Institution de la vulnérabilité, politique de la vulnérabilité (original) (raw)

Une politique de la vulnérabilité est-elle pensable ?

Aujourd’hui notre société met à l’écart les personnes désignées « vulnérables ». Cette mise à l’écart traduit dans les faits un rejet plus global de tout ce qui renvoie à la vulnérabilité. Considérant que celle-ci est une dimension impensée de notre culture, une grande partie de cette thèse consistera à montrer ce qu’il en est de la vulnérabilité et par quels chemins il est possible de la penser. L’exclusion de cette vulnérabilité, qui nous est pourtant constitutive, n’est que le revers de l’identité que chacun veut préciser du haut de sa conscience assurée d’elle-même. Avec Emmanuel Levinas, il s’agit de penser la vulnérabilité comme sens-sensibilité PAR l’autre en égard POUR l’autre, plaçant la rencontre comme condition d’un évidement désidentificateur. L’altérité est ma première ressource, elle me convoque à l’accueil de l’étrangeté de l’autre et cet accueil me révèle à moi-même bien plus que ce que j’en décide. Ce petit déplacement qui propose à chacun d’habiter sa vulnérabilité, ce presque-rien qui ne se commande pas mais qui opère dans l’altération, telle est la « phénoménologie du soi affecté par l’autre que soi » (P. Ricœur) que nous avons tenté de penser. A partir de là, une autre société peut s’envisager, une « société des singularités » qui fait toute sa place à nos in-suffisances dans une qualité de « socialité » (E. Levinas). Ce terreau permet de revisiter l’État, le singulier et l’universel, l’hospitalité, la fraternité, l’économique, le lien entre éthique et politique pour faire éclater le besoin individuel d’une coupure entre un « moi-nous » et un « tout-eux ». Habiter sa vulnérabilité c’est alors rester à l’endroit intenable de la non coupure.

Agir sur les vulnérabilités sociales

2015

Agir sur les vulnérabilités sociales Le 21 septembre 2015, Michel Joubert et Claire Lévy-Vroelant, tous deux professeurs de sociologie à l'université Paris 8, sont intervenus à l'invitation de la Mission métropolitaine de prévention des conduites à risques à la Bourse du travail (Bobigny) sur le thème : « Agir sur les vulnérabilités sociales ». Relatant une recherche de trois années menée en coopération avec des intervenants sociaux de première ligne, ils analysent la manière dont ceux-ci parviennent à établir le contact avec leurs publics, reconnaissent leurs capacités et co-construisent de l'action avec eux.

Introduction : La vulnérabilité à la croisée de thématiques et de disciplines variées

2020

Le terme « vulnerabilite », largement utilise depuis les annees 1970, renvoie a des cadres theoriques differents selon la culture academique, la discipline et la langue (Thomas, 2008). D’abord utilise dans le cadre d’etudes liees aux aleas naturels, principalement americaines, il a, au fil du temps, ete adopte ou discute dans de nombreuses autres dimensions des sciences sociales a travers le monde (Becerra, 2012). Il y a aujourd’hui un « trop plein semantique » puisqu’il evoque aussi bien la « pauvrete », la « precarite », la « dependance », la « fragilite », l’« insecurite », « l’incertitude » ou « l’absence de regulation » que la « victimisation », ou simplement le « risque ». L’apprehension de la vulnerabilite emane de disciplines variees : anthropologie, demographie, economie, sociologie, etc. L’usage du mot « vulnerabilite » est ainsi caracterise par sa transversalite tant d’un point de vue disciplinaire que thematique. C’est une notion plurielle (Brodriez-Dolino, 2016). Dans c...

Vulnérabilité et innovation sociale

In Actes colloque Vulnérabilité et Innovation sociale, Dir. Gilles DANROC et Marie-Christine MONNOYER, « Vulnérabilité et Innovation sociale », Toulouse, 2018, Ed. Universitaires-Institut Catholique de Toulouse, p. 19-33., 2018

Le concept de vulnérabilité : reconnaissance et imposition d’une condition floue

2016

  1. ; ICH tripartite guidelines (International Council for ! 2 Harmonisation of Technical Requirements for Pharmaceuticals for Human Use, Guideline for Good Clinical Practice, 1996). J'ai retenu cet exemple car, bien que rarement mentionné dans les travaux français sur la notion de vulnérabilité, l'éthique de la recherche biomédicale fut un domaine pionnier pour l'usage catégoriel et normatif de cette notion, et cela en application du principe de justice (les autres principes étant le principe de respect de l'autonomie et le principe de bienveillance). A ce titre c'est un domaine privilégié pour observer l'inflation de cet usage et, proportionnellement à cette inflation, la multiplication des critères, sans principe organisateur évident, permettant de diagnostiquer une vulnérabilité, c'est-à-dire ici un risque d'exploitation, qui est de moins en moins spécifique. Pour une illustration plus récente, on peut se référer par exemple au droit européen de l'asile et plus précisément à l'article 21 de la directive « Accueil » de 2013 [PP] : Dans leur droit national transposant la présente directive, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine.