Philosophie des Alcooliques Anonymes: repères pour le DPA et la dépathologisation (original) (raw)

Le témoignage chez les Alcooliques Anonymes : une pratique communicationnelle religieuse

Studies in Religion/Sciences Religieuses, 1994

© 1994 Canadian Corporation for Studies in Religion / Corporation Canadienne des Sciences Religieuses Le témoignage chez les Alcooliques Anonymes : une pratique communicationnelle religieuse JEAN-GUY NADEAU Jean-Guy Nadeau est professeur agrégé & a g r a v e ; la Faculté de théologie de l'Université de Montréal, Montréal, Québec H3C 3J7. La pratique des Alcooliques Anonymes, particulierement la pratique du t6moignage lors des meetings A.A., comporte un certain nombre de traits

Diagnostic et idéologie : l'exemple de l'alcoolisme

Alain CERCLÉ, 2004

Le champ des addictions, comme tout champ scientifique, est aussi un champ de bataille où les paradigmes s’affrontent tant au niveau des idées que des groupes. Après la victoire des « cliniciens » (promoteurs de la notion de dépendance) sur les théories de santé publique, de nouveaux concepts sont progressivement apparus comme « l’abus » (DSM) ou « l’usage nocif » (CMI). Corrélativement, la théorie médicale normative des « dommages » a pris de l’importance et elle cohabite avec celle des « symptômes » plus fonctionnelle. Aujourd’hui, certains experts, issus du domaine de la psychiatrie, défendent l’idée d’une prévention nécessaire des « usages à risque ». Ils adoptent, plus ou moins explicitement, le modèle du continuum qui postule une absence de rupture entre consommation, dommages et dépendance. En bref, les concepts évoluent et les préconisations de santé aussi … mais derrière ces changements apparents on peut se demander si on n’assiste pas à un retour des conceptions « hygiénistes » et des modèles fondés sur un rapport linéaire entre consommation et dommages. Une réflexion critique d’ordre scientifique, éthique et politique s’impose donc. C’est ce que le présent exposé tentera d’aborder à l’aide d’une analyse textuelle et sémantique de deux corpus constitués (1) des grilles diagnostiques de la dépendance et de l’abus (usage nocif) version DSM et CIM, (2) d’extraits de rapports officiels français consacrés aux substances psychoactives et à leurs usages.

Du concept d’addictus au processus de dépathologisation : la richesse psychosociale du concept de dépendance selon Stanton Peele

Drogues, santé et société, 2009

Loin d’être un débat d’ordre sémantique, le concept de dépendance est un enjeu psychosocial fondamental dans la mesure où la conception et la définition d’une condition ont un impact direct sur la compréhension du phénomène ainsi que sur les types de services et de traitements à privilégier. À partir d’une synthèse des écrits scientifiques, et comme cadre théorique, nous proposons dans un premier temps de mettre en lumière le processus de médicalisation comme modalité de contrôle social en contexte de dépendance. Dans un deuxième temps, nous illustrerons comment la perspective psychosociale, telle que mise en oeuvre dans les travaux de Peele, constitue une richesse qui nous permet de mieux comprendre une variété impressionnante d’activités humaines liées aux dépendances : cyberdépendance, jeux de hasard et d’argent, psychotropes, etc. Dans un troisième temps, et à partir de la grille de Peele, nous tenterons de démontrer comment ses travaux contribuent à créer des conditions plus pr...

Alcool en milieu autochtone et marqueurs identitaires meurtriers

Drogues, santé et société, 2005

Alcohol consumption among native people has been an issue of concern since their very first contacts with Europeans. During the 20th century, medical dialogues took the place of the previous moral and legal approaches. Today, physicians and health professionals are on the front lines, working to control alcoholism and other drug addictions in native communities. This article describes two aspects. First, the author critiques the explanatory medical model of alcoholism among native people which persists in considering alcohol dependency as essentially a biological disease, one that requires constantly increasing amounts of medical and pharmaceutical resources. This critique offers the author a platform which then enables him to invest in an argument designed to show that alcoholism in native communities is firmly entrenched in their historical and political situation. Alcoholism reveals the significant social disparities and exclusion which have become part of the biological, social and political life of native people. The author suggests that alcoholic behaviour observed in native communities reveals a complex identification framework which, in certain cases, could be qualified as “deadly”. In this article, the act of drinking is presented as an unavoidable component of the act of eating, a completely social act feeding many points of view but most of all the “social and political body” of the native person in his daily life. La consommation d’alcool chez les Autochtones constitue un sujet de préoccupation depuis les tous premiers contacts avec les Européens. Au XXe siècle, le discours médical a pris la relève des approches morales et légales qui dominèrent les siècles précédents. Aujourd’hui, médecins et professionnels de la santé occupent une place de premier plan dans les mesures de contrôle de l’alcoolisme et autres toxicomanies en milieu autochtone. Les propos du présent article sont de deux ordres. Dans un premier temps, l’auteur s’investit dans une série de critiques qu’il porte sur le modèle explicatif médical de l’alcoolisme chez les Autochtones. Modèle persistant à considérer la dépendance à l’alcool comme essentiellement une maladie relevant du corps biologique. Une maladie exigeant un accroissement constant des ressources médicales et pharmaceutiques. Cette critique offre à l’auteur une plateforme lui permettant, dans un deuxième temps, d’investir un argumentaire qui vise à démontrer que l’alcoolisme observé en milieu autochtone est profondément inscrit dans un contexte historique et politique. L’alcoolisme serait révélateur de l’inscription dans le corps biologique, social et politique de l’autochtone d’importantes disparités sociales ainsi que de l’exclusion. L’auteur propose que les comportements alcooliques observés en milieu autochtone sont révélateurs d’une trame identitaire complexe qui, en certains lieux, ouvre sur des espaces pouvant être qualifiés de « meurtriers ». L’acte de boire est, dans cet article, présenté comme une incontournable constituante de l’acte alimentaire. Un acte social total alimentant des discours multiples, mais surtout le « corps social et politique » de l’Autochtone dans cette quotidienneté qu’il vit.

Alcoolisme et fin de vie : une éthique de « l’acte » à l’épreuve d’une éthique du « regard »

L'expérience de la maladie n'est pas neutre d'un point de vue bio-psychosocial. Les malades, en fonction de leurs pathologies, font l'objet de jugements sociaux, voire de stigmatisation. L'espace du soin n'est pas imperméable à ces processus d'évaluation et de représentation. La présence des patients alcooliques dans les unités de soins palliatifs représente un terrain d'analyse des enjeux psychosociaux qui s'immiscent au sein des interactions thérapeutiques. Ces enjeux questionnent la dimension éthique du regard porté sur « l'autre ». Les soignants doivent être à même d'identifier et de réguler ces processus dans et par leurs pratiques.

NOSTALGIE POUR L'AUTHENTIQUE : GUY DEBORD ET L’APPROCHE « PATHOLOGIQUE » DU SPECTACLE

in LA FORME SPECTACLE, edited by Emmanuel Pedler and Jacques Cheyronnaud, Paris: Editions de l’EHESS, pp. 87-101, 2018

“The spectacle is not a collection of images; rather, it is a social relationship between people that is mediated by images”: the fourth aphorism of The Society of the Spectacle, published in 1967, paraphrases Marx’s well-known analysis of commodities in Capital. With this analogy, which would become the leitmotiv of his entire work, Debord gave life to the most important form of contemporary social romanticism. Its specificity lies in its grafting of the Rousseauian moral metaphysics of transparency and authenticity onto the Marxist critique of capitalism. This synthesis, which blends the two most powerful critical paradigms of modernity, is an ideal embodiment of the contemporary “pathological” approach to the issue of social appearances. It proceeds by mobilizing a whole arsenal of polemical arguments, both ancient and modern: the atavistic Platonic-Christian condemnation of the mask fuses with the “absolument moderne” suspicion of the market, media, and phenomena of consumption Partly owing to this layered rootedness in the moral and political imagination of the West and its evocative power, Debord’s work is an obligatory reference point for examining the peculiar relationship that capitalist society entertains with images. For this reason, it deserves careful and thorough review.

L’« Anonyme » : un palimpseste démocritéen dans le Protreptique de Jamblique ?

Kentron

L'histoire du protreptikos logos, le discours d'exhortation à la vertu ou à la philo sophie, que l'on croie ou non à une origine sophistique 1 du genre, est diicile à cerner, en raison de l'absence d'une déinition théorique ancienne du genre, de la rareté des oeuvres qui portent cet intitulé et de l'incertitude sur l'authenticité des titres transmis par la tradition. L'abondance du registre de προτρέπω, προτροπή dans une oeuvre est toutefois le critère le plus ouvert à la diversité des formes choisies et des sujets traités. Ainsi peut-on voir que ce type de discours a été mis en scène de façon originale par Platon dans plusieurs dialogues 2 , mais également qu'Isocrate s'en réclame 3. L'Antidosis d'Isocrate apparaît d'ailleurs comme le pendant et le rival d'un Protreptique perdu d'Aristote 4 , sur lequel nous reviendrons. Le plus ancien Protreptique conservé, désigné comme tel par son auteur lui-même 5 , est l'oeuvre d'un apologiste chrétien, Clément d'Alexandrie, qui, vers 190 après J.-C., s'adresse aux Grecs pour les détourner du paganisme et les tourner vers la foi chrétienne 6 ; nous avons aussi, à peu près contemporain, de Galien, un Protreptique à l'étude de la médecine entre tous les arts 7. Le Protreptique de Jamblique, plus tardif encore, est malgré tout le plus ancien représentant conservé d'une exhortation proprement philosophique se revendiquant vigoureusement 8 de ce Michelle Lacore 132 « genre ». Sa date ne peut être exactement déterminée : disciple de Porphyre, lui-même disciple de Plotin, le Syrien Jamblique a vécu de 245 à 325 environ. Le traité de Jamblique est le second livre d'une ample synthèse pythagoricienne qui en comporte dix ; le premier traité de cette συναγωγή est la Vita pythagorica, combinant une biographie de Pythagore et l'exposé de l'idéal de vie pythagoricien ; les troisième et quatrième livres conservés sont consacrés à la mathématique pythagoricienne, comme l'étaient aussi les traités perdus qui étudiaient la science des nombres dans la physique, l'éthique, la théologie, puis dans la géométrie, la musique et l'astronomie 9. L'exhortation à la philosophie qui constitue le second traité se présente comme l'assemblage de nombreux passages plus ou moins étendus, empruntés à divers philosophes, qui ne sont pas nommés ; aussi at on pu parler de « centon » à son sujet (Bywater 1869). Un cas particulièrement complexe est celui du long chapitre 20, l'avant-dernier du traité. Le savant F. Blass y a reconnu, en 1889, juste après la parution chez Teubner de l'édition Pistelli, une dizaine de pages provenant d'un écrit, selon lui sophistique, de la seconde moitié du V e siècle avant J.-C., pour lequel diverses identiications ont été proposées, sans qu'un accord ait pu s'établir : c'est ce texte que l'on désigne comme l'« Anonyme ». On a cru pouvoir y reconnaître Antiphon, Hippias, Protagoras, Critias, Antisthène, Prodicos, héramène, Isocrate et enin Démocrite. Un examen très complet de la question se trouve dans les ouvrages récents de D. Musti et M. Mari, et d'autre part d'A. Ciriaci 10. Dans l'éclairage particulier de l'emprunt 11 , nous souhaiterions chercher à voir si l'étude des intentions et des procédés de l'emprunteur peut contribuer à privilégier l'une des pistes proposées, l'attribution de ces pages à Démocrite, à nos yeux la plus plausible, en dépit de l'énorme diiculté dialectale à laquelle elle se heurte, puisque tous les fragments qui sont attribués au grand atomiste ont pour véhicule le dialecte ionien.

Une phénoménologie de la dépendance à l'alcool. Une expérience primordiale de la « nostrité »

L'Évolution Psychiatrique, 2005

L'approche phénoménologique de l'alcoolisme souligne l'importance structurale des relations humaines et ouvre à une phénoménologie du « nous ». Ce pluriel relationnel est ici compris comme une capacité humaine primordiale appelée « nostrité », qui assure le fondement du Soi à partir d'un « nous » originaire dont la source s'établit dans la fête. Les recommandations thérapeutiques en matière d'alcoolisme visent à favoriser la participation active et prolongée des patients à une thérapie de groupe, valorisant leur motivation, spécifiant l'effet thérapeutique de l'échange de la parole. La détermination biopsychosociale de l'alcoolisme pourrait s'établir sur une base primitive interrelationnelle. Socialement, l'ingestion d'alcool est l'un des supports célèbres de l'accomplissement de la fête, marqueur fondateur du temps présent. Dans une perspective existentielle, la fête est le coeur de l'homme en ce qu'elle actualise un « nous » primordial, un état pluriel qui signe le commencement et la fondation du Soi à partir de l'autre. Dans la fête, nous gagnons notre Soi depuis l'autre en surmontant deux principaux dangers, l'ivresse,