« La part de l’ombre de la rémission. Remarques sur les requêtes en rémission et leur rédacteurs », Jacques Péricard, dir., La part de l’ombre. Artisans du pouvoir et arbitres des rapports sociaux (VIIIe-XVe siècles), Limoges, 2014, p. 183-206 (original) (raw)

"Le rôle des intermédiaires dans la diplomatique méridionale municipale", dans J. Péricard (dir.), "La part de l’ombre. Artisans du pouvoir et arbitres des rapports sociaux (VIIIe-XVe s)", PULIM, 2014, p. 207 - 218

Les recherches consacrées à l'histoire urbaine ont révélé l'existence d'une diplomatie active à l'époque des grands consulats méridionaux, c'est-à-dire entre le milieu du XII e siècle et la fin du XIII e 1 . Ce monde diplomatique méconnu présente de nombreux intérêts. Il met en relations des organisations municipales assez nombreuses, tout particulièrement dans la première moitié du XIII e siècle. S'y intéresser offre la possibilité de dépasser l'observation aride des réglementations que sont les statuts en entrant plus profondément dans la vie et le fonctionnement des institutions citadines. Cela permet enfin et surtout d'examiner comment ces villes, qui ont parfois joui d'une très large autonomie, ont fait face à la difficulté d'organiser des relations diplomatiques, domaine dans lequel elles n'avaient évidemment aucune expérience. Comment et, surtout, quelles solutions elles ont mis au point pour y faire face, ce qui ne peut que nous éclairer sur la compréhension de la genèse de la diplomatie étatique, tant les villes de cette époque peuvent apparaître comme des laboratoires pour les États en construction.

« La Révolution face aux « victimes du pouvoir arbitraire » : l’abolition des lettres de cachet et ses conséquences », Annales historiques de la Révolution française, 368 | 2012, 33-60.

Les lettres de cachet, éri­­gées dès 1789 en sym­­bole honni de l’Ancien Régime, ont connu une lente ago­­nie, mar­­quée par les hési­­ta­­tions et le doute. Alors même que cette incar­­na­­tion de la monar­­chie abso­­lue et de l’arbi­­traire royal fai­­sait appa­­rem­­ment l’una­­ni­­mité contre elle, les dépu­­tés de l’Assem­­blée natio­­nale consti­­tuante ont attendu mars 1790 avant d’enfin en pro­­non­­cer l’abo­­li­­tion. La crainte des consé­­quences d’une telle mesure retient en effet les dépu­­tés de l’Assem­­blée qui nomment en novembre 1789 un Comité des lettres de cachet chargé de pré­­pa­­rer l’action du légis­­la­­teur et d’enquê­­ter sur cette masse obs­­cure, inquié­­tante et hété­­ro­­gène de pri­­son­­niers du roi et correctionnaires, encore déte­­nue dans des mai­­sons de force en vertu de lettres de cachet. Les débats puis le texte du décret final tra­­duisent la pru­­dence de dépu­­tés par­­ta­­gés entre le désir de rendre à la lumière ces « vic­­times de l’oppres­­sion » et la peur du désordre qui pour­­rait s’en­suivre. Lettres de cachet, from 1789 onwards a hateful symbol of the Old Regime, suffered a slow death characterized by hesitations and perplexity. Even though this incar­­na­­tion of absolute monarchy and symbol of royal arbitrariness aroused virtually unanimous oppo­­si­­tion, the deputies of the Natio­­nal Consti­­tuent Assembly waited until March 1790 to abolish the lettres de cachet. Indeed, the fear of the consequences of such a decision caused some hesitancy among the deputies, who created in November 1789 a special Comité des lettres de cachet. This Comité labored to prepare appropriate legislation and to investigate a varied and unknown collection of material about the prisonners of the King as well as others still detained in pri­­sons because of the lettres de cachet. The debats and the final text of this decret reflect the cautiousness of deputies torn between the desire to expose the plight of the victims of oppres­­sion and at the same time the fear of disorder that could result from this decision.

« Contribution à l’histoire de la justice du travail au XIXe siècle. À propos des débuts du Conseil des prud’hommes de Bordeaux (1849-1900) », in De la terre à l’usine : des hommes et du droit. Mélanges offerts à Gérard Aubin, Talence, PUB, 2014, p. 17-56.

Ce travail d’archives est relatif à l’histoire institutionnelle du conseil des prud’hommes de Bordeaux depuis sa création en 1849 jusqu’au début du siècle. Loin de n’être qu’une simple institution juridictionnelle, le conseil des prud’hommes de Bordeaux agit, dans la vie bordelaise, comme un espace inédit de négociation, de dialogue et d’affrontements entre les différents acteurs des rapports de production. Offrant une arène à la voix de l’industrie, l’institution permet d’exprimer et d’éventuellement vider les tensions sociales, en même temps qu’elle confère une légitimité aux intérêts et aux aspirations locales face à la politique nationale. Les acteurs sont à même, loin d’une législation étatique encore peu développée, de s’autoréguler, de trouver des compromis et de créer leurs propres normes ; bref, de rechercher un constant équilibre dans la vie commerciale, si importante à Bordeaux, cité du négoce.

(hors problématique - Frixxions) Houellebecq, le vingt-heures et l’art du roman: à propos de “Soumission”

Revue critique de fixxion française contemporaine, 2015

On entend souvent dans Soumission (comme dans beaucoup de romans de Houellebecq) une tonalité assertive, didactique, sentencieuse. Le personnage-narrateur peut bien faire état à l'occasion d'un "doute généralisé" 1 , son langage n'est pas celui d'un sceptique. Il multiplie les assertions de vérité, les abstractions généralisantes, les thèses tantôt triviales et tantôt provocantes, sur un ton d'évidence lassée : "Tel est le cas, dans nos sociétés encore occidentales et social-démocrates..." (11); "le vieillissement chez l'homme n'altère que très lentement son potentiel érotique, alors que chez la femme l'effondrement se produit avec une brutalité stupéfiante..." (24). La confusion règne, bien sûr ; la Vérité est hors d'atteinte (même si, d'une certaine façon, le roman fait mine de raconter son retour); mais les "vérités" pullulent, comme des mouches. Comme des mouches -ou comme des choses. Les vérités, comme chez ces positivistes dont Houellebecq se réclame parfois, sont des choses, ou comme des choses. Une vérité, chez lui, ne constitue pas une promesse, ne laisse pas entrevoir un avenir. Elle termine ; elle clôt ; elle met fin à la discussion. Elle est toujours une réduction ; elle jouit d'être une réduction. Ainsi : "elle avait légèrement écarté les cuisses, c'était le langage du corps ça, on était dans le réel" (42). Ou encore : cette relation "n'était que l'application d'un modèle" (20) ; "l'amour chez l'homme n'est rien d'autre que la reconnaissance pour le plaisir donné" (39) ; le système électif "n'était guère plus que le partage du pouvoir entre gangs rivaux" (50). Rien d'autre que... La vérité est, comme disait Renan, toujours triste. Aucun apophatisme chez Houellebecq ; pas non plus de relativisme. Ses narrateurs ne peuvent pas grand-chose, mais ils ont lu des sociologues, des psychologues, ou les abrégés qu'en font les journaux. Ils citent Nietzsche, Sun Tzu, Cyrulnik, Clausewitz. Sur le point d'appeler une escort, c'est "l'obscure notion kantienne de devoir envers soi" (196) qui se présente à leur esprit. Tentés par le suicide, ils ne parlent pas de "la dégradation de la vie", mais de "la dégradation de 'la somme des fonctions qui résistent à la mort' dont parle Bichat" (207). C'est faire le savant à peu de frais ; c'est aussi installer entre le sujet et le monde un rapport constamment abstrait, privé de toute fraîcheur et de toute immédiateté. C'est une vieille idée que l'intellect ne connaît pas les singuliers. Et de fait, il n'y a guère de singuliers dans Soumission. Aurélie ou Sandra, Chloé ou Violaine, n'importe : les "conclusions" qu'on tire de leur fréquentation sont identiques (21). Tout est pris dans des séries ; tous sont pris dans des séries. L'existence individuelle est une "brève illusion" (127). Triomphe de la sociologie. Les personnages de Houellebecq logent entièrement dans les statistiques. D'où suit qu'il n'y a pas d'autrui, ou à peine. L'unique véritable objet du narrateur, lui-même mis à part, c'est "la société". On comprend que le sensible n'est pas à la fête, même quand son irruption paraissait aller de soi. Ainsi, les rêveries érotiques du promeneur mâle dans Paris sont décrites comme "la détection des cuisses de femmes, la projection mentale reconstruisant la chatte à leur intersection, processus dont le pouvoir d'excitation est directement proportionnel à la longueur des jambes dénudées" (177). Description qu'on croirait faite exprès pour désamorcer "l'excitation" qu'elle mentionne. Ailleurs, quelques coïts