Trace et oubli : entre la menace de l'effacement et l'insistance de l'ineffaçable (original) (raw)

« Entre la mémoire et l’oubli »

Jeu Revue De Theâtre, 1996

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Le documentaire : trace et effacement

2006

Débat organisé dans le cadre des Lundis de l'INA, le lundi 16 janvier 2006. Le documentaire est censé nous mettre en face de la réalité brute et parfois brutale. Certains films dont il sera question dans ce débat présentent l'une et/ou l'autre de ces caractéristiques. Mais il n'en est pas toujours ainsi. Parfois les réalisateurs se permettent quelques libertés avec les documents en les présentant comme authentiques alors que ni leur origine, ni la situation qui leur a donné naissance, ne sont seulement indiquées. Ce qui pose les deux questions fondamentales qui articulent le débat : « Qu'est-ce qu'un document ? » et « Comment utiliser un document ? ».

Des traces [re]croisées, camouflagées : du manque à la mémoire imaginaire

Des traces [re]croisées, camouflagées : du manque à la mémoire imaginaire But to translate the memory of what, precisely did not take place, of what, having been (the) forbidden, ought, nevertheless, to have left a trace, a specter, the phantomatic body, the phantom-member-palpable, painful, but hardly legible-of traces, marks scars. As if it were a matter of producing the truth of what never took place by avowing it. What then is this avowal, and the age-old error or originary defect from which one must write ? 1 Je commence avec cet extrait de Monolingualism of the Other comme un point de commencement et d'intrication pour cet essai. L'auteur/l'autrice de chaque texte (aveu) que j'explorerai ont produit leurs écrits comme si hanté par une mémoire imaginaire, raciné dans le déracinement. Qu'est que c'est la mémoire 2 ? C'est bien un corps fantômatique comme Derrida décrit, mais ce corps a un pouvoir omniprésente dans un monde non-fantôme. Personne ne vit aujourd'hui qui vécu pendant le passage milieu, ou le temps d'esclavage dans le Caraïbe, ou le Code Noir, mais les descendants de ces évènements historiques vivent encore avec leurs effets, sont encore hantées par ses mémoires, ses traces. Les écrivains du temps postcolonial doivent agir, écrire venant de cet espace de mémoire. Et d'écrire, c'est de faire/fabriquer des traces, mais aussi de recroiser les traces héritées. Dans chaque texte discuté dans cet essai, il y a un [anti-] présence du manque 3 , et c'est à travers ce manque que leurs écrivains offrent une mémoire imaginaire à leurs lecteurs. Dans la vue d'ensemble que j'essaye d'offrir ici, soit qu'on remarque à quel point les traces des post/mémoires imaginaires effectivement liées ces écrivains et leurs textes, à quel point on ressent leurs échos 1 Jacques Derrida (translated by Patrick Mensah). Monolingualism of the Other. 2 De la Dictionnaire française de Larousse, la définition de 'mémoire': a. Activité biologique et psychique qui permet d'emmagasiner, de conserver et de restituer des informations. b. Cette fonction, considérée comme un lieu abstrait où viennent s'inscrire les notions, les faits. c. Aptitude à se souvenir en particulier de certaines choses dans un domaine donné. d. Image mentale conservée de faits passés. e. Ensemble des faits passés qui reste dans le souvenir des hommes, d'un groupe. f. Souvenir qu'on a d'une personne disparue, d'un événement passé ; ce qui, de cette personne, de cet événement restera dans l'esprit des hommes.

Réinventer la trace : Perse selon Chamoiseau, ou « l’indéchiffrable éclat d’une longue intuition »

Calliope, Archive de Littérature et Linguistique, vol. 5, N°3, 2002

alambic bouillonnant de mille forces contraires, laissant libre cours aux redéfinitions conceptuelles, aux examens renouvelés ; ce moment a été celui de l'émergence de la Créolité, portée sur les fonts baptismaux en 1989 par Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant dans le manifeste inaugural du mouvement, l'Eloge de la Créolité. 1 La place de Glissant comme précurseur du mouvement, alors même que l'intéressé a toujours refusé le magistère du maître à penser, fut dans le même temps clamée à chaque fois que l'occasion s'est présentée. Prônant une ouverture toujours plus ample sur le « Tout-Monde », l'auteur de La lézarde s'est toujours tenu en amont des soubresauts, proclamant les vertus de la « créolisation », plutôt que le chant figé de la créolité : le mouvement plutôt que le résultat, le processus plutôt que l'usufruit. Il était alors prévisible que Saint-John Perse fasse également partie de ce vaste examen des racines, la position de sa parole comme son parcours, interrogeant à nouveau cette société créole dans ses fondements et son histoire culturelle. Dans cette perspective, il ne s'agissait plus seulement de savoir comment accueillir la revendication de l'ordre colonial qui fut pendant longtemps l'obsédant noeud gordien de la réception antillaise de l'auteur d'Eloges, mais de s'interroger aussi sur ce que pouvait apprendre d'elle-même une société au miroir de celui que les chantres de la Créolité tenaient pour « l'un des fils les plus prestigieux de la Guadeloupe ». 2 Dans ce concert fécond, on a déjà abondamment parcouru la richesse du rapport à Perse qu'entretient Edouard Glissant qui, reconnaissant qu'il avait « longtemps habité la clairière de [ses] mots », a suscité à juste titre l'attention quant à la présence des traces persiennes dans son écriture et son imaginaire. Plus récemment encore, certains panoramas ont été établis, tant il paraît utile d'être à l'écoute des productions les plus récentes des écrivains antillais, pour qui ce dialogue avec l'oeuvre de Saint-John Perse n'a jamais été interrompu. 3

Effacer ses traces : logiques savantes de l’oubli ; Écrire l'histoire, 13-14 | 2014 p. 195-202

Oblivion can be the result of the active construction of scholarly discourses, in centuries past just as it can sometimes still be the case nowadays. It is to such a process that missing, altered or hidden historical objects belong, over which one stumbles if one is seeking to reconstruct the interactions between carnivalesque representations and modern medical recovery. Faced with such cases, it is a question of reconstructing the logic of these processes of oblivion, to determine what the historian can do with them: to attempt, as much as possible and with full knowledge of the facts, to re‑draw a past universe that is necessarily incomplete, and sometimes with the aid of the significance of this very oblivion. Il arrive que l’oubli provienne d’une construction active des discours savants, dans les siècles passés comme parfois encore de nos jours. C’est d’un tel processus que relèvent les objets historiques disparus, altérés ou occultés sur lesquels on bute si l’on cherche à reconstruire les interactions entre les représentations carnavalesques et la réanimation médicale moderne. Face à de tels cas, il s’agit de reconstruire les logiques de ces processus d’oubli, pour déterminer ce que l’historien peut en faire : tenter, autant que possible et en connaissance de cause, de redessiner un univers passé nécessairement incomplet, en s’aidant parfois de la signification de ces oublis eux-mêmes.

Quand le souvenir induit l'oubli

Quand le souvenir induit l'oubli C'est la fin de la journée, enfin le moment de rentrer à la maison et de retrouver votre famille. Vous allez vers le parking, clés en main pour reprendre votre voiture, et là vous stoppez net .... Vous avez oublié où vous l'avez garée ce matin ! Vous restez un instant planté(e) à l'entrée du parking à considérer les possibilités qui bombardent votre esprit : « J'ai dit bonjour au gardien ce matin… Oui mais avant ? J'étais près de la porte 5 ! Non, c'était lundi... Ou peut-être à côté du poteau en face des escaliers ? Non, ça c'était hier ! » Mais que se passe-t-il ? Pourquoi votre esprit vagabonde-t-il ainsi entre ces différents souvenirs ? Pourquoi le souvenir pertinent semble-t-il ainsi bloqué dans les tiroirs de votre mémoire ? Cet effet d'oubli induit par l'effort de remémoration est appelé en anglais « Retrieval Induced Forgetting effect » (effet RIF), soit en français « l'oubli induit par le rappel ». Les chercheurs en psychologie se sont penchés pour la première fois sur ce phénomène en 1994 (1). Dans une expérience, ils ont proposé aux participants d'apprendre des mots associés en paires de Catégorie-Objet : « Fruit-Orange »/ « Fruit-Pomme » ou « Animal-Lion »/ « Animal-Eléphant » etc. Ils trouvèrent que lorsque les participants devaient réactiver certains mots d'une même catégorie (« Fruit-Orange »), ils ne parvenaient pas à se souvenir d'autres mots de cette même catégorie (« Fruit-Pomme »). En revanche, ils arrivaient parfaitement bien à se souvenir des autres associations (« Animal-Lion », « Animal-Éléphant »). Revenons à notre situation initiale : lorsque vous essayez de récupérer le souvenir de l'emplacement de votre voiture, celui-ci s'embrouille avec des souvenirs similaires passés. En revanche, vous pouvez tout à fait vous souvenir d'autres détails de votre journée qui n'ont rien à voir avec votre place de parking ; par exemple le fait d'avoir dit bonjour à votre gardien qui revenait de son congé maladie !" Le fonctionnement du RIF effect est encore en débat dans le champ scientifique, mais il existe aujourd'hui deux théories dominantes qui permettraient de l'expliquer (2).

L'insoutenable légèreté de la mémoire et de l'oubli chez Matéi Visniec

HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2017

« Pour moi, l'humour a deux visages-celui qui te fait rire et celui, caché, qui te fait pleurer. Dans mes pièces, je propose un vol au-dessus de l'humour triste. » VISNIEC (2007 b), 4 e de couverture (notre traduction, G.C.

Oubli, mémoire, histoire dans la « Deuxième Considération inactuelle »

Revue germanique internationale, 1999

Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. Tous droits réservés Oubli, mémoire, histoire dans la «Deuxième Considération inactuelle» JACQUES LE RIDER La temporalité individuelle et les représentations culturelles du temps sont fondées sur une bonne économie de l'oubli et de la mémoire. Le bel ouvrage de Harald Weinrich sur l'histoire intellectuelle de l'oubli, Lethe 1 , fait contrepoids aux abondantes recherches sur la mémoire et la transmission. Il commence par l'analyse du passage du De oratore de Cicéron où Simonide, resté célèbre pour son invention d'une mnémotechnie, vient consulter le grand Thémistocle pour lui demander de lui enseigner l'art de la mémoire parfaite. Thémistocle lui répond qu'il se soucie fort peu d'acquérir l'art de la mémoire : il préférerait, dit-il, apprendre à oublier ce qu'il voudrait oublier, posséder l'art de l'oubli (ars oblivionis) plutôt que l'art de la mémoire (ars memoriae). Thémistocle souhaitait, commente Cicéron, se débarrasser de toutes ces choses vues et entendues qui encombraient sa mémoire, car rien de ce qui entrait dans son esprit ne pouvait en sortir. Plutarque confirme que Thémistocle se rappelait par exemple le nom de tous les Athéniens qu'il rencontrait. En somme, ses excellentes qualités de mémoire étaient poussées jusqu'à un paradoxal excès : même ce dont il ne voulait pas se souvenir, il se le rappelait, mais ce qu'il voulait oublier, il n'arrivait pas à le faire sortir de sa mémoire. Yosef H. Yerushalmi, dans sa contribution au Colloque de Royaumont « Usages de l'oubli », en 1987, commençait par un apologue fort suggestif. Il soulignait que la condition moderne se caractérise par deux maux présents simultanément : l'atrophie de la mémoire et l'hypertrophie de l'histoire. Les médias planétaires, la mode, l'impératif de dépassement perpétuel que les avant-gardes imposent aux « modernes » sont autant d'exemples de ce paradoxal alliage de l'historicisme et de l'amnésie. L'information en temps réel et l'accumulation des archives transforment le temps présent en « histoire immédiate » : toute « actualité » devenant de