L'AVENEMENT DES PORTE-PAROLE DE LA REPUBLIQUE (1789-1792) --- Pub. 1998 (original) (raw)

Jacobinisme et marxisme: le libéralisme politique en débat

Depuis le bicentenaire de la Révolution française, l’interrogation sur l’apport marxiste ne relève plus d’un corps de concepts « marxistes » (mode de production, lutte des classes, révolution bourgeoise, etc.), issus du matérialisme historique et applicables de façon mécanique à la réalité de la Révolution française. Ce sont les catégories explicatives elles-mêmes de l’histoire de la Révolution française, telles qu’elles sont élaborées réflexivement par les penseurs contemporains de l’événement révolutionnaire, tant allemands que français, puis traduites dans les premiers textes de Marx, qui sont prises en compte au sein de la lecture marxienne du jacobinisme. En tant qu’historien du discours, donc au titre de l’ancrage référentiel des notions-concepts dans la matérialité du discours, j’ai mis l’accent sur la reprise marxiste des catégories explicatives mises en œuvre par les penseurs marxistes du jacobinisme historique, sur la base de leur configuration en couple par le jeune Marx : mouvement populaire/mouvement révolutionnaire, Terreur/révolution permanente, porte-parole/langue populaire.

La langue politique et la Révolution française

Cet article dresse un bilan des travaux récents, à la date de 2004, sur la culture politique de la Révolution française d’un point de vue discursif, avec une attention toute particulière au contexte historique. Il actualise donc la recherche sur la langue politique révolutionnaire que je mène depuis le début des années 1970, mais en la situant plus nettement dans la perspective de l’histoire langagière des concepts, mise en place dans les années 1990. Il en ressort que les travaux actuels sur les langages de la Révolution française bénéficient du dialogue entre l’histoire des concepts inclus l’histoire langagière des concepts, l’histoire conceptuelle du politique et l’histoire sociale des idées politiques, tout en privilégiant le questionnement épistémologique.

Prises de parole démocratiques et pouvoirs intermédiaires pendant la Révolution française

Il n'est guère possible de s'en tenir à la description de la parole révolutionnaire selon l'échelle d'observation du discours d'assemblée si l'on veut rendre compte de la dimension démocratique des langages de la Révolution française . Quel que soit l'impact de la "centralité législative" dans la formation de la nation française, il n'en reste pas moins que l'instauration d'une raison constituante , avec la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ouvre la parole révolutionnaire à une expérimentation au quotidien de la citoyenneté au-delà du discours d'assemblée. C'est là où nous faisons intervenir la réflexion stimulante de Jürgen Habermas, au moment du bicentenaire de la Révolution française, sur le "pouvoir engendré communicativement" au sein des procédures démocratiques de formation de l'opinion et de la volonté

Le tout de la nation. Portée et limites du discours d'assemblée (1789-1791)

Le mot nation, alors qu'il fait événement à travers l'expression d'"Assemblée nationale", est un enjeu fondateur du discours d'assemblée : il concrétise la puissance objective de la nouvelle représentation nationale tout en fondant le nouvel "ordre des choses" sur la puissance subjective du droit naturel, c'est-à-dire sur la manière d'être d'une nation qui proclame la toute puissance de la citoyenneté, ouvrant ainsi la politique à l'illimité de l'expérience humaine de la réalisation des droits. Une fois affirmée la part foncièrement subjective du mot de nation, il est possible d’en resserrer le sens d’un point de vue plus strictement lexicologique. De fait cette notion-concept devient une unité lexicale distinctive de la spécificité révolutionnaire française dans une perspective comparative et se régularise par son association à d'autres mots ("Constitution", "représentation", "ordre", "pouvoir", etc.) qui tendent à configurer le champ sémantique de la politique moderne.

Figures de l'opinion publique. L'invention de République (1776-1796) --- Pub. 1996

Le Dictionnaire de l'Académie (1776) donne la définition suivante de la République: "Le terme de République comprend également l'état populaire et l'état aristocratique. Il se prend quelque fois pour toute sorte d'État, de gouvernement". Ainsi, à l'intérieur de la configuration discursive dont nous allons décrire succinctement quelques éléments, l'idéal républicain renvoie à la recherche d'un gouvernement régi par des lois conformes à "l'intérêt public". La république est la "chose publique", une forme de gouvernement régie par la raison de l'opinion publique, et qui peut s'actualiser le cas échéant dans la monarchie. Notre objectif présent est, au-delà de l'analyse des débats, imprégnés du modèle américain, sur la forme républicaine de gouvernement, nous est de décrire diverses modalités de représentation, de contextualisation de la figure de l'opinion publique, qui rendent pensable la Révolution avant et pendant son avènement.

A propos de l'analyse de discours : les historiens et le "tournant linguistique" ( l'exemple des porte-parole pendant la Révolution française )

« A propos de l'analyse de discours: les historiens et le 'tournant linguistique' (l'exemple du porte-parole pendant la Révolution française) », Langage et Société., septembre 1993, p.5-38. http://www.persee.fr/docAsPDF/lsoc\_0181-4095\_1993\_num\_65\_1\_2622.pdf ---------------------------------- L'avènement du "temps des doutes" (Roger Chartier) dans la discipline historique ouvre un vaste chantier de réflexion sur l'impact du "tournant linguistique" en histoire. L'analyse de discours du côté de l'histoire s'actualise dans un dispositif expérimental où se conjoignent une problématique de l'énoncé d'archivé, héritée de Michel Foucault et investie dans le travail configurationnel, et une relation ancienne et privilégiée à la linguistique structurale, sous la forme d'un outillage méthodologique diversifié. En appui sur le thème de la réflexivité du langage, l'analyse de discours du côté de l'histoire est devenue une discipline interprétative à part entière, qui noue des alliances avec d'autres disciplines du "tournant linguistique" actives en Allemagne et aux Etats-Unis. Un objet d'études spécifique, la figure du porte-parole pendant la Révolution française, sert ici de fil directeur à notre présentation concrète de la démarche de l'historien du discours.

Agir en Révolution : action, émeute, révolte, révolution, mouvement, insurrection --- Pub. 2004

Jacques Guilhaumou, « Agir en Révolution : action, émeute, révolte, révolution, mouvement, insurrection. », in Raymonde Monnier (dir.), Révoltes et Révolutions en Europe et aux Amériques de 1773 à 1802, Paris, Ellipses, 2004, p. 173-203. _____________________________________________________________________________ Nous proposons de retracer, vingt ans durant, la voie de l’action révolutionnaire à mi-chemin de l’histoire politique et de l’histoire linguistique. Du côté de l’histoire, Georges Rudé est pionnier dans l’étude de l’action des foules révolutionnaires, mais il s’en tient à un propos analytique . En matière de lexicologie historique, Ferdinand Brunot aborde le mot transfiguré de révolution et le vocabulaire de l’émeute et des révoltes, mais il le fait dans des chapitres séparés . Notre objectif est de rapprocher ces points de vue, donc de construire une narration continue de l’action révolutionnaire autour des mots d’action, émeute, révolte, révolution, mouvement, insurrection

Jalons pour une étude de « l’événement total » en analyse de discours (événement linguistique, événement discursif et récit d’événement).

L’événementialité engendre le sens: une telle affirmation peut nous renvoyer soit au caractère instantané et inédit de l’événement, soit à sa dimension totalisante. A vrai dire, l’analyse de discours en France s’est surtout penchée sur la dimension inventive de l’événement (Guilhaumou, Maldidier, Robin, 1994), sans véritablement s’interroger sur son incidence en matière de totalisation. Comme à l’accoutumée, les chercheurs allemands sont les plus avancés en ce domaine. L’étude exemplaire de Hans-Jürgen Lüsebrink et Rolf Reichardt (1990) sur le 14 juillet 1789 est là pour en témoigner. Ici te terme d’« événement » apparaît à proximité du syntagme « Prise de la Bastille » dès les premiers récits. Il s’agit alors pour les chercheurs allemands de développer une approche de « l’événement total » où se dessine une Bastille d’abord située à l’horizon du despotisme d’Ancien régime, puis inscrite dans un événement narré, le 14 juillet, enfin prise dans un univers symbolique tant passé que présent avec la commémoration de « la prise de la Bastille ». L’analyse de discours peut-elle rivaliser avec une telle entreprise, ou tout du moins proposer une approche complémentaire, c’est-à-dire plus centrée sur la dimension proprement linguistique de l’événement, sans pour autant négliger ses aspects pragmatiques et narratifs ? En examinant présentement la progression, dans un ordre raisonné, de trois déclinaisons de l’événement - l’événement linguistique, l’événement discursif et le récit d’événement - nous nous efforçons d’emprunter la voie inédite de la synthèse certes de manière surtout programmatique, mais aussi de façon plus historique à l’aide d’un exemple encarté, l’événement Sieyès et dans une approche plus concrète, plus métaphorique des notions utilisées les plus métaphysiques autour de l’œuvre de Borges, dans un second encart.