La politique stoïcienne, Paris : PUF, 2005 (original) (raw)
L'usage sartrien du stoïcisme (Revue Dialogue)
« L'usage sartrien du stoïcisme, dans les Carnets de la drôle de guerre et les Cahiers pour une morale », dans Dialogue, Canadian Philosophical Review, Volume 55, Issue 2, 2016, p. 287-311., 2016
A partir du témoignage des Carnets de la drôle de Guerre et des Cahiers pour une morale, le présent article vise à montrer comment Sartre fait usage du stoïcisme dans la perspective de ses propres thématiques morales que sont l’engagement et la responsabilité. Les références constantes faites aux stoïciens, et l’attitude « stoïque » qu’il dit même adopter au moment de la mobilisation, attestent d’une influence dont les tenants et les aboutissants dans l’itinéraire sartrien sont encore à élucider. Les deux écrits inachevés qui encadrent L’Etre et le Néant peuvent toutefois livrer des informations importantes sur deux types de rapports différents au stoïcisme. Dans les Carnets, l’attachement problématique du philosophe avait fait place à une critique de l’attitude stoïque démasquée comme « machination psychologique » et contraire à l’authenticité. Dans les Cahiers, le stoïcisme était en revanche plus directement critiqué au titre qu’il maintenait négativement une forme de complicité avec l’ordre établi au nom d’une liberté abstraite. A partir des passages clés de ces deux ouvrages, la présente étude montre comment Sartre emprunte au stoïcisme ses propres catégories morales, en tentant la synthèse du stoïcisme et de l’authenticité dont les Carnets avaient formulé l’ambition. From the testimony of the Carnets de la drôle de guerre [War Diaries: Notebooks from a Phony War] and the Cahiers pour une morale [Notebooks for an Ethics], this article shows how Sartre uses Stoicism for his philosophical concerns: commitment and responsibility. Sartre’s frequent references to the Stoics, as well as the “stoic” attitude he claims to adopt at the time of mobilization in World War II, attest to the influence of Stoicism. Based on key passages in these two unfinished writings that chronologically frame L’être et le néant [Being and Nothingness], this article shows that Sartre borrows his own moral categories from Stoicism. As he voices it in the Carnets, Sartre attempts to reach a synthesis of Stoicism and authenticity, a key idea in his philosophy.
Séminaire Théologie politique (Paris, 2023-2024)
Séminaire pluriannuel en philosophie et histoire des idées : "THÉOLOGIE POLITIQUE - SÉCULARISATION - LAÏCITÉ Perspectives franco-allemandes" Organisation : Léa Barbisan / Bruno Godefroy / Bérénice Palaric / Bruno Quélennec
(GES 24 juin 2016) Le stoïcisme caché de L'être et le néant
Le stoïcisme a sans aucun doute exercé sur Jean-Paul Sartre une influence aussi paradoxale que déterminante, un attrait que beaucoup de ses contemporains ont remarqué chez lui. De 1939 à 1948, son usage critique est indissociable du projet d'élaboration d'une « morale », dont la conclusion de L'être et le néant promet un ouvrage à venir, mais dont les écrits posthumes qui l'encadrent chronologiquement assumeront l'échec par leur inachèvement. D'abord démasqué dans les Carnets de la drôle de guerre comme une « machination psychologique », contraire à l'authenticité, puis dénoncé dans les Cahiers pour une morale comme une philosophie de la « liberté abstraite », complice de l'ordre établi, le stoïcisme n'apparaît que de manière épisodique dans L'Essai d'ontologie phénoménologique, bien que Sartre lui reconnaisse la paternité de sa propre conception de la liberté. Cette communication interrogera la présence et le rôle du stoïcisme dans L'être et le néant, dont l'influence reste visiblement à décoder. Elle partira d'une intuition de Victor Goldschmidt, qui, en commentant les catégories de l'ontologie stoïcienne dans Le système stoïcien et l'idée de temps (publié exactement dix ans après L'être et le néant), intuitionne sans aller plus loin la connivence de l'existentialisme sartrien avec le stoïcisme : « Il est bien vrai que l'individu (seule réalité reconnue par les Stoïciens) existe en vertu de sa seule qualité essentielle, 'inséparablement' liée à sa substance. Il n'en est pas moins vrai que l'individu concret 'se comporte' (πῶς ἔχει) constamment, par rapport à lui-même (manières d'être) et par rapport à ce qui l'entoure (manières d'être relatives) ; vingt siècles plus tard, les Stoïciens eussent dit qu'il est constamment 'en situation' » 1. Si l'on poursuit l'intuition de Goldschmidt en portant l'éclairage en direction de l'oeuvre de Sartre cette fois-ci, on s'aperçoit que L'être et le néant fait précisément usage du stoïcisme sur ce point difficile aux historiens de la philosophie, c'est-à-dire, le rapport entre l'ontologie et la morale (et la possibilité de fonder la seconde sur la première), qui ouvre à la thématique de la responsabilité et de l'engagement. Cet usage est aussi bien explicite quand il concerne l'incorporel stoïcien et son lien avec la néantisation originelle, et plus implicite, quand il s'agit de définir une liberté aliénée aux situations. Le stoïcisme apparaît en effet explicitement dès l'ouverture de L'être et le néant, lorsqu'il s'agit d'interroger le problème du néant. Sartre se sert du lekton stoïcien – l' « exprimable » incorporel compris comme un non-étant (mais pas un non-quelque chose) 2 – pour penser le statut du néant comme « corrélat de la négation », hypothèse qu'il finira par rejeter (en adoptant un certain hégélianisme) puisque le néant ne peut pas advenir à l'être comme corrélat du jugement négatif (le jugement relevant de l'être et ne pouvant expliquer son surgissement). Nous pourrions toutefois relever de nombreuses occurrences, dans la suite de l'oeuvre, qui prouvent que l'incorporel stoïcien n'est pas disqualifié pour autant (il revient dans les considérations sur le vide, le lieu, le tout et la totalité, Dieu, etc.). En réalité, cette première évocation du stoïcisme annonce son rôle décisif pour la conception de la liberté, que Sartre dit bien hériter des stoïciens. Puisque la liberté est la sécrétion, par la réalité humaine, « d'un néant qui l'isole », il est tout à fait normal que l'ontologie stoïcienne (des corps et des incorporels, ces non-étants causés par les êtres que sont les corps) apparaisse, bien que de manière plus cryptée et sans doute plus prudente, dans les développements de la quatrième partie de L'être et le néant. Les stoïciens y sont ainsi mentionnés à deux reprises, positivement, sur le « coefficient d'adversité » et la question de l'obstacle et de sa transformation en auxiliaire, et 1 V. Goldschmidt [1953], p. 22. 2 Emile Bréhier (dont Sartre avait suivi les cours à la Sorbonne) avait publié, en 1928, un ouvrage faisant référence en la matière (La théorie des incorporels dans l'ancien stoïcisme).
Le citoyen du monde dans le stoïcisme
Cités, 2018
Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
"Les usages du stoïcisme dans le 'De spectaculis' et le 'De pallio' de Tertullien"
Vita Latina, 189-190, 2014, p.122-148
Tertullian often refers to stoicism in De spectaculis and De pallio and he often uses it as a retorsio, in order to criticize pagans and paganism. But stoic philosophy also gives him concepts as iustitia, sensus communis or prouidentia that enable his apologetic project. So, the way Tertullian uses stoicism in these works shows inherent problems in the conversion of the pagan culture to Christianity.
L’influence du stoïcisme chez Pierre Abélard: la notion de consensus
Patristica et Mediaevalia, 2013
Hamelin, Guy. Medieval thinkers have been inspired by different ancient philosophical theses, which they have partially modified and adapted to their Christian belief. Abelard is certainly no exception, since he has been under the most various pagan influences of his time without abandoning his own religious convictions. Abelard's philosophy consists mainly of ancient borrowings, which come more often from indirect sources. The authority of Plato and Aristotle is obvious in almost all philosophical topics developed by Abelard. It is however more less known that Stoicism has also played an important role in his thought; especially in ethics with notions like consensus or actions morally indifferent. Stoic physics has also influenced his moral doctrine with the concept of affinity or preservation, which refers to a certain innate capacity in man to observe the natural law and, before the advent of Jewish and Christian laws, to progress toward his own salvation. Finally the famous precept dear to all Stoics of living in agreement with nature has received a favourable reception in Abelard's ethics, as well as the attitude of serene detachment, which he has encouraged in its Plantus. In the present paper, the objective is to expound the influence of the Stoic’s notion of assent, or its equivalent consent (consensus), on Abelard’s ethics, which serves him as a fundamental component to define moral trespass. More specifically, we first see Abelard's definition of sin, found in his Ethica, which presents a decisive step in clarifying what really constitutes this notion in the history of ideas. We examine after that the main usages made by the Stoics of the term assent. we can then realize that the passage of this Stoic concept from the epistemological sphere to the ethical has been recuperated by some Latin authors like Augustine, who uses the term in both areas, and later by Abelard himself, who restricts its usage to ethics by using instead consensus. We finally arrive at the conclusion that Abelard's ethics has not only been influenced by the most notable religious and philosophical thinkers, like Plato, Aristotle, Jerome and Augustine, but also by some Stoic philosophers, who were relatively unknown at the time and sometimes accessible only by some obscure intermediaries.
Chôra, 2015
Abstract. The Stoic system is alternatively described as “dualist” because its physics relies on two principles, God and matter, or as “monist”, because these two principles are intimately linked, and belong to the same body. It is difficult to describe the Stoic system as monist, since every substance is a body, and the two principles, while united in the same body, coexist from all eternity since matter is not created by God. But it is inappropriate as well to describe it as “dualist”, because the inferior principle is completely passive and is not a cause, but endures the effect of the active cause. Moreover, matter is not responsible for evil, even if some interpreters, ancient and modern, claimed it: the only metaphysical principle which accounts for the existence of evil is the “affinity of the contraries”, according to which good cannot exist without evil and agent without patient, but this is not a dualist explanation.
2018
Stoic epistemology is usually assimilated to the Stoic theory of the criterion, namely ‘cognition’ (κατάληψις) and preconception (πρόληψις). Such assimilation is legitimate but needs to be further qualified. The Stoics considered science (ἐπιστήμη) to be accessible only to the Wise, defined virtue as a form of science and distinguished science from art (τέχνη), which has an identical structure: it consists in a coordinated system of ‘cognitions’ whose coherence and certainty is inferior to science, but accessible to non-wise persons. ‘Cognitive impression’ is the criterion coined by Zeno and it provoked polemics with the Academy: it is an impression in conformity with its object, whose existence was denied by the Academics. ‘Preconception’ was introduced by Chrysippus, who adapted Epicurean preconception, to which he gave a status beyond mere experience, though he denied ‘prenatal’ innatism.
Cicéron. Un philosophe en politique, Paris, Calype, 2023
Cicéron. Un philosophe en politique (biographie), 2023
Une biographie synthétique de Cicéron, traitant de son action politique, son éloquence ses choix politiques et sa réception impériale... Cicéron résume à lui seul l’idée que l’on se fait de Rome : la langue latine, l’éloquence, la philosophie, la littérature. Mais pourquoi est-il devenu un « classique » ? Pour l’expliquer, cet ouvrage retrace l’histoire exceptionnelle d’un avocat et d’un homme politique du Ier siècle av. J.-C. qui, en luttant pour protéger la République romaine contre les pulsions destructrices de l’époque, a réussi à transformer les drames de son temps – les mesures d’exception, le recours à la violence, la division du corps politique, la guerre civile – en questionnements de portée universelle. Agissant en philosophe, philosophant en homme d’action, Cicéron incarne la culture du débat et de l’examen rationnel face à l’exercice dogmatique du pouvoir. Sommaire Introduction. Chapitre 1 – Trouver sa place. Chapitre 2 – Un avocat prometteur. Chapitre 3 – Du tribunal à l’assemblée. Chapitre 4 – Le père de la patrie. Chapitre 5 – De Rome à Thessalonique, et retour. Chapitre 6 – Une République des textes. Chapitre 7 – Gouverner Rome après César. Chapitre 8 – Le dernier républicain. Cicéron, la mémoire et les textes.
2003 "L'Education stucturale", dans Travailler avec Bourdieu
en songeant aussi à Michael Pollak (1948-1992) Participer après la Rendre compte de ce que « travailler avec Bourdieu », ce fut pour nous, Eric Brian et Maris Jaisson, et pendant une vingtaine d'années un jeu à trois. Ces notes, partielles, sont d'une mémoire restituée au croisement de nos souvenirs sans vérification rigoureuse des dates : des fragments de mémoire collective propres à un micro-groupe dirait-on de manière un peu durkheimienne, groupe lui-même inséré dans le monde des sciences sociales, à Paris et à New York où nous étions apprentis. Cette mémoire noue des moments vivaces placés sur la trame régulière des cours du Collège de France et des séminaires de l'Ecole des Hautes Etudes où nous étions attentifs si ce n'est assidus.
Sur l'école d'Épictète (Aperçus de la pensée stoïcienne - Vrin, 2018)
« Sur l’école d’Épictète », dans Stéphane MARCHAND (éd), Aperçus de la pensée stoïcienne, Cahiers philosophiques n° 151 (4/2017), Paris, Vrin, 2018, p. 91-104.
Tel qu'Arrien l'indique dans les Entretiens, le cours d'Epictète comprenait une partie technique, où l'apprentissage de la doctrine et des démonstrations était de mise, et une autre, à laquelle nous avons seulement accès, où le maître discutait plus librement avec des interlocuteurs de tous horizons sur des sujets d'ordre spécifiquement éthiques en interprétant la doctrine stoïcienne selon ses propres catégories conceptuelles. Cette deuxième séquence pédagogique interroge directement l'utilité de la première, et engage une réflexion plus large sur l'école philosophique, reprenant la discussion traditionnellement menée entre stoïciens et académiciens sur la scholè. Epictète apporte ainsi un éclairage original sur le rôle, le sens et la fonction des pratiques scolaires à l'époque romaine, dans la perspective stoïcienne d'une vie philosophiquement authentique, en accord avec la nature.
Tirole J., 2016, Economie du bien commun, Paris, PUF
RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, 2016
Distribution électronique Cairn.info pour ARIMHE. © ARIMHE. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Relations et relatifs : les stoïciens contre Aristote
Quaestio, 2013
Aristotle’s chap. 7 of the Categories include two successive definitions of relatives – according to the first, all that is said of something else is a relative, and, according to the second, a relative is something whose entire being consists in “a certain relation to something else”. The Stoics made use of these two definitions not only in the commentaries of Aristotle’s Categories by Athenodorus and Cornutus (Ist century BC / Ist century AD), but also in debates inside the school on the unity of virtues and on causality. The Stoics drastically limited their relatives to the ones whose all being consists in a relation, which they call πρός τί πως ἔχοντα (“relatively disposed towards something”), and rejected the possibility that such relatives may be qualities or substances, while Aristotle left these two possibilities opened. The Stoics also seem to admit that some differentiated qualities may be relative to external objects, for instance sweet and bitter, but such relatives do no not belong to the same category. Taking into account Aristotle’s apories and choosing between alternatives left undecided by Arisotle, the Stoics proposed a powerful alternative to the aristotelian doctrine of relatives. Résumé: Aristote a formulé deux définitions du relatif – une définition selon laquelle est appelé relatif tout ce qui est dit de quelque chose d’autre, et une définition selon laquelle est relatif ce dont tout l’être consiste « dans une certaine relation à quelque chose ». Cette double définition a été exploitée par les stoïciens, notamment dans les commentaires aux Catégories d’Athénodore et Cornutus (Ier s. avant notre ère/ Ier s. de notre ère), mais aussi dans des disputes intérieures à l’école sur l’unité des vertus et dans la conception de la causalité. Les stoïciens ont drastiquement limité les relatifs à ceux dont tout l’être consiste dans la relation, qu’ils appellent des πρός τί πως ἔχοντα (« dans une certaine disposition relativement à quelque chose »), repoussant la possibilité qu’un tel relatif puisse aussi être une qualité ou une substance, deux possibilités laissées ouvertes par Aristote. Ils semblent aussi avoir admis que certaines qualités différenciées puissent être relatives à un objet extérieur, par exemple le doux et l’amer, mais de tels relatifs rentrent plutôt pour eux sous une autre catégorie. Les stoïciens ont ainsi proposé une des alternatives les plus puissantes à la doctrine aristotélicienne de la relation en tirant profit des apories de celle-ci.