Mort apprivoisée et mort inversée : la place du corps dans les chroniques nécrologiques montréalaises 1920-2015 (original) (raw)
Related papers
Études d'histoire religieuse, 2018
L'historien français Philippe Ariès utilise les concepts de mort apprivoisée et de mort inversée pour dresser un portrait des changements d'attitudes envers la mort en Occident. Dans la mesure où, au tournant du XXI e siècle, le Québec connait des changements importants autour du mourir, ce texte a pour objectif d'examiner les attitudes envers la mort dans une sélection d'avis de décès parus dans le quotidien La Presse entre 1975 et 2015. Les observations liées à la fois à la présence et à l'absence d'expressions liées à l'exposition du corps permettent d'entrevoir l'émergence d'une mort inversée au Québec. Abstract: At the turn of the 21 st century, significant changes occured surrounding death in Quebec. Using the French historian Phillipe Ariès concepts of Tamed Death and Forbidden Death, this paper focuses on attitudes toward death in obituaries published in La Presse between 1975 and 2015. Both presence and absence of expressions related to the viewing of the corpse imply the emergence of Forbidden Death in Quebec. Au cours du dernier siècle, la mort au Québec et ce qui l'entoure a connu divers changements dont le plus évident semble s'incarner dans un basculement quant à la manière de disposer des corps, alors que la pratique de la crémation s'impose graduellement à partir des années 1960 pour ensuite supplanter la tradition de l'inhumation.
«L'évolution de l'espace de la mort à Québec»
Continuité, 1991
Jusque vers 1850, Us cimetières de Québec, administrés par Us paroisses, sont maintenus à proximité des lieux du culte. Le cimetière St. Matthew (1771), dans le faubourg Saint-Jean, est aujourd'hui U seul cimetière urbain qui subsiste à Québec, (photo: Marcel Calfat)
Convergences francophones 6.2, 2020
Dans le troisième tome des Voyages du Père Labat en Espagne et en Italie, le prêtre dominicain Jean-Baptiste Labat écrit : « Il faut à présent achever de décrire un enterrement tout entier » (III, 384). 1 La nonchalance avec laquelle le père Labat livre cette phrase tout en soulignant la nécessité de la description à venir attire l'attention. En effet, cette phrase renvoie à la nécessité de satisfaire un objectif s'inscrivant visiblement dans l'horizon d'attente de son récit mais témoigne aussi d'un rapport à la mort qui n'est plus celui que nous connaissons dans le monde occidental aujourd'hui. Dans ses travaux sur les attitudes occidentales devant la mort, l'historien Philippe Ariès a ainsi montré quatre phases se succédant dans la diachronie. A la résignation devant une mort inévitable, familière et inscrite dans le destin de l'humanité, succèdent une vision plus personnelle de la mort et la prise de conscience de la mort de l'autre après celle de soi. Pour l'historien, l'émergence du regret et du souvenir de l'autre au XVIIIe siècle sont à la source du culte des tombeaux et des cimetières qui fleurira ensuite au XIXe siècle. Quant à la période contemporaine, elle se caractérise selon lui par un rejet de la mort, une mise à distance. Les voyageurs du XVIIIe siècle se situent donc à un moment charnière dans l'appréciation et la représentation de la mort. Et le récit de voyage à cette époque semble constituer un des lieux où l'on peut observer une des étapes du changement qui s'est opéré dans la perception occidentale de la mort. Mais pas seulement. Ainsi que nous l'évoquerons plus loin, ce genre participe activement à l'émergence de la nouvelle attitude face à la mort à la fin du XVIIIe siècle.
Cannibalisme symbolique entre vivants et défunts
Études sur la mort, 2019
Dans les Andes, les vivants et les morts boivent et mangent ensemble. On ne boit jamais seul dans cette région. Les humains boivent entre eux mais ils convient également leurs défunts à leurs libations et même les entités de la nature animée. Cet échange de nourriture et de boissons sert à sceller un pacte de solidarité réciproque entre vivants et morts. Ces derniers ont une influence sur les phénomènes météorologiques et notamment les pluies tellement nécessaires dans ce pays sec alors que les vivants doivent alimenter et donner à boire à leurs défunts, afin d’assurer leur existence post-mortem. Dès lors, les rituels liés à la mort deviennent le théâtre d’importantes scènes bachiques. Mais la relation inter-ontologique ne s’arrête pas à un échange de boissons et de nourriture « quotidienne », elle peut devenir tellement intense que morts et vivants finissent par se dévorer symboliquement mutuellement. Je tenterai d’analyser ici cette forme de cannibalisme symétrique qui permet à ces deux communautés ontologiques d’exister. Je fais l’hypothèse qu’en communiant, en commettant l’anthropophagie mutuelle, morts et vivants traversent les frontières poreuses de leurs mondes respectifs pour pénétrer dans un espace de convergence : ni tout à fait vivants, ni tout à fait morts, chacun peut s’approprier une part de l’identité de l’autre. Ils s’approchent d’un état de complétude. C’est justement cette totalité qui permettra au défunt de se réincorporer pendant un temps et un espace délimité (la fête de la Toussaint), d’expérimenter une forme de renaissance symbolique. À partir de différents dispositifs cognitifs, comme la notion de cognition incarnée ou l’idée de représentation qui lui est sous-jacente, je présenterai quelques pistes permettant de comprendre pourquoi les vivants organisent des agapes pantagruéliques pour des morts que l’on ne voit pas. Il s’agit de les « incorporer ». Ils pourront alors interagir avec les humains, partager ivresse, émotions et nourriture voire manger la représentation de l’autre. Je m’attacherai donc ensuite à analyser la relation anthropophage, symbolique, qui enveloppe les vivants et la communauté des morts.
In Quebec, a coroner’s investigation is initiated as soon as a death occurs in the territory to determine if it is due to natural causes or not. This is the case with deaths occurring in penal institutions. In this paper, we will explore more specifically how suicides in prison are defined and perceived by social actors and the official reports mentioned in the coroner’ inquest. To do so, we have an empirical corpus firsthand: coroners’ inquests in the judicial district of Montreal that have concluded to suicide deaths between 1892 and 1950. Our study allows us to understand how the various explanations of suicide in prison institution are constructed through the Coroner’s investigations, the information they collected in the reports, but also by the evidence they used and the words selected to describe the events surrounding the death (and death). We will see that a "suicide" can invoke different interpretations according to social actors that comment and explain the act, and depending on the historical period in which it is named. We will also see that the determination of a suicide verdict in penal institutions show that the prisoner status as a pariah makes conceivable the "suicidal will" in the eyes of the coroner (and his witnesses), whereas this is not the case for verdicts made for the general population.
« Les figurations du corps dans Deadwood : ancrage historique, réalisme et théâtralité »
Les Séries télévisées américaines contemporaines: entre la fiction, les faits et le réel, revue en ligne TV Series, Université du Havre, 2012
Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. TV/Series est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de Modification 4.0 International.