modifiée de ce texte a été publiée dans les Archives de Philosophie : Bruno Quélennec, « Philosophies judéo-allemandes », Archives de Philosophie, Vol. 82, n°4, 2019, p. 791-801.

Research paper thumbnail of Une interprétation « postmoderne » de Leo Strauss. Note de lecture sur Richard L. Velkley — Heidegger, Strauss et les prémisses de la philosophie

Archives de philosophie, 2019

Version remaniée de : « Une interprétation ‘postmoderne’ de l’oeuvre de Leo Strauss », Archives d... more Version remaniée de : « Une interprétation ‘postmoderne’ de l’oeuvre de Leo Strauss », Archives de Philosophie, Vol. 82, n° 3, 2019, p. 573-580.
Notes de lecture sur : Richard L. VELKLEY. — Heidegger, Strauss et les prémisses de la philosophie. Sur l’oubli originel (Heidegger, Strauss, and the Premisses on Philosophy. On Original Forgetting, 2011), trad. fr. par O. Seyden, Paris, Éditions de la revue Conférence, 2017, 302 p.

Research paper thumbnail of Bruno Karsenti, Ivan Segré. La "question juive" aujourd'hui

Archives de philosophie, 2018

Note de lecture sur Bruno KARSENTI, La question juive des modernes. Philosophie de l’émancipation... more Note de lecture sur Bruno KARSENTI, La question juive des modernes. Philosophie de l’émancipation, Paris, PUF, 2017 et Ivan SEGRE, Les pingouins de l’universel. Antijudaïsme, antisémitisme, antisionisme, Paris, Lignes, 2017.
Publié dans Archives de philosophie, Volume 81, n°4, 2018, p. 803-816.

Research paper thumbnail of La réception chinoise de Carl Schmitt et de Leo Strauss

Revue Française de Science Politique, 2018

Note de lecture critique sur Kai Marchal, Carl K.Y. Shaw (dir.), Carl Schmitt and Leo Strauss in ... more Note de lecture critique sur Kai Marchal, Carl K.Y. Shaw (dir.), Carl Schmitt and Leo Strauss in the Chinese-Speaking World. Reorienting the Political, Lanham/Boulder/New York/London, Lexington Books, 2017 et Qi Zheng, Carl Schmitt, Mao Zedong and the Politics of Transition, London, Palgrave Macmillan, 2015.

Research paper thumbnail of Rezension Altman The German Stranger

Das Argument, 2012

Compte rendu de William H.F. Altman, The German Stranger. Leo Strauss and National Socialism, Lan... more Compte rendu de William H.F. Altman, The German Stranger. Leo Strauss and National Socialism, Lanham/M., 2011, Das Argument, Volume 296, 2012, p. 253-255 [en allemand]

Research paper thumbnail of Rezension Oliver Marchart Die politische Differenz

Das Argument, 2011

Compte rendu de Oliver Marchart, Die politische Differenz. Zum Denken des Politischen bei Nancy, ... more Compte rendu de Oliver Marchart, Die politische Differenz. Zum Denken des Politischen bei Nancy, Lefort, Badiou, Laclau und Agamben, Frankfurt/M., 2010, Das Argument, Volume 291, 2011, p. 272-274 (avec Kolja Lindner) [en allemand]

Research paper thumbnail of Review Maria Muhle Genealogie der Biopolitik

Foucault-Studies, 2011

Compte rendu de Maria Muhle, Eine Genealogie der Biopolitik. Zum Begriff des Lebens bei Foucault ... more Compte rendu de Maria Muhle, Eine Genealogie der Biopolitik. Zum Begriff des Lebens bei Foucault und Canguilhem, Bielefeld, 2008, Foucault-Studies, Volume 11, 2011, p. 222-225 [en anglais]

Research paper thumbnail of Séminaire 2023 - 2024 sur la THÉOLOGIE POLITIQUE

Nous avons le plaisir de vous annoncer le lancement d'un nouveau séminaire pluriannuel de lecture... more Nous avons le plaisir de vous annoncer le lancement d'un nouveau séminaire pluriannuel de lecture en philosophie et histoire des idées, qui aura lieu à l'Institut Historique Allemand (IHA) de Paris à partir de janvier 2024. Les premières séances de ce séminaire seront consacrées aux différentes controverses suscitées par les usages du concept de théologie politique chez Carl Schmitt, dont l’œuvre fournit encore les coordonnées au sein desquelles cette question est discutée aujourd'hui.

Après la conférence inaugurale de Miguel Vatter du 13 novembre 2023 au Campus Condorcet, il y aura une séance introductive dans lequel les enjeux du séminaire seront présentés. Nous nous pencherons ensuite sur trois blocs de questions, qui correspondent à chaque fois à une controverse spécifique autour de l’héritage de la théologie politique schmittienne :
- le concept moderne de souveraineté est-il impensable sans une « théologie politique » ?
- En quoi la théologie politique de Schmitt est-elle « chrétienne » ?
- Toute théologie politique signifie-t-elle nécessairement un parti pris pour l’autoritarisme ?

Vous souhaitez en savoir plus ? Consultez notre site : www.theologiepolitique.com

Research paper thumbnail of Journée d'étude 2013 Souveränität und Gesetz. Zum Gegenentwurf einer jüdischen politischen Theologie

Journée d'étude organisée au sein du Sonderforschungsbereich "Transzendenz und Gemeinsinn" de la ... more Journée d'étude organisée au sein du Sonderforschungsbereich "Transzendenz und Gemeinsinn" de la TU Dresden, le 28.01.2013

Research paper thumbnail of Journée d'étude 2019 Le présent de l'Historik. Autour de l'oeuvre de Reinhart Koselleck

Argumentaire et programme de deux journées d'étude consacrées à Reinhart Koselleck, EHESS, Paris,... more Argumentaire et programme de deux journées d'étude consacrées à Reinhart Koselleck, EHESS, Paris, 13 et 14 juin 2019

Research paper thumbnail of Éléments pour une théorie politique critique de l'antisémitisme. Notes pour une recherche

Ce projet part d'un constat simple : la théorie politique a des difficultés à saisir la nature et... more Ce projet part d'un constat simple : la théorie politique a des difficultés à saisir la nature et les formes de la judéophobie contemporaine, notamment en France. Dans ce qui suit, je vais d'abord présenter les controverses tournant autour de la question antisémite actuelle (I) avant d'exposer les trois projets de publication reliés à cette recherche postdoctorale (II).

Research paper thumbnail of Séminaire Théologie politique (Paris, 2024-2025)

Programme 2024-2025 du séminaire "Théologie politique", organisé à l'Institut Historique Allemand

Research paper thumbnail of Séminaire Théologie politique (Paris, 2023-2024)

Séminaire pluriannuel en philosophie et histoire des idées : "THÉOLOGIE POLITIQUE - SÉCULARISATIO... more Séminaire pluriannuel en philosophie et histoire des idées : "THÉOLOGIE POLITIQUE - SÉCULARISATION - LAÏCITÉ Perspectives franco-allemandes"
Organisation : Léa Barbisan / Bruno Godefroy / Bérénice Palaric / Bruno Quélennec