"L'utilisation du temps libre par les membres des chapitres nobles de Franche-Comté au XVIIIe siècle" (original) (raw)

Définir et inventorier les chapitres nobles de la France du XVIIIe siècle

Revue d'Histoire de l'Eglise de France, t. 99 (n° 242), janvier-juin 2013, Paris, Société d'histoire religieuse de la France, p. 115-126, 2013

Les chapitres nobles français de l'Ancien Régime n'ont obtenu leurs lettres de créance universitaire qu'au cours de la décennie 1980. Une synthèse à leur sujet reste à produire et doit commencer par leur inventaire, lequel réclame des critères d'identification rigoureux. Nous montrons qu'au XVIIIe siècle les chapitres nobles ne se caractérisaient pas tant, comme on l'a souvent soutenu, par leurs liens étroits avec le monde que par un recrutement exclusivement nobiliaire reposant sur des preuves écrites de noblesse. Faute d'avoir pris en compte ces critères, les nombreux inventaires qui ont été produits depuis deux siècles sont insatisfaisants. Leur principale erreur tient au fait qu'ils considèrent comme chapitres nobles des instituts que Jean Meyer définit comme "chapitres à influences nobiliaires", dont une partie seulement des membres avaient prouvé leurs quartiers ou degrés de noblesse. Stricto sensu, il n'y eut donc en France à la fin de l'Ancien Régime que quarante-quatre chapitres nobles, dont trente de femmes (19 réguliers, 25 séculiers, dont 9 sécularisés au XVIIIe siècle).

"Les laïcs dans les chapitres nobles féminins au XVIIIe siècle (France-Lorraine)"

Les laïcs dans les religions. XXIIe université d'été du carrefour d'histoire religieuse, Bruno Bethouart et Laurent Ducerf (dir.), Les cahiers du Littoral (Université du Littoral, Côte d'Opale), 2 n° 13, p. 139-154 , 2014

Les historiens ont sans doute décrit d'une façon trop tranchée la prise en main des laïcs par un clergé post-tridentin dominateur. Le cas des chapitres nobles féminins, envisagé dans le cadre français et lorrain, révèle un monde profane non seulement dans l'intimité de ces compagnies, mais aussi acteur de leurs mutations les plus profondes, c'est-à-dire de leur sécularisation et de leur mondanisation, ainsi que d'un glissement de leur mission en faveur d'une réaction aristocratique et de l'éducation des jeunes filles de la noblesse "chapitrable".

La monarchie française et les chapitres nobles de Franche-Comté et des Pays-Bas français (1659-1790).

La Franche-Comté et les anciens Pays-Bas, XIIIe-XVIIIe siècles. Tome 1 : Aspects politiques, diplomatiques, religieux et artistiques, DELOBETTE Laurence et DELSALLE Paul (dir.), PUFC, p. 323-368 , 2009

Les membres des chapitres nobles des espaces étudiés dans cet article étaient très attachés à leur vie séculière. Pour justifier celle-ci, ils arguaient de l'utilité sociale de ces compagnies, honorables asiles, prétendaient-ils, d'une noblesse impécunieuse à qui l'Eglise avait le devoir de ménager une condition spécifique. Mais qu'allaient devenir les "usages, coutumes et immunités" des chapitres nobles des "pays-d'en-bas" et "d'en-haut" dans une monarchie moins lointaine qu'au temps des prédécesseurs espagnols ? La noblesse de ces provinces conserverait-elle assez d'influence pour continuer à les contrôler ? S'interroger sur l'adhésion des chapitres nobles à l'unité française sous l'action du pouvoir politique, n'est-ce pas également éclairer celle des gentilshommes de ces provinces, adhésion dont les historiens ont affirmé qu'elle fut rapide en Franche-Comté, plus lente et conflictuelle dans les Pays-Bas français ? La comparaison des relations de la monarchie avec les chapitres nobles dans ces deux espaces, et des formes de ralliement ou des résistances qu'elles suscitèrent, devrait permettre en outre d'illustrer la permanence d'identités communes à ces terres, même après l'éclatement politique provoqué par les conquêtes françaises.

Le roi et le déshonneur des familles. Les lettres de cachet pour affaires de famille en Franche-Comté au XVIIIe siècle, Jeanne-Marie Jandeaux

2017

Au XVIIIe siècle, le roi reçoit des suppliques désespérées de dizaines de milliers de familles qui redoutent que le comportement déviant de l'un des leurs ne conduise au scandale d'une condamnation judiciaire. C'est un quotidien familial intime et douloureux, pris sur le vif, qu'exposent sans fard les dossiers de lettres de cachet pour affaires de famille de l'intendance de Franche-Comté. Les conséquences dangereuses des excès d'un fils cadet, de la folie d'un neveu ou de l'adultère d'une épouse amènent le monarque, père et juge suprême des sujets, à intervenir pour préserver l'honneur de la famille, en expédiant une lettre de cachet qui ordonne la détention de l'accusé. Les archives comtoises révèlent une prise en compte attentive des conflits de plus de 270 familles, principalement nobles et bourgeoises, par la monarchie absolue. Faisant des affaires de famille une affaire d'État, le roi emploie la lettre de cachet pour le règlement de différends privés, dans un subtil parallèle entre ordre familial, social et politique. Une procédure complexe, basée sur une enquête de terrain, mobilise toute la hiérarchie administrative, dévoilant une famille déchirée par des luttes de pouvoir intestines et des frustrations anciennes. Le succès des lettres de cachet de famille éclaire d'un jour nouveau le rapport unissant l'État et la famille à la fin de l'Ancien Régime et la crise profonde née de la confrontation entre l'intérêt familial et les aspirations individuelles. La cruelle destinée des correctionnaires comtois enfermés à l'hôpital de Bellevaux à Besançon, au château de Joux, à Bicêtre, ou même exilés en Nouvelle-France et aux Antilles, montre quel est le prix payé par ceux qui, rejetés par leur famille avec l'aide de l'État, commencent à apparaître à l'approche de la Révolution comme les victimes de l'arbitraire monarchique.

"L'éducation et la culture des chanoinesses nobles dans la France du XVIIIe siècle"

Mélanges offerts à Roger Marchal. De l'éventail à la plume, Nancy, Presses universitaires de Nancy, p. 181-194., 2007

Quelques femmes de lettres du XVIIIe siècle, certaines illustres comme Madame de Tencin ou Madame de Genlis, ont séjourné dans leur jeunesse dans un chapitre noble. Ces compagnies ont aussi plus anonymement abrité des femmes savantes et de beaux esprits. Peu, pourtant, ont eu le mérite de les former, car ces instituts étaient rarement aménagés pour ce rôle. Lieux de sociabilité, d'où les agréments de la vie mondaine et les ornements du bel esprit n'étaient pas entièrement bannis, la vie canoniale ménageant encore à l'éventail et à la plume quelque espace vital, ce qui l'oppose radicalement au couvent, certains ont été traversés par les idées nouvelles et les débats scientifiques qui agitaient le monde. Mais sans doute est-il nécessaire de marquer une distinction entre des établissements séculiers, où logeaient les réflexions les plus neuves et la curiosité, et ceux qui, restés fidèles à certaines formes de régularité, ont ignoré les Lumières.

‘Quelques considérations sur l’attitude des nobles comtois entre 1477 et 1500’, in Publications du Centre Européen d’Études Bourguignonnes, 42 (2002), 164-184.

En septembre 1956, il y a quasiment un demi-siècle, la communauté histo rique a perdu un des esprits les plus originaux. Ce personnage nous a laissé une oeuvre impressionnante. Déjà les titres de ses chefs-d'oeuvre, comme par exemple La terre et l 'évolution humaine ou La Religion de Rabelais, nous révèlent sa curiosité intellectuelle et sa grande érudition1. Vous le devinez déjà, je fais allusion à Lucien Febvre. Fernand Braudel considérait Febvre comme un de ses maîtres. D 'après son témoignage écrit, c 'était Lucien Febvre qui à un moment critique l'avait sorti de ses doutes et de ses hésitations et qui l'avait incité ainsi à pour suivre sa propre carrière historique. La qualification de Fernand Braudel en dési gnant Lucien Febvre comme " le plus grand historien de langue française de son époque " ne surprend alors guère2.

Les chanoines historiens en France aux XVIIe et XVIIIe siècles

O. Charles (dir.), Christophe-Michel Ruffelet, Les Annales briochines (1771). Saint-Brieuc : histoire d'une ville et d'un diocèse, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 66-81, 2013

[texte initialement paru dans : O. Charles (dir.), Christophe-Michel Ruffelet, Les Annales briochines (1771). Saint-Brieuc : histoire d'une ville et d'un diocèse, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 66-81] A une époque où l’écriture de l’histoire prend, sous l’impulsion d’hommes d’Eglise – les bénédictins de Saint-Maur –, son tournant critique puis évolue entre érudition et philosophie , les chanoines produisent en effet des travaux historiques au même titre que les mauristes ou les jésuites. J.-M. Le Gall, dans une étude consacrée aux catalogues d’évêques imprimés entre le XVIe et le XVIIIe siècle, ne recense ainsi pas moins de 41 chanoines dans un échantillon de 121 auteurs . La proportion est donc loin d’être négligeable. On objectera certes que les chanoines de par la position qu’ils occupent dans l’Eglise diocésaine et leur attachement à l’église cathédrale ainsi qu’à certaines prérogatives capitulaires étaient particulièrement bien placés pour produire ce genre de travaux. Il n’empêche ! Ce constat, comme le suggère l’auteur autorise à douter de « l’atonie intellectuelle du monde canonial » que tendraient à accréditer certains travaux. Comment le vérifier ? Partir des chanoines et des compagnies aboutit nécessairement à une vision fragmentée. Et reconstituer le paysage littéraire capitulaire du royaume tel qu’il est susceptible d’apparaître au travers des études régionales ou monographiques relève de la gageure et, de toute manière, de nombreux angles morts interdiraient toute vue d’ensemble. La production des chanoines est donc mal connue et semble devoir nous échapper. S’agissant des écrits historiques en particulier, nous nous proposons donc de tenter d’inverser la logique : entreprendre un examen systématique des publications et proposer une première pesée du phénomène. Notons que Robert Darnton avait déjà proposé une sociologie des auteurs français du XVIIIe siècle en dépouillant les volumes de la France littéraire, un almanach publié à partir de 1755. Outre l’inflation du nombre des auteurs dans la seconde moitié du siècle, il conclut à la forte présence des clercs . Mais quid des chanoines en particulier ? Comme le suggère J.-M. Le Gall, « il faudrait étudier la production de ces hommes dont on a jusqu’alors surtout apprécié la culture à partir de leurs bibliothèques et de leurs lectures ». C’est précisément ce que permet de faire, mais en partie seulement, la Bibliothèque historique de la France de l’oratorien parisien Jacques Lelong augmentée par le parlementaire dijonnais Fevret de Fontette .