« Le gendarme national face à la société française (1870-1914) : du service de l’état au service du public ? », publié dans A Chatriot et D Gosewinkel, Figurationen des Staates in Deutschland und Frankreich, Munich, Oldenbourg, 2006 (original) (raw)
Incarnation traditionnelle de l’État régalien, la figure du gendarme subit d’importantes mutations dans la seconde moitié du XIXe siècle. En 1870, la gendarmerie garde l’image d’un corps prétorien fortement associé au régime impérial et peu intégré aux communautés qu’elle surveille. Quarante ans plus tard, elle constitue l’un des piliers de la République enracinée dans tous les terroirs, et c’est au nom du principe de proximité qu’elle accepte d’être considérée avec familiarité plutôt qu’avec crainte. On retrouve ici un modèle général de pacification des rapports entre l’État et la société, avec la diffusion d’une idéologie du service public. Dans l’intervalle, la pratique professionnelle n’a pas subi de réelle métamorphose. Bien plus que leur profil social, que leur statut militaire ou que la nature de leur travail, c’est le regard des gendarmes sur leur métier qui évolue. La dépolitisation et l’ouverture au public sont les facettes les plus voyantes d’un changement d’attitude global qui se manifeste surtout dans la relation aux administrés: le ton hautain et cassant cède place à un professionnalisme tempéré de bonhomie. Le gendarme ne cherche plus tant à s’imposer qu’à se faire accepter. Comment expliquer cet infléchissement majeur de l’identité professionnelle? Sans doute ne provient-il pas vraiment d’une stratégie délibérée des autorités; il résulte plutôt des tactiques qu’adoptent les gendarmes face aux nouvelles réalités politiques et sociales. Les intérêts bien compris et les valeurs intériorisées se conjuguent pour accompagner, voire devancer, la mutation républicaine du maintien de l’ordre quotidien.
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Conclusion d’un cycle de monographies consacrées à la gendarmerie du Nord au XIXe siècle, cet article étudie l’acclimatation républicaine d’une compagnie confrontée aux transformations du dernier tiers du XIXe siècle. Après avoir montré comment le renouvellement rapide des effectifs permettait de réconcilier gendarmerie et République sans provoquer de bouleversement sociologique, il s’attarde sur les services de maintien de l’ordre qui marquent les dernières années du XIXe siècle et la Belle Epoque. De plus en plus maîtrisé, mais encore violent, l’usage de la force introduit une distance entre l’arme et le monde ouvrier. Mais la meilleure insertion locale des brigades et les nouvelles représentations du gendarme construisent un rapprochement qui se traduit également par une pratique répressive plus prudente et par une écoute de la demande sociale. Le portrait de la gendarmerie de la Troisième République doit évoquer les charges de cavalerie menées contre les grévistes, mais il doit aussi rendre compte de la naissance progressive d’un service public.
Que pensaient de l'empire ceux-là mêmes qui eurent à le bâtir par l'implantation de la gendarmerie au sein des territoires européens rattachés à la France napoléonienne ? L'enjeu est d'autant plus pressant que, contrairement à l'idée paresseuse d'une simple duplication des compagnies dans les nouveaux départements, l'analyse des dynamiques expansionnistes du corps met en évidence la marge d'initiative qui, en définitive, revient aux experts délégués sur place, ne serait-ce que pour surmonter les difficultés spécifiques posées par chaque annexion. Au-delà d'une compréhension affinée des modalités de l'incorporation des conquêtes, il s'agit surtout d'orienter la réflexion sur la nature de l'impérialisme qui anime ou que servent les gendarmes.
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