Les mobilisations pour l’avortement libre : De la convergence des luttes à leur extension (original) (raw)
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When protest tactics build the movement. Performing illegal abortions in the pro-choice movement in France (1972-1975) The following article focuses on the dynamic relations between a social movement and its protest tactics in order to demonstrate how contentious strategies contribute to “build the movement” namely to generate and to transform mobilizations. Drawing from the use of illegal abortions by the pro-choice movement in France from 1972 to 1975, it firstly studies how the performance of illegal abortions, as a form of protest, renewed collective action and enabled to bring together groups and organizations with different agendas. It then focuses on a micro social level to analyze how performing illegal abortions became appealing to activists with very different political backgrounds. Finally it studies the way illegal abortions, blurring the traditional boundary between reform and revolution, contributed to reposition the various organizations taking part in the movement.
Liberté d'expression et de manifestation en matière d'avortement
Droit et prévention de l'avortement en Europe, sous la direction de Grégor Puppinck, LEH Editions, 2016
L’avortement étant un sujet à ce point controversé, il n’est pas surprenant que, encore aujourd’hui, la liberté d’expression en la matière fasse l’objet de restrictions, soit qu’il soit interdit de promouvoir l’avortement, soit qu’il soit interdit de tenter de convaincre le personnel médical et les femmes ne pas y avoir recours. C’est la première tendance qui, pendant longtemps, a prévalu. Ainsi, Margaret Sanger, la fondatrice américaine du Planning familial, a été condamnée aux États-Unis à une peine de prison en 1917 pour avoir distribué un diaphragme. Le 31 juillet 1920, le législateur français, mu par la volonté de relancer la natalité, a adopté une loi interdisant non seulement l’avortement mais également la vente et la publicité des produits anticonceptionnels. En application de cette loi, des publications néomalthusiennes furent retirées de la vente et des activistes de la limitation des naissances, tel Etienne Humbert, condamnés à de courtes peines de prison. Toutefois, en 1975, la loi Veil, tout en conservant l’interdiction de l’incitation publicitaire à l’avortement, a autorisé l’information sur cet acte. De même, après que, face à la propagation du Sida, la loi du 18 janvier 1991 a autorisé la publicité pour les préservatifs , la loi 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception a supprimé le délit d’incitation à l’avortement. Aujourd’hui, en France, c’est plutôt la deuxième tendance qui prédomine, dans la mesure où, comme l’attestent plusieurs indices, le discours et les actes d’opposition à l’avortement se heurtent de plus en plus à des dispositions pénales destinées à les réduire. Ainsi, « l’incitation à ne pas avorter » est à présent pénalement sanctionnée, au titre du délit d’entrave à l’avortement créé par la loi Neiertz de 1993 et étendu depuis. Des opposants à l’avortement ont été condamnés à de nombreuses reprises et l’un d’entre eux, le Dr Xavier Dor, a même été incarcéré en 1998. Plus récemment, un professeur du lycée de Manosque a été révoqué de l’Éducation Nationale pour avoir présenté à des élèves de classe de seconde un film hostile à l’avortement . À Cuba, le médecin dissident Óscar Elías Biscet a passé onze années en prison pour avoir dénoncé l’avortement et l’infanticide néonatal. À l’opposé, d’autre pays ont parcouru le chemin inverse : ainsi la Russie qui permettait très largement l’avortement sous l’ère communiste en a interdit la publicité en novembre 2013. Le mouvement est similaire dans la plupart des pays européens anciennement communistes.
Droit à l'avortement dans le monde : un combat loin d'être gagné
2020
Aujourd'hui, le droit à l'IVG demeure fortement inégalitaire à travers le monde. Les législations sont très variables, allant de l'autorisation sur simple demande jusqu'à l'interdiction totale d'accès. Ce droit humain fondamental (droit sexuel, reproductif, mais aussi droit à la santé étant donné les dangers sanitaires des avortements clandestins) se voit donc souvent interdit selon les contextes politiques, sociaux et culturels (refusé parfois au nom du droit à la vie), et là même où il est autorisé librement il peut être socialement décrié ou faire l'objet d'une stigmatisation des personnes en ayant bénéficié.
Émergence et développement des mobilisations
in Antonin Cohen, Bernard Lacroix, Philippe Riutort (dir.), Nouveau manuel de science politique, La Découverte, coll. « Grands Repères », 2009 p. 514-528., 2009
Selon quelles logiques des individus en viennent-ils à se réunir, puis à s'unir pour défendre une cause ? Derrière la question du « pourquoi » se cache en réalité toute une série d'interrogations sur les conditions favorables à l'émergence d'une mobilisation. Quelles en sont les conditions sociales ? Quelles en sont les motivations individuelles ? Comment s'effectue le passage de la mobilisation individuelle à la mobilisation collective ? Comment s'organise la participation effective du plus grand nombre à cette mobilisation ? Toutes ces interrogations ne peuvent trouver de réponse que dans une analyse sociologique des relations de causalité qui peuvent exister entre différents types de phénomènes sociaux, politiques, institutionnels, idéologiques, que la sociologie des mobilisations désigne sous des termes spécifiques : structure des opportunités politiques, voies microstructurales de l'engagement, mobilisation des ressources, entrepreneurs de cause, dynamique de la mobilisation, etc. Il existe en effet une vaste littérature scientifique sur l'action collective, dont l'une des faiblesses est de s'être précisément focalisée sur la recherche du « pourquoi », au détriment d'une réflexion sur le « comment » des mobilisations.
Clio, 2009
Le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), créé en avril 1973 à l’initiative de médecins, de militant.e.s du Planning familial, de la CFDT, de groupes d’extrême gauche, mais aussi de femmes et d’hommes ordinaires, est au cœur de cette pratique militante des avortements. A travers cette organisation, il s’agit de s’intéresser à l’apparition d’une action protestataire inédite qui s’inscrit de façon plus générale dans l’émergence de ce qu’Alain Touraine a appelé les « nouveaux mouvements sociaux » ou encore dans le mouvement de subversion politique et culturelle des années 1968. Grâce à plusieurs témoignages écrits, oraux et filmés, sur les lieux, les gestes et les trajectoires,l’historien-ne peut appréhender les modes de vie militants. Il est donc possible de faire une autre histoire des mobilisations pour l’avortement libre, fondée davantage sur les pratiques que les discours, pour voir comment elles redéfinissent les façons de se dire militant.e et comment elles tentent concrètement de déconstruire, avec plus ou moins de succès, les normes de genre.
L’avortement et la Convention européenne des droits de l'homme
Mélanges en l'honneur de Gérard Mémeteau Droit médical et éthique médicale : regards contemporains, 2015
Pour la Cour européenne des droits de l’homme, comme dans la plupart des droits nationaux, l’avortement relève d’une logique de tolérance. Cette tolérance est fondée sur la pétition de principe qu’il serait juridiquement et scientifiquement impossible, mais en fait surtout non souhaitable, de savoir si l’enfant à naître est une personne. Cette tolérance est accordée dans l’ordre interne via la technique de la marge d’appréciation nationale, mais elle n’a pas d’effet quant à la substance du droit à la vie dans l’ordre proprement conventionnel. La Cour a toujours refusé d’exclure explicitement l’enfant à naître du champ d’application de la Convention et de juger que cet enfant à naître n’est pas une personne. Tant qu’il en sera ainsi, il sera impossible de prétendre à l’existence d’un droit à l’avortement au titre de la Convention, et tout avortement pratiqué devrait être justifié par des droits et intérêts garantis par la Convention et proportionnés aux « autres droits et libertés concurrents, y compris ceux de l'enfant à naître ».