Enfreindre sans craindre : tolérance à la dissonance dans le paradigme de l’hypocrisie induite (original) (raw)

La dissonance comme rébellion

Où en sommes-nous avec la Théorie Esthétique d'Adorno, 2018

D'une certaine manière la pensée d'Adorno est d'abord musicale. Véritablement musicale et non pas pensée de ou sur la musique. C'est ce qui lui confère une position tout à fait exceptionnelle au coeur de la Théorie Critique et ce qui le rend parfois insaisissable. La musique ne vaut pas pour lui comme métaphore, mais comme rapport au monde et au sens. La notion de dissonance y occupe une place toute particulière, presque centrale. La Théorie esthétique, elle-même est une oeuvre dissonante, par rapport à tous les canons universitaires tellement soucieux des divisions disciplinaires qui sont tout autant d'obstacles à la connaissance. Adorno s'est peu raconté sinon dans quelques lettres à ses amis. C'est sans doute avec Thomas Mann, lorsque ce dernier travaillait à son roman Le docteur Faustus, qu'il a partagé le plus intensément cette intuition d'une correspondance entre musique et politique1. Pour Thomas Mann, Adorno est avant tout un musicien et un musicologue. Il le cite comme l'un de ces musiciens exilés en Californie (Schoenberg, Stravinsky, Ernst Toch, Otto Klemperer, Ernst Krenek) ; il partage leurs soirées quand ils se réunissent autour de la musique, dont le magnétisme exerce sur eux une force bien plus grande que par le passé2. Une pensée musicale. Thomas Mann emprunte à Adorno son court texte de 1937, sur le style tardif de Beethoven, puis le lui restitue en lui écrivant à quel point ce texte l'a stimulé. Il travaille alors à son « roman musical » comme il l'a parfois surnommé et cherche à approfondir la notion de dissonance. Dès lors il demandera conseil à Adorno et s'amusera même à mettre des citations littérales de l'étude sur Schoenberg publiée plus tard dans Philosophie de la nouvelle musique, dans la bouche du diable, puisque le diable en personne intervient dans cette version de la légende de Faust. Ils poursuivront leur correspondance jusqu'à la mort du romancier. Plus tard, une fois son roman achevé, il en retrace la genèse, rédigeant une sorte de « roman du roman », et veut présenter ceux qui ont joué un rôle dans sa composition, Thomas Mann demande à Adorno une courte 1 Sonia Dayan-Herzbrun, « Entre Arnold Schoenberg et Thomas Mann : Le docteur Faustus, dans Le siècle de Schoenberg, Textes réunis et présentés par Danielle Cohen-Levinas, Hermann Éditeurs, Paris 2010, pages 85-105. 2 Thomas Mann, lettre à Jonas Lesser (27 août 1944) dans Thomas Mann, Doktor Faustus. Die Entstehung des Doktor Faustus, Frankfurt am Main, Fischer Verlag, 1992, page 31.

"Dirigeant - dérangeant" : Pour devenir dérangeant, accepter d’être bousculé

Intervention aux assises des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (EDC) à Lille, le 11 mars 2016. Pour être dérangeant, un dirigeant ne doit-il pas d’abord accepter d’être dérangé, bousculé ? Il s'agit donc de changer de regard à l'école de l'Evangile pour devenir capable de compassion, le nerf optique de la vision chrétienne. Il s'agit aussi à la suite de Laudato Si' d'entendre la clameur des pauvres et la clameur de la terre. Se mettre l'école des pauvres pour changer de paradigme...

Traduction et modèles canoniques: l'angoisse de la désobéissance

Meta, 2000

Résumé/Abstract Au cours de l'histoire, la circulation des textes s' est opérée par l'intermédiaire de leurs traductions, lesquelles, bonnes ou mauvaises, sont partie prenante du patrimoine littéraire de tous les pays, indépendamment du découpage «national» qu' ...

Vraisemblance et dissonance: une rupture de contrat?

Revue de littérature comparée, 2006

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Transgresser pour déconstruire. Deborah de Robertis : l'impertinence contre le pouvoir

2020

Cet article analyse la production artistique de Deborah de Robertis, qui fait polémique depuis 2014 lorsqu'elle a exposé son sexe devant l'Origine du monde de Gustave Courbet au musée d'Orsay. Afin de renverser le regard masculin exercé sur l'œuvre, l'artiste incarne le modèle de tableaux célèbres sans autorisation des musées dans lesquels elle performe, donnant lieu à plusieurs gardes à vue et procès. Il s'agit de montrer comment l'artiste dépasse la simple provocation pour formuler un discours artistique et politique, tout en se concentrant sur son impertinence prenant des risques quant à l'autorité. Cette étude pose d'abord la question d'un certain conformisme face à la création d'artistes femmes des années 1970, avant d'examiner le caractère subversif de ses œuvres qui entrent en rupture avec l'ordre moral. L'étude analyse enfin les rapports de pouvoir qu'entretiennent l'artiste et l'institution muséale afin d&#...

La fin de la conduite du changement : cheminement déconstructif qui présente la résistance comme manifestation d’une vie ignorée et « l’acte éthique » comme « résilience » ultime, porteuse d’espoirs

IP&M et Université de Lorraine – IAE de Metz – colloque des 14 et 15 novembre 2019 - Résistance au changement et résilience organisationnelle. Mise en perspective du couplage ?, 2019

Pourquoi le concept de résilience fait-il irruption dans le champ de la conduite du changement ? Qu’apporte-t-il ? La conduite du changement apparaît comme un « mythe rationnel » (Hatchuel et Weil, 1992 : 122), ou plutôt un mythe rationnalisé, exemplaire de notre temps. La résilience est un concept encore plus récent qui est devenu en très peu de temps populaire dans un grand nombre de champs disciplinaires. Notre ambition est d’interroger ce qui se joue dans la volonté de conduire un changement et ce que le concept de résilience pourrait apporter à une telle démarche. Concrètement, il ne s’agit pas de contester le bien-fondé même de tout changement et de toute démarche de changement, mais plutôt d’en interroger certaines arrêtes les plus saillantes, pas représentatives de tout changement étant donné la pluralité des situations possibles, toujours singulières, mais illustratives d’une approche assez globalement partagée. De même, surtout étant donné le nombre et la variété des définitions et des appropriations pratiques de la résilience, il ne s’agit pas de contester la pertinence du concept mais d’en mieux comprendre les possibles limites et potentiels apports. La conduite du changement apparaît prise dans un triangle de tensions paradoxales entre le sentiment qu’elle serait indispensable et incontournable, alors qu’elle susciterait quasi-systématiquement des résistances chez les individus concernés et que le taux d’échec massif des démarches mises en œuvre se trouve assez inexpliqué. La résilience serait-elle alors la pièce manquante qui permettrait de résoudre ces équations insolubles jusqu’alors ? Pour mieux comprendre ce qui se joue dans cette volonté de changement, ces échecs inexpliqués et cet espoir de résilience, nous allons chercher à identifier et à interroger notre paradigme de perception et d’action, sur lequel repose, selon nous, notre société (et donc sur lequel repose aussi le management et les démarches de conduite du changement). Le principal constat est que notre société est fondée sur une ignorance de la vie et une instrumentalisation réifiante du vivant et du singulier. En interrogeant la notion de résistance, qui semble entendue très différemment en psychanalyse et en gestion, il nous sera possible de mieux saisir en quoi la résistance au changement tant redoutée et que l’on souhaite socialement le plus souvent réduire et transformer en adhésion pourrait finalement être considérée comme une bonne nouvelle. Bonne nouvelle parce qu’elle serait manifestation de vie. Ainsi, nous proposerons pour conclure de distinguer entre deux grandes formes de résilience : des résiliences qui reposeraient sur la capacité de l’individu à s’adapter à un contexte social et des résiliences qui seraient l’expression d’une singularité vivante qui affirmerait son droit à exister, associée à l’idée d’acte éthique en ce qu’elles pourraient avoir un écho collectif contribuant à l’ajustement éthique des institutions.

« Dire une chose et en faire une autre » : de la déclaration de liberté dans le paradigme de l'hypocrisie induite

Psychologie Francaise, 2007

Dans le droit fil des recherches sur l'hypocrisie induite, les participants devaient produire un plaidoyer pronormatif en faveur du respect du code de la route puis rappeler leurs transgressions. Au terme de cette procédure d'induction d'hypocrisie, on leur proposait de devenir bénévole dans une association de prévention routière. La déclaration de liberté était manipulée au niveau de la saillance des transgressions (recherche 1) soit au niveau du plaidoyer et du rappel des transgressions (recherche 2). Les résultats indiquent que la manipulation d'une double déclaration de liberté permet d'améliorer l'efficacité de la procédure d'hypocrisie.According to induced hypocrisy paradigm, participants were led to advocate a pro-attitudinal position (commitment step), such as to respect the driving rules. Subsequently they were made mindful of their own transgressions (mindfulness step). Afterwards, the target-behavior was administered: spending time in a safety road association. We manipulated the declaration of freedom either within the mindfulness step (study 1), either at the twice steps (study 2). Results indicated that declaration of freedom increased the hypocritical effect. Implications for further research in the area of hypocrisy are discussed.

Le pathos du « soulèvement » au risque de l’insensibilité

Culture et musées, 2020

L’exposition « Soulèvements » a été saluée pour sa richesse et pour son ambition de ressaisir un geste social et politique à partir de sa traduction esthétique. Elle a cependant également soulevé de fortes critiques quant à la possibilité de conserver la dimension politique d’un geste coupé de ses origines et de ses fins. Notre étude aborde en des termes esthétiques la mise en pratique de cette coupure, légitimée par la référence au montage warburien, et montre comment la prédominance d’une logique narrative et allégorisante, dans le dispositif comme les choix iconographiques, peut contrevenir à la visée imaginatoire de celui-ci. Nous articulons cette logique à la valorisation sous-jacente d’un pathos obvie, au sens barthésien, en interrogeant les capacités pratiques de ce dernier.