La connaissance comme saisie dans l'altérité de l'unité du vrai chez Nicolas de Cues (original) (raw)
Nicolas de Cues et le Liber de Causis
Le Liber de Causis est un traité important de la métaphysique médiévale. Il est constitué de 31 propositions fondamentales, accompagnées chacune d'un commentaire explicatif. Il fut traduit de l'arabe à Tolède par Gérard de Crémone et s'imposa rapidement en Occident comme un texte majeur. Souvent attribué dans le monde latin à Aristote, au moins en ce qui concerne les propositions fondamentales, il était considéré comme un complément théologique à la Métaphysique d'Aristote 1 . Dans les statuts de la faculté des Arts de l'Université de Paris du 19 mai 1255, le Liber de Causis figure au programme à côté de la Métaphysique. Encore plus frappant, le Compendium examinatorium parisiense, un texte anonyme reprenant le programme de la Faculté des Arts de Paris dans les années 1230 ou 1240 stipule que la métaphysique doit être étudiée dans trois livres, la Metaphysica Vetus, la Metaphysica Nova et le Liber de Causis, au sujet duquel on déclare ceci : on y traite des substances divines en tant qu'elles sont principes d' existence et d'influx les unes sur les autres, dans la mesure où, dans ce traité, on affirme que toute substance supérieure influe sur son effet Lorsque Guillaume de Moerbeke traduisit en latin les Éléments de Théologie de Proclus 2 en 1268, Thomas d'Aquin s'aperçut que le Liber de Causis reprenait, tout en en altérant quelque peu le sens, des parties importantes de l'ouvrage de Proclus. L'auteur n'est donc pas du tout L'important est que même après la découverte de Thomas d'Aquin, l'ouvrage garda son crédit. C'est donc qu'on y voyait une oeuvre à l'intérêt philosophique intrinsèque, et pas seulement dû au fait qu'il était attribué à Aristote. Le Liber de Causis est en tout cas un des nombreux canaux par lesquels le néoplatonisme 3 a pu se propager dans le monde latin et intéresser un certain nombre d'esprits. Parmi ceux-ci, il faut mentionner Nicolas de Cues. Nicolas connaissait bien ce traité ; il s'y réfère à plusieurs reprises dans ses traités et également dans ses sermons. Deux propositions du Liber retiennent plus particulièrement son attention : 1° la proposition selon laquelle l'esprit est au-dessus du temps, comme à l'horizon de l'éternité. On trouve cette doctrine dans le commentaire de la proposition II du Liber : L'être qui est après l'éternité et au-dessus du temps est l'âme puisqu'il est plus bas dans l'horizon de l'éternité et au-dessus du temps ( §22) ; 2° la proposition XIV : Tout être connaissant qui connaît sa propre essence, vers elle fait retour, d'un retour total 4 . l'horizon de l'éternité ; Nicolas assimile de façon très intéressante ce statut de la mens en tant que frontière entre deux mondes à celui du point de rencontre (coincidentia) entre un cercle et sa tangente. Nous reviendrons un peu plus loin sur cette question. Dans le Sermon CLXXII, c'est aussi la mens qui fait l'objet de la référence à la proposition du Liber 7 . L'idée est ici qu'à la différence de l'esprit infini qui embrasse simultanément toutes les réalités finies et manifeste par là une liberté et une puissance absolue, la mens humana fait preuve d'une liberté et d'une puissance réelle, mais finie, par sa capacité à appréhender successivement une pluralité d'objets. Elle n'est pas directement restreinte (contracta) au lieu et au tempsdans la mesure où elle n'a pas besoin d'organes corporels pour toutes ses opérations -mais elle n'est pas non plus absolument déliée de tout lien au continu et au temps : elle est en fait à l'horizon du temps et de l'éternité. Dans le De Aequalitate, c'est l'âme humaine qui est à l'horizon du temps et de l'éternité. Nicolas défend l'idée que l'âme est le temps, mais sous un mode intemporel. Elle est le temps car le temps est essentiellement nombre du mouvement et l'âme, possédant en elle le nombre pur ou nombre nombrant, comprend en elle l'essence même du temps. Mais n'étant pas On trouve une occurrence dans la Docte Ignorance, mais le contexte est quelque peu spécial : il y est question d'une figure géométrique, la sphère, engendrée par la révolution d'un cercle sur lui-même ; Nicolas emploie, de façon significative à mon sens, l'expression reditio completa pour décrire cette révolution du cercle génératrice de la sphère. Nous reviendrons plus loin sur cet usage original de l'expression du Liber de Causis. Les autres occurrences renvoient plus classiquement à la mens ou à l'intellect, qui se connaît lui-même, fait retour sur lui-même d'un retour complet. Deux occurrences se trouvent dans le De Coniecturis, la grande oeuvre qui suit la Docte Ignorance et à laquelle Nicolas travaille entre 1440 et 1444 ; une troisième appartient à un sermon qui date à peu près de la même période (1446). De toute évidence, l'usage de cette expression est principalement à chercher dans les thématiques spécifiques de cette oeuvre majeure qu'est le De Coniecturis.
Doctrine trinitaire et coïncidence des opposés chez Nicolas de Cues
Chez Nicolas de Cues, comme chacun le sait, Dieu est caractérisé comme coincidentia oppositorum ou comme au-delà d'une telle coincidentia. Mais on rencontre aussi chez lui un discours trinitaire classique : Dieu est Père, Fils, Esprit, ce que Nicolas traduit volontiers conceptuellement en Unité, Egalité et Connexion. Ces trois hypostases sont consubstantielles, elles ne forment qu'une seule nature ; sans être autres les unes que les autres, ces hypostases sont cependant distinctes.
La lecture du Timée par Nicolas de Cues
Nicholas of Cusa reads the Timaeus as an philosophical teatise ensuring that the world is good, meaningful and that it allows man to lead a moral life within itself. The Timaeus allows Nicholas of Cusa to overcome the temptation of skepticism induced by the collapsing of the medieval Weltanschauung and religious society.
La question de la connaissance et le statut de la créature chez Nicolas de Cues et Leibniz
Noesis, 2016
Comme le rappelle Pierre Magnard, dans un article publié dans la Revue de métaphysique et de morale 1 , passer directement de Nicolas de Cues à Leibniz, comme le fait Ernst Cassirer dans son ouvrage majeur Le problème de la connaissance dans la philosophie et la science des temps modernes (1906), pourrait conduire à une « filiation abusive, génératrice de malentendus. »
Michel de Certeau, lecteur de Nicolas de Cues
Archives de sciences sociales des religions, 2015
Nicolas de Cues était-il un mystique ? Dire que la sortie du deuxième tome de la Fable mystique de Michel de Certeau 1 était attendue dans les milieux de la recherche cusaine serait un euphémisme. En 2005, Wilhelm Dupré, auteur de l'édition viennoise, dite du Jubilé, des principales oeuvres de Nicolas de Cues 2 et professeur émérite de philosophie de la religion à Nimègue, me demandait avec un désir dévorant, si l'on pouvait effectivement espérer qu'un jour paraisse ce texte annoncé en 2002 par François Dosse dans Michel de Certeau, le marcheur blessé 3. François Dosse précisait dans son ouvrage, sur la base d'une lettre de Michel de Certeau à Pierre Nora du 19 août 1984, qu'avant sa disparition, en 1986, l'auteur de la Fable mystique avait programmé un deuxième volume, qui devait s'intituler « La Fable mystique : une science expérimentale », et être composé de trois chapitres principaux, dont le premier serait consacré à Nicolas de Cues et intitulé « Nicolas de Cues : le regard fondateur », les deux autres portant respectivement sur Thérèse d'Avila et Jean de la Croix. 1. Michel de Certeau, La Fable mystique II, XVI e-XVII e siècle (éd. établie et présentée par Luce Giard), Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Histoires », 2013. 2. Nikolaus von Kues, Philosophisch-theologischen Schriften (éd. Leo Gabriel) (trad. et commenté par Dietlind et Wilhelm Dupré), Vienne, Herder, 1964, 3 tomes.
La connaissance par l'autorite selon Pascal
Etudes de langue et litterature francaises, 1977
son exarnen n'ont pas ete bien comprises. Nous comrnencerofis, dans cet article, par nous interroger sur la notion pascalienne de 1'autorit6, chercherons ensuite h comprendre le rapport qu'elle entretient, d'une part, avec la raison et, de 1'autre, avec la foi, pour enfin refl6chir sur la question de savoir quel r61e jouait 1'autorite dans la preuve du christianisme que Pascal avait en vue dans son Apoltlgie inachevee. La SocieteJaponaise de Langue et Litterature Francaises et dont 1'historicit6, sinon le sens, n'est pas susceptible
Le temps comme explication de l'eternité chez Nicolas de Cues
Revue Philosophique de Louvain, 2003
Le temps comme explication de l'éternité chez Nicolas de Cues Un approfondissement des thèses boéciennes 1. L'ARTICLE DE E. STUMP ET N KRETZMANN SUR L'ÉTERNITÉ CHEZ BOÈCE 320 Jean-Michel Counet 3 Ibid., n o 8: «Quod igitur interminabilis vitae plenitudinem totam pariter comprehendit ac possidet…»; Ibid., n o 12: «… et cum totam pariter vitae suae plenitudinem nequeat possidere…». 4 Timée 37D-38C.
L'image du pape dans la pensée et l'oeuvre de Nicolas de Cues
Nicholas of Cusa served under different popes of the XVth century. In his mystical metaphysics of Unity, the papacy has an important role in ensuring and maintaining the Church's unity. But the effective relationship with the pope - especially with Pius II - was sometimes in real contrast with Nicholas' very high theological vision.
Cela peut sembler une gageure de rapprocher en un exposé aussi limité qu'une communication de colloque trois auteurs aussi éloignés dans le temps que ne le sont Nicolas de Cues, Emmanuel Kant et Jean Ladrière. Quelle connexion peut-il exister entre un cardinal allemand du XVème siècle épris de philosophie néoplatonicienne et de mathématiques symboliques, le père de la philosophie transcendantale, et un philosophe louvaniste des sciences du XXème siècle ? En dépit de la différence radicale des contextes de vie, tous trois vont réfléchir d'une façon féconde aux limites de la rationalité et tous trois vont attribuer à la relation entre philosophie et mathématique un rôle paradigmatique majeur.
L’unité de l’enquête et le pipeline de la connaissance
Sur le journalisme, About journalism, Sobre jornalismo, 2017
Cet article propose de comparer deux manières d’articuler les univers journalis- tique et universitaire, soit le projet Thought News, conçu par des journalistes et universitaires américains à la fin du XIXe siècle, et The Conversation, un réseau global de sites d’information et de chercheurs universitaires qui est aujourd’hui en pleine ex- pansion. Dans la perspective d’une comparaison historique « à longue portée » envisagée par Marc Bloch (1928) et de la critique de l’histoire whig du journalisme de James Carey (1974), l’analyse situe Thought News et The Conversation dans leur contexte historique particulier en explorant les transformations du journalisme et de la recherche universitaire qui leur sont associées. Pour ce faire, notre analyse prend spécifiquement pour objet des textes pro- grammatiques qui détaillent les projets éditoriaux respectifs de ces initiatives, notamment à travers les métaphores du pipeline et du corps social, et qui formulent des critiques d...
Nicolas de Cues, Giordano Bruno et l'ontologie fonctionnelle
This paper Heinrich Rombach, in a famous book, Substanz, System, Struktur claimed that Nicholas of Cusa is the father of functionnalism, an ontology fitting very well with the modern science. Rombach's opinion about Giordano Bruno is rather bad: he is retrograding to the ontology of substance according to Rombach. The paper investigates whether Rombach is right or not in this matter.
L'unité interne du savoir chez Kalinowski
Journal of French and Francophone Philosophy, 1994
Aux probl~mes n~s de la crise de la raison des lumi~res, habituellement d~sign~s sous le nom de post-modernit6, une~bauche de solution a consist~II reprendre la conception classique de la pJuraJit6 de Ja raison; Kalinowski~tant run des penseurs qui ont pris ce chemin, qui consiste II concevoir la raison comme une facult~unique ayant divers emplois et fonctions: la raison n'est plus unique, mais plurielle. I1 y a d~sormais raison th~orique et raison pratique, raison universelle et raison particuli~re, raison n~cessaire et raison rh~torique-dialectique, etc. Le monde humain doit~tre rationnel, mais selon cette raison plurieUe. On peut percevoir chez Kalinowski l'~cho de cette pluralit~et de cette unit~. Pluralit~, puisqu'ila travaill~pendant beaucoup d'ann~es sur divers domaines de la philosophie1: il est connu tout particuli~rement pour ses~tudes en philosophie du droit, y compris-k CÖt~de Von Wright 2 et Bekker 3-, pour ce qui est de la logique d~ontique et de la m~taphysique4. In y a de tres bonness~tudes sur quelques-unes des id~es de Kalinowski dans quelques unes de ces domaines. On peut voir, par exemple:
De l'inconnu de la connaissance à l'in-évidence du sens commun. Doxa, Vérité, vrai-semblance.
Contribution écrite au Congrès Mondial pour la pensée Complexe. Unesco, Paris, 2016
Cette réflexion s'attache à questionner la pertinence du sens commun pour la délimitation de la connaissance, en interrogeant les fondements de la Doxa, sa vraisemblance et ses valeurs véridiques. Pour cela, nous empruntons aux travaux d'Edgar Morin le principe d'« inconnu de la connaissance », qui apporte à cette dernière l'ouverture nécessaire à son épanouissement. Décloisonnant le sens commun, elle conduit à repenser le Vraisemblable à partir de lui-même, et à considérer le réel sous un angle différent : non pas la contemplation d'un autre réel, mais plus précisément une autre contemplation du réel, de ce réel partagé qui constitue la toile de fond de toute connaissance. Abstract This paper takes an interest in the relevance of the common sense for the delineation of the knowledge, by querying the bases of the Doxa, his reasonableness and his values of truth. For that, we borrow from Edgar Morin's works the principle of « unknown of knowledge », which provides to the knowledge the necessary openness for its development. Unlock the common sense leads to rethink the Reasonableness itself, and to consider the reality from a different angle: not the contemplation of another reality, but more precisely another contemplation of the reality ; of this reality which is the backdrop of any knowledge.
Variations, 2004
t 56 Tobias Zimmermann diegetische Rezipierende, die einem Erzähler folgen (ihn mit Luhmann gesprochen also beobachten), der heimlich andere Personen beobachtet hat. Damit soll uns wohl vorgeführt werden, wie unsere Rezeption idealerweise vonstatten zu gehen habe. Die Ironie der Darstellung von Beobachtungen will es, dass auch bei einer theoretisch ins unendliche fortführbaren Verschachtelung der dargestellten Beobachtungsvorgänge der letzte Beobachtungsschritt ausserhalb der literarischen Kontrolle liegt: Die Rezeption des Textes durch den Leser. Dies macht letztlich den Reiz des Literarischen ausein Reiz, dem auch die barocke Satirepraxis mit ihrem Versuch einer normativen Rezeptionskontrolle nicht beizukommen vermochte. Tobias Zimmermann ist Assistent für ältere deutsche Literatur an der Universität Zürich. Abstract Die Moralvermittlung ist zumindest den Aussagen von Vorworten und Erzählerkommentaren zufolge ein zentrales Anliegen satirischer Barockromane. An einem Ausschnitt aus ]ohann Beerc Teutschen Winternächten wird deshalb unter Beizug der Luhmannschen Systemtheorie die Problematik der barocken Satirepoetologie untersucht, wie sie bei Beer, aber auch bei Grimmelshausen oder Weise formuliert wird. Dabei wird insbesondere die aporetische Struktur des in Bezug auf die Moralvermittlung postulierten Nützlichkeitsanspruchs der Romane aufgezeigt.