Représenter le travail et les ouvriers aux XIX e et XX e siècles : des opérations idéologiques (original) (raw)
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Alors que l'expression de « valeur travail » irrigue le champ médiatique et politique, intéressons-nous aux manières dont nos sociétés occidentales ont historiquement pensé cette notion. Après avoir étudié la dimension morale du Travail, héritière en grande partie de la conception chrétienne et médiévale du Travail sanctificateur, étudions dans cette seconde séquence les différentes valeurs associées à ce terme, au XIXe siècle, période marquée par de grands bouleversements politiques et économiques et par l'essor des théories libérales et socialistes.
Les ouvriers peuvent-ils penser ? Pour une histoire sociale des idées ouvrières au XIXe siècle
Ces dernières années, plusieurs propositions ont émergé en faveur d'une histoire sociale des idées politiques. Pour se démarquer de l'histoire des idées traditionnelles, ces propositions ont cherché à déterminer en quoi une telle histoire pouvait et devait être « sociale ». Leur angle d'approche a principalement été méthodologique : ce qui confère à une histoire des idées un caractère social, c'est une prise en considération des conditions sociales de production, de circulation et de réception des idées politiques. Le but de ce texte est de proposer une autre interprétation, largement complémentaire, de ce que pourrait être une histoire sociale des idées, à partir d'une autre acception de l'adjectif social. « Social » renverrait ici non à une méthode, mais à une modification des bornes des discours considérés comme relevant de l'histoire des idées, pour y intégrer des textes écrits par des gens qui ne sont pas à proprement parler des professionnels de la pensée. L'histoire sociale des idées serait alors une histoire des idées prenant en compte les productions intellectuelles de l'ensemble des membres de la société, y compris des travailleurs manuels
Art, État et idéologies aux xixe et xxe siècles
Perspective
Neil McWilliam est professeur d'histoire de l'art à Duke University. Il a dirigé la publication Émile Bernard : les lettres d'un artiste (2012) et prépare actuellement The Aesthetics of Reaction:
Cahiers d’Histoire, Revue d’Histoire critique, n°110, 2009, pp. 11-38, 2009
Les figures patronales dans les récits ouvriers en France au XXe siècle
2017
Un patron se trouve toujours un peu rassuré par l'ignominie de son personnel. L'esclave doit être coûte que coûte un peu et même beaucoup méprisable. Un ensemble de petites tares chroniques morales et physiques justifie le sort qui l'accable. La terre tourne mieux ainsi puisque chacun se trouve dessus à sa place méritée 1 .
Les utopies socialistes au XIXe: avec ou sans travail ?
Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe, 2022
Comment réorganiser la vie économique et plus particulièrement le travail lorsque la révolution industrielle ne tient pas ses promesses d’abondance et de progrès pour tous ? Cette interrogation est au cœur du courant socialiste en Europe au tournant du XIXe siècle. La pensée socialiste est plurielle et ne s’épuise pas dans le marxisme qu’elle précède et questionne tout à la fois. Les socialistes utopiques posent sur le travail un regard singulier : celui-ci est essentiel à la construction, ici et maintenant, de communautés qui préfigurent la société idéale ; dans le même temps, leurs conceptions du travail sont marquées par la critique qu’ils adressent à la réalité de leur temps, aux conditions matérielles qu’elle induit ainsi qu’à ses effets délétères sur les conditions de vie des ouvriers. Cette position ambigüe vis-à-vis du travail explique que les utopies socialistes déclinent un dégradé de positions, qui va de la fascination pour le travail à la diminution drastique du temps qui doit y être consacré.
Les bases multiples du syndicalisme au XIX e siècle en Allemagne, France et Grande-Bretagne
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 1997
Dans une étude sur le syndicalisme mondial, le français Paul Louis écrivait en 1913 que « le régime des bases multiples s'est acclimaté dans toute l'Europe »1. L'expression, peu usitée alors dans le syndicalisme européen, introduit implicitement une distinction entre la fonction revendicative du syndicat et la fonction assistancielle qu'il apporte à ses membres en dehors des périodes de lutte. Quand les adhérents ne sont pas mobilisés en vue de meilleures conditions de salaires ou de travail, les caisses de secours diverses, caisses de chômage, associations culturelles doivent prendre en charge leurs besoins quotidiens : elles ont ainsi un rôle stratégique en attirant ou en retenant les membres. P. Louis souligne toutefois « qu'à coup sûr, il (le régime des bases multiples) se heurte à une opposition bien plus véhémente dans les pays latins que dans les contrées germaniques où il atteint sa pleine expansion ». Il établit là une opposition chère aux syndicalistes français entre un syndicalisme révolutionnaire et revendicatif, largement répandu au Sud de l'Europe, et un syndicalisme réformiste et gestionnaire qui régnerait en maître dans les pays du Nord. Cette double opposition révolutionnaire/réformiste, revendicatif/gestionnaire n'est-elle pas l'expression d'une vision française du syndicalisme ? En Grande-Bretagne et aussi partiellement en Allemagne, les fonctions gestionnaire et revendicative des syndicats sont étroitement liées et ce dès la naissance du syndicalisme : les caisses de secours n'y apparaissent pas comme contradictoires avec l'action revendicative, elles en sont la condition et le prolongement. À la lumière de l'analyse comparative on peut s'interroger sur la pertinence de ces oppositions commodes entre syndicalismes révolutionnaire et réformiste pour expliquer la place inégale réservée aux secours dans les différents syndicats européens. D'autres facteurs n'ont-ils pas joué et parmi eux les contraintes externes ? Généalogie La Grande-Bretagne et l'Allemagne : des lois des pauvres à la Mutualité En Grande-Bretagne comme en Allemagne, l'essor d'une mutualité organisée, y compris au sein du syndicalisme, résulte partiellement de la nature des lois des pauvres. Dans ce premier pays, même s'il apparaît maintenant que l'acte de 1834 n'a pas été appliqué aussi durement qu'on ne l'avait cru, la menace du Work House et surtout la déconsidération sociale qui pèse sur le « pauvre » poussent les populations menacées par l'indigence à tout faire pour y échapper. La mutualité représente dans cette optique une bonne solution et nombre de ménages, sans oublier les plus pauvres, ont tenté de se protéger en souscrivant une ou plusieurs polices d'assurances dans le cadre d'associations mutuelles, locales, religieuses ou organisées sur la base du métier. En 1900, plus de 4 millions de polices d'assurances souscrites dans le cadre de Friendly Societies constituent la forme dominante de la mutualité britannique. En Allemagne et notamment en Prusse, c'est des localités, contraintes de garantir des secours aux populations privées de ressources qu'est venue l'impulsion la plus forte. Avec l'industrialisation, les villes de l'Ouest de la Prusse2 doivent faire face à un important afflux de population en provenance des régions rurales de l'Est. Afin de limiter le poids financier de l'aide aux pauvres, elles tentent de favoriser la prévoyance et incitent les ouvriers à cotiser régulièrement dans des caisses de secours mutuels qui, pour la plupart, prennent le relais de