Leroy Delphine et Leroy Marie, Histoires d’écrits, histoires d’exils : perspectives croisées sur les Écritures en migration(s) (original) (raw)

Ecrits migratoires, formes trajectoires: Saison de la migration vers le Nord , et L'amour en exil

Revue Cmc Review, 2015

Yéhia Taha Hassanein Ecrits migratoires, formes trajectoires Saison de la migration vers le Nord, et L'amour en exil Liée aux effets de la décolonisation et aux grands mouvements migratoires, la littérature d'immigration occupe une place privilégiée dans le discours interculturel contemporain. Charles Bonn, spécialiste de la littérature maghrébine d'expression française, souligne d'ailleurs ce phénomène dans son Littérature des immigrants comme un espace émergeant ; tout en mettant en question le rapport à l'altérité, l'archétype de l'exil et l'ambivalence des situations oxymoroniques qui constituent, entre autre, "le nouveau paysage littéraire". Deux titres sont sélectionnés pour en extraire les données sociologiques et les enjeux idéologiques : Saison de la migration vers le Nord/ Mawasim al-hijra ilâshimâl 1 , de l'écrivain soudanais Tayeb Salih en 1969, et L'Amour en exil/ Al Hob fil manfa, aux éditions Dar al-Hilal en 1995 de l'égyptien Bahaa Taher. Ces deux textes, placés ensemble et selon notre choix dans le même contexte, s'annoncent comme une écriture de l'exil révélant pour ainsi dire une contestation sociale, culturelle et politique. Ils représentent une quête de valeurs transculturelles tout en exprimant la marginalité, le sentiment de rejet, les chocs civilisationnels, la compréhension de soi et celle de l'Autre, et le malaise d'être exalté entre deux mondes, deux cultures, deux langues. Comme l'écriture de l'immigration ne s'effectue pas de la même façon, la perspective de chaque romancier est différente ; l'itinéraire conté dévoile une double trajectoire liant le Nord au Sud emblématiquement d'une part et exprimant une investigation dans le passé d'une autre. Pourtant, ces deux textes ont en commun une caractéristique essentielle ; c'est le doublement de l'écriture qui se reconstitue à défaut soit par le lien avec l'Autre différent, soit par l'intégrité d'un moi mis à mal par la rupture, et par l'exil quel soit forcé ou volontaire. 1 Ce roman a été traduit et publié d'abord sous le titre Le Migrateur, traduction partielle en français de Fady Noun, préface de Jacques Berque (Paris : La Bibliothèque arabe, coll. « Littératures », Sindbad, 1972). Ensuite Abdelwahab Meddeb et Fady Noun donnent une traduction intégrale en français (Sindbad, 1983).

A. Girinon et L. Balaguer (dir.), Écrire et dire les migrations : représentations de l’espace et de l’altérité, Cahiers d’études romanes, Aix-en-Provence, PUP, n°36, 2018.

Les Cahiers d’études romanes ont repoussé leurs frontières géographiques habituelles en dédiant ce numéro aux travaux menés par un collectif de jeunes chercheuses de la Maison de la Recherche d’Aix-en-Provence. L’objectif de l’ouvrage est de proposer un traitement radial des représentations en acte dans les récits de migrations – le pluriel indique ici la considération de déplacements multiples, des voyages de foi aux expériences exiliques – et dans les discours traitant des migrants. Ce numéro vise à analyser parallèlement ce qui instaure ces formes d’expression et ce qui les compose dans les récits et les discours parus entre la deuxième moitié du XIXe siècle et le XXIe siècle. La représentation de l’altérité, d’un point de vue narratif, descriptif, idéologique et linguistique, et la représentation de l’espace – qu’il s’agisse d’une terre natale, d’une terre d’accueil ou simplement d’une terre foulée, visitée ou rêvée – sont au cœur de ce volume. Au prisme de ces deux axes thématiques, les auteur·e·s interrogent la construction d’identités individuelles et collectives et analysent les processus créatifs et descriptifs, d’inclusion et d’exclusion repérables dans lesdites représentations.

Agota Kristof : langue et écriture dans le contexte de l’exil

Dans l’écriture d’Agota Kristof le dispositif minimaliste semble surgir au même temps qu’un certain code normatif qu’on doit accepter à cause du déplacement vers l’espace langagier et culturel étranger. « Le défi de l’analphabète », comme Kristof appelle elle-même son écriture, est lancé au pouvoir imminent de la langue d’accueil, le français, qui est marqué par les siècles de souci de la langue et du style. Dans le contexte de l’exil, l’écriture minimaliste devient la critique de la conception essentialiste de la langue et de la littérature, déterminées par l’identité nationale. La présente communication tend à développer une réflexion sur les modes à travers lesquels dans les romans et les récits d’Agota Kristof l’écriture minimaliste fait face à la discontinuité du sujet et au pouvoir de la langue, aussi bien qu’élucider l’aspect éthique de l’écriture en tant que réalisation d’une intention, d’un choix qui résulte de la situation d’ambivalence langagière.

Étudier la migration à travers sa mise en récit - Le cas des écrits personnels du clergé émigré pendant la Révolution

Sabine Adrien, «Étudier la migration à travers sa mise en récit : le cas des écrits personnels du clergé émigré pendant la Révolution», Carnets du LARHRA [En ligne], n° 2019 Dire les migrations, se dire migrant·es,publié le : 19/09/2019,URL : http://publications-prairial.fr/larhra/index.php?id=483., 2019

Comment utiliser les traces spécifiques produites par les individus en exil pour enrichir l'étude et la compréhension des migrations ? L'étude de l'exil et, plus généralement de la migration, s'appuie depuis longtemps sur l'utilisation de Mémoires et de récits, sur des témoignages. Le renouvellement récent des méthodes d'analyse des écrits du for privé permet de réévaluer l'usage qui peut être fait de ces récits dans la perspective d'une histoire des migrations. Les écrits personnels du clergé émigré pendant la Révolution se prêtent particulièrement bien à cet exercice. Sur un total de trente-mille prêtres et religieux ayant migré, le corpus proposé à l'étude est composé de quatre-vingt-dix Mémoires, carnets de voyage, journaux et diaires. La mise en comparaison de ces écrits offre la possibilité de mieux cerner les identités individuelles et les caractéristiques collectives de ce groupe. L'analyse des formes des récits ouvre une fenêtre sur le sens assigné par les acteurs à leur migration. Et leur réutilisation à la fin du XIXe siècle dans un contexte politique conflictuel, vise à constituer la migration en thème mémoriel privilégié et les récits qui en sont fait, en outils politiques. English : Retrospective self-narratives such as memoirs and diaries are one of the main sources in migration studies. What value are they to migration scholars, besides their testimonial dimension? A recent renewal in the field of self-narrative studies in modern history re-evaluates their worth and develops new methods of analysis. These methods can be profitably used in the study of the exiled clergy's self-narratives during the French Revolution. Out of the thirty-thousand priests, monks and nuns who emigrated, this study focuses on ninety self-narratives, including Memoirs, diaries and travel accounts. Because this collection of writings revolves around the same theme, comparing them gives a clearer view of the collective identity of the authors as well as their singularity as individuals. The genre chosen by each author also gives clues as to the meaning they give to their displacement. Finally, the fact that they are published or reprinted at the end of the 19 th century tends to show a political intention behind their use; it seems to stem from a desire to turn these Memoirs into a tool to show the republican movement as intrinsically threatening to Catholics. One of the main sources of the field of migration studies are the emigrants' self-narratives.

D’une littérature de l’immigration vers une écriture migrante au Québec

Velinova, Malinka; Laurent, Thierry (dir.), Normes et transgressions dans les littératures romanes, Sofia, CU Romanistika, 2017

La notion d’écritures migrante apparaît au Québec au milieu des années 1980 pour être définitivement adoptée par l’institution littéraire à partir du début des années 1990. Elle est vouée d’abord à remplacer la désignation de littérature de l’immigration ou littérature des communautés culturelles et de refléter ainsi, d’une part l’évolution du corpus visé, et d’autre part les changements qui affectent le paysage social, culturel et politique du Québec, et notamment la diversification des flux migratoires, l’avènement de l’interculturalisme québécois et de la société mondialisée. Le nouveau concept doit nommer non plus une écriture marquée par les appartenances ethnoculturelles mais par le dynamisme et le relativismeidentitaire du sujet postmoderne. Pourtant, les attitudes de l’institution littéraire se montrent lentes à évoluer et les écrivains « migrants » continuent d’être investis, de moins en moins explicitement, du rôle de porte-paroles communautaires et témoins d’une expérience « physique » concrète. Ce décalage entre les deux discours devient la source d’une tension idéologique qui sera reflétée tant par le discours social des écrivains que par leurs textes littéraires. L’écriture migrante se présente ainsi comme un genre subversif et transgressif, puisqu’il enfreint d’une part aux horizons d’attente formés par la littérature d’immigration et d’autre part à la doxa interculturaliste, laquelle a par ailleurs considérablement contribué à l’institutionnalisation du courant. Nous examinons en particulier la manière dont plusieurs romans effectuent cette double transgression à travers leurs œuvres. Il s’agit notamment de : La gare de Sergio Kokis, Chronique de la dérive douce de Dany Laferrière et Le sourire de la petite juive d’Abla Farhoud. Nous mettons en évidence le dépassement des stéréotypes au niveau esthétique d’un choix de textes représentatifs, ainsi que la manière dont s’effectue leur valorisation sociale au seindu contexte québécois qui leur est contemporain.

Littératures migrantes du nouveau monde : exils, écritures, énigmes chez Ying Chen, Dany Laferrière et Wajdi Mouawad

2015

En Amerique du Nord aux XX et XXIe siecles, les auteurs etudies : Ying Chen (La memoire de l’eau, L’ingratitude et Quatre milles marches : un reve chinois), Dany Laferriere (Comment faire l’amour avec un negre sans se fatiguer, Pays sans chapeau et Je suis fatigue), et, Wajdi Mouawad (Incendies, Littoral et Je suis le mechant) avancent des oeuvres qui sont l’expression de voix, a la fois contrastantes, divergentes dans la litterature nationale quebecoise. Prenant leur distance par rapport a des representations stereotypees de leur epoque telles que la litterature d’exil et la litterature du voyage, les auteurs migrants campent des histoires a travers lesquelles s’offrent des images nouvelles de la ville nord-americaine, des lieux emblematiques, une rencontre a l’autre. L’auteur migrant se livre, d’ailleurs, a l’instar de sa trajectoire eclatee dans la ville, a un jeu avec le lecteur en endossant plusieurs roles, plusieurs figures auctoriales. L’ecriture migrante se revele palimpsest...

L'écriture dans l'expérience de l'exil

2022

L’exil est un thème récurrent dans la littérature, présent dans de nombreuses écritures de l’antiquité à nos jours. Il représente une rupture radicale de la vie quotidienne, des statuts et des rôles sociaux habituels des personnes impliquées dans une société donnée. Il s’accompagne toujours d’un sentiment de frustration et de besoin de compensation et de sécurité. Les noeuds du malheur s’emmêlent et se dissolvent dans des formes variées d’écriture dans le but de témoigner et d’assimiler l’exclusion subie. Cela donne naissance à une combinaison entre écriture et nostalgie, déclenchée par l’exil, qui allège le caractère dramatique de l’événement jusqu’à le transformer en une conscience existentielle qui doit servir d’héritage nécessaire et exemplaire. Dans ce travail nous présenterons la fonction essentielle de l’écriture dans l’expérience des écrivains qui ont vécu l’exil et la question de la langue qui en résulte centrale. Nous prendrons en exemple quelques passages des oeuvres au programme : Les lettres parisiennes-histoires d’exil, de Nancy Huston et Leïla Sebbar ; L’exil selon Julia, de Gisèle Pineau ; L’énigme du retour, de Dany Laferrière ; Histoire de la femme cannibale, de Maryse Condé.

Traversées francophones : littérature engagée, quête de l’oralité et création romanesque

2006

La littérature francophone d’Afrique et des Antilles émerge dans un projet de contestation de la situation de domination qui a créé ses conditions de possibilités. Le discours critique va faire de l’engagement un critère de légitimation presque incontournable dans le champ littéraire africain et antillais. L’engagement étant presque toujours évalué à partir des prises de position et des déclarations des écrivains, on en arrive à une saturation du champ de la critique par un personnage omniscient. Face à cette surévaluation de l’auteur, qui fonde la tentation du charismatique, il s’agit ici, sans contester la place centrale de l’auteur dans le dispositif littéraire, de recentrer le concept d’engagement au coeur même de la textualité. La conscience des conditions de naissance de l’écriture francophone, de l’oralité déstabilisée à l’écriture contrainte, fait du texte un lieu exemplaire de manifestation de la traversée qui signale autant la généalogie esthétique que la passionnante insc...