Aux racines de la mise en scène historiciste. Observations sur les premières décennies de l’art médiéval dans un contexte muséal (original) (raw)

Histoire et théorie de l’art médiéval

2002

Jean-Claude Bonne, directeur d’etudes Ornementation et figuration d’apres quelques textes medievaux On a entrepris cette annee une reexamen de la problematique de l’ornementalite, sur laquelle nous travaillons depuis des annees, a partir de l’etude de quelques textes importants du Moyen Âge. Rappelons que par ornemental nous n’entendons pas seulement l’emploi de motifs purement formels et plus ou moins repertoriables dans des zones de remplissage plus ou moins marginales (comme les bordures o...

Les représentations du Moyen Âge au Québec : le rôle de l’espace muséal

Le Québec recto/verso, Publifarum, n. 21., 2014

Cet article a pour but d’étudier les diverses représentations du Moyen Âge au Québec à travers un corpus d’expositions temporaires parcourant le XXᵉ siècle et le début des années 2000. Nous nous intéressons au rôle joué par l’espace muséal québécois dans la diffusion de discours sur cette période européenne. Chaque exposition est replacée dans son contexte de création afin de mettre en évidence les raisons d’ordres religieux, culturels, politiques et linguistiques qui incitent les musées à privilégier telle ou telle représentation du Moyen Âge. This article aims to study the various representations of the Middle Ages in Quebec through a corpus of temporary exhibitions held during the twentieth century and the early 2000s. We question the role played by the Quebec museums in the diffusion of discourses about this European period. In order to highlight the religious, cultural, political or linguistic reasons for museums to focus on a specific representation of the Middle Ages, each exhibition is replaced within its original context of creation.

Chronologie, périodisation, polychronie : les temps de l’histoire de l’art médiéval

Perspective

s'est inspiré de la géologie pour élaborer une chronologie en grandes ères, depuis le roman primordial (V e-X e siècles) jusqu'au gothique tertiaire (X V e-X V I e siècles), en passant par la période de transition (fin X I e-majeure partie X I I e siècle ; CA U M O N T , 1825, p. 540 ; NA Y R O L L E S , 2005, p. 91). L'art roman était considéré comme une forme dégénérée de l'art romain, comme les langues romanes le sont du latin. Par sa dimension philogénétique, la dénomination d'art roman qui attribuait d'emblée une cause à ce mouvement-la dégénérescence-et un sens chronologique, a introduit une orientation historiciste dans ce qui aurait pu n'être qu'une chronographie, description aussi neutre que celle des temps géologiques. Héritée d'une Renaissance méprisant l'art qui l'avait précédée, la dénomination de gothique n'affichait d'abord aucune valeur explicative. Mais avec la montée des nationalismes au X I X e siècle, elle a fini par justifier l'hypothèse, partisane et fantasmée, d'une origine ethnique, et, partant, parfois susciter des orientations douloureuses, comme en 1914-1918 (MÂ L E , 1917). Au cours du X I X e siècle, l'affinement de cette chronologie générale est passé par le recentrement de la recherche sur l'identité stylistique de chaque période. Sur le modèle des sciences naturelles toujours, il s'est agi d'identifier des éléments caractéristiques d'une périodele voûtement en plein cintre pour l'architecture romane, les ogives pour l'architecture gothique, par exemple-, puis de bâtir la période stylistique à partir d'un moment clé : la phase classique, déterminant un avant, la phase archaïque, et un après, la phase tardive, subdivision susceptible de s'étoffer selon le souci de précision. Une telle conception de la période reposait sur une vision anthropomorphique de l'histoire de l'art : l'âge classique équivaut à la maturité, l'archaïsme à l'enfance et la phase tardive à la vieillesse. Elle a eu la vie longue-Focillon n'y a pas échappéet persiste encore dans les esprits, comme une matrice inconsciente. Elle s'est d'ailleurs étendue aussi à l'histoire des théories : « Il est très intéressant d'écrire l'histoire d'une ancienne doctrine archéologique, notait Eugène Lefèvre-Pontalis, parce qu'elle correspond à l'évolution des idées, et parce que ses origines, son apogée et son déclin peuvent se comparer aux trois âges de la vie humaine » (LE F È V R E-PO N T A L I S , 1912a, p. 242). Hérité du X V I I I e siècle et de penseurs comme Montesquieu, pour l'histoire, ou de Winckelmann qui l'avait théorisée en 1764 dans son Histoire de l'art de l'Antiquité (WI N C K E L M A N N , [1764] 1766), cet anthropomorphisme méthodologique donnait l'apparence de l'évidence à la construction chronologique, en faisant appel à l'expérience intime du chercheur. Parallèlement, il a dégagé une nouvelle temporalité, en privilégiant le point de vue présent, celui du chercheur, et introduit une dimension passionnelle, l'attachement personnel à la période étudiée, attitude déjà revendiquée par Winckelmann. Le rapport entre temporalité et recherche est essentiel. Pour Jean-Marie Guyau : « Point de temps hors des désirs et des souvenirs, c'est-à-dire de certaines images qui, se juxtaposant comme se juxtaposent les objets qui les ont produites, engendrent tout à la fois l'apparence du temps et de l'espace » (GU Y A U , [1890] 1998, p. 118 ; voir le commentaire de PA C E L L I , 1997). Vu du présent, le temps de l'histoire de l'art se définit alors comme une relation privilégiée entre le chercheur et un moment du passé, une relation de familiarité ou d'estrangement, pour reprendre le concept si pertinent de Carlo Ginzburg, de proximité ou de distance, qui établit une hiérarchie d'intérêt entre les périodes et les phases ; ainsi, le plus éloigné n'est pas nécessairement le plus ancien, ni le plus proche, le plus récent (GI N Z B U R G , [1998] 2001, p. 15-36). Il en est résulté des « non-périodes », en creux dans la chronologie, des moments difficiles à définir dans leur réalité stylistique, comme la « phase de transition » ou le « style de transition » (dénominations par défaut !), voire difficiles à simplement identifier, comme les premiers siècles de la civilisation chrétienne, pour reprendre l'idée de Fernand Braudel, restés longtemps sans nom, ni place dans la division académique de l'histoire de l'art (BR A U D E L , 1987, préface).

Les sources orales au coeur de l’exposition muséale. L’expérience du Centre d’histoire de Montréal

Dossier thématique, 2015

Depuis 2001, le CHM cherche à valoriser la mémoire collective et individuelle des Montréalais. Les deux plus récentes expositions temporaires produites par le CHM, à savoir Quartiers disparus et Scandale ! Vice, crime et moralité à Montréal, 1940-1960 ont été des occasions de collecter, de présenter, d’utiliser, de mettre en valeur et d’ajouter aux sources documentaires classiques des expositions, la source orale. L’objectif était de placer au premier plan les témoins des évènements et leurs récits, en les mettant en dialogue avec les sources écrites et les propos de spécialistes. Ces projets ont permis au CHM de développer une approche muséale de l’histoire orale.

La figure et la toile : de l’historicisme dans la mise en scène

L’Annuaire théâtral: Revue québécoise d’études théâtrales, 2006

Le concept d’historicisme pourrait être utilisé pour désigner la reconstitution sur la scène d’une époque ou de codes théâtraux du passé, comme on le fait dans la peinture ou l’architecture. Mais c’est dans le sens philosophique du mot, dérivé des études marxistes, que Bertolt Brecht l’a introduit à la fin des années 30. Ce concept a ensuite été repris dans les années 70, avec des significations très différentes : tandis que Brecht voulait montrer le caractère transformable de la société, certains spécialistes l’ont appliqué à toute mise en scène référant de façon précise à une époque, même celle d’aujourd'hui. Les mises en scène considérées comme exemplaires de ce traitement (Georges Dandin et Le Tartuffe par Roger Planchon, Dom Juan par Patrice Chéreau), très influencées par Brecht, ont cherché à représenter les transformations de la société du Grand Siècle. Pourtant, on peut découvrir que cette conception moderne de l’Histoire s’accompagnait de formes beaucoup plus anciennes ...

La mise en exposition du vestige théâtral : analyse de deux types de display, leur parcours de médiation et leur relation à l’espace muséal

2019

La patrimonialisation des arts vivants soulève de nombreux paradoxes, notamment par l’opposition de l’éphémérité du spectacle à l’immortalité du statut muséal. Pourtant, si la représentation théâtrale reste unique et insaisissable dans son ensemble, la performance laisse aussi une trace matérielle : les costumes, les décors, programmes, affiches, maquettes et la salle de spectacle en elle-même. Le statut de ce patrimoine pose question : doit-on considérer ces objets comme des oeuvres en soi ou bien comme des outils archivistiques servant à la compréhension et à l’étude des performances ? Les choix de dispositifs de mise en exposition de ces vestiges de scène modèlent l’expérience muséale des visiteurs, ainsi que leur rapport à ces objets, comme aux représentations passées dont ils subsistent. Nous aborderons ces questions par la présentation de deux types de display : le parcours mixte et didactique de l’exposition permanente des collections du Victoria and Albert Museum de Londres et le projet de médiation du Théâtre Napoléon III restauré de Fontainebleau.