La poudre de madame: la trajectoire de la guérison magnétique des blessures en France. XVIIe Siècle (Paris), Paris, v. 211, n.2, p. 285-305, 2001 (original) (raw)

“Guérir par magie avec Montaigne”

Montaigne Studies: Montaigne, la maladie et la médecine, ed. Philippe Desan, Chicago: University of Chicago, XXXII (2), pp. 83-98. , 2020

Quand la fiction vient au secours de la science : enjeux des expériences de magnétisme dans quelques récits romantiques (La Découverte scientifique dans les arts, dir. Azélie Fayolle et Yohann Ringuedé, LISAA, coll. Savoirs en textes, 2018. En ligne)

[URL : http://lisaa.u-pem.fr/index.php?eID=tx\_nawsecuredl&u=0&file=fileadmin/fichiers/LISAA/Collections\_numeriques\_du\_LISAA/Savoirs\_en\_textes/Pezard.pdf&t=1538831449&hash=fdd251ab4ee5e0c36433ede6119556c529aedb63 ] Le caractère controversé de cette discipline explique que la fiction exploite tout au long du siècle le motif de la découverte du magnétisme. Mais la scène où un personnage découvre que le magnétisme, ou l’hypnose, est bel et bien une réalité, évolue en profondeur en même temps que la science. Le sujet magnétisé, qui accède à une nouvelle forme d’existence dans les récits romantiques, expérimente à la fin du siècle une perte radicale de conscience. Le magnétiseur, fascinateur charismatique dans les romans de Balzac, Soulié ou Dumas, devient un homme banal à partir des années 1870. Ce changement de point de vue permet au lecteur de se situer au plus près de l’émotion qui reste toujours associée, dans ces textes, à la découverte du magnétisme : la peur, qu’inspire ce phénomène qui semble la réalisation scientifique d’un cauchemar surnaturel.

La méthode Coué. Histoire d'une pratique de guérison au XXe siècle, 2010

Peut-on faire l'histoire de la méthode Coué ? Le linguiste, le politologue, le psychothérapeute pourraient peut-être en dire quelque chose, mais l'historien ? Existe-t-il un objet plus insignifiant que celui-ci ? Il suffit pour s'en convaincre – mais tout le monde n'est-il pas déjà convaincu à la simple évocation de ce nom ? – de lire la définition qu'en donne son créateur, Émile Coué (1857-1926) : Comment il faut pratiquer l'autosuggestion consciente. Tous les matins au réveil, et tous les soirs, aussitôt au lit, fermer les yeux et, sans chercher à fixer son attention, sur ce que l'on dit, prononcer avec les lèvres, assez haut pour entendre ses propres paroles et en comptant sur une ficelle munie de vingt noeuds, la phrase suivante : « T ous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux. » Les mots « à tous points de vue » s'adressant à tout, il est inutile de se faire des autosuggestions particulières. Faire cette autosuggestion d'une façon simple, aussi enfantine, aussi machinale que possible, par conséquent sans le moindre effort. En un mot, la formule doit être répétée sur le ton employé pour réciter des litanies. De cette façon, l'on arrive à la faire pénétrer mécaniquement dans l'inconscient par l'oreille et, quand elle y a pénétré, elle agit. Suivre toute sa vie cette méthode qui est aussi bien préventive que curative. Ces lignes auront peut-être évoqué au lecteur quelques annonces familières repérées dans les magazines de psychologie de notre XXIe siècle. Coué propose en effet une méthode fondée sur des principes simples qui semblent intemporels : guérison universelle, apprentissage individuel, pensée positive, répétition verbale, recueillement, influence de l'imagination sur le corps et sur l'esprit. Mais voilà un fait qui intéresse l'historien : ces mêmes magazines exhument aujourd'hui cette méthode déjà centenaire. En peu de temps, La Maitrise de soi-meme par autosuggestion consciente, qui fut à l'origine de la réputation mondiale de Coué, a été rééditée en France par des auteurs que tout oppose : un psychanalyste et un hypnothérapeute. La multiplication des références sur la Toile laisse deviner un nouvel avenir thérapeutique pour une technique de cure pourtant régulièrement raillée au point d'être devenue une expression péjorative courante. Et si cette résurgence surprenante parlait de notre temps et par là de notre histoire ? Notre temps : celui de la « Guerre des psys » et des « Freud wars », controverse aux accents militaires qui porte sur la nature des thérapies psychiques modernes. Si l'onde de choc dépasse largement le milieu « psy » – l'enjeu est autant social, politique et anthropologique que médical et psychique –, les lignes ont bel et bien bougé sur le sol du paysage thérapeutique. De la fracture, ouverte dans les années 1970-1980, émerge aujourd'hui ce fossile improbable – la méthode Coué –, qui sert de repoussoir dans la joute confrontant psychanalystes et comportementalistes. Un des objets de ce livre est de montrer en quoi cette résurgence en un temps conflictuel fait sens. Élaborée entre la fin du xixe siècle et les années 1920, la méthode Coué est en effet contemporaine du moment de structuration du champ

Magies de la modernité. Illégitimité et légitimation du magnétisme en France et du chamanisme au Pérou

Thèse, 2022

Longtemps, dans les sociétés industrielles, les pratiques magiques telles que le chamanisme, la voyance, le spiritisme ou le magnétisme ont été disqualifiées, voire réprimées, au motif de leur caractère apparemment inconciliable avec la modernité : fondées sur une ontologie « analogique », elles semblaient vouées à disparaître, en Occident et dans les pays occidentalisés, du fait de la montée en puissance du « naturalisme » – pour reprendre ici les catégories forgées par Philippe Descola. Depuis quelques décennies, cependant, on observe que ces pratiques magico-traditionnelles sont de plus en plus tolérées. Mieux encore : dans certains cas, elles sont encouragées et protégées par des acteur·rice·s institutionnel·le·s (comme dans certains hôpitaux ou musées). Pour expliquer ce revirement d’attitude, nombre de chercheur·e·s ont invoqué un changement culturel général. Or, non seulement cette invocation met de côté l’analyse de ce qu’un tel changement doit aux transformations structurelles des sociétés industrielles, mais elle ne conduit que rarement à s’interroger sur la manière dont les pratiques en question ont été transformées. Ce sont ces transformations que nous étudions dans cette thèse, à partir de deux cas empiriques : le magnétisme en France et le chamanisme dans la région du Lambayeque au Pérou. Reposant sur une méthode comparative, qui combine ethnographie et enquête sociohistorique, notre démarche consiste à analyser l’immense travail social, souvent laissé dans l’ombre, qui a été fourni, ces dernières décennies, afin de conformer ces deux pratiques aux attentes de la modernité industrielle – processus que nous appelons leur modernisation simple et qui passe en particulier par leur professionnalisation et leur marchandisation. Ce faisant, nous montrons que la remise en cause contemporaine des fondements de la société industrielle, à travers la critique de la supériorité qui y est accordée aux savoirs occidentaux (naturalistes) par rapport à ceux ancestraux (analogiques), constitue moins un « retour en arrière » comme l’affirment certain·e·s acteur·rice·s, qu’un pas supplémentaire dans l’accomplissement du projet moderne – qui correspond, en l’occurrence, au passage à une modernisation réflexive. A cette occasion, nous établissons le rôle central que les sciences sociales jouent dans un tel processus, un rôle dont il nous semble important qu’elles prennent davantage conscience. pratiques magiques – professionnalisation – marchandisation – naturalisme/analogisme – sociologie de la médecine – sociologie du patrimoine – modernité réflexive.

Kaba M., "Jeunes filles scoliotiques et orthopédie à la Belle Epoque. L’essor urbain de la mécanothérapie à Lausanne et Genève", Gesnerus, 70 (2013), 68-85

2013

[Scoliotic young girls and orthopaedics in Belle Epoque: the urban surge of mecanotherapy in Lausanne and Geneva] In Belle Epoque towns marked by the industrial and medical surge, a new technical therapy, called mechanotherapy, emerged, stemming from Swedish medical gymnastics and auxiliary to orthopaedics. Aiming mostly at treating scoliosis, this therapy by movement attracted a sizeable female clientele to these towns, because of the hygienic and social conceptions feeding collective imagination linked to the bodies of scoliotic young girls. Taking the French-speaking Swiss towns of Lausanne and Geneva as examples, the article first seeks to describe the emergence of mechanotherapy as a medical and urban phenomenon. It then addresses the role played by scoliosis in this orthopaedic practice, and examines the clientele attracted to the towns, among which well-born young girls seem to be predominant.