Au-delà de la déchéance morale : le modèle éthique dans le cycle des Rougon-Macquart (original) (raw)
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Les pragmatistes tiennent pour inutile toute tentative visant à reconnaître l'objectivité d'une norme éthique ou politique à partir d'un point de vue qui échapperait « au temps et au hasard ». Pour eux, le domaine éthico-politique n'est pas sujet à cognition 1 . Une telle philosophie envisage le domaine éthico-politique de façon non cognitiviste en refusant tout point de vue moral permettant, au-delà du contexte dans lequel nous sommes intégrés, un jugement éthique ou politique impartial. Mais il est évident que nous aurons à faire face, tôt au tard, à des choix éthiques difficiles ; à ce que Nagel appelle un conflit pratique. Qu'est-ce qui peut guider nos décisions éthiques et politiques si ces domaines ne sont pas sujets à cognition, si nous n'avons pas de perspective pour choisir l'action qui est davantage vraie ? Il importe de remarquer que ce questionnement implique celui de la contrefactualité 2 : afin de résoudre un problème éthico-politique, nous devons choisir parmi un ensemble d'options normatives qui ne sont pas encore le cas. Normalement, la voie que ce type de philosophie déflationniste utilise pour répondre à de telles questions est celle du méliorisme 3 : lors d'une décision éthico-politique, nous devons opter pour ce que nous croyons être la meilleure solution (et non pas pour la plus vraie). Évidemment, une question se pose encore : comment pouvons-nous déterminer ce qui est meilleur ? Pour Rorty, il est clair qu'il n'existe pas de principe systématique pour faire un tel choix :
La singularité au fondement de l’éthique
2014
Nous sommes partis de deux questions qui peuvent ou non être unies : Que puis-je savoir ? et Que dois-je faire ? Nous avons successivement décrit deux conceptions de l’éthique : l’une philosophique et l’autre démocratique. Nous avons vu que la première a connu une évolution, dans le sens que l’éthique s’est déconnectée du domaine du savoir. D’un savoir au sujet de ce qui est, on ne peut tirer aucun devoir. Nous avons vu culminer cette histoire dans la perspective éthique de Wittgenstein. Cette dernière met en lumière la tendance naturelle de l’éthique (tendance en hacun de nous) à vouloir dire l’indicible (le Bien, le Mal, et tout ce qui justifie de devoir agir absolument de telle ou telle manière). Nous avons ensuite décrit l’éthique démocratique, dont le rôle est tout autre que celui de l’éthique philosophique traditionnelle. Alors que cette dernière cherche à justifier les discours moraux (qui visent chacun un Bien), l’éthique contemporaine cherche désormais à coordonner les points de vue divers qui habitent l’espace public vidé des repères moraux.
L’éthique au-delà du protocole déontologique. À chaque terrain, son éthique ?
Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique
La recherche ethnomusicologique interpelle l’éthique dans une optique à la fois vaste et ciblée à laquelle le protocole déontologique universitaire, du moins tel qu’il est conçu actuellement, ne répond que partiellement. S’il existe un consensus autour des conditions d’enquête dans la communauté scientifique, ces conditions sont-elles suffisantes pour mener une recherche qui serait éthiquement correcte ? Telle est la question centrale à laquelle l’auteure tente de répondre. Après avoir livré sa conception du terme éthique, l’auteure montre à travers une série d’exemples issus du terrain que ce qui prime en matière d’éthique est d’abord et avant tout la mise en place d’une qualité relationnelle, ce qui place forcément les acteurs de la recherche dans une démarche qui va au-delà d’un protocole. En conclusion, l’article aborde de manière critique la « déontologisation » des pratiques de recherche.
L’anthropomorphisme urbain dans Les Rougon-Macquart
Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem, 2016
Pendant longtemps la critique a considéré le Naturalisme essentiellement comme une copie de la réalité, un mouvement littéraire qui exigeait du romancier de s'effacer derrière le document 1. Cette vision très limitée n'a plus cours aujourd'hui et les aspects symboliques, métaphoriques, allégoriques, mythiques, bibliques, etc., de l'oeuvre de Zola, chef de file du mouvement, ont suscité de nombreuses recherches 2. J'analyserai ici une figure de style dont use Zola dans le cycle des Rougon-Macquart pour raconter la ville : l'anthropomorphisme. En son sens usuel, l'anthropomorphisme signifie l'utilisation d'attributs humains pour représenter ou expliquer ce qui est autre que l'homme 3. L'écrivain applique ce procédé littéraire aussi bien à des objets qu'à des immeubles et des chemins de fers. Or, l'anthropomorphisme n'est pas qu'une figure de style, c'est aussi une manière de comprendre le monde, une manière de penser. 4 Les Grecs, par exemple, ont anthropomorphisé leur environnement, leurs dieux, les animaux, la nature, les phénomènes et les idées. Selon François Jost, se basant sur Bergson : « il importe de ne pas oublier qu'il [l'anthropomorphisme] est un produit de cette forme particulière d'imagination qu'est la fonction fabulatrice. Cette faculté de l'esprit est aussi bien à l'origine de l'invention des dieux et de la mythologie que du roman, puisque c'est elle qui invente des personnages apparemment doués d'autonomie et qui permet au lecteur d'y croire, bien qu'ils ne soient que des êtres de papier. » 5 Comme l'explique encore Anne Szulmajster-Celnikier, l'anthropomorphisme est un phénomène dans lequel l'ego sert, par projection analogique, d'étalon à la catégorisation et à la nomination 6. Dans la littérature du XIX e siècle, l'anthropomorphisme concerne les produits de la modernité : « [n]ul n'a besoin de prêter des sentiments à une machine simple, mais l'anthropopathisme permit de penser les objets techniques complexes. Mobilisant les rêves dormant au plus profond de l'humanité, la littérature convertit la machine L'anthropomorphisme urbain dans Les Rougon-Macquart Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem, 26 | 2016