Rêveries contradictoires d’un colonisé errant (original) (raw)

La langue du colonisé à l’épreuve de la traduction

HispanismeS, 2018

Os Cus de Judas (1979) et A Costa dos Murmúrios (1988) sont des romans d’auteurs portugais contemporains sur la guerre coloniale portugaise en Afrique, parus en traduction française en 1983 et 1989 respectivement. Ces textes ont été traduits d’une langue périphérique dans une langue centrale et introduits dans un système culturel plus prestigieux que le portugais. La première partie de cet article identifie les intervenants dans le processus de traduction pour déterminer le rôle qu’y ont joué des questions comme le patronage. La seconde partie de l’étude portera sur la façon dont les peuples colonisés, leurs cultures, et plus spécifiquement leurs langues sont représentés dans ces romans. Les romanciers portugais introduisent, dans le texte en portugais, des mots dans les langues locales et minoritaires, souvent des termes culturellement chargés. L’objectif est de vérifier s’il y a eu tendance, lors de la traduction, à remplacer des références culturelles étrangères à la civilisation Occidentale par des formes de représentation plus répandues.

Les contrées étranges de l’insignifiant

Études françaises, 2009

Résumé Quoique la critique ait unanimement enregistré une évolution essentielle du genre fantastique au xxe siècle, elle peine à s’entendre sur la nature de cette évolution plurielle. Postulant que le fantastique moderne tel qu’il a été circonscrit par Sartre puis Todorov constitue bien un nouvel avatar du genre, l’article se propose de revenir sur leurs analyses pour interroger tout à la fois la singularité positive de cet avatar et le rapport de dépendance et de continuité qu’il entretient malgré tout avec la tradition. Caractérisé par l’absence d’action et l’absence de réaction du protagoniste dans un monde devenu « tout entier bizarre », ce fantastique multiplie les signes précurseurs et les indicateurs génériques déceptifs, déjouant les attentes du lecteur. Devenu seul témoin de l’étrange, ce dernier est ainsi conduit à réduire ces incohérences par l’interprétation, cependant que le texte, par l’activité symbolique déficiente qu’il déploie, tend à lui refuser le statut d’interp...

Retour sur l’expédition d’Alger: les faux semblants d’un tournant colonialiste français

Monde(s), 2016

La prise d’Alger en 1830 reste souvent considérée comme ayant marqué l’avènement d’un nouvel impérialisme français, soi-disant civilisateur. Les travaux sur la périodisation de l’impérialisme britannique et une relecture des preuves disponibles dans une perspective globale incitent à remettre en cause ce lieu commun. Alger était l’aboutissement d’un long travail de réinvention autant qu’un commencement. En particulier, Alger a confirmé plutôt qu’entraîné l’adhésion des libéraux français à l’expansion coloniale. The capture of Algiers in 1830 remains often perceived as marking the advent of a new, allegedly civilising French imperialism. Works on the periodisation of British imperialism and a reconsideration of the available evidence through a global lens tend to undermine this perception. Algiers was the culmination of a long work of reinvention as well as a new beginning. In particular, Algiers confirmed rather than caused the adhesion of French liberals to colonial expansion.

Les « sens contraires » de la migration

2010

Les Soninke, originaires d’Afrique subsaharienne (Mali, Mauritanie, Senegal), ont developpe diverses strategies migratoires au fil des epoques et des evenements historiques, economiques et politiques qui ont ete tres largement etudiees. Aujourd’hui, des filles et des garcons francais d’origine soninke passent, de facon plus ou moins contrainte, d’un pays a l’autre au gre du cycle de l’enfance et de l’adolescence, les mettant au centre d’une strategie migratoire inedite. Bien que l’accent soit mis ici sur les parcours feminins, leur analyse ne peut etre dissociee de celle des parcours masculins : l’originalite de ce mouvement migratoire reside precisement dans l’articulation de ces deux composantes.A partir de vignettes de parcours migratoires, familiaux et individuels, nous analyserons les caracteristiques et les raisons de cette mobilite intrafamiliale transnationale des enfants et des adolescents en mettant l’accent sur le modelage identitaire, notamment dans le cas des fillettes ...

L’utopie antillaise et hawaïenne

L’utopie a la connotation d’un rêve impossible. D’ailleurs, il faut s’y habituer, l’utopie en général finit mal : soit parce qu’elle est victime d’une société extérieure corrompue (Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre), soit parce qu’il s’agit d’une anti-utopie (Brave New World d’Aldous Huxley). Cependant, rien dans la définition du concept n’indique la fin malheureuse comme inhérente au projet utopique. Dans les littératures antillaises et hawaiiennes, la fin heureuse n’est d’ailleurs pas abandonnée, même si elle est loin d’être évidente. En ce qui concerne les littératures européennes, il faut distinguer deux types d’utopie : les utopies “ naturelles ” chantant un mode de vie plus proche de la nature, inspiré d’un bonheur “ primitif ” antérieur au besoin de conquête et les utopies “ religieuses ”, sociétés organisées sur la base d’un enseignement, d’une parole révélée, inspiration de bon nombre d’anti-utopies. Du point de vue insulaire, les catégories ne sont pas tout à fait les mêmes. En effet, l’utopie “ naturelle ” va de pair avec une sacralisation du passé, ce qui ne surprend pas dans des sociétés dans lesquelles le religieux garde son importance. A ce passé idéalisé privilégiant un milieu rural sacralisé, s’oppose une vision du futur, détachée de tout contexte religieux. Ces deux façons de penser l’utopie sont celles d’une part de Gisèle Pineau, Xavier Orville, Lois-Ann Yamanaka, Lee A. Tonouchi et d’autre part de Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, John Dominis Holt, Carlos Andrade et Joe Balaz. Dans les deux cas, l’utopie se distingue par deux thèmes majeurs : le sacré et l’insularité ou la ville idéale ainsi que par la création d’un système qui englobe tous les aspects de la société afin de la rendre crédible, “ réelle ”.