Entre brigandage et guerre civile. Restituer les logiques d’une labellisation mouvante. L’Italie des années 1860. (original) (raw)

Expérience de guerre et militantisme républicain en Italie (1914–1926)

European Review of History: Revue europeenne d'histoire, 2006

Sté fanie Prezioso La Première Guerre mondiale a longtemps été considérée en Italie comme un élément positif de la constitution du nouvel Etat, la première épreuve victorieuse de la nation, l'entrée de l'Italie à plein titre dans le giron des grandes puissances. La légitimité revendiquée de celle que certains de ses protagonistes appellent 'notre guerre' reposait sur l'idée que l'Italie avait parachevé son unité nationale en libérant les territoires encore sous le joug de l'Autriche-Hongrie. Le personnage symbolique de cette vision de la guerre, Cesare Battisti, socialiste de Trente, meurt pendu pour désertion. Le 'sacrifice' se constitue ainsi comme élément clef de la participation nécessaire du peuple italien en armes à la création de la nation. Cette représentation de la Première Guerre mondiale était sensiblement la même, après-guerre, dans le camp fasciste et dans l'aile interventionniste de l'antifascisme (en particulier républicain). S'il faut, à mon avis, relativiser l'opinion de l'historien Olivier Janz qui soutient que cette interprétation a pu de ce fait survivre aux deux guerres mondiales, il n'en reste pas moins qu'elle a eu une longue fortune historiographique. 1 Ce n'est, en effet, qu'à la fin des années 1960 que les historiens critiques tentent de réinterpréter l'histoire de la guerre et de l'Italie en guerre, notamment autour des écrits de Piero Melograni, Giorgio Rochat et Mario Isnenghi. 2 Ce dernier focalise son attention sur l'interventionnisme comme lieu de théâtralisation de la politique, mais également comme moment phare de la participation 'choisie' ou 'subie' du peuple italien, dans son ensemble, à la sphère publique. 3 Les manifestations, les meetings politiques et les combats souvent violents entre les partisans de la neutralité de l'Italie dans le conflitnotamment les socialistes et les catholiques-et les mouvements belligènes-en particulier les anarcho-syndicalistes, les républicains et, dès novembre 1914, un tout nouveau venu sur la scène politique interventionniste, Benito Mussolini-sortent de fait le débat des sphères politiques jusque-là restreintes pour l'amener sur la place publique, une place italienne qui, pour la première fois depuis l'Unité, devient tricolore. 4 L'intérêt des travaux de Mario Isnenghi est donc de s'arrêter sur cette période de non-intervention de l'Italie qui, tout en révélant l'hostilité à l'interventionnisme et à l'entrée en guerre de la majorité de la population italienne, interroge les potentialités politiques multiples des mouvements interventionnistes. 5

Émulation guerrière et stéréotypes nationaux dans les guerres d’Italie

De tout temps, lorsque les peuples se sont trouvés face à face, leur premier souci a été de mesurer la force du voisin, ennemi potentiel, et d'étudier sa manière de faire la guerre. A plus forte raison dans l'Italie du premier XVI e siècle, où se côtoyaient des troupes issues de la plupart des régions de l'Europe occidentale : échantillon déformé mais éloquent de la diversité des nations. Les Italiens ont observé tous ces transalpins avec d'autant plus de curiosité que ceux-ci leur marchaient sur le ventre, au mépris de toute la fierté qu'eux-mêmes, hommes d'armes et hommes de lettres la main dans la main, avaient jusque-là investie dans l'invincibilité supposée des héritiers de Rome. L'observation de l'autre se double là d'un examen de conscience : qu'ont-ils que nous n'ayons pas ? A défaut de pouvoir traiter en quelques pages de toute l'ethnologie militaire européenne de la Renaissance, je traiterai ici principalement du couple franco-italien.

Ph.D - Table of Contents : Guerre Civile et formation de l'Etat. Histoire et usages de la Guerre du Brigandage dans l'Italie méridionale des années 1860

Centré sur la Basilicate et optant pour un regard au plus près des acteurs, ce travail revient sur un épisode violent du processus d'unification italienne qui suscite encore de nombreux débats : le Grand Brigandage (1860)(1861)(1862)(1863)(1864)(1865). Décortiquant le concept de guerre civile, l'étude débouche sur quatre résultats. Derrière le mot-écran de « brigandage », on découvre tout d'abord, de l'automne 1860 à l'été 1862, une tentative de contre-révolution armée. Pensée par les autorités napolitaines en exil et fomentée par les partisans locaux d'une restauration, celle-ci mobilisa des combattants diversement motivés. Se distinguant des explications macrosociologiques, l'étude permet de reconstituer les carrières individuelles et les mécanismes sociaux de la rébellion. Le deuxième de nos résultats est qu'il est pertinent de parler de guerre civile. Combattue dans l'un et l'autre camp par des civils en armes, la guerre du brigandage fut cependant davantage une guerre civile méridionale qu'italienne. Elle fut également guerre pour la cité. Quelles qu'aient été les motivations des combattants, l'enjeu de l'affrontement était bien politique. Troisièmement, la guerre civile n'eut qu'un temps. En s'enlisant, le conflit permit une sédimentation du brigandage qui alla de pair avec une profonde évolution tant du registre d'action que des objectifs et des soutiens politiques des bandes. La rébellion politique se mua en une efficace criminalité en bandes armées qui parvint à s'encastrer dans la société locale. Le conflit se transforma en un affrontement diffus dans lequel l'enjeu était moins la conservation de l'État unitaire que son enracinement au sein des populations du Midi. L'État s'engagea dans une conquête qui fut sans doute moins celle des coeurs que celle des esprits. Permettant la mobilisation des populations contre les bandes, celle-ci mena à l'élimination des brigands. À travers la lutte, l'État unitaire s'imposa donc aux populations du Midi comme un élément durable et incontournable dans la définition des stratégies individuelles ou collectives. Mais grâce aux structures créées pour permettre la participation des acteurs locaux à la répression, la lutte contre le brigandage fut également une occasion d'acculturation politique nationale des populations méridionales. La guerre du brigandage des années 1860 fut ainsi une guerre civile d'unification puis de formation de l'État et de la nation dans le Midi d'Italie. Le travail se prolonge enfin jusqu'à nos jours, afin de mieux comprendre la vivacité des débats actuels et les usages identitaires présents de ce passé conflictuel. La réinvention du Brigandage post-unitaire participe aujourd'hui d'une reconfiguration de la nation.

Guerre et « subversion patriotique » : les républicains italiens face au premier conflit mondial et à ses usages politiques

La première guerre mondiale a longtemps été considérée comme un élément positif de la constitution du nouvel État, la première épreuve victorieuse de la nation, l’entrée de l’Italie à plein titre dans le giron des grandes puissances. La trajectoire des militants du Parti républicain italien (PRI) permet à mon sens mieux que tout autre d’éclairer à la fois la constitution de ce mythe de la Grande Guerre et sa persistance après la seconde guerre mondiale. En effet, durant les mois de non-intervention, cette frange particulière de l’interventionnisme cherche à donner « un sens à la guerre ». Les jeunes militants républicains vont défendre l’idée que l’entrée en guerre est l’étape nécessaire pour faire entrer l’Italie dans la modernité politique. L’objectif : subvertir l’ordre social existant. Ces subversifs patriotes proclament la nécessité d’une transformation radicale de la société italienne, devant s’attaquer aussi bien aux fondements politiques, économiques et sociaux de l’Italie unitaire qu’au « caractère » des Italiens. Après un bref flirt avec le mouvement fasciste naissant, c’est précisément sur leur interventionnisme spécifique qu’ils vont fonder les bases de leur antifascisme radical.

G. Tatasciore, Hors-la-loi à l’italienne : le brigand comme patriote du Risorgimento ?, «Revue d'histoire culturelle», n. 6, 2023

https://journals.openedition.org/rhc/3513 L’article, consacré aux représentations des brigands du sud de l’Italie et à leurs relations avec le discours national-patriotique du Risorgimento, vise à montrer que le brigand constitue une figure permanente mais changeante de l’imaginaire politique des patriotes. Pendant le Risorgimento, le brigand, notamment ses franges les plus proches du mouvement révolutionnaire et démocratique, a en effet constitué une figure de la lutte contre l’étranger et un héros proche du peuple. De nos jours, dans les musées et le discours à destination des touristes, il s’est transformé en figure de la résistance du Mezzogiorno contre les effets de l’unification nationale. La figure du brigand, perméable aux idéologies, évolue donc selon les époques et montre une grande plasticité.

L’Italie et l’émergence de l’idéologie du guerrier dans la seconde moitié du 4ème millénaire av. J.-C

In the synthesis about the European Neolithic, there is a tradition consisting of dating one of the crucial historical turning points at the transition between the megalithic culture of the late Neolithic (SOM-Horgen-Wartberg horizon) and the Beaker culture. The emergence of the Corded ware culture, in the beginning third millennium and, a few centuries later and for other regions, the appearance of the Bell Beaker culture represented, according to the paradigm, the dawn of a new ideology characterized by a deeper emphasis upon individuality and focused on the “warrior figure”, as suggested by the symbolic valorization of weapons (sword, axe and bow). Several authors use to forget that this reconstruction is relevant only for part of Europe. In other regions, particularly the area encompassing the North Pontic steppes and the fore-Caucasus region and several regions of the West-Mediterranean basin, the “ideology of the warrior” is strongly established already in the second half of the 4th millennium BC. In this article, we examine the available data for the second of those two areas. The upheavals that are perceptible in the 3600/3400 – 3000 chronological horizon in the concerned regions (Italy, Iberian Peninsula and Southern France) (booming of the copper metallurgy, appearance of new types of copper or lithic weapons, “warrior” graves, anthropomorphic stelae) suggest the existence of a homogenous movement of diffusion, with various consequences according to the type and degree of the local reactions. Regarding the origin of this movement, the recent discoveries tend rather to reinforce the old theory of the steppic influences. One of the main arguments is that the bundle of traits that characterize the ideological revolution in the West-Mediterranean area in the end of the 4th millennium exists in the same configuration in the North Pontic / north Caucasus zone already before 3700, especially in the Maikop culture.

Machiavel et Guicciardini : guerre et politique au prisme des guerres d'Italie

Laboratoire italien, 10, pp. 9-25, 2010

Les guerres d'Italie provoquent un bouleversement profond qui remet en cause l'équilibre des forces en Italie et les formes des gouvernements dans de nombreux États de l'Italie et en particulier à Florence. La volonté de Machiavel et de Guicciardini de mettre en évidence la naissance d'une nouvelle période de l'histoire se dit sous la forme d'un " avant " et d'un " maintenant ", et cette démarche a des implications sur la politique et sur la guerre qui doivent être prises en compte l'une et l'autre, en même temps. Il s'agit ici de mettre en évidence quels sont les effets des guerres d'Italie sur la façon de penser et d'écrire l'histoire, la politique et la guerre chez ces auteurs qui furent aussi des acteurs de l'histoire de leur temps. Attentifs à la " qualité des temps ", tous deux réfléchissent au moyen que Florence ne perde pas " la libertà e stato suo " et se demandent comment éviter que se perpétue la faiblesse des armées italiennes. Les réponses de Machiavel et Guicciardini à ces questions sont différentes : Machiavel veut de " bonnes armes ", qui ne peuvent exister sans l'amour des soldats pour la patrie et leurs capitaines ; pour Guicciardini, il faut de " bons ordres " pour la cité et une armée expérimentée. Néanmoins, les interrogations et les méthodes employées pour y répondre sont identiques. L'un et l'autre utilisent une méthode partant de l'expérience, procèdent à une historicisation permanente des temps présents, déploient une approche pragmatique des faits et des effets des guerres en cours. Dans les accords et les oppositions des deux Florentins, on décèle un effet des guerres guerroyées sur la pensée politique et militaire et sur la méthode d'approche de la politique et de l'histoire.