BRIGNOLI, Jean-Dominique, Les palais royaux safavides (1501-1722) : architecture et pouvoir - Thèse de l’UNIVERSITE AIX-MARSEILLE I - Université de Provence - LAMM, 2009 - 19 Conclusion (original) (raw)
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Aucune autre preuve archéologique n'a été apportée, pour l'heure, de l'existence d'un plan quadripartite dans les autres résidences royales Achéménides ou Sassanides. Les indications données par les sources antiques, si elles sont évocatrices, ne sont pas précises pour autant. Dans son Economicus Xénophon écrit : « Ne rougissons point d'imiter le roi de Perse : persuadé que l'agriculture et l'art militaire sont les plus beaux et les plus nécessaires des arts, ce prince les cultive avec une ardeur égale 1 . » Et sur l'aspect des jardins eux-mêmes il raconte : « Ce Cyrus [le Jeune], entre autres témoignages d'amitié (...) lui a fait visiter lui-même, selon le récit de Lysandre [général spartiate, hôte de Cyrus] son « paradis » de Sardes. Lysandre admirait comme les arbres en étaient beaux, plantés à égale distance, les rangées droites, comme tout était ordonné suivant une belle disposition géométrique, comme tant d'agréables parfums les accompagnaient dans leur promenade ; rempli d'admiration, Lysandre s'écrie : « Vraiment, Cyrus, je suis émerveillé de toutes ces beautés, mais j'admire encore d'avantage celui qui t'a dessiné et arrangé tout ce jardin. » Charmé d'entendre ces paroles, Cyrus répond : « Eh bien, c'est moi qui ai tout dessiné et arrangé, il y a même des arbres, ajoute-t-il, que j'ai planté moi-même 2 . » Du moins pouvons nous extraire de ce passage de Xénophon quelques caractéristiques du jardin des rois de Perse qui semblent avoir eu une certaine pérennité : présence d'arbres et d'essences dégageant un parfum suave, ordre donné par des allées et des parterres de plantations symétriques, organisation générale selon un plan ; et c'est surtout ce dernier point, la présence d'un plan préétabli, d'une volonté d'organiser le monde, qui paraît être la grande marque, et sans doute le grand héritage, des jardins achéménides. Que ce plan ait eu telle ou telle forme
Nâ'in est une petite cité du centre de l'Iran, à 130 km à l'est-nord-est d'Isfahan, dans la province du même nom. La ville est surtout connue pour les ruines de sa citadelle le Nâ'in qal'eh, dont les plus anciennes structures remontent au moins à la période sassanide. Elle possède quelques monuments prestigieux comme sa Masjed Jâme' d'époque abbasside, datée de 980, son mihrab de stucs pré-seljukides et son minaret des XI e -XII e siècles 1 ; sa Masjed-e Bâbâ 'Abd Allâh, mosquée ilkhânide datée de 1300 et restaurée en 1336 2 ; son emâmzâdeh Seyyed 'Ali, datée du XII e siècle et restaurée au début du XVIII e .
Shirâz existait peut-être déjà à l'époque sassanide 1 . Sa proximité avec Persépolis et Pasargades l'on souvent fait confondre, par les voyageurs de l'époque moderne, avec une ancienne cité achéménide, Cyropolis, sans qu'aucun élément archéologique ne vienne créditer cette origine. Shirâz fut probablement fondée ou refondée en 693/74 H., sous le califat omeyyade de Damas. La ville est située dans la province du Fârs, dans le vaste bassin de la rivière Khoshk. La cité se trouve sur la route venant du Golfe Persique, au travers de cols de montagnes élevées et continuant au nord, en passant entre des collines, vers la plaine de Marvdasht et, au-delà, vers Isfahan. Sa situation, au sortir du goulot d'étranglement des collines, lui assurait une défense naturelle et un rôle clé sur la route commerciale du sud, vers le Golfe Persique. Suppléant au cours irrégulier de sa rivière, des qanâts approvisionnent la cité en eau. C'est en 1503 que la cité tomba entre les mains des Safavides. Les nouveaux maîtres de l'Iran y installèrent des gouverneurs issus des tribus qizilbâshs. Dans les années 1560-1580, le patronage de la peinture de livre des ateliers de Shirâz, par les membres de la tribu Zu'lqadar, était tellement actif que ceux-ci rivalisaient avec les ateliers royaux de Qazvin 2 . C'est, cependant, avec les changements de politique imposés par 'Abbâs I er que Shirâz connut ses grandes modifications urbaines de l'époque Safavide. En effet, en 1590 Shâh 'Abbâs parvint enfin à mettre un terme à la fronde des Qizilbâshs qui durait depuis 12 ans, en défaisant Ya'qub Khân, le gouverneur rebelle de Shirâz, et en conquérant sa forteresse d'Ishtakr. Cherchant à substituer un pouvoir qui lui fut plus fidèle à la dangereuse clique tribale des Qizilbâshs, le shâh nomma Allah Verdi Khân le Géorgien et qullar âqâsi, commandant des régiments de gholâm du shâh, gouverneur du Fars en 1595-1596/1004 H. 3 Le nouveau gouverneur, construisit un barrage -le
Glossaire Âb-anbâr : une citerne enterrée. Abjad : correspondance numérique des lettres de l'alphabet arabe et persan. Technique très utilisée pour une poésie célébrant une date mémorable, un événement ou l'érection d'un bâtiment. Â'ineh-kâri : littéralement « travail de miroir ». Assemblage de miroirs et de verre pour orner une surface ou une fenêtre. Anbâr-gholâmân : magasin aux esclaves. Andarun : (par opposition à birun) Partie intérieure et privée de la maison ou du palais, réservée au maître de maison et aux femmes. Dans le palais l'andarun définit un quartier entier privé. Néanmoins un bâtiment-andarun peut prendre place dans un espace birun. Il est dans ce cas clôt et à aspect fortifié. (voir Haram) Âstâneh : seuil, seuil de la porte. Baghdâdi : littéralement « de Bagdad ». Structure architecturale ou pavillon à angles tronqués présentant une silhouette octogonale. Les parois devaient être percées de nombreuses ouvertures. Bâgh : jardin, un morceau de terre généralement clôt de murs et portant des cultures permanentes. Le jardin comprend aussi bien des plantes d'agrément, arbres et fleurs, que des plantes arbustives nouricières. Bien que des plantes nourricières comme le concombre (khiyâr) ou des arbres fruitiers trouvent place dans le bâgh il ne faut néanmoins pas l'assimiler à un potager (plutôt jâliz ou parfois bustân) ou à un verger (bustân ou chaman). Le bâgh est un lieu éminemment social, lieu de réunion en famille ou entre amis, lieu de plaisir et de délassement. Bâghcheh : petit jardin ou parterre. Bâlâkhâneh : pièce en hauteur, équivalent d'une loggia. Désigne la plupart du temps les eyân-loges, les balcons, les pièces au-dessus d'un passage. Baradari : dans l'architecture moghole, désigne un pavillon à douze portes, trois sur chaque façade. Bâ'oli : dans l'architecture indienne, désigne une citerne enterrée accessible par des marches. Birun : (par opposition à andarun) Partie extérieure et de réception de la maison. Dans le palais royal le birun, partie publique, se confond avec le divânkhâneh, le daftarkhâneh et le kârkhâneh. Botteh : littéralement "bouquet de fleurs" en persan. Forme-motif souvent utilisé dans la décoration et les tapis, évoquant par sa forme une goutte ou la silhouette d'un cyprès. Bustân : littéralement : « le lieu des senteurs ». Jardin avec une idée très forte d'endroits emplis d'odeurs suaves et donc de fleurs. Néanmoins le bustân désigne parfois un verger ou un potager Buyutât al-Soltâni : partie administrative du palais comprenant aussi le daftarkhâneh et le kârkhâneh. Chahâr-bâgh : littéralement « quatre jardins » ou « quatre-jardin ». Désigne un type de jardin, sans doute idéal, à l'aspect mal défini mais certainement géométrisé. La seule description de chahâr-bâgh avéré, dans un traité d'agriculture du début du XVIe siècle, présente un espace rectangulaire traversé par une allée centrale et un canal menant à un pavillon. L'espace est, de part d'autre de l'allée, délimité en différente plates-bandes recevant plantes et arbres sans que la séparation soit faites entre les plantes nourricières et les plantes de pur agrément. Jâliz : potager, melonnière ou pré. Jarib : unité de mesure correspondant à environ 54,848 m. Jâmehkhâneh : le magasin des habits et sans doute l'espace des ateliers de filatures et de broderies des textiles royaux. Ju ou Juy ou (pop. Jub) : canal, ruisseau. Kâhgel : littéralement « paille-boue », torchis. Kârkhâneh : espace des activités artisanales. Dans un palais royal, espace des ateliers royaux compris dans le buyutat al-soltâni et donc dans le birun.
Perse depuis dix-huit ans, crayon et aquarelle sur calque, dim. 0,40 m x 0,315 m (1 er feuillet) 0,40 m x 0,31 m (2 e feuillet). 1 P. Coste, ms Alb. 3, fol. 36, Suite des palais des Schah. 24 avril 1840 [Isfahan -Angle nord-est du palais de Naqsh-e Jahân -plan], plume et aquarelle rose, verte et bleue, 0,241 m. x 0,236. 2 Coste, ms Alb. 3, fol. 48, n° 3, Bain-hamam Kousrout-Aga. A la suite du palais de Schah Abbâs. Mai 1840 [Isfahan -Bains Khosrow Agha -plan, section longitudinale et section transversale], plume et aquarelle rose et bleue, dim. 0,157 m x 0,099 m. Le deuxième plan présente un complexe mitoyen du Chehel-Sotun -au nord-ouest de celui-ci d'après les annotations du plan -le Nâranjestân, littéralement l'Orangeraie ou l'Orangerie (fig. VII. 4 ; VII. 5 ; VII. 6 ; VII. 8) 4 . D'après les notes de Coste une tour octogonale de ce complexe servait de bâtiment de communication avec une partie privée réservée aux femmes. Malgré l'attribution par Coste de ce palais à Shâh 'Abbâs I e , le palais est, beaucoup plus probablement, un bâtiment d'époque qâjâre comme le plan du complexe paraît l'indiquer -une aile de réception placée entre deux cours et délimitant deux espaces distincts. En outre Coste relève l'abondance des portraits de Fath 'Ali Shâh (1797-1834) à l'intérieur des salons d'apparat 5 (fig. VII. 6). Il semble bien, dans tous les cas, que ce complexe ait remplacé un ensemble safavide préexistant qui marquait la limite de la partie publique dans le palais et peut-être l'ultime lieu d'audience avant de pénétrer dans la partie privée : le Bâgh-e [Isfahan -Palais qâjâr du Nâranjestân à l'emplacement de l'ancien Bâgh-e Khalvat -plan], crayon, plume et aquarelle rose, dim. 0,339 m. x 0,233 m. Sur cet ensemble du Nâranjestân voir J-D Brignoli, 2006 a, p. 47-48. 5 P. Coste, Itinéraire, Vol. 1, p. 120. Pourtant c'est à partir de ces plans et d'une lecture attentive de la description de Chardin, que Donald Wilber proposa à son tour sa propre version de Naqsh-e Jahân qui fit longtemps autorité 1 (fig. VII. 16). Cette reconstitution se révèle profondément fantaisiste et surtout beaucoup trop imprégnée d'une idée de plan orthonormé. Wilber a bien noté les orientations différentes du Meydân-e Naqsh-e Jahân et du Khiyâbân-e Chahâr-Bâgh et il ne les restitue donc pas en parallèle. Mais afin d'effectuer le raccord entre un espace et un autre il se contente de désaxer toute la partie nord-est autour de Chehel-Sotun l'alignant ainsi sur le côté ouest du Meydân-e Naqsh-e Jahân et il aligne le reste du palais sur le tracé de l'avenue Chahâr-Bâgh, selon un plan strictement orthonormé. Wilber a néanmoins le mérite de tenter de replacer chaque élément de la description que Jean Chardin avait fait du palais royal et de ses environs. Il tente de situer hors de l'enceinte du palais, au sud de la Masjed-e Shâh, les demeures des grands dignitaires, les magasins des esclaves, les magasins de bouches pour les officiers du roi ou la place Lalah Beyg contre le mur sud-est du palais 2 . Dans l'enceinte du palais, dans l'alignement de la Porte du Haram il tente de situer le secteur des quatre palais décrit par Chardin : Le Mehmânkhâneh (Palais des hôtes), le 'Emârat-e Ferdows (Palais du paradis), le Divânkhâneh (Maison d'audience ou Salle des miroirs selon Chardin ?), le 'Emârat-e Daryâ-ye Shâh (Palais de la Mer Royale) au devant duquel s'ouvrait un étang de 20 pieds de diamètre 3 . Mais pour ce faire Wilber invente une place carrée avec quatre pavillons d'angle qui semble parfaitement étrange dans l'ensemble du palais. Quant à l'appartement du roi et des favorites, au second enclos pour les enfants du roi, au troisième, le plus vaste, pour les femmes disgraciées, les veuves des rois et les vieilles femmes, autant