Archéologie du futur. Une rétro-modélisation de l’architecture expérimentale de Pascal Häusermann, Claude Costy et Jean-Louis Chanéac (original) (raw)

« Bâtir avec le temps : pour une histoire critique de l’architecture »

Revue Electronique Des Sciences Humaines Et Sociales, 2012

Marvin Trachtenberg désigne son dernier ouvrage comme une 'tentative d'archéologie culturelle' (T. BIT, p. 385). Dès l'ouverture du premier chapitre il montre l'écheveau dans lequel est pris son entreprise : « Ce livre traite de l'architecture d'un passé éloigné, mais il concerne également le présent. C'est à travers le présent qu'on voit le passé, cependant qu'inversement la pratique architecturale du passé sert à éclairer la culture architecturale contemporaine ainsi que les questions de temporalité qui lui sont vitales : le sens étant généré par l'interaction de l'identité et de la différence […]» (T. BIT, p. 1). Le lecteur prévenu par une longue préface saura que ces phrases ne correspondent en rien à quelque formalité d'entrée en matière, mais qu'elles esquissent le plan de ce livre. Building-in-Time, From Giotto to Alberti and Modern Oblivion, propose (chose devenue rare) un récit historique associé explicitement à un discours critique et théorique. La narration concerne la pratique architecturale dans les grands centres urbains de l'Italie centrale-en particulier Florence-« depuis l'époque de Giotto jusqu'à l'entrée en scène d'Alberti » (T.BIT, préface, p. XXI), c'est-à-dire de la fin du treizième au quinzième siècle. La réflexion théorique s'articule à partir d'une analyse de la dimension temporelle de l'édification. Elle part de cette simple constatation qu'à l'époque le temps nécessaire à la construction des grand édifices civils et religieux excédait le plus souvent la durée de vie des protagonistes de leur réalisation. Ce constat porte à conséquence puisqu'il remet en question l'ensemble des notions qui nous servent à appréhender l'architecture en tant que projet : c'est-à-dire comme objet d'une intention. L'analyse qui sous-tend cet ouvrage est que la conception d'une rupture franche entre le gothique et la Renaissance, si commode soit-elle du point de vue de la narration de l'histoire, nous cache en fait une dimension essentielle de son développement. Elle détourne l'attention de l'élément de continuité que constitue la pratique constructive de l'époque 'médiévale-renaissante'. La méconnaissance de la nature, de la résilience et de la persistance de cette pratique, si profondément différente de celle nous connaissons aujourd'hui, occulte la complexité des modalités selon lesquelles la modernité a trouvé à s'installer : la façon dont elle s'est d'abord insinuée dans le champ des idées pour donner lieu à l'élaboration d'une théorie de l'architecture (Leon Battista Alberti, De re aedificatoria)-une idéologie du projet, formulée à l'encontre de la praxis contemporaine-avant que d'engager la pratique de l'architecture dans la voie tortueuse d'une transformation fondamentale mais extrêmement longue à s'accomplir. Son propos est donc non seulement de retracer les contours de cet art de l'édification, d'élucider ses fondements conceptuels et ses implications esthétiques, mais aussi (et par là-même) de requalifier le passage du moyen-âge à la modernité, une articulation décisive dans notre compréhension de l'histoire de l'architecture. Voir et comprendre les éléments de continuité, équivaut à se donner les moyens pointer avec plus de précision ce qui change véritablement au cours du Quattrocento ; en tout cas à se départir d'une conception qui, sur base d'une appréciation de la 'rationalité' de la Renaissance, évacue ce qui précède comme son contraire : tâtonnements inconscients, inconsistants, … Ce préjudice est inscrit dans la tradition historiographique depuis ses origines allemandes. Afin de saisir l'esprit (Zeitgeist) et de définir l'élan artistique (Kunstwollen) d'une époque, on cherche à la démarquer des autres et on privilégie ce qui permet de la considérer comme une unité. Ce procédé génère une vision de l'histoire organisée en époques successives, caractérisées par leur position et leur rôle final dans ce grand mouvement qui mènerait 'inexorablement' au temps présent. Par sa tendance à ne prendre en compte que ce qui participe à la progression, cette approche est contaminée par l'historicisme (la logique trompeuse dénoncée par Karl R. Popper, The Poverty of Historicism, 1967). Trachtenberg remarque que ce penchant est favorisé par la structure linéaire du récit. Celle-ci se prête à l'exposé des rapports horizontaux entre les événements, au compte-rendu du mouvement diachronique-d'un évènement à l'autre-mais elle est peu propice à la recension des turbulences qui agitent le cours de l'histoire. Historien de l'architecture, spécialiste du Trecento et cependant suffisamment généraliste pour avoir écrit la plus grande partie d'un aperçu général de l'architecture « de la préhistoire jusqu'au postmodernisme » (T & H,

Nouvelle approche du mégalithisme à l’épreuve de l’archéologie du bâti

L’application aux monuments mégalithiques de certaines des méthodes de l’archéologie du bâti, plutôt utilisées pour les périodes historiques, permet de préciser le vocabulaire concernant les techniques employées dans la construction, d’une part, d’approcher la nature des projets architecturaux conçus par les bâtisseurs, d’autre part. C’est tout le chantier de construction qui se déroule alors sous nos yeux. L’étude en cours de l’extrémité orientale du tumulus C de Péré à Prissé-la-Charrière, dans les Deux-Sèvres, révèle ainsi la mise en oeuvre de savoir-faire et de prouesses techniques insoupçonnées pour des périodes aussi anciennes. L’usage de quelques très grosses pierres dans la construction, qui toutes gardent au moins un peu de leur aspect naturel, ont trop longtemps donné l’illusion d’architectures “primitives”, matérialisées de façon rudimentaire, pour ces tout premiers monuments funéraires en pierre d’Europe occidentale.

« Expérimenter les ambiances sous-marines par l’architecture ? »

Ambiances, 2018

Comment expérimenter la possibilité de vivre au fond des mers en mobilisant les ressources de l’architecture ? L’article compare différentes manières d’expérimenter les ambiances rencontrées au sein du monde sous-marin, à partir d’une recherche sur les maisons sous-marines réalisées entre le début des années 1960 et le milieu des années 1980. La première partie dresse un panorama des enjeux de la colonisation du fond des océans afin d’examiner les motivations de différentes démarches d’expérimentation d’habitats sous-marins, qu’elles adoptent une approche technique ou architecturale. La deuxième partie interroge le récit que fait l’un des pionniers, Robert Sténuit, de son séjour dans la première maison sous-marine immergée par Edwin Link en 1962. La troisième partie analyse la scénarisation des ambiances d’un village sous-marin, au design et à l’architecture très soignés, que Jacques-Yves Cousteau immerge et filme en 1963. La dernière partie de cet article restitue la démarche de l’architecte Jacques Rougerie, de ses recherches des principes fondateurs d’une architecture subaquatique à ses premières maisons sous-marines revendiquant une attention aux ambiances produites par cet environnement.

ENJEUX DE LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL MODERNE

Le présent article est issu d'un entretien fait par Nader Meddeb, finissant au Ph.D en aménagement à l'Université de Montréal, avec France Vanlaethem Professeure émérite à l'UQAM et présidente fondatrice de Do.co.mo.mo Québec. En tirant profit de son double parcours d'enseignante des cours liés au diplôme d'études supérieures spécialisées en architecture moderne et patrimoine qu'elle dirige depuis 2001 et de sa présence assumée sur le terrain de la conservation au Québec, France Vanlaethem partage certaines prises de position liées à son expertise en matière de reconnaissance et de sauvegarde du patrimoine moderne. L'entretien aborde en premier lieu des notions générales, dont le paradoxe de la patrimonialisation des objets architecturaux récents, voire aussi éphémères, l'extension de la définition du patrimoine, le rôle des occupants dans ce processus, les paramètres intervenants dans la sauvegarde du moderne et la complexité de l'authenticité comme notion fondamentale. En second lieux, les questions posées évoquent quelques exemples particuliers de la ville de Montréal. Le Westmount Square, la Place ville Marie, Expo 67, etc. sont des cas parlants que F. Vanlaethem a intervenu de près dans leurs projets de sauvegarde. Nader Meddeb (NM) : Vient de paraitre dans les Presses de l'Université du Québec La sauvegarde de l'architecture moderne (2014), un ouvrage que vous codirigez avec Marie-Josée Therrien. Il traite en gros des enjeux de la sauvegarde du patrimoine moderne. D'entrée de jeu, il est frappant que les deux termes patrimoine et moderne ont l'air de se contredire dans le sens où le premier sollicite généralement un passé lointain alors que le second renvoie à une période récente qu'on peut situer entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle en plus de désigner le nouveau et peut-être aussi le périssable. De son côté, Françoise Choay nous dit dans le Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement (1988) qu'« aujourd'hui, sous la double poussée de l'historicisme croissant et surtout de la prise de conscience des dangers et menaces engendrés par l'industrialisation, l'urbanisation et les nuisances qui en sont solidaires, ce terme (patrimoine) en est venu à désigner la totalité des biens hérités du passé (de plus lointain au plus proche) soit d'ordre culturel […], soit d'ordre