Comment assumer l’inconsistance du réel ? Penser avec Arendt la crise de l’autorité politique moderne (original) (raw)

De la critique du totalitarisme à l’action : Arendt, ou la politique comme critique

C’est une des grandes lignes directrices de la pensée de Miguel Abensour que de relancer une philosophie politique critique. Le retour des choses politiques en constitue la nécessité et l’actualité. A notre époque, néanmoins, ce retour n’est pas sans être teinté d’un renouveau du danger totalitaire – soit dans les Guantanamo américains, soit dans la globalisation d’un mode d’être néolibéral vorace et expéditionnaire, mode d’être qui déstabilise valeurs et droits en les soumettant à un mouvement stupéfiant. Les pratiques globales du néolibéralisme sont telles que l’avertissement d’Hannah Arendt, à la fin de son grand livre Origins of Totalitarianism, y trouve un écho : « Les solutions totalitaires peuvent fort bien survivre à la chute des régimes totalitaires, sous la forme de tentations fortes qui surgiront chaque fois qu’il semblera impossible de soulager la misère politique, sociale et économique d’une manière digne de l’homme… Il se peut que les véritables difficultés de notre époque ne revêtent leur forme authentique – sinon nécessairement la plus cruelle – qu’une fois le totalitarisme devenu chose du passé ». A prêter l’oreille à cet avertissement, nous nous garderions de célébrer trop hâtivement l’avènement de l’ère post-totalitaire. Le cynisme, collé à jamais à notre peau depuis l’obscurcissement totalitaire de la distinction entre vérité et mensonge, semble bien être le signe de nos temps. La question se pose alors de savoir si aujourd’hui la critique de la domination ou de l’idéologie peut, à elle seule, atteindre son but. Pour rappeler la formule de Slavoj Zizek concernant la faillite de la critique de l’idéologie à l’ère de la fausse conscience éclairée, « ils savent très bien ce qu’ils font, et ils le font tout de même ». Il est fort probable que la prise de conscience ne peut plus servir de gage, car l’idéologie n’est plus un mode de voir ou de penser mais un mode d’être pratique, concret, un mode de gestion du quotidien. Le retour des choses politiques exige alors également un retour à l’agir – et dans le même sillage, un retour à Hannah Arendt. La théorie de l’action élaborée par Arendt possède deux forces principales. D’un côté, elle nous permet de concevoir la politique, ou plus précisément, l’agir ensemble, comme le plus grand antidote de la domination et du cynisme : ce n’est qu’en agissant qu’on saura bouleverser les pratiques idéologiques sociales, économiques et culturelles. De l’autre côté, elle recèle une éthique proprement politique, éthique à déduire de sa critique du totalitarisme. Le retour à Arendt est d’autant plus pertinent, voire nécessaire, que l’oubli de l’action incite les théories postmodernes à proposer des solutions insensées, allant de l’abandon total des lieux de pouvoir à l’autodestruction, en passant par un « souci de soi » apolitique et sans vision. L’éthique arendtienne, au contraire, permet de repenser la liberté, non pas comme une négativité absolue, mais comme une re-symbolisation, comme l’institution d’un mode d’être qui change les donnés de la situation. Bien mieux, elle nous permet de reconnaître les expériences actuelles de liberté là où elles surgissent. De telles expériences possèdent la force d’une critique concrète, critique réalisée et affirmée par les choses elles-mêmes.

Arendt : politique, opinion, vérité

Professeur de philosophie en Première supérieure Ancien Directeur de programme au Collège international de philosophie Hannah Arendt. Politique, opinion, vérité 2 Le différend qui oppose la vérité philosophique et l'opinion politique s'est scellé dans une "philosophie politique" dont Hannah Arendt récuse le bien-fondé. La victoire platonicienne sur les sophistes, frauduleusement imputée à Socrate, a autorisé une méconnaissance de la politique dont l'Occident déploie sans frémir tout le pouvoir destructeur. Loin d'éclairer le monde, la vérité a prétendu le conduire et en a sapé la base. En imposant une norme absolue, elle a écrasé la pluralité des perspectives qui fait du monde un réseau de relations c'est-à-dire une affaire "relative". Victoire terrible de la philosophie qui nous a comme subtilisé le monde, pour remplacer son "équivocité chancelante" 3 par un gouvernement systématique des conduites.

Subjectivation et désidentification politiques. Dialogue à partir d’Arendt et de Rancière

Ce dialogue à deux voix tente de faire travailler ensemble les logiques conceptuelles de Hannah Arendt et de Jacques Rancière au bénéfice d’une compréhension renouvelée des notions de subjectivation politique et de désidentification dans le contexte des luttes politiques. Ces deux voix s’accordent pour discuter lignes conceptuelles de convergence et divergence mais défendent des positions parfois irréductibles, laissant ainsi entendre combien la conceptualisation des expérimentations politiques ne peut se faire qu’à l’épreuve de la pluralité et de la contradiction. Sont discutées les notions de subjectivation et de sujet politique, de désidentification et d’identité, de singularité et de collectif, de l’État et de la domination, d’émancipation et de pluralité.

La figure de l’auctorialité satirique face au pouvoir des autorités politiques

Presses Universitaires de Bordeaux eBooks, 2019

Dans le prolongement de mon analyse déjà ancienne de l'énonciation dans la presse satirique (Rabatel, 2004), je rappelle brièvement les concepts opératoires pour l'analyse du complexe pluri-sémiotique des textes et des dessins. À la suite de Ducrot (1984), je considère que le locuteur (à la source de l'acte physique de production des énoncés) concerne une instance distincte de l'énonciateur, que je définis comme l'instance d'actualisation des points de vue, source de leur référenciation et de leur prise en charge (Rabatel, 2008-2009). Et je définis le PDV comme le fait que tout contenu propositionnel, actualisé, autrement dit, toute prédication 4 , rapportée à une situation de communication spécifique, ne fait pas que dénoter les objets du discours de façon objectivante, mais renseigne aussi sur le PDV de l'énonciateur sur l'objet, à travers ses choix de référenciation, indépendamment du fait qu'il exprime explicitement (ou non) une opinion sur l'objet. Posture, figure de l'auteur, fonction-auteur et figure de l'auctorialité L'essentiel de mon propos portera ici sur la figure de l'auteur qui émerge notamment de stratégies discursives ironiques ou humoristiques. Je ne reprendrai pas ici, comme le fait l'appel à communication, la notion de posture, que je réserve aux postures énonciatives de co-, sur-ou sous-énonciation, dans la co-construction des PDV, au niveau des énoncés, et donc est bien différente de la conception de Meizoz (2007), qui englobe le texte, les péri-et paratextes, voire des interactions avec d'autres auteurs ou instances du champ littéraire (Rabatel, 2015). Je ne reprendrai pas non plus la notion d'archi-énonciateur, utilisée dans Rabatel (2004 : 37), à la suite de Maingueneau (1990 : 141-142) qui l'avait lui-même empruntée à Issacharoff (1985). L'archi-énonciateur vise à rendre compte du PDV de l'écrivain auteur de textes dans lesquels il ne parle pas en son nom propre, dès lors qu'il n'y a pas de discours primaire, comme dans les

Le politique chez Hannah Arendt : entre fragilité et durée

2013

A vertisseaient la diffusion de ce mémoire se fait dans le~ respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de repiuè:luire. et de diffuser un travail de recherche de. cycles supérieurs (SDU-522-Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que <<conformément • à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une lic~nce non exclusive. d'utilisation et de. publication ~e la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commèrciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des. • copies de. [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses) droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur) conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire .. » lV C'est pourquoi j'aimerais d' abord remercier toutes les personnes avec qui j'ai eu la chance et le bonheur de réaliser ces projets un peu fous, en particulier: Sindy Brodeur,