La propriété et le constitutionnalisme d’origine (original) (raw)

Aux origines de la question prioritaire de constitutionnalité

Revue française de droit constitutionnel, 2014

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Situer la possession. Du droit romain de l’appartenance aux nouveaux modèles propriétaires

Clio@Themis, 2021

En suscitant la recherche de « nouveaux modèles propriétaires », l’évolution contemporaine du droit des biens appelle à revisiter en profondeur l’histoire juridique des formes d’appartenance, pour mettre en lumière l’existence de dynamiques alternatives à celles qui ont soutenu l’émergence de l’idée de propriété exclusive. Le présent article propose d’articuler cet effort d’analyse rétrospective à l’idée de possession, telle que le droit romain l’a dissociée de la propriété, dont Savigny fit l’axiome d’une dogmatique moderne, centrée sur l’idée de personnalité.

Le plus absolu des droits, entre désir idéel et idéal d’autonomie. L’invention de la propriété des anciens comparée à celle des modernes

Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 2018

Résumé Le renouveau juridique de la pensée du commun se pense explicitement contre la logique propriétaire, et en particulier contre le pouvoir absolu qu’elle confère au propriétaire sur sa chose. Mais ce caractère « absolu » de la propriété (au sens de l’article 544 du Code civil) est-il inhérent à son concept ? Quelle est l’origine de la conception « absolutiste » de la propriété privée ? Cet article cherche à répondre à ces questions en examinant la genèse du concept de propriété privée et de l’absolu qui la caractérise en droit romain, d’où tout est parti, et dans les écrits du père fondateur du libéralisme anglais, John Locke, d’où, dans la perspective du législateur moderne, tout est reparti. Aussi éloignés ces deux univers soient-ils, tous deux demandent à être rendus à leur contexte originaire, exhumés sous les interprétations fossilisées qu’ils engendrèrent, exégèses toujours plus enclines à trouver à la source une manifestation d’elles-mêmes qu’à y découvrir le site d’une technique et d’une réflexion originales, lesquelles continuent pourtant de nous déterminer intimement. La première et la seconde partie de l’article s’attellent donc à présenter l’émergence du concept de propriété privée en contexte, respectivement en droit romain puis dans la modernité anglaise. À un degré d’intégration supérieur, les auteurs mettent ensuite en tension ce contraste entre la genèse romaine et moderne du concept de propriété ans une troisième partie prospective et exploratoire. Quels présupposés, quels implicites la démarche permet-elle de dégager dans l’ordre des représentations relatives à la manière dont se définissent les relations des hommes aux choses dans chacun de ces deux imaginaires, non tant par-delà leurs différences incommensurables que dans le but de mettre l’horizon d’incommensurabilité qui les sépare à l’épreuve ? Sept « contrastes » sont ainsi analysés qui permettent de problématiser la réflexion sur les Communs à partir d’un substrat « propriétaire » renouvelé par l’approche comparative elle-même. Abstract : The most absolute right ? The invention of private property in ancient Rome as compared to that of the Moderns. The new focus on the commons in juridical thought is explicitly grounded on reaction against the logic of private appropriation, and in particular against the « absolute » power it gives to the owner over his thing (as stated in the Article 544 of the French Code Civil). But is this « absolute » character an essential and intrinsic feature of private property ? And what is the origin of this « absolute » that came to be characteristic of private property ? This article seeks to answer these questions by examining the origins of private property (and of its « absolute ») both in Roman law – from which everything started – and in the works of the founding father of English liberalism, John Locke, from which everything started again for the Modern legislators. As distant as these two universes may be, they have in common the need to be returned to their original context, exhumed under the fossilized interpretations they engendered. Because their exegeses were always more inclined to analyse roman and modern conceptions of private property as anticipations of their own conceptions, they too often blurred how distinct those conceptions were. They occulted how they both constitute the locus of an original reflection on property (as a technique, and as the condition of the right to resist) that continues to shape our representation of property, but only through numerous mediations. The first and the second parts of the article therefore aim to examine the invention of private property in context, respectively in Roman law and in English modernity, in the so influential writings of Locke. In the third section, the authors build on the reconstructions offered earlier in order to confront the Roman and Modern geneses of private property rights. The aim of this prospective and exploratory analysis is to understand how the type of relations men should entertain to things are « inferred » from a general conception of the world that determines property relations. The analysis insists on the irreconcilable differences existing between the Roman and the Modern imaginaries, and on how those differences implied major transformations of the very concept of private property from its Roman origins to its contemporary meaning. By examining seven « contrasts », the authors seek to problematize the reflection on the commons by renewing our understanding of private property.

Aux origines de l’‘État’: langage et institutionnalisation de la domination

Linguagem, Sociedade, Políticas, E. Orlandi (éd.), Pouso Alegre (Minas Gerais) - Campinas (São Paulo), Univás - RG Editores, 2014, p. 15-27, 2014

L’histoire de l'affirmation du mot « État » dans l’Europe du début de l’âge moderne est riche d'enseignements quant aux contributions que peut apporter une certaine approche langagière des notions politiques à l’ensemble des disciplines historiques. Depuis les premiers usages du mot stato, au XIVe siècle, en passant par la démultiplication des emplois qu’en fait Machiavel et jusqu'à l’affirmation de la « raison d’État » italienne à la fin du XVIe siècle, on peut montrer comment la notion d’État s’est imposée à la faveur d’une déjuridicisation de la chose publique et d’une acceptation inconditionnée du fait brut de la domination. Cette approche langagière tend à montrer que les phénomènes que l’on désigne souvent sous les catégories traditionnelles de l’histoire des idées (la victoire du « machiavélisme » et de la « raison d’État ») correspondent à la partie émergée de mouvements profonds qui définissent en propre la modernité politique.

Le concours des pouvoirs aux origines du gouvernement constitutionnel

Jus Politicum, 2017

Le principe de séparation des pouvoirs est consubstantiel au gouvernement constitutionnel depuis la fin du XVIII e siècle. Il a été conçu initialement comme le meilleur garant institutionnel pour défendre les droits individuels et collectifs face aux abus de pouvoir. Aussi at -il été associé à la célèbre formule de Montesquieu : "C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Qui le dirait ? La vertu a besoin de limites. Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir." Depuis l'Antiquité, la séparation des pouvoirs a eu vocation à protéger la liberté politique par la fragmentation des autorités publiques. Ce principe veut que le pouvoir politique soit réparti entre plusieurs autorités pour éviter sa concentration excessive dans les mains d'un petit nombre d'individus . Lors des débats qui donnèrent naissance aux premières constitutions écrites, aux États-Unis et en France, ce principe fut également convoqué pour organiser la répartition du pouvoir entre les fonctions exécutives, législatives et judiciaires. La division des fonctions de l'État avait été conçue en vertu d'un principe de hiérarchie fonctionnelle du pouvoir, notamment par Bodin qui en fit un des piliers de sa théorie de la souveraineté. Le principe de séparation, qui supposait l'indépendance des différents pouvoirs, risquait d'aboutir à la ruine de l'État souverain. Comment le concilier avec la division fonctionnelle ?

De la Suisse à la Corse, histoires de la propriété privée dans le Projet de constitution pour la Corse

On a longtemps accordé une place marginale au Projet de constitution pour la Corse dans l'oeuvre politique de Rousseau 1 . Publié tardivement, presque quatre-vingts ans après l'édition générale des oeuvres de 1782, il a longtemps suscité un intérêt plus historique que proprement philosophique, et les jugements philosophiques dont il a fait l'objet ont été généralement peu amènes : ce premier essai de Rousseau à la législation, sur la demande de Matthieu Buttafoco, avait ce caractère de bizarrerie d'une oeuvre trop imprégnée des principes philosophiques pour être d'une réelle utilité pratique, et trop appliquée pour ne pas affadir la puissance philosophique de ces principes. Trop utopique, et pas assez philosophique, le Projet de constitution pour la Corse n'a donc fait que tardivement l'objet d'un commentaire cherchant à prendre en compte sa spécificité au sein des oeuvres politiques, et notamment la façon dont il mettait en scène la conceptualité rousseauiste dans un autre rapport entre prescription normative et description historique, ainsi que la manière dont on pouvait comprendre l'articulation de cette mise en oeuvre singulière avec les thèses du Discours sur l'origine de l'inégalité, du Discours sur l'économie politique, ou encore du Contrat social 2 . Destiné en 1 Signalons toutefois qu'une nouvelle édition de ce texte par le Groupe Jean-Jacques Rousseau est en cours. 2 L'interprétation livrée par Antoine Hatzenberger dans Rousseau et l'utopie. De l'État insulaire aux cosmotopies, Paris, Honoré Champion, 2012, est sans doute la tentative la plus complète et la plus rigoureuse de comprendre le projet corse, en montrant la façon dont il est tributaire