Bernard Poche, Le Monde bessanais. Société et représentation (original) (raw)

Créer une forme de l’informe : Le Poids du monde de Peter Handke

Études littéraires, 2019

Consacré au premier livre de Peter Handke à se présenter tel le fruit d’une écriture journalière et discontinue, cet article vise d’abord à en montrer la singularité par rapport au genre même du carnet et aux pratiques littéraires en général. Le Poids du monde constitue en effet un ouvrage où doit s’inventer une nouvelle façon de percevoir, d’écrire, voire de faire oeuvre, puisqu’il semble que ce soit dans un en deçà de la littérature que doive désormais s’élaborer la nouvelle écriture que revendique Handke. Dans cette perspective, j’entends ici retracer les linéaments d’un tel programme marqué par une défiance systématique vis-à-vis des formes et des réflexes littéraires institués, au sein de l’oeuvre surtout, et dégager les traits généraux de son exécution. Je serai, du même coup, conduit à envisager le rapport au lecteur qu’instaure le carnet-journal, puisqu’une nouvelle littérature implique nécessairement une transformation de l’expérience de lecture de celui qui la reçoit.

Bertrand Binoche, sous la direction de, Les équivoques de la civilisation

Recherches Sur Diderot Et Sur L Encyclopedie, 2006

Après deux volumes d'articles sur Sens du devenir et pensée de l'histoire au temps des Lumières, et L'homme perfectible, parus respectivement en 2000 et en 2004, chez le même éditeur, Bertrand Binoche poursuit un travail original, utile et unique en France, d'étude précise et rigoureuse de catégories fondamentales des pensées de l'histoire et de la politique depuis les Lumières. Nous souhaitons attirer l'attention des spécialistes de Diderot sur deux articles de ce recueil, l'un de Georges Dulac (« Quelques exemples de transferts européens du concept de « civilisation» », l'autre de Céline Spector (« Science des moeurs et théorie de la civilisation : de L'Esprit des lois à l'École écossaise », même si toutes les contributions mériteraient d'être analysés. Une mention toute particulière doit être faite de l'introduction de Bertrand Binoche qui ne se borne pas à présenter les études de l'ouvrage, mais expose une remarquable analyse philosophique des « équivoques » de la civilisation. En effet elle se propose de rendre compte de ces « équivoques » à la fois sémantiques et fonctionnelles, en distinguant d'abord le « mot », tel qu'il est compris entre 1771 et 1801, dont un balisage sommaire montre que son sort étant, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, en France, comparable à celui de « perfectibilité », à la fois relativement rare et instable, il ne fait pas concept et n'est pas « l'objet d'un usage théorique assignable » (p. 14). En revanche, dès les années 1760, la civilisation devient un « schème », c'est-à-dire un « métaconcept », concurrent du contrat, désignant « le processus typique en vertu duquel les nations s'arrachent graduellement à l'état de sauvagerie » (ibidem). Ce sont les Écossais qui furent les grands théoriciens de la civilisation identifiée à l'histoire universelle du genre humain, recoupant alors le thème de la perfectibilité.

Sud de Jean-Claude Risset : introduction à la représentation

Jean-Claude Risset. Portraits polychromes

Longtemps l'analyse de la musique électroacoustique a souffert de l'absence de présentation appropriée. Le support multimédia, qu'il soit réalisé pour l'Internet ou le CD-ROM, est venu corriger la donne. En alliant les éléments analytiques (textes, graphiques, tableaux, etc.) au son, le chercheur peut désormais présenter un véritable outil pédagogique. Pédagogique, car c'est le premier rôle de l'analyse : donner à l'auditeur, qu'il soit mélomane, amateur ou professionnel, suffisamment de clés pour remarquer les relations entre les éléments ou tout simplement percevoir ce qui semble cacher à la première écoute. Les techniques de composition de la musique électroacoustique n'ont guère à voir avec celles qui sont employées dans la musique instrumentale. C'est un bon point pour les non-musiciens ne possédant pas la théorie classique et cherchant à comprendre, c'est aussi souvent la raison pour laquelle les musiciens se détournent d'une musique pour laquelle ils n'ont que peu de repères. Deux éléments peuvent aider les uns à aller plus loin et réconcilier les autres avec cet art : l'analyse et la représentation graphique. Bien souvent ils sont associés et se complètent au milieu d'un texte plus littéraire que technique. Dans la représentation que j'ai réalisée sur Sud de Jean-Claude Risset, j'ai essayé de faire passer entièrement mon analyse dans le graphisme. 1. Perception, analyse et représentation Comment réalise-ton la représentation d'une oeuvre électroacoustique ? La question peut paraître saugrenue, voire inutile, et pourtant…Le rapport entre un son et une forme graphique n'est pas si facilement compréhensible. Souvent même, le sentiment d'un lien entre les deux est là, mais la raison demeure vague. Nous ne sommes qu'au début d'une réflexion qui nous permettra peut-être, d'ici quelques années, de comprendre pourquoi certaines représentations peuvent se passer d'explications tandis que d'autres demeurent longtemps obscurs. J'essaye toujours de fonder mon travail sur des relations simples entre les caractéristiques du matériau sonore et les formes, couleurs, textures et places des graphiques. Le travail sur une représentation commence par l'écoute, sans support graphique. L'objectif est de s'imprégner de l'oeuvre pour comprendre les éléments sonores servants de balises, de fils conducteurs ; comprendre aussi le cheminement du compositeur à travers les multiples transformations du matériau. Ainsi lors de cette écoute se construit l'analyse ou plutôt, une analyse de l'oeuvre. Car chaque analyse est unique, et ne fait qu'offrir à celui qui la lit ou la regarde un point de vue. Celui-ci peut amener l'auditeur à aller plus loin ou dans une autre direction que le chercheur en comprenant ou en sentant certaines relations. Dans ce cas, l'analyse a joué son rôle : donner un élan pour l'écoute de l'oeuvre. La représentation vient naturellement après cette analyse pour la traduire dans un langage compréhensible par tous. Les sons très proches vont avoir la même couleur ou des couleurs approchantes, voire la même forme. Ces couleurs et ces formes vont peut-être renseigner sur l'origine probable du son afin d'évaluer le cheminement du compositeur lors de son travail en studio. Enfin l'occupation verticale donnera des indices sur le spectre, la hauteur ou le déplacement du son de gauche à droite. Il est possible de classer les représentations en deux types. La représentation peut être concrète s'il existe des rapports entre la forme et/ou la couleur du son et un critère sonore

Alain Mabanckou et ses deux lectorats. "Bigraphie" et construction d'un lecteur-monde

2020

Article publié à la suite d'un colloque sur : Ecrire pour les adultes, écrire pour les enfants (21-22 juin 2018 - Lyon). Organisé par l’IHRIM (UMR 5317) et PRALIJE-ESPE Comité d’organisation : Marion MAS (Université Lyon 1, IHRIM, PRALIJE), Anne-Marie MERCIER (Université Lyon 1, IHRIM, PRALIJE). Titre de l'ouvrage : "Écrire pour la jeunesse et pour les adultes. D’un lectorat à l’autre", dirigé par Mas (Marion), Mercier-Faivre (Anne-Marie), Classiques Garnier, coll. Rencontres (n°459), 2020. Résumé : La pratique « bigraphique » d’Alain Mabanckou est analysée à partir d’une analyse transtextuelle de son album pour les enfants, Ma Sœur-Étoile, et de son roman pour les adultes, Demain j’aurai vingt ans. Le but étant de voir comment, d’une part, le comportement scriptural de l’écrivain se module selon le destinataire visé et comment, d'autre part, la mixité éditoriale participe à la construction d’un lecteur-monde.

Récit et discours dans 2069 de Josselin Bordat : La posthumanité en question

Mémoire sur la Littérature du posthumain , 2021

Ce mémoire porte essentiellement sur l'orientation post/transhumaniste du recueil 2069 de Josselin Bordat. À travers une étude rhétorique qui met en exergue les différents axes sur lesquels est construite l'histoire de la posthumanité dans cette œuvre, nous revelons les implications formelles et substantielles d'une anticipation qui s'inscrit dans la même perspective narrative que celle du mythe de la Singularité. La Singularité étant elle-même au cœur du storytelling dominant des grandes entreprises transhumanistes (GAFAM etc), nous avons également jugé nécessaire d'analyser les points de convergence et de divergence entre ce que nous pourrions désigner comme étant une "propagande narrative" et ce qui est étiqueté comme étant des "histoires littéraires".

Rhétorique du monde muet dans « Le parti pris des choses » de Francis PONGE

مجلة البحث العلمی فی الآداب, 2020

Désigné par le « poète des choses », Francis PONGE tente de rendre compte de la beauté singulière qui émane des objets banals et quotidiens. Cette primauté reflète un double dessein : d'une part la volonté d'arracher l'homme à sa « vision anthropocentrique », d'autre part, l'engagement dans une tentative permettant de donner une voix à des éléments qui en sont privés grâce aux ressources cachées de la langue. Au-delà de la primauté apparente de l'objet se dissimule la prééminence du langage poétique. L'objectif de notre étude est de démontrer que l'ambition de l'auteur n'étant donc pas de reproduire des éléments quotidiens mais de fabriquer un nouvel objet poétique en manipulant le texte dans sa matérialité. Notre étude des principes de cette entreprise pongienne a adopté deux types d'approches sémiotique et stylistique que nous estimons se compléter et s'éclairer mutuellement. Cet angle de vue précis nous a permis d'aboutir à une meilleure explication des « qualités différentielles du texte pongien ».