Christophe PEBARTHE | Université Bordeaux-Montaigne (original) (raw)
Books by Christophe PEBARTHE
Passés/Composés, 2022
La démocratie athénienne aurait été imparfaite, limitée, réduite à une part infime de la populati... more La démocratie athénienne aurait été imparfaite, limitée, réduite à une part infime de la population. Elle serait donc incomparable, voire contradictoire, avec notre démocratie contemporaine. Dans cette histoire inédite et entièrement renouvelée, Christophe Pébarthe revient aux documents anciens et démontre qu’il s’agit d’un régime où le peuple se gouverne effectivement lui-même. Il décrit, entre autres, comment les Athéniens veillent à ce que leurs délibérations produisent les meilleures décisions et comment leurs institutions garantissent la formation des citoyens au long de leur vie. Il se livre à une lecture inattendue de célèbres tragédies, Antigone par exemple. Ces dernières répondaient aux questions suscitées par l’instauration de la démocratie : la loi a-t-elle toujours raison ? Comment veiller à ce que l’opinion exprimée corresponde à l’intérêt général ? Bref, les Athéniens avaient les mêmes interrogations que nous et partageaient un même souci d’amélioration de leur régime politique. À la faveur de l’exemple grec, l’auteur montre des correspondances avec les critiques émises à l’endroit de nos propres régimes politiques, liées à la représentativité, aux élites et au « populisme ». Et si se réconcilier avec l’histoire d’Athènes permettait de retrouver l’origine oubliée du projet démocratique ?
Au-delà de toutes les remises en cause, la famille se présente le plus souvent comme une évidence... more Au-delà de toutes les remises en cause, la famille se présente le plus souvent comme une évidence, parce que naturelle et universelle. Elle a pourtant une histoire. Elle ne se résume pas au couple avec ou sans enfants. Et surtout, elle ne peut pas être cernée sans être replacée dans la société tout entière qui est son cadre. Telle est la perspective adoptée par cet ouvrage qui cherche à faire apparaître ce qu'ont pu être la famille, comme norme, et les familles dans leur diversité dans le monde grec et dans la Rome antique. Rassemblant des articles écrits par des spécialistes, ce livre présente aussi bien un état de la question qu'un aperçu des problèmes qui se cachent derrière la familiarité spontanée que suscite de prime abord la famille.
Beyond all reasonable doubt, the family appears most often as an evidence, because it seems natural and universal. Family has yet an history and can not be reduced to the couple with or without progeny. Above all, it is impossible to understand what is family without considering it as a part of the whole society. This book tries to study the family as a norm and to show the diversity of the families in Antiquity. A collection of articles written by specialists, this book exposes as much the state of the art as it does an outline of the questions raised by this topic in spite of the fake sensation of familiarity which family conveys
Les historiens ont longtemps affirmé qu'il n'était pas possible d'appliquer au monde antique une ... more Les historiens ont longtemps affirmé qu'il n'était pas possible d'appliquer au monde antique une analyse centrée autour de la notion de marché. Réservée aux époques ultérieures, celle-ci serait anachronique. Depuis une trentaine d'années, de nombreux travaux ont montré qu'il n'en était rien. L'économie des cités grecques ne méconnaît pas le marché comme institution économique. Dans cette perspective, en raison de l'abondance des sources et de leur diversité, Athènes à l'époque classique apparaît comme un terrain d'étude privilégié pour décrire la naissance et le fonctionnement d'une économie de marché. L'étape initiale de cette histoire est constituée par les premières frappes monétaires athéniennes. C'est à partir de la monnaie que les Athéniens parviennent ensuite à construire un marché à l'échelle du monde égéen, garantissant l'approvisionnement de la cité et, plus généralement, l'abondance. Cette construction résulte de décisions prises par l'assemblée des citoyens qui s'inscrivent toujours dans le cadre marchand de l'économie. Dans l'Athènes classique, le marché se trouve au cœur même du politique. La cité athénienne est donc aussi une démocratie de marché.
"Athènes est-elle une démocratie en raison de ses pratiques documentaires ou bien faut-il considé... more "Athènes est-elle une démocratie en raison de ses pratiques documentaires ou bien faut-il considérer que les Athéniens connaissaient une forte alphabétisation parce qu'ils vivaient dans une cité démocratique ? Certains historiens n'ont pas hésité à s'inscrire dans un raisonnement déterministe, associant ce régime politique à l'importance du recours à l'écriture. Tout en rejetant cette approche, ce livre considère l’introduction d’un mode de communication dans une société comme une possibilité nouvelle qui est offerte à cette dernière. Il précise d'abord les aspects quantitatifs et qualitatifs de l’alphabétisation athénienne. Il établit ensuite le rôle de la conservation des documents dans le fonctionnement de la cité, en décrivant le fonctionnement des archives civiques et officielles et leur utilité politique. Il décrit enfin l’utilisation des documents écrits en tenant compte des différents supports et propose une histoire de la communication écrite.
À Athènes, le fin lettré coexiste avec le citoyen incapable d'écrire un nom et avec des scripteurs plus ou moins maladroits. Mais l'ensemble de la société est confronté quotidiennement à l'écriture. Il est donc vain de partir à la recherche d’une civilisation orale ou d’une civilisation écrite athénienne au cours de la période classique, tout autant que de tenter d’y situer la transition de l’une à l’autre. La cité, comprise aussi bien comme une entité politique que comme une somme d’individualités, ne saurait exister sans ses écritures affichées, ses documents divers et ses archives."
Jusqu'à la fin de l'époque archaïque (vers 500 a. C.), la question qui domine est celle de la nai... more Jusqu'à la fin de l'époque archaïque (vers 500 a. C.), la question qui domine est celle de la naissance de la cité (ou polis) après la disparition du système palatial précédent. Les différentes options historiographiques sont envisagées et commentées, en intégrant les analyses les plus récentes. Pendant la période classique (Ve-fin IVe siècle), plusieurs hégémonies civiques se mettent en place, mais ne perdurent pas au-delà de quelques dizaines d'années. Enfin, le roi de Macédoine, Philippe, puis son fils Alexandre le Grand, parviennent à imposer leur autorité sur l'ensemble des cités grecques. Au-delà de la dimension événementielle, la période classique est marquée par la cité. Organisation politique, elle possède un certain nombre d'institutions qui répartissent les pouvoirs entre les citoyens. Organisation sociale, elle rassemble des individus dont les statuts diffèrent fortement, citoyens et non citoyens, hommes et femmes, libres et non libres. Dotée d'une identité forte, la cité n'est pour autant pas fermée aux échanges, dont une part est même indispensable à son bon fonctionnement.
"La rencontre entre les recherches sur l’écriture et sur le pouvoir n’a rien de fortuit . On peut... more "La rencontre entre les recherches sur l’écriture et sur le pouvoir n’a rien de fortuit . On peut considérer que la naissance de l’Etat, en tout cas de l’Etat complexe, est liée à la naissance et à l’usage de l’écriture. Cependant, ce n’est pas l’écriture »interne », »utilitaire », » administrative » qui est ici en question, mais l’écriture comme moyen de pouvoir.
Si l’on suit Max Weber, la légitimité est l’élément cl é de toute domination. Pour l’établir et la maintenir, l’Etat peut utiliser des moyens variés, parmi lesquels la communication écrite, ce qui peut étonner quand on sait que dans la plupart des sociétés du passé la majorité de la population était illettrée. C’est sur ce paradoxe que s’interrogent les quinze communications de ce recueil. Elles couvrent un horizon chronologique large, qui va de l’Egypte et la Mésopotamie anciennes à nos jours, mais toujours dans le cadre de sociétés qui n’ont pas encore connu le « désenchantement du monde » et la rationalité de l’Etat moderne."
Papers by Christophe PEBARTHE
Essais. Revue interdisciplinaire d'Humanités, n°19, "L'intelligence des masses", 2023
Democracy is often justified by the superiority of collective intelligence over individual reason... more Democracy is often justified by the superiority of collective intelligence over individual reason. It would imply the sharing of contextualised information from which the common good would emerge. The Athenian experience (5th century BC) reveals a very different conception. Deliberation is not a pooling of local knowledge. Without ignoring the risk of confusing the good for oneself with the good in oneself, it recognises that everyone has an equal capacity to claim to state the interest of the city. The resulting decision is then only an opinion of the demos.
Cet article fait suite à un premier travail, épistémologique et historiographique (PEBARTHE C., «... more Cet article fait suite à un premier travail, épistémologique et historiographique (PEBARTHE C., « Édouard Will, l'anthropologie coloniale et le judaïsme hellénistique », in S. CAPANEMA, Q. DELUERMOZ, M. MOLIN, REDON M. [dir.], Du transfert culturel au métissage. Concepts, acteurs, pratiques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015, p. 93-113, sp. 112). J'y proposais la conclusion suivante : Si « “l'État est l'instance légitimatrice par excellence, qui ratifie, solennise, enregistre les actes ou les personnes, en faisant apparaître comme allant de soi les divisions ou les classification qu'il institue ” (BOURDIEU P., Sur l'État. Cours au Collège de France [1989-1992], Paris, Points, 2012, p. 232), alors la révolte des Maccabées, loin d'être un affrontement religieux, fut avant tout une affaire d'État » (PEBARTHE C., « Édouard Will, l'anthropologie coloniale et le judaïsme hellénistique », art. cit., p. 112). L'affirmation valait surtout comme programme de recherche en devenir, plutôt que comme conclusion définitive.
Sans le vouloir, en intitulant l'un de ses articles "Thucydide n'est pas un collègue", Nicole Lor... more Sans le vouloir, en intitulant l'un de ses articles "Thucydide n'est pas un collègue", Nicole Loraux lançait à ses collègues une invitation à ne pas la lire plus avant. Ce titre ne disait-il pas tout ? Nul doute qu'il devint bientôt un proverbe, une vérité devenue simple formule, une catégorie philosophique au sujet de laquelle le philosophe Vincent Descombes rappelait naguère : "La force qui soutient ces proverbes n'est pas celle de la réflexion. Ils tiennent le crédit dont ils jouissent de leur commodité : grâce à eux, nous pouvons plus aisément coordonner nos opinions communes dans les domaines les plus divers". Commode, l'affirmation l'est assurément. Ne garantit-elle pas à celui ou celle qui s'y réfère un sauf-conduit dans le pays rassurant de l'objectivité ? Proclamer que décidément, non, Thucydide n'est pas un collègue, implique que celui ou celle qui le dit est un ou une collègue et se retrouve du même coup détenteur ou détentrice de la définition légitime de l'histoire ; et avec tous les privilèges afférents au titre, en particulier celui qu'offre la position de lector, la légitimité de revendiquer d'avoir le dernier mot sur un texte et, ici, plus généralement sur le métier d'historien. Par la grâce d'une formule, le père véritable de l'histoire, ce "plus haut point de l'historiographie antique et peut-être de l'historiographie tout court" doit rendre les armes. Ses successeurs refusent l'héritage pour mieux affirmer leur science et leur position de dernière instance de légitimation pour les interprétations textuelles. Défenseurs du point de vue sans point de vue, ils n'ont d'autres options que de délégitimer les textes qu'ils commentent, sous peine de voir leur propre production écrite passée au prisme d'une critique indélicate qu'ils pratiquent allègrement sur des textes qu'ils catégorisent comme sources. Certes, ils débattent entre eux mais l'affrontement est le plus souvent si policé qu'il s'apparente, à de rares exceptions près, à des échanges érudits, consensuels ou presque. Ignorant leur propre point de vue, ils peuvent ainsi mettre en évidence la subjectivité de tel Ancien, son parti pris ou du moins ses erreurs, sans jamais interroger le paradoxe de leur position qui implique qu'il serait plus facile de débusquer des mensonges proférés il y a vingt-cinq siècles que de dire ses quatre vérités au monde actuel.
Christophe Pébarthe "Rien ne paraît plus naturel que la famille : cette construction sociale arbi... more Christophe Pébarthe "Rien ne paraît plus naturel que la famille : cette construction sociale arbitraire paraît se situer du côté de la nature, du naturel et de l'universel".
Le titre de l'ouvrage de Bruno Karsenti et Cyril Lemieux , Socialisme et sociologie, interrogera ... more Le titre de l'ouvrage de Bruno Karsenti et Cyril Lemieux , Socialisme et sociologie, interrogera à l'évidence celles et ceux qui se drapent dans la neutralité axiologique pour prétendre mettre à distance toute forme d'engagement dans leurs recherches. D'autres y verront la confirmation du caractère non scientifique de la sociologie, du moins d'une certaine sociologie. D'autres, enfin, y chercheront les assises philosophiques de leurs positions politiques. Au-delà des praticien.ne.s des sciences sociales, nul.le ne pourra rester indifférent.e à la démonstration proposée, tant le malaise politique et épistémologique qu'analysent les deux auteurs est un trait saillant du moment présent, celui d’une crise de la gauche européenne et d’une remise en cause de la scientificité de la sociologie. Le diagnostic des deux auteurs est cependant plus général puisqu’il porte sur l’ensemble des sciences sociales: « Dans la configuration épistémologique qui domine désormais, on ne néglige pas du tout les phénomènes sociaux, mais on prétend les prendre en compte à l'aide de démarches inaptes à cette fin ». Le prisme individualiste induit par l'économie et la psychologie s'impose, prisme ontologique et non seulement méthodologique. Celui-ci est redoublé par les discours politiques, l’ensemble contribuant à la production d'un sens commun tout autant scientifique qu’idéologique. Pour ce qui est de la gauche européenne, les auteurs ajoutent que le renoncement « à la volonté de connaître sociologiquement la réalité » s'accompagne de « la volonté inverse : celle de ne surtout pas penser sociologiquement les rapports sociaux ». En bref, en lieu et place d’une compréhension sociologique de la réalité sociale, les prismes économique (suivant lequel la crise économique agit sur les rapports sociaux) et psychologique (l'angoisse devant la mondialisation) se sont imposés. Mais, et cet élément n’est pas véritablement pris en compte dans l’ouvrage, certains agents, dans le champ économique et dans le champ politique notamment, ont un intérêt à voir l’individualisme ontologique triompher. Il conviendra donc de ne pas négliger la dimension politique, y compris dans la volonté de savoir sociologique.
Passés/Composés, 2022
La démocratie athénienne aurait été imparfaite, limitée, réduite à une part infime de la populati... more La démocratie athénienne aurait été imparfaite, limitée, réduite à une part infime de la population. Elle serait donc incomparable, voire contradictoire, avec notre démocratie contemporaine. Dans cette histoire inédite et entièrement renouvelée, Christophe Pébarthe revient aux documents anciens et démontre qu’il s’agit d’un régime où le peuple se gouverne effectivement lui-même. Il décrit, entre autres, comment les Athéniens veillent à ce que leurs délibérations produisent les meilleures décisions et comment leurs institutions garantissent la formation des citoyens au long de leur vie. Il se livre à une lecture inattendue de célèbres tragédies, Antigone par exemple. Ces dernières répondaient aux questions suscitées par l’instauration de la démocratie : la loi a-t-elle toujours raison ? Comment veiller à ce que l’opinion exprimée corresponde à l’intérêt général ? Bref, les Athéniens avaient les mêmes interrogations que nous et partageaient un même souci d’amélioration de leur régime politique. À la faveur de l’exemple grec, l’auteur montre des correspondances avec les critiques émises à l’endroit de nos propres régimes politiques, liées à la représentativité, aux élites et au « populisme ». Et si se réconcilier avec l’histoire d’Athènes permettait de retrouver l’origine oubliée du projet démocratique ?
Au-delà de toutes les remises en cause, la famille se présente le plus souvent comme une évidence... more Au-delà de toutes les remises en cause, la famille se présente le plus souvent comme une évidence, parce que naturelle et universelle. Elle a pourtant une histoire. Elle ne se résume pas au couple avec ou sans enfants. Et surtout, elle ne peut pas être cernée sans être replacée dans la société tout entière qui est son cadre. Telle est la perspective adoptée par cet ouvrage qui cherche à faire apparaître ce qu'ont pu être la famille, comme norme, et les familles dans leur diversité dans le monde grec et dans la Rome antique. Rassemblant des articles écrits par des spécialistes, ce livre présente aussi bien un état de la question qu'un aperçu des problèmes qui se cachent derrière la familiarité spontanée que suscite de prime abord la famille.
Beyond all reasonable doubt, the family appears most often as an evidence, because it seems natural and universal. Family has yet an history and can not be reduced to the couple with or without progeny. Above all, it is impossible to understand what is family without considering it as a part of the whole society. This book tries to study the family as a norm and to show the diversity of the families in Antiquity. A collection of articles written by specialists, this book exposes as much the state of the art as it does an outline of the questions raised by this topic in spite of the fake sensation of familiarity which family conveys
Les historiens ont longtemps affirmé qu'il n'était pas possible d'appliquer au monde antique une ... more Les historiens ont longtemps affirmé qu'il n'était pas possible d'appliquer au monde antique une analyse centrée autour de la notion de marché. Réservée aux époques ultérieures, celle-ci serait anachronique. Depuis une trentaine d'années, de nombreux travaux ont montré qu'il n'en était rien. L'économie des cités grecques ne méconnaît pas le marché comme institution économique. Dans cette perspective, en raison de l'abondance des sources et de leur diversité, Athènes à l'époque classique apparaît comme un terrain d'étude privilégié pour décrire la naissance et le fonctionnement d'une économie de marché. L'étape initiale de cette histoire est constituée par les premières frappes monétaires athéniennes. C'est à partir de la monnaie que les Athéniens parviennent ensuite à construire un marché à l'échelle du monde égéen, garantissant l'approvisionnement de la cité et, plus généralement, l'abondance. Cette construction résulte de décisions prises par l'assemblée des citoyens qui s'inscrivent toujours dans le cadre marchand de l'économie. Dans l'Athènes classique, le marché se trouve au cœur même du politique. La cité athénienne est donc aussi une démocratie de marché.
"Athènes est-elle une démocratie en raison de ses pratiques documentaires ou bien faut-il considé... more "Athènes est-elle une démocratie en raison de ses pratiques documentaires ou bien faut-il considérer que les Athéniens connaissaient une forte alphabétisation parce qu'ils vivaient dans une cité démocratique ? Certains historiens n'ont pas hésité à s'inscrire dans un raisonnement déterministe, associant ce régime politique à l'importance du recours à l'écriture. Tout en rejetant cette approche, ce livre considère l’introduction d’un mode de communication dans une société comme une possibilité nouvelle qui est offerte à cette dernière. Il précise d'abord les aspects quantitatifs et qualitatifs de l’alphabétisation athénienne. Il établit ensuite le rôle de la conservation des documents dans le fonctionnement de la cité, en décrivant le fonctionnement des archives civiques et officielles et leur utilité politique. Il décrit enfin l’utilisation des documents écrits en tenant compte des différents supports et propose une histoire de la communication écrite.
À Athènes, le fin lettré coexiste avec le citoyen incapable d'écrire un nom et avec des scripteurs plus ou moins maladroits. Mais l'ensemble de la société est confronté quotidiennement à l'écriture. Il est donc vain de partir à la recherche d’une civilisation orale ou d’une civilisation écrite athénienne au cours de la période classique, tout autant que de tenter d’y situer la transition de l’une à l’autre. La cité, comprise aussi bien comme une entité politique que comme une somme d’individualités, ne saurait exister sans ses écritures affichées, ses documents divers et ses archives."
Jusqu'à la fin de l'époque archaïque (vers 500 a. C.), la question qui domine est celle de la nai... more Jusqu'à la fin de l'époque archaïque (vers 500 a. C.), la question qui domine est celle de la naissance de la cité (ou polis) après la disparition du système palatial précédent. Les différentes options historiographiques sont envisagées et commentées, en intégrant les analyses les plus récentes. Pendant la période classique (Ve-fin IVe siècle), plusieurs hégémonies civiques se mettent en place, mais ne perdurent pas au-delà de quelques dizaines d'années. Enfin, le roi de Macédoine, Philippe, puis son fils Alexandre le Grand, parviennent à imposer leur autorité sur l'ensemble des cités grecques. Au-delà de la dimension événementielle, la période classique est marquée par la cité. Organisation politique, elle possède un certain nombre d'institutions qui répartissent les pouvoirs entre les citoyens. Organisation sociale, elle rassemble des individus dont les statuts diffèrent fortement, citoyens et non citoyens, hommes et femmes, libres et non libres. Dotée d'une identité forte, la cité n'est pour autant pas fermée aux échanges, dont une part est même indispensable à son bon fonctionnement.
"La rencontre entre les recherches sur l’écriture et sur le pouvoir n’a rien de fortuit . On peut... more "La rencontre entre les recherches sur l’écriture et sur le pouvoir n’a rien de fortuit . On peut considérer que la naissance de l’Etat, en tout cas de l’Etat complexe, est liée à la naissance et à l’usage de l’écriture. Cependant, ce n’est pas l’écriture »interne », »utilitaire », » administrative » qui est ici en question, mais l’écriture comme moyen de pouvoir.
Si l’on suit Max Weber, la légitimité est l’élément cl é de toute domination. Pour l’établir et la maintenir, l’Etat peut utiliser des moyens variés, parmi lesquels la communication écrite, ce qui peut étonner quand on sait que dans la plupart des sociétés du passé la majorité de la population était illettrée. C’est sur ce paradoxe que s’interrogent les quinze communications de ce recueil. Elles couvrent un horizon chronologique large, qui va de l’Egypte et la Mésopotamie anciennes à nos jours, mais toujours dans le cadre de sociétés qui n’ont pas encore connu le « désenchantement du monde » et la rationalité de l’Etat moderne."
Essais. Revue interdisciplinaire d'Humanités, n°19, "L'intelligence des masses", 2023
Democracy is often justified by the superiority of collective intelligence over individual reason... more Democracy is often justified by the superiority of collective intelligence over individual reason. It would imply the sharing of contextualised information from which the common good would emerge. The Athenian experience (5th century BC) reveals a very different conception. Deliberation is not a pooling of local knowledge. Without ignoring the risk of confusing the good for oneself with the good in oneself, it recognises that everyone has an equal capacity to claim to state the interest of the city. The resulting decision is then only an opinion of the demos.
Cet article fait suite à un premier travail, épistémologique et historiographique (PEBARTHE C., «... more Cet article fait suite à un premier travail, épistémologique et historiographique (PEBARTHE C., « Édouard Will, l'anthropologie coloniale et le judaïsme hellénistique », in S. CAPANEMA, Q. DELUERMOZ, M. MOLIN, REDON M. [dir.], Du transfert culturel au métissage. Concepts, acteurs, pratiques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015, p. 93-113, sp. 112). J'y proposais la conclusion suivante : Si « “l'État est l'instance légitimatrice par excellence, qui ratifie, solennise, enregistre les actes ou les personnes, en faisant apparaître comme allant de soi les divisions ou les classification qu'il institue ” (BOURDIEU P., Sur l'État. Cours au Collège de France [1989-1992], Paris, Points, 2012, p. 232), alors la révolte des Maccabées, loin d'être un affrontement religieux, fut avant tout une affaire d'État » (PEBARTHE C., « Édouard Will, l'anthropologie coloniale et le judaïsme hellénistique », art. cit., p. 112). L'affirmation valait surtout comme programme de recherche en devenir, plutôt que comme conclusion définitive.
Sans le vouloir, en intitulant l'un de ses articles "Thucydide n'est pas un collègue", Nicole Lor... more Sans le vouloir, en intitulant l'un de ses articles "Thucydide n'est pas un collègue", Nicole Loraux lançait à ses collègues une invitation à ne pas la lire plus avant. Ce titre ne disait-il pas tout ? Nul doute qu'il devint bientôt un proverbe, une vérité devenue simple formule, une catégorie philosophique au sujet de laquelle le philosophe Vincent Descombes rappelait naguère : "La force qui soutient ces proverbes n'est pas celle de la réflexion. Ils tiennent le crédit dont ils jouissent de leur commodité : grâce à eux, nous pouvons plus aisément coordonner nos opinions communes dans les domaines les plus divers". Commode, l'affirmation l'est assurément. Ne garantit-elle pas à celui ou celle qui s'y réfère un sauf-conduit dans le pays rassurant de l'objectivité ? Proclamer que décidément, non, Thucydide n'est pas un collègue, implique que celui ou celle qui le dit est un ou une collègue et se retrouve du même coup détenteur ou détentrice de la définition légitime de l'histoire ; et avec tous les privilèges afférents au titre, en particulier celui qu'offre la position de lector, la légitimité de revendiquer d'avoir le dernier mot sur un texte et, ici, plus généralement sur le métier d'historien. Par la grâce d'une formule, le père véritable de l'histoire, ce "plus haut point de l'historiographie antique et peut-être de l'historiographie tout court" doit rendre les armes. Ses successeurs refusent l'héritage pour mieux affirmer leur science et leur position de dernière instance de légitimation pour les interprétations textuelles. Défenseurs du point de vue sans point de vue, ils n'ont d'autres options que de délégitimer les textes qu'ils commentent, sous peine de voir leur propre production écrite passée au prisme d'une critique indélicate qu'ils pratiquent allègrement sur des textes qu'ils catégorisent comme sources. Certes, ils débattent entre eux mais l'affrontement est le plus souvent si policé qu'il s'apparente, à de rares exceptions près, à des échanges érudits, consensuels ou presque. Ignorant leur propre point de vue, ils peuvent ainsi mettre en évidence la subjectivité de tel Ancien, son parti pris ou du moins ses erreurs, sans jamais interroger le paradoxe de leur position qui implique qu'il serait plus facile de débusquer des mensonges proférés il y a vingt-cinq siècles que de dire ses quatre vérités au monde actuel.
Christophe Pébarthe "Rien ne paraît plus naturel que la famille : cette construction sociale arbi... more Christophe Pébarthe "Rien ne paraît plus naturel que la famille : cette construction sociale arbitraire paraît se situer du côté de la nature, du naturel et de l'universel".
Le titre de l'ouvrage de Bruno Karsenti et Cyril Lemieux , Socialisme et sociologie, interrogera ... more Le titre de l'ouvrage de Bruno Karsenti et Cyril Lemieux , Socialisme et sociologie, interrogera à l'évidence celles et ceux qui se drapent dans la neutralité axiologique pour prétendre mettre à distance toute forme d'engagement dans leurs recherches. D'autres y verront la confirmation du caractère non scientifique de la sociologie, du moins d'une certaine sociologie. D'autres, enfin, y chercheront les assises philosophiques de leurs positions politiques. Au-delà des praticien.ne.s des sciences sociales, nul.le ne pourra rester indifférent.e à la démonstration proposée, tant le malaise politique et épistémologique qu'analysent les deux auteurs est un trait saillant du moment présent, celui d’une crise de la gauche européenne et d’une remise en cause de la scientificité de la sociologie. Le diagnostic des deux auteurs est cependant plus général puisqu’il porte sur l’ensemble des sciences sociales: « Dans la configuration épistémologique qui domine désormais, on ne néglige pas du tout les phénomènes sociaux, mais on prétend les prendre en compte à l'aide de démarches inaptes à cette fin ». Le prisme individualiste induit par l'économie et la psychologie s'impose, prisme ontologique et non seulement méthodologique. Celui-ci est redoublé par les discours politiques, l’ensemble contribuant à la production d'un sens commun tout autant scientifique qu’idéologique. Pour ce qui est de la gauche européenne, les auteurs ajoutent que le renoncement « à la volonté de connaître sociologiquement la réalité » s'accompagne de « la volonté inverse : celle de ne surtout pas penser sociologiquement les rapports sociaux ». En bref, en lieu et place d’une compréhension sociologique de la réalité sociale, les prismes économique (suivant lequel la crise économique agit sur les rapports sociaux) et psychologique (l'angoisse devant la mondialisation) se sont imposés. Mais, et cet élément n’est pas véritablement pris en compte dans l’ouvrage, certains agents, dans le champ économique et dans le champ politique notamment, ont un intérêt à voir l’individualisme ontologique triompher. Il conviendra donc de ne pas négliger la dimension politique, y compris dans la volonté de savoir sociologique.
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays. Toute reprodu... more Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit (électronique, mécanique, photocopie, enregistrement, quelque système de stockage et de récupération d'information) des pages publiées dans le présent ouvrage faite sans autorisation écrite de l'éditeur, est interdite.
Dossier : Faire de la sociologie économique avec Bourdieu P67 > 84 1 er sem. 2014 67 13 Oikonomia... more Dossier : Faire de la sociologie économique avec Bourdieu P67 > 84 1 er sem. 2014 67 13 Oikonomia, entre champ économique, champ politique et champ philosophique en Grèce ancienne Méditations bourdieusiennes sur l'Économique de Xénophon 1 Christophe PÉBARTHE AUSONIUS, Université Bordeaux Montaigne christophe.pebarthe@u-bordeaux3.fr
Figurines de terre cuite en Méditerranée grecque et romaine. Volume 2. Iconographie et contextes.... more Figurines de terre cuite en Méditerranée grecque et romaine. Volume 2. Iconographie et contextes. -a. muller, e. lafli dir., s. HuyseCom-HaxHi coll. -Villeneuve d'Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2015. -699 p. : bibliogr., fig. -(Archaiologia, ISSN : 2103.5458). -ISBN : 978.2.7574.1133.9. anne Queyrel Bottineau (p. 632-635) 610 revue Des étuDes anCiennes Figurines grecques en contexte. Présence muette dans le sanctuaire, la tombe et la maison. -s. HuyseCom-HaxHi, a. muller dir. -Villeneuve d'Ascq : Presses Universitaires du Septentrion, 2015. -493 p. : bibliogr., fig. -(Archaiologia,
La recension ne porte que sur les articles consacrés à l'histoire ancienne.
Trop souvent, les juristes ont imposé une définition juridique de la démocratie, comme si le pouv... more Trop souvent, les juristes ont imposé une définition juridique de la démocratie, comme si le pouvoir du peuple et le pouvoir au peuple se réduisaient à des institutions délibératives. Au-delà de la procédure démocratique, il faut pourtant faire toute sa place au régime qui l'accompagne, à la manière d'être ensemble. Dès lors, la politique n'est plus simplement l'affaire des citoyens et des responsables, elle est une manière collective de décider ce qui est bon, voire juste, pour toutes et tous. La décision n'est plus que l'aboutissement d'un long cheminement intellectuel vers une vérité produite par un vote. En rappelant le contenu de quelques tragédies et de quelques mythes, cette conférence cherchera à expliquer comment une démocratie a pu naître et prospérer à Athènes au Ve siècle av. J.-C.
Is there something like a french classical Greece? Is there a specific french way to study, to ex... more Is there something like a french classical Greece? Is there a specific french way to study, to explain and to understand ancient Greece? Many french scholars seem to think, or to believe, there is, as they say, a "Grèce à la française". Nowadays, it seems that everything has become international, the cuisine which is a painfull idea for a French, and especially science. Many academics do live in a small word, as the british novelist David Lodge has shown more than three decades ago. They share the same dreams, they pursue the same carreer in a few big international universities, they read the same books and articles, they write on the same topics, they publish in the same reviews etc. But does it mean they make science in the same way? That is the main question I want to answer here. I think it is important to question one's own position, before beginning any work in social science, and Classics are part of the social science for me. So I am wondering if there is still some kind of national traditions in classical studies, even if the process of globalisation is now a reality which is difficult to deny. In other words, I would like to clarify my own way to be a scholar interested in the Classical antiquity, that is to say to determinate if I am a french scholar stuck in one and only national way of thinking.
Discussion le 27 septembre 2018 avec Pierre Judet de La Combe et Myrto Gondicas autour de la nouv... more Discussion le 27 septembre 2018 avec Pierre Judet de La Combe et Myrto Gondicas autour de la nouvelle édition de leur traduction des "Perses" d'Eschyle aux éditions Anacharsis.
Conférence prononcée le vendredi 22 janvier 2016, lors des 15ème journée de Conférences en histoi... more Conférence prononcée le vendredi 22 janvier 2016, lors des 15ème journée de Conférences en histoire des sciences et épistémologie, Journée George Bram, organisée par Clotilde Policar (département de chimie de l'ENS)
Dans un ouvrage paru en 2000, Les Grecs, les historiens, la démocratie. Le grand écart, cherchant... more Dans un ouvrage paru en 2000, Les Grecs, les historiens, la démocratie. Le grand écart, cherchant à établir l'existence d'une Grèce à la française, Pierre Vidal-Naquet qualifiait la relation que les historiens entretiennent avec le monde grec ancien d'"inquiétante familiarité". Il faisait allusion de façon explicite à l'article publié en 1919 par Sigmund Freud, Das Unheimliche. Forgé à partir de Heim, la maison et du préfixe privatif, un, ce terme ne se traduit pas aisément en français. Si la proposition de Marie Bonaparte est le plus souvent retenue, "l'inquiétante étrangeté", d'autres, faisant remarquer que cette traduction laissait de côté la maison, la familiarité et faisait disparaître la négation, ont proposé "l'étrange familier" (François Roustang). D'autres traductions seraient possibles, par exemple "le non-familier". La difficulté n'est du reste pas propre au français puisque Freud lui-même éprouve le besoin de consacrer la première partie de sa réflexion à l'établissement d'une définition qu'il énonce ainsi. "L'inquiétante étrangeté est cette variété particulière de l'effrayant qui remonte au depuis longtemps connu, depuis longtemps familier". Il s'agit donc de comprendre comment ce qui est familier "peut devenir étrangement inquiétant, effrayant".
Cette inquiétante familiarité n'est pas sans évoquer l'estrangement, ce procédé littéraire décrit par Carlo Ginzburg, qui consiste à rendre moins immédiate la perception des choses, plus ardue et plus longue, à en briser l'automaticité, et à compliquer les formes. Sans doute est-ce Marcel Proust qui a le mieux exprimé les effets de ce procédé sur les œuvres. Décrivant l'art d'Elstir, il parle d'un effort fait par le peintre pour "ne pas exposer les choses telles qu'il savait qu'elles étaient" au profit des "illusions d'optique" lors de première vision. De même, Proust vante Mme de Sévigné parce qu'"elle présente les choses dans l'ordre de nos perceptions, au lieu de les expliquer d'abord par leur cause". Mais comme Carlo Ginzburg l'a montré, l'auteur d'À la recherche du temps perdu avait parfaitement saisi les implications épistémologiques du procédé artistique qu'il décrivait. À cet égard, un passage du Temps retrouvé est particulièrement éclairant. Le narrateur parle de son ami décédé Robert de Saint-Loup à sa veuve :
"Il y a un côté de la guerre qu'il commençait, je crois, à apercevoir, lui dis-je, c'est qu'elle est humaine, se vit comme un amour ou comme une haine, pourrait être racontée comme un roman, et que par conséquent, si tel ou tel va répétant que la stratégie est une science, cela ne l'aide en rien à comprendre la guerre, parce que la guerre n'est pas stratégique. L'ennemi ne connaît pas plus nos plans que nous ne savons le but poursuivi par la femme que nous aimons, et ces plans, peut-être ne les savons-nous pas nous-mêmes. […] À supposer que la guerre soit scientifique, encore faudrait-il la peindre comme Elstir peignait la mer, par l'autre sens, et partir des illusions, des croyances qu'on rectifie peu à peu comme Dostoïevski raconterait une vie".
La conclusion n'est pas sans conséquence. Si l'existence humaine n'est pas prévisible, alors il n'y a pas de science sociale possible. C'est tout l'enjeu de l'estrangement, savoir si l'histoire scientifique doit être peinte par l'autre sens.
Toute réflexion en termes de champ économique implique de poser la question de la différenciation... more Toute réflexion en termes de champ économique implique de poser la question de la différenciation des univers sociaux. Il s'agit en l'occurrence le plus souvent de déterminer à quel moment les affaires ne sont plus que les affaires . La découverte devient la modalité principale du raisonnement sociologique, comme l'illustrent les propos de Pierre Bourdieu dans l'introduction des Structures sociales de l'économie, rappelant ce qu'il avait observé en Algérie. Le désencastrement polanyien vient alors presque spontanément à l'esprit, comme un modèle transhistorique, complété par la mise en évidence des conditions sociales de la rationalité économique . Une opposition se dessine entre d'une part l'esprit de calcul et "le refoulement collectivement imposé et contrôlé des inclinations calculatrices qui était associé à l'économie domestique" . À première vue, dans ce schéma, l'histoire de l'Antiquité ne peut apparaître que comme une préhistoire économique, l'amnésie visible de la genèse de l'agent économique. À peine concède-t-on ici là ou là une découverte, timide et rudimentaire, de l'économie .
Au contraire, en abandonnant cette perspective téléologique, il devient possible de trouver dans les sources antiques un modèle historique dans lequel les principales catégories que la science économique utilise apparaissent dans un agencement singulier. La théorie ne s'oppose pas à la pratique. La production des richesses n'est pas indifférente à la morale et à la politique, elle en est une composante. Et pour autant, les échanges se déroulaient dans un cadre marchand, sans rapport avec une quelconque économie du don ou de la redistribution . Ce double constat met en question une certaine façon d'appliquer à l'Antiquité un mode de pensée relationnel. Jusqu'à présent en effet, il s'est agi d'expliquer pourquoi les Grecs ne pouvaient pas connaître le marché, problème que l'évocation des mentalités venait résoudre, dans un enchantement épistémologique confortable . Encastré, l'agir économique était de fait indicible ou anachronique, selon les cas. Le marché antique étant une réalité historique à présent établie, une telle approche doit être abandonnée.
Pourtant, n'y-a-t-il pas des sources qui disent le mépris du travail, des activités économiques, en particulier de l'artisanat, au profit de l'apologie de l'action politique dans une cité démocratique ? N'y avait-il pas une claire répartition des rôles sociaux entre l'homo politicus d'un côté et l'esclave, la femme et l'étranger de l'autre ? L'Économique de Xénophon est souvent convoqué comme preuve irréfutable de cette opposition entre les activités productives, sinon sous la forme du gentleman farmer, et la citoyenneté antique. Mais tout dépend de la lecture que l'on fait . Dans "Lecture, lecteurs, lettrés, littérature" (Choses dites, Paris, 132-143) et notamment "Pour une science des œuvres" (Raisons pratiques. Sur la théorie de l'action, Paris, 59-97), Pierre Bourdieu propose d'appliquer la théorie des champs à la lecture des œuvres . Il considère que l'œuvre exprime le champ de production intellectuelle dans sa totalité, positions et prises de position. Lue à cette aune, l'oikonomia, ce savoir concernant l'administration du patrimoine, ne saurait être réduite à la version qu'en donne Xénophon. Elle apparaît au contraire comme une question politique et philosophique majeure de ce temps. Quelle place accorder à l'économie ? Peut-on être citoyen et travailleur en même temps ? La réflexion sur la production de richesse et sur le profit peut-elle être qualifiée de savoir (epistemè), alors même que son caractère pratique (technè) ne fait pas problème ? Cette lecture avec Bourdieu de l'Économique de Xénophon pourrait alors permettre de faire apparaître une science économique impure qui ne repose pas sur "la coupure sociale et l'abstraction pratique" , antérieure donc à la doxa épistémique décrite dans les Méditations pascaliennes.
During the classical period, the Athenians have to deal with the same food supply problem. Just f... more During the classical period, the Athenians have to deal with the same food supply problem. Just for surviving, they need to import more than one-half of its yearly requirements, maybe around three quarter of all the grain they consume per year. This context leads Athens to control the maritime trade in the fifth century. They have built an empire which have allowed them to concentrate the grain trade on their emporion, the Piraeus. It is obvious that the fleet, between two and three hundreds triremes, have served the Athenians' interests. But even such a fleet was not able to control the Aegean sea. If Athens was successfull, it was because of the elaborate fiscal and legal system the Athenians have worked out.
So, the collapse of their empire in the end of the 5th century was a Big One for Athens. They had to solve one more time their food supply problem. But, for political and military reasons, mainly the growing power of Sparta's fleet and its corollary the destruction of their fleet, the Athenians were not able to built a new empire in the beginning of the forth century, even if Athens was still haunted by the ghost of its lost empire. Without any possibility to reconstruct any new Delian league, at least before 394 and Conon's victory, the Athenians have lost the One Big Market they controled during the fifth century.
Per chance, some inscriptions and some literary sources inform us with very interesting details on how the Athenians have reconstructed an Aegean market, with new rules and new tools. Even when they succeeded in leading a new imperial policy, it seems they have never even tried to construct an imperial market. On the contrary, they pursued the policy they initiated in the beginning of the century. As it is obvious that during the all forth century, the Athenians never really starved even if they sometimes had real food supply's problems, we have to understand if this successful policy was an economic or a political one.
Did the Athenians use politics to achieve their city's supply or did they use some kind of ancient market's rules ? In his book published in 2007, Feeding the democracy, specially in the chapter 5 "Bread and Politics", Alfonso Moreno seems to adopt the first solution, when he uses the expression "dirigiste fashion" to describe the athenian food supply. In this paper, we mainly want to discuss this thesis and the kind of forth century Athenian economy Moreno has described.
Dans son Histoire politique du monde hellénistique, Edouard Will consacre plusieurs dizaines de p... more Dans son Histoire politique du monde hellénistique, Edouard Will consacre plusieurs dizaines de pages à un essai d'analyse des fondements et principes de la politique extérieure lagide au IIIème siècle. L'historien cherche à rendre compte de l'originalité de la thalassocratie mise en place par les premiers Ptolémées. Après des développements fouillés et une mise en perspective avec la thalassocratie athénienne du Vème siècle, il conclut à l'existence d'un mercantilisme lagide au service de leur puissance navale et non l'inverse. Des études récentes consacrées à l'empire athénien ont toutefois posé à nouveau les relations complexes que l'économie entretient avec la politique. Ces changements historiographiques conduisent à mener une approche comparatiste renouvelée.
Even when a scholar assesses his research will take place beyond primitivism and modernism, he st... more Even when a scholar assesses his research will take place beyond primitivism and modernism, he still has one problem to solve. How to describe ancient economies ? Is it possible to use economics' tools without going back to the nineteenth century and the modernists' fallacy ? No one can deny the fact that the ancient greek world knew marketplaces. But we all also know that we must pay attention to the distinction Karl Polanyi stressed in his work. He drew a very strong line between market system, what we may call the economical laws of market, and the marketplace, an area where the exchanges take place.
Histoire de familles dans le monde grec ancien et dans la Rome antique, 2018
Au-delà de toutes les remises en cause, la famille se présente le plus souvent comme une évidence... more Au-delà de toutes les remises en cause, la famille se présente le plus souvent comme une évidence, parce que naturelle et universelle. Elle a pourtant une histoire. Elle ne se résume pas au couple avec ou sans enfants. Et surtout, elle ne peut pas être cernée sans être replacée dans la société tout entière qui est son cadre. Telle est la perspective adoptée par cet ouvrage qui cherche à faire apparaître ce qu’ont pu être la famille, comme norme, et les familles dans leur diversité dans le monde grec et dans la Rome antique. Rassemblant des articles écrits par des spécialistes, ce livre présente aussi bien un état de la question qu’un aperçu des problèmes qui se cachent derrière la familiarité spontanée que suscite de prime abord la famille.
Beyond all reasonable doubt, the family appears most often as an evidence, because it seems natural and universal. Family has yet an history and can not be reduced to the couple with or without progeny. Above all, it is impossible to understand what is family without considering it as a part of the whole society. This book tries to study the family as a norm and to show the diversity of the families in Antiquity. A collection of articles written by specialists, this book exposes as much the state of the art as it does an outline of the questions raised by this topic in spite of the fake sensation of familiarity which family conveys.
Qu’est-ce que la “chose” publique, la res publica ? Et qu’est-ce que l’indétermination originelle... more Qu’est-ce que la “chose” publique, la res publica ? Et qu’est-ce que l’indétermination originelle de la “chose”, puis sa substantialisation à partir du IIe siècle avant notre ère, disent de la conception du politique dans la Rome républicaine ? Nous nous proposerons dans cette conférence de montrer quelques déplacements qui affectent la notion jusqu’au début du principat, d’analyser les enjeux et les effets du processus de formalisation qui reflète, chez une partie de l’élite, une volonté de mettre un terme au mouvement de l’histoire.
Pierre Judet de La Combe, directeur d’études à l’E.H.E.S.S., est un philologue internationalement... more Pierre Judet de La Combe, directeur d’études à l’E.H.E.S.S., est un philologue internationalement connu. Il prépare actuellement une traduction des poèmes homériques pour les Belles Lettres. Auteur récent d’un livre destiné à un public large, L’Avenir des Anciens, oser lire les Grecs et les Latins (Albin Michel 2016), il y présente une défense originale des langues anciennes. Spécialiste reconnu des tragédies antiques, il a proposé une conférence grand public le mercredi 30 novembre 2016 à l’Université Bordeaux Montaigne dans laquelle il a exposé ses manières de lire des textes qui demeurent d’une brûlante actualité.
Le mardi 5 décembre 2017 la Revue des Études Anciennes recevait Edward Harris (Professeur émérite... more Le mardi 5 décembre 2017 la Revue des Études Anciennes recevait Edward Harris (Professeur émérite à l’université de Durham (Royaume-uni) pour une conférence intitulée : « De la division du travail dans la cité grecque »