De l’utopie du dialogue de la Renaissance à l’institution de la conversation à l’âge classique (original) (raw)

La dispositio du dialogue à la Renaissance : notes sur un commentaire de Jean Sturm (1548)

Les États du dialogue à l’âge de l’humanisme

dispositio du dialogue à la Renaissance : notes sur un commentaire de Jean Sturm (1548) 1. Contexte 1.1. Le dialogue à la Renaissance 1 Comme on le sait, le dialogue est amplement pratiqué au XVIème siècle. Il y a plusieurs explications à cet engouement : le dialogue est un gage de prudence et/ou un instrument d'audace, pour reprendre les expressions de Lucien Febvre à propos du Cymbalum mundi. C'est aussi une forme ouverte qui se prête à l'expression de la diversité des opinions,le degré d'échange véritable variant en fonction du type de dialogue retenu parmi les modèles que fournit alors l'Antiquité. Le succès que connaît le Livre du courtisan de Baldassar Castiglione, paru en France en 1527, accroît notablement cet intérêt pour le dialogue, en fournissant un modèle nouveau de conversation. Le dialogue est rapidement considéré comme un genre littéraire, comme en atteste la définition que Robert Estienne donne du terme en 1549, dans son Dictionnaire Françoislatin : « Dialogue : Livre où plusieurs devisent ensemble » 2. Il est admis que la théorisation du genre 3 apparaît dans les années 1560-1580, avec des ouvrages italiens comme le De dialogo liber de Carlo Sigonio, paru en 1562, l'Apologia dei dialogi de Sperone Speroni, qui date de 1574 ou le Discorso del arte del dialogo du Tasse paru en 1585. Dans les années 1570, on trouve aussi des éléments de réflexion sur le genre chez Lodovico Castelvetro, auteur de la Poetica d'Aristotele vulgarizzata et sposta, parue en 1570 et chez Alessandro Piccolomini, auteur des Annotationi nel libro della poetica d'Aristotele, paru en 1575. Cette théorisation est à replacer dans un contexte où l'influence d'Aristote est d'une importance considérable pour la réflexion générique. Pour rendre compte des caractéristiques d'un genre qui connaît alors un succès si important, les théoriciens nommés ici profitent de remarques tirées des Topiques mais aussi de la Poétique dans laquelle le Stagirite explique que « l'art qui n'imite que par la prose ou les vers […] n'a pas jusqu'à présent reçu de nom » et que « nous ne saurions désigner par un terme commun les mimes de Sophron et de Xénarque, et les dialogues socratiques » 4. Cet intérêt pour le dialogue, et la théorisation auquel il se prête, est également important hors de l'Italie et ce, dès la première moitié du siècle. Entre 1529 et 1536, le pédagogue humaniste Jean Sturm (1507-1589) 5 donne des leçons de rhétorique et de dialectique au Collège royal, auxquelles assiste notamment Pierre de la Ramée et qui connaissent un très grand succès. Le contenu de ces leçons est publié en 1539, par l'imprimeur Wechel, sous le titre de Partitionum dialecticarum libri duo Joannis Sturmii. L'ouvrage contient les deux premiers livres d'une réflexion sur la dialectique que l'humaniste complète par une troisième partie, publiée en 1543. En 1548, toujours à Strasbourg,

Le ‘dialogocentrisme’ humaniste : de "Utopia" de Thomas More (1516) au "Cymbalum mundi" de Bonaventure des Périers (1537)

On peut affirmer sans crainte de se tromper, comme le fait Suzanne Guellouz, que la Renaissance est la « période où […] le dialogue en tant que genre a universellement triomphé1 », et ce, sans doute parce qu'il constitue, tel que l'a suggéré Ruxandra Irina Vulcan, « le genre humaniste par excellence2 ». En effet, le dialogue -comme forme d'expression écrite, comme procédé rhétorique, comme processus épistémique, voire comme conception anthropologique -paraît inextricablement lié -en compagnie du « dialogue avec les amis absents » qu'est la lettre familière -à cette « sorte d'idéologie de la Renaissance3 » qu'est l'Humanisme.

L'utopie comme comble de la fiction à la Renaissance

2009

La Renaissance est une periode pendant laquelle s'effectue une prise de conscience du fonctionnement de la fiction en tant que creation mentale de " mondes possibles ". L'invention du genre utopique peut etre consideree comme une manifestation de cette conscience, et son exploitation coherente. La creation d'une nouvelle forme de fiction, d'une fiction redoublee en quelque sorte, est marquee par l'organisation des elements poses dans une relation de vraisemblance interne, et non plus referentielle, par l'invention de personnages hybrides comme des chimeres et par une exploitation systematique des relations logiques entre lieux, temps et personnages inspires par une idee dominante.

Dialogisme et interdiscours : des discours coloniaux aux discours du développement

Langage et Politique. L'efficacité du langage en question

English version below Cet article explore l’articulation des notions de dialogisme et d’interdiscours à partir de l’analyse des reformulations repérables dans le passage des discours coloniaux aux discours du développement. L’analyse d’un corpus authentique de la formation discursive du développement permet de mettre en évidence différents niveaux de négociation avec l’hétérogénéité discursive auxquels l’énonciateur est soumis dans les nominations de l’autre. Les discours du développement interagissent dialogiquement avec deux niveaux d’espaces énonciatifs interdiscursifs qui correspondent à deux types de mémoire interdiscursive : une mémoire des discours (intertextes) et une mémoire de l’histoire des dénominations et de leurs reformulations, que l’actualisation de certains praxèmes, dans des situations de communication déterminées, peut réactiver ; cet effet de mémoire est susceptible de réactiver également les praxis associées à ces praxèmes. In this paper, the relationship between the two notions of dialogism and “interdiscours” are explored through the analysis of reformulations identified in the change from colonial discourses to developmentdiscourses. The analysis of authentic data from the “discourse of development” shows different levels of negotiations with the discursive heterogeneity that the utterer needs to deal with in the act of naming the other. The “development” discourses have dialogic interactions with two levels of “interdiscours” corresponding to two types of interdiscursive memory: a memory of the previous discourses (intertexts) and a memory of the terms used and their reformulations throughout history. There is an awareness that resorting to the use of some “praxèmes” may reactivate this past — in other words, this “effect of memory” may reactivate the praxis associated with the praxèmes.

« Du miroir des princes au Cortegiano. Engelbert d’Admont (1250-1331) sur les agréments de la convivialité et de la conversation», in: Marie-Anne POLO DE BEAULIEU (éd.), Formes dialoguées dans la littérature exemplaire du Moyen Âge, Paris (Champion) 2012, pp. 103-162

Cette étude s'inscrit dans un projet de longue haleine, commencé en 1989, sur «l'archéologie» de la communication orale au Moyen Âge, projet qui prolonge mes recherches sur l' exemplum (récit d'un «fait et dit» exemplaire y. Mon intérêt principal portait de plus en plus sur le «dit», la bonne réponse, et donc sur le genre de l'apophtegme 2 • Un article de 1991 «L'art de la réponse »3 fait la transition entre mes travaux sur l'exemplum et ceux sur le dialogue et l'interaction. Lors du premier colloque du GAHOM sur «les formes dialoguées dans la littérature exemplaire du Moyen Âge», en 2009, le thème abordé était celui de l'exemplum (ou du recueil d'exempla) dialogué et non pas celui des dialogues utilisant l'exemplum pour divertir, instruire et persuader. J'ai donc proposé de combler cette lacune en présentant lors du second colloque, en 2010, une version remaniée et élargie de cet article. Le résultat de cette refonte généra1e 4 se situe dans le cadre plus large d'une tentative de 1 Il faut peut-être ajouter que l'exemplum ne m'a intéressé qu'indirectement, par le biais de mes études (1996, 2006) sur l'un des plus fins esprits du Moyen Âge, Jean de Salisbury, qui avait une prédilection particulière pour l'exemplum des Romains. 2 «Zwischen Schriftlichkeit und MÜlldlichkeit: Dialogische Interaktion im lateinischen Hochmittelalter», dans Friihmittelalterliche Studien 25 (1991), pp. 300-314; «Der Dialog im lateinischen Mittelalter ais pragmatische Verschriflichung mÜlldlicher Interaktion», ibid. La traduction me semblait appropriée au cadre francophone de la section «exempla» du GAHOM (Groupe d'anthropologie historique de l'Occident médiéval) qui -initié par Jacques Le Goffen 1978 -est à ma connaissance la seule institution au monde spécialisée dans l' exemplum médiéval. Dans la nouvelle versionj 'ai élargi la partie consacrée à Engelbert d'Admont, mais supprimé les pages sur le Conde Lucanor de Juan Manuel en tenant compte de la récente recherche hispanisante plus approfondie sur ce sujet; entre autres cf. Carlos Heusch, «L'enxiemplo dans 'El conde Lucanor'de Juan Manuel. De l'exemplum au proverbe, entre clarté et obscurité», dans Bizzarri 2009,