MARX Jacques | Université libre de Bruxelles (original) (raw)

Papers by MARX Jacques

Research paper thumbnail of CHINOISERIE. REEVALUATION

Jacques Marx, 2012

L'article s'interroge, en retournant aux « sources chinoises», sur la possibilité de cerner l’ide... more L'article s'interroge, en retournant aux « sources chinoises», sur la possibilité de cerner l’identité culturelle d’origine des représentations nourrissant une esthétique de l'étrangeté. La question fait partie de la problématique générale de l’influence asiatique sur les arts européens. Pour la période qui précède l’arrivée des jésuites, elle est insoluble, en raison de notre ignorance des vecteurs de transmission dans la relation entre la production et la réception. Par contre, pour les XVIIe et XVIIIe siècles, nous connaissons les agents de la médiatisation : la Compagnie de Jésus, promotrice d’une vision multipolaire du monde, et inspiratrice d’une tradition d’imaginaire livresque contenue dans la « Chine sur papier » ; et la production imprimée parallèle à l’activité des grandes compagnies commerciales responsables du transfert massif d’objets matériels en provenance de l’Asie .

Research paper thumbnail of FATHER ATHANASE KIRCHER PDF

Jacques Marx

With its minute art of engraving, rich in ornamental details that were to resurface in 18th centu... more With its minute art of engraving, rich in ornamental details that were to resurface in 18th century Chinese-inspired production, father Athansius Kircher's China illustrata (1667) is a major book that paves the way for the large collections of Chinese designs which artists such as Watteau, Pillement and Boucher later delighted in.

Research paper thumbnail of La mission de Chine, une transaction humaniste de l'altérité.docx

L’article s’intéresse aux conditions dans lequelles se sont effectuées la pénétration et l’implan... more L’article s’intéresse aux conditions dans lequelles se sont effectuées la pénétration et l’implantation de la Société de Jésus dans l’espace socio-culturel de la Chine impériale, c’est-à-dire les facilitateurs constitutifs de l’identité jésuite, qui ont favorisé la prise de contact et « l’apprivoisement de l’Autre », les moyens utilisés en vue d’établir une transaction avec les autorités chinoises, et le paradoxe d’une entreprise qui a tourné court, tout en posant les bases d’une relation culturaliste Europe-Chine.

Research paper thumbnail of La stèle de Xi'an dans la pensée des Lumières, ou les avatars d'une fraude pieuse

La stèle nestorienne de Xi'an (781), découverte en 1625 par les missionnaires de Chine a été au c... more La stèle nestorienne de Xi'an (781), découverte en 1625 par les missionnaires de Chine a été au centre d'une intense polémique, déclanchée par les représentants de l'Aufklärung et les philosphes franças, qui ont contesté l'authenticité du monument et accusé les jésuites d'avoir opéré une mystification. Or, la stèle est rigoureusement authentique. L'analyse de cette affaire montre à la fois les difficultés relatives à la réceptivité de la mission de Chine en Europe, et les limites de la pensée des Lumières.

Research paper thumbnail of DE LA PROTO-SINOLOGIE À L'AUFKLÄRUNG : LA PRUSSE CHINOISE

Les controverses auxquelles a donné lieu le débat sur l’authenticité de la stèle de Si-ngan fou (... more Les controverses auxquelles a donné lieu le débat sur l’authenticité de la stèle de Si-ngan fou (Xi’an), découverte en 1625 par les missionnaires jésuites, mettent en évidence le rôle joué par la Prusse dans le développement de la proto-sinologie, et dans l’exploitation par l’Aufklärung des réalités culturelles chinoises
D’une part, les « sinologues en chambre de l’âge baroque » (Andreas Müller, Christian Mentzel, Gottlieb Siegfried Bayer) ; issus du milieu piétiste de Halle intéressé par la stèle – qui porte entre autres témoignage sur les vicissitudes des églises orientales – , ont tenté d’utiliser le monument en vue de retrouver les fondements premiers de la langue universelle (clavis sinica).
D’autre part, l’interprétation de l’inscription figurant sur la stèle, telle qu’elle a été transmise en Occident par le père Athanase Kircher (S. J.) dans la traduction de Michel Boym (S. J.), s’est déroulée sur un arrière-plan intellectuel et culturel mettant en jeu la prédisposition supposée des nations « lointaines » à recevoir le christianisme, dans le cadre d’un débat sur la théologie naturelle, initié par Leibniz, et infléchi dans un sens rationaliste par son disciple Johann Christian Wolff, figure emblématique de l’Aufklärung et théoricien du despotisme éclairé.
Poursuivie et approfondie par les orientalistes français du Refuge berlinois (Mathurin Veyssière de Lacroze, Isaac de Beausobre), la controverse a débouché sur une instrumentalisation radicale et antijésuite, à laquelle Frédéric II le Grand et son entourage de Potsdam – en particulier le marquis d’Argens, auteur des Lettres chinoises (1739) – ont prêté les moyens d’expression de la fiction orientalisante et du pamphlet antireligieux.
Au total, les controverses auxquelles se sont trouvés mêlés les « imposteurs de Potsdam » dénoncés par les commentateurs jésuites modernes de la stèle, révèlent à la fois la pertinence et les limites d’un affrontement idéologique impliquant toute la perception occidentale de la réalité chinoise. La pertinence, parce qu’il a mis en évidence les équivoques du « christianisme chinois » ; les limites parce que la démarche n’a pas dépassé le stade d’une « philosophie du bon sens » relativement triviale, et marquée par l’idolâtrie de la Raison

Research paper thumbnail of Chinoiserie et goût chinois en Belgique (XVIIIe-XIXe siècles)

L’appréciation de la chinoiserie du XVIIIe siècle dans les Pays-Bas autrichiens doit évidemment ê... more L’appréciation de la chinoiserie du XVIIIe siècle dans les Pays-Bas autrichiens doit évidemment être considérée dans sa relation avec l’esprit d’une époque. Omniprésente dans de nombreuses décorations intérieures, elle n’a jamais envahi des bâtiments entiers, et s’est généralement cantonnée plutôt dans des zones périphériques ou de loisirs affranchies de règles de convenance trop contraignantes : cabinets chinois, « folies » ou fabriques de jardins. Il est clair que cette forme d’exotisme a beaucoup contribué à créer, dans les habitudes de vie et l’environnement familier des classes aristocratiques, une sociabilité élégante et distinguée.
Informelle, et passablement ludique, la chinoiserie s’est installée dans une sorte de rupture des codes, qui semble correspondre à une autre tendance caractéristique du XVIIIe siècle, le « principe de plaisir », qui cherche la réalisation utopique du paradis sur terre. Dans un pays d’étendue très réduite, et de tradition intellectuelle relativement conformiste, elle a incontestablement constitué un élément d’ouverture vers le mouvement des Lumières, et elle a sans aucun doute contribué à forger la prescience d’une certaine forme de cosmopolitisme et de promotion de l’altérité.

Research paper thumbnail of L’Empereur de Chine ouvrant le premier sillon : réception et exploitation politique de l’image dans la culture française du XVIIIe siècle

Cette recherche vise à mettre en évidence, à partir de la réception, dans la culture française, d... more Cette recherche vise à mettre en évidence, à partir de la réception, dans la culture française, de l’image de l’Empereur de Chine Yongzheng exécutant la cérémonie du « premier sillon » (qin geng 亲耕), les relations existant entre l’idéologie agrarianiste de l’ancienne Chine, fondée sur sur le concept de wu-wei (« non-agir »), et la théorie physiocratique du « gouvernement de la nature », c’est-à-dire un système global d’économie politique identifié par François Quesnay dans Le Despotisme de la Chine (1767), comme une forme de « despotisme légal », assez proche de l’idéal du despotisme éclairé de l’époque des Lumières.

Sa parenté avec la vision physiocratique française résulterait du caractère nécessaire du lien rapprochant le souverain et le peuple, que traduit l’expression « mains invisibles », utilisée pour désigner l’interaction des idées confucéennes avec la construction de l’empire.

Research paper thumbnail of Mandarins hollandais à la cour de Qianlong : l’ambassade Titsingh (1795) dans le système tributaire.

L’exposé concerne la dernière ambassade occidentale qui ait été organisée dans le cadre du systèm... more L’exposé concerne la dernière ambassade occidentale qui ait été organisée dans le cadre du système tributaire auprès de la cour de la Chine. Elle intervient entre l’ambassade de Macartney en 1792-3 et celle de lord Amherst en 1816, et elle a été jugée sévèrement parce que la soumission de l’ambassadeur aux usages de la cour de Pékin a été considérée comme un encouragement aux prétentions universalistes du pouvoir impérial chinois. En plus, cette ambassade n’en était pas vraiment une au sens du droit international, puisqu’elle ne se faisait pas de souverain à souverain, le voyage ayant été décidé au niveau des autorités de la V. O. C. (Compagnie des Indes Orientales) installées à Batavia. Elle est le résultat des efforts déployés par Andreas Everardus van Braam Houckgeest, qui émigra ensuite aux États-unis, auréolé d’un grand prestige, dans la mesure où il arrivait, accompagné de curiosa, de la cour de Pékin elle-même, et non pas de Canton ; et où il était aussi accompagné de Chinois. Sa relation, d’abord publiée en néerlandais, fut traduite par Moreau de St Méry, membre de la Convention nationale, qui avait fui la France au moment de la Terreur. Il fut également en contact avec Talleyrand, qui visita les U. S. A en 1794 ; et avec Volney, qui avait suggéré la mise au point d’un système de translittération des langues orientales applicable à la Chine. Le lien avec la France est étroit, du fait de la présence, dans l’expédition, de Chrétien-Louis-Joseph de Guignes (1759–1845), qui servit d’interpète à l’ambassadeur Isaac Titsingh. Ce dernier est le seul « philosophe » qui ait été au service de la V.O. C. Polyglotte, « citoyen du monde », mort à Paris, où il vécut dans l’entourage des principaux orientalistes de son temps, il avait été directeur commercial sur l’enclave de Dejima (1779-1794) et, à ce titre, joua également un rôle d’intermédiaire sur le terrain des relations culturelles et scientifiques entre l’Europe et le Japon. Quant à de Guignes, on sait qu’il reçut par décret de l’empereur Napoléon (1808) l’ordre de publier le Dictionnaire chinois-français-latin du père de Glemona, qui constitue un des travaux fondateurs de la sinologie moderne. L’ambassade fut remarquable par le caractère cosmopolite de sa composition, la personnalité de ses membres, inspirés par les idéaux éclairés du XVIIIe siècle, et par sa volonté de proposer à la cour de Chine une image culturelle alternative par rapport à celle de l’ambassade anglaise.

Talks by MARX Jacques

Research paper thumbnail of La stratégie d'adaptation de Matteo Ricci et la mission de Chine

Etude des méthodes d'accommodation inetrculturelles de M. Ricci, vues dans la perspective de l'in... more Etude des méthodes d'accommodation inetrculturelles de M. Ricci, vues dans la perspective de l'inculturation.

Research paper thumbnail of Le crucifix dans la mission de Chine, ou le Dieu caché Polémiques religieuses autour du Dieu caché

L'article étudie les modalités de circulation des objets religieux et des images pieuses utilisée... more L'article étudie les modalités de circulation des objets religieux et des images pieuses utilisées par les jésuites de la mission de Chine (XVIe-XVIIIe s.), ainsi que les réticences des milieux lettrés à l'égard de la représentation du Christ crucifié.

Drafts by MARX Jacques

Research paper thumbnail of Le Wonderland chinois du père Athanasius Kircher S.J

LE WONDERLAND CHINOIS DU PÈRE ATHANASIUS KIRCHER, S. J. La China illustrata, publiée en 1667 par... more LE WONDERLAND CHINOIS DU PÈRE ATHANASIUS KIRCHER, S. J.

La China illustrata, publiée en 1667 par le jésuite Athanase Kircher (1602- 1680), a bénéficié au cours des XVIIe et XVIIIe siècles d’un grand succès commercial. Sa publication intervenait dans le développement de toute une littérature à caractère encyclopédique composée de relations de voyages, de récits d’ambassades auprès de la cour impériale de Pékin, et d’albums illustrés, qui ont fourni à l’esthétique des XVIIe et XVIIIe siècles un grand nombre de motifs à caractère chinois. Conformément aux recommandations du projet missionnaire contenu dans la théologie de la Contre-Réforme, dont le but était de présenter les réalités matérielles du « grand théâtre du monde » comme un acte de foi dans l’incarnation visuelle du Verbe Créateur, le livre faisait partie d’une Bibliothekenstrategie mise au point par la Société de Jésus afin d’inventorier l’environnement matériel et spirituel des nouvelles sociétés humaines que les disciples d’Ignace de Loyola voulaient mieux connaître, et donc mieux comprendre.
Le résultat fut une véritable fabrique d’images, à laquelle ont collaboré un certain nombre d’artisans-illustrateurs, appartenant à l’élite artistique baroque de l’époque, travaillant dans la tradition anthropologique jésuite exposée dans les Exercices spirituels, qui consistait à proposer au lecteur de capter une réalité lointaine, voire inconnue, au terme d’une activité mentale restauratrice, de la même manière qu’il était recommandé de reconstituer par l’imagination les épisodes de la vie du Christ ou les lieux dans lesquels il avait vécu. Les images orientales de Kircher assumaient donc un rôle de substitution par rapport à un manque. Elles étaient par ailleurs rassemblées de façon spectaculaire dans une série de mises en scène, autour desquelles s’organisait le texte, plutôt que le contraire, de façon à susciter l’intérêt du lecteur.
Mais, surtout, Kircher avait hérité de la Renaissance l’idée d’un accord ésotérique rassemblant toutes les religions dans la transmission d’une même Vérité transcendantale. Fasciné par les sciences occultes, la magie naturelle, la Kabbale, l’alchimie, la démonologie, etc., il essayait par tous les moyens d’intégrer des réalités lointaines et des phénomènes hors du commun dans des systèmes explicatifs. Pour ce faire, il avait imaginé toute une méthodologie comparatiste, inspirée de l’Ars combinatoria de Raymond Lulle, fondée sur un réseau complexe de références culturelles, comportant toute une série de connections avec la pensée égyptienne, mais aussi avec l’antiquité grecque et romaine, et même le christianisme. En d’autres termes, le monde visible de Kircher se doublait d’un monde lisible, chargé de correspondances avec la culture européenne.
La clef de ce système fermé se trouve dans la logique interne d’une pensée fondamentalement analogique. Kircher, en effet, était un admirateur enthousiaste de la natura naturans, qu’il voyait comme une genèse permanente – ars Dei – complétant la Création initiale, qui s’est trouvée partiellement en accord avec la pensée chinoise. Par exemple, sa confiance – ou sa crédulité – dans les opérations de la magie naturelle semble l’avoir amené à une connaissance intuitive du feng shui, c’est-à-dire de la relation entre l’homme et sa sphère environnementale, et peut-être de l’alchimie taoïste, alors inconnue en Occident.
Si l’on tente d’évaluer ce que la China illustrata a pu apporter aux relations interculturelles Chine-Europe, on doit mettre en évidence plusieurs éléments de première importance. D’abord, l’attention apportée aux realia, qui annonce peut-être la promotion des objets dans le développement futur du goût chinois. En effet, si l’épistémê de Kircher s’appuyait sur un réseau complexe de références érudites – souvent douteuses – sa méthode d’approche était peut-être plus celle d’un collectionneur et d’un antiquaire spécialisé, intéressé principalement par l’observation des vestiges matériels, que celle d’un idéologue. D’autre part, la prise en considération de la Nature, qui forme le sujet principal des scénographies imaginées par un des grands découvreurs du pouvoir de l’image, apparaîtra au XVIIIe siècle, comme une des dimensions majeures de ce qu’on appellera plus tard la chinoiserie. L’ensemble de ces caractéristiques fait donc de la China illustrata une oeuvre ambiguë, qui rassemble des éléments européens et orientaux dans une ambiance de relativisme culturel où l’on peut discerner le pendant du syncrétisme religieux élaboré au sein de la mission de Chine.
Mais le plus important peut-être, c’est que le monde chinois montré par le livre de Kircher est un monde écrit, ce qui s’accorde de façon remarquable avec l’univers des lettrés que les jésuites connaissaient bien, leur Société se définissant par des similitudes d’habitus avec les shu yuan, les académies de la Chine impériale.
L’attention minutieuse, enfin, portée à l’art de la gravure, riche de détails décoratifs qui migreront vers les productions chinoisantes du XVIIIe siècle, fait de cet ouvrage un monument de « science ornementale », qui annonce les grands recueils d’ornements chinois qui feront les délices des Watteau, des Pillement et des Boucher.

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Jacques Marx, 2012

L'article s'interroge, en retournant aux « sources chinoises», sur la possibilité de cerner l’ide... more L'article s'interroge, en retournant aux « sources chinoises», sur la possibilité de cerner l’identité culturelle d’origine des représentations nourrissant une esthétique de l'étrangeté. La question fait partie de la problématique générale de l’influence asiatique sur les arts européens. Pour la période qui précède l’arrivée des jésuites, elle est insoluble, en raison de notre ignorance des vecteurs de transmission dans la relation entre la production et la réception. Par contre, pour les XVIIe et XVIIIe siècles, nous connaissons les agents de la médiatisation : la Compagnie de Jésus, promotrice d’une vision multipolaire du monde, et inspiratrice d’une tradition d’imaginaire livresque contenue dans la « Chine sur papier » ; et la production imprimée parallèle à l’activité des grandes compagnies commerciales responsables du transfert massif d’objets matériels en provenance de l’Asie .

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Jacques Marx

With its minute art of engraving, rich in ornamental details that were to resurface in 18th centu... more With its minute art of engraving, rich in ornamental details that were to resurface in 18th century Chinese-inspired production, father Athansius Kircher's China illustrata (1667) is a major book that paves the way for the large collections of Chinese designs which artists such as Watteau, Pillement and Boucher later delighted in.

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L’article s’intéresse aux conditions dans lequelles se sont effectuées la pénétration et l’implan... more L’article s’intéresse aux conditions dans lequelles se sont effectuées la pénétration et l’implantation de la Société de Jésus dans l’espace socio-culturel de la Chine impériale, c’est-à-dire les facilitateurs constitutifs de l’identité jésuite, qui ont favorisé la prise de contact et « l’apprivoisement de l’Autre », les moyens utilisés en vue d’établir une transaction avec les autorités chinoises, et le paradoxe d’une entreprise qui a tourné court, tout en posant les bases d’une relation culturaliste Europe-Chine.

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La stèle nestorienne de Xi'an (781), découverte en 1625 par les missionnaires de Chine a été au c... more La stèle nestorienne de Xi'an (781), découverte en 1625 par les missionnaires de Chine a été au centre d'une intense polémique, déclanchée par les représentants de l'Aufklärung et les philosphes franças, qui ont contesté l'authenticité du monument et accusé les jésuites d'avoir opéré une mystification. Or, la stèle est rigoureusement authentique. L'analyse de cette affaire montre à la fois les difficultés relatives à la réceptivité de la mission de Chine en Europe, et les limites de la pensée des Lumières.

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Les controverses auxquelles a donné lieu le débat sur l’authenticité de la stèle de Si-ngan fou (... more Les controverses auxquelles a donné lieu le débat sur l’authenticité de la stèle de Si-ngan fou (Xi’an), découverte en 1625 par les missionnaires jésuites, mettent en évidence le rôle joué par la Prusse dans le développement de la proto-sinologie, et dans l’exploitation par l’Aufklärung des réalités culturelles chinoises
D’une part, les « sinologues en chambre de l’âge baroque » (Andreas Müller, Christian Mentzel, Gottlieb Siegfried Bayer) ; issus du milieu piétiste de Halle intéressé par la stèle – qui porte entre autres témoignage sur les vicissitudes des églises orientales – , ont tenté d’utiliser le monument en vue de retrouver les fondements premiers de la langue universelle (clavis sinica).
D’autre part, l’interprétation de l’inscription figurant sur la stèle, telle qu’elle a été transmise en Occident par le père Athanase Kircher (S. J.) dans la traduction de Michel Boym (S. J.), s’est déroulée sur un arrière-plan intellectuel et culturel mettant en jeu la prédisposition supposée des nations « lointaines » à recevoir le christianisme, dans le cadre d’un débat sur la théologie naturelle, initié par Leibniz, et infléchi dans un sens rationaliste par son disciple Johann Christian Wolff, figure emblématique de l’Aufklärung et théoricien du despotisme éclairé.
Poursuivie et approfondie par les orientalistes français du Refuge berlinois (Mathurin Veyssière de Lacroze, Isaac de Beausobre), la controverse a débouché sur une instrumentalisation radicale et antijésuite, à laquelle Frédéric II le Grand et son entourage de Potsdam – en particulier le marquis d’Argens, auteur des Lettres chinoises (1739) – ont prêté les moyens d’expression de la fiction orientalisante et du pamphlet antireligieux.
Au total, les controverses auxquelles se sont trouvés mêlés les « imposteurs de Potsdam » dénoncés par les commentateurs jésuites modernes de la stèle, révèlent à la fois la pertinence et les limites d’un affrontement idéologique impliquant toute la perception occidentale de la réalité chinoise. La pertinence, parce qu’il a mis en évidence les équivoques du « christianisme chinois » ; les limites parce que la démarche n’a pas dépassé le stade d’une « philosophie du bon sens » relativement triviale, et marquée par l’idolâtrie de la Raison

Research paper thumbnail of Chinoiserie et goût chinois en Belgique (XVIIIe-XIXe siècles)

L’appréciation de la chinoiserie du XVIIIe siècle dans les Pays-Bas autrichiens doit évidemment ê... more L’appréciation de la chinoiserie du XVIIIe siècle dans les Pays-Bas autrichiens doit évidemment être considérée dans sa relation avec l’esprit d’une époque. Omniprésente dans de nombreuses décorations intérieures, elle n’a jamais envahi des bâtiments entiers, et s’est généralement cantonnée plutôt dans des zones périphériques ou de loisirs affranchies de règles de convenance trop contraignantes : cabinets chinois, « folies » ou fabriques de jardins. Il est clair que cette forme d’exotisme a beaucoup contribué à créer, dans les habitudes de vie et l’environnement familier des classes aristocratiques, une sociabilité élégante et distinguée.
Informelle, et passablement ludique, la chinoiserie s’est installée dans une sorte de rupture des codes, qui semble correspondre à une autre tendance caractéristique du XVIIIe siècle, le « principe de plaisir », qui cherche la réalisation utopique du paradis sur terre. Dans un pays d’étendue très réduite, et de tradition intellectuelle relativement conformiste, elle a incontestablement constitué un élément d’ouverture vers le mouvement des Lumières, et elle a sans aucun doute contribué à forger la prescience d’une certaine forme de cosmopolitisme et de promotion de l’altérité.

Research paper thumbnail of L’Empereur de Chine ouvrant le premier sillon : réception et exploitation politique de l’image dans la culture française du XVIIIe siècle

Cette recherche vise à mettre en évidence, à partir de la réception, dans la culture française, d... more Cette recherche vise à mettre en évidence, à partir de la réception, dans la culture française, de l’image de l’Empereur de Chine Yongzheng exécutant la cérémonie du « premier sillon » (qin geng 亲耕), les relations existant entre l’idéologie agrarianiste de l’ancienne Chine, fondée sur sur le concept de wu-wei (« non-agir »), et la théorie physiocratique du « gouvernement de la nature », c’est-à-dire un système global d’économie politique identifié par François Quesnay dans Le Despotisme de la Chine (1767), comme une forme de « despotisme légal », assez proche de l’idéal du despotisme éclairé de l’époque des Lumières.

Sa parenté avec la vision physiocratique française résulterait du caractère nécessaire du lien rapprochant le souverain et le peuple, que traduit l’expression « mains invisibles », utilisée pour désigner l’interaction des idées confucéennes avec la construction de l’empire.

Research paper thumbnail of Mandarins hollandais à la cour de Qianlong : l’ambassade Titsingh (1795) dans le système tributaire.

L’exposé concerne la dernière ambassade occidentale qui ait été organisée dans le cadre du systèm... more L’exposé concerne la dernière ambassade occidentale qui ait été organisée dans le cadre du système tributaire auprès de la cour de la Chine. Elle intervient entre l’ambassade de Macartney en 1792-3 et celle de lord Amherst en 1816, et elle a été jugée sévèrement parce que la soumission de l’ambassadeur aux usages de la cour de Pékin a été considérée comme un encouragement aux prétentions universalistes du pouvoir impérial chinois. En plus, cette ambassade n’en était pas vraiment une au sens du droit international, puisqu’elle ne se faisait pas de souverain à souverain, le voyage ayant été décidé au niveau des autorités de la V. O. C. (Compagnie des Indes Orientales) installées à Batavia. Elle est le résultat des efforts déployés par Andreas Everardus van Braam Houckgeest, qui émigra ensuite aux États-unis, auréolé d’un grand prestige, dans la mesure où il arrivait, accompagné de curiosa, de la cour de Pékin elle-même, et non pas de Canton ; et où il était aussi accompagné de Chinois. Sa relation, d’abord publiée en néerlandais, fut traduite par Moreau de St Méry, membre de la Convention nationale, qui avait fui la France au moment de la Terreur. Il fut également en contact avec Talleyrand, qui visita les U. S. A en 1794 ; et avec Volney, qui avait suggéré la mise au point d’un système de translittération des langues orientales applicable à la Chine. Le lien avec la France est étroit, du fait de la présence, dans l’expédition, de Chrétien-Louis-Joseph de Guignes (1759–1845), qui servit d’interpète à l’ambassadeur Isaac Titsingh. Ce dernier est le seul « philosophe » qui ait été au service de la V.O. C. Polyglotte, « citoyen du monde », mort à Paris, où il vécut dans l’entourage des principaux orientalistes de son temps, il avait été directeur commercial sur l’enclave de Dejima (1779-1794) et, à ce titre, joua également un rôle d’intermédiaire sur le terrain des relations culturelles et scientifiques entre l’Europe et le Japon. Quant à de Guignes, on sait qu’il reçut par décret de l’empereur Napoléon (1808) l’ordre de publier le Dictionnaire chinois-français-latin du père de Glemona, qui constitue un des travaux fondateurs de la sinologie moderne. L’ambassade fut remarquable par le caractère cosmopolite de sa composition, la personnalité de ses membres, inspirés par les idéaux éclairés du XVIIIe siècle, et par sa volonté de proposer à la cour de Chine une image culturelle alternative par rapport à celle de l’ambassade anglaise.

Research paper thumbnail of La stratégie d'adaptation de Matteo Ricci et la mission de Chine

Etude des méthodes d'accommodation inetrculturelles de M. Ricci, vues dans la perspective de l'in... more Etude des méthodes d'accommodation inetrculturelles de M. Ricci, vues dans la perspective de l'inculturation.

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L'article étudie les modalités de circulation des objets religieux et des images pieuses utilisée... more L'article étudie les modalités de circulation des objets religieux et des images pieuses utilisées par les jésuites de la mission de Chine (XVIe-XVIIIe s.), ainsi que les réticences des milieux lettrés à l'égard de la représentation du Christ crucifié.

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LE WONDERLAND CHINOIS DU PÈRE ATHANASIUS KIRCHER, S. J. La China illustrata, publiée en 1667 par... more LE WONDERLAND CHINOIS DU PÈRE ATHANASIUS KIRCHER, S. J.

La China illustrata, publiée en 1667 par le jésuite Athanase Kircher (1602- 1680), a bénéficié au cours des XVIIe et XVIIIe siècles d’un grand succès commercial. Sa publication intervenait dans le développement de toute une littérature à caractère encyclopédique composée de relations de voyages, de récits d’ambassades auprès de la cour impériale de Pékin, et d’albums illustrés, qui ont fourni à l’esthétique des XVIIe et XVIIIe siècles un grand nombre de motifs à caractère chinois. Conformément aux recommandations du projet missionnaire contenu dans la théologie de la Contre-Réforme, dont le but était de présenter les réalités matérielles du « grand théâtre du monde » comme un acte de foi dans l’incarnation visuelle du Verbe Créateur, le livre faisait partie d’une Bibliothekenstrategie mise au point par la Société de Jésus afin d’inventorier l’environnement matériel et spirituel des nouvelles sociétés humaines que les disciples d’Ignace de Loyola voulaient mieux connaître, et donc mieux comprendre.
Le résultat fut une véritable fabrique d’images, à laquelle ont collaboré un certain nombre d’artisans-illustrateurs, appartenant à l’élite artistique baroque de l’époque, travaillant dans la tradition anthropologique jésuite exposée dans les Exercices spirituels, qui consistait à proposer au lecteur de capter une réalité lointaine, voire inconnue, au terme d’une activité mentale restauratrice, de la même manière qu’il était recommandé de reconstituer par l’imagination les épisodes de la vie du Christ ou les lieux dans lesquels il avait vécu. Les images orientales de Kircher assumaient donc un rôle de substitution par rapport à un manque. Elles étaient par ailleurs rassemblées de façon spectaculaire dans une série de mises en scène, autour desquelles s’organisait le texte, plutôt que le contraire, de façon à susciter l’intérêt du lecteur.
Mais, surtout, Kircher avait hérité de la Renaissance l’idée d’un accord ésotérique rassemblant toutes les religions dans la transmission d’une même Vérité transcendantale. Fasciné par les sciences occultes, la magie naturelle, la Kabbale, l’alchimie, la démonologie, etc., il essayait par tous les moyens d’intégrer des réalités lointaines et des phénomènes hors du commun dans des systèmes explicatifs. Pour ce faire, il avait imaginé toute une méthodologie comparatiste, inspirée de l’Ars combinatoria de Raymond Lulle, fondée sur un réseau complexe de références culturelles, comportant toute une série de connections avec la pensée égyptienne, mais aussi avec l’antiquité grecque et romaine, et même le christianisme. En d’autres termes, le monde visible de Kircher se doublait d’un monde lisible, chargé de correspondances avec la culture européenne.
La clef de ce système fermé se trouve dans la logique interne d’une pensée fondamentalement analogique. Kircher, en effet, était un admirateur enthousiaste de la natura naturans, qu’il voyait comme une genèse permanente – ars Dei – complétant la Création initiale, qui s’est trouvée partiellement en accord avec la pensée chinoise. Par exemple, sa confiance – ou sa crédulité – dans les opérations de la magie naturelle semble l’avoir amené à une connaissance intuitive du feng shui, c’est-à-dire de la relation entre l’homme et sa sphère environnementale, et peut-être de l’alchimie taoïste, alors inconnue en Occident.
Si l’on tente d’évaluer ce que la China illustrata a pu apporter aux relations interculturelles Chine-Europe, on doit mettre en évidence plusieurs éléments de première importance. D’abord, l’attention apportée aux realia, qui annonce peut-être la promotion des objets dans le développement futur du goût chinois. En effet, si l’épistémê de Kircher s’appuyait sur un réseau complexe de références érudites – souvent douteuses – sa méthode d’approche était peut-être plus celle d’un collectionneur et d’un antiquaire spécialisé, intéressé principalement par l’observation des vestiges matériels, que celle d’un idéologue. D’autre part, la prise en considération de la Nature, qui forme le sujet principal des scénographies imaginées par un des grands découvreurs du pouvoir de l’image, apparaîtra au XVIIIe siècle, comme une des dimensions majeures de ce qu’on appellera plus tard la chinoiserie. L’ensemble de ces caractéristiques fait donc de la China illustrata une oeuvre ambiguë, qui rassemble des éléments européens et orientaux dans une ambiance de relativisme culturel où l’on peut discerner le pendant du syncrétisme religieux élaboré au sein de la mission de Chine.
Mais le plus important peut-être, c’est que le monde chinois montré par le livre de Kircher est un monde écrit, ce qui s’accorde de façon remarquable avec l’univers des lettrés que les jésuites connaissaient bien, leur Société se définissant par des similitudes d’habitus avec les shu yuan, les académies de la Chine impériale.
L’attention minutieuse, enfin, portée à l’art de la gravure, riche de détails décoratifs qui migreront vers les productions chinoisantes du XVIIIe siècle, fait de cet ouvrage un monument de « science ornementale », qui annonce les grands recueils d’ornements chinois qui feront les délices des Watteau, des Pillement et des Boucher.