Philippe Jaccottet : poésie, obstination d’un ton tendu vers l’autre (original) (raw)
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Philippe Jaccottet : le souffle et le chant de l’absence
2007
Cet article traite de la problématique de l’absence et de sa figuration dans l’oeuvre de Philippe Jaccottet sous l’inspiration philosophique et psychanalytique, à partir du motif du souffle que le poète privilégie dans les années soixante, notamment dans quelques poèmes, notes et textes en prose. Le souffle comme principe animateur mis en valeur par la tradition mystique, religieuse et philosophique est doté d’une signification autre chez les poètes contemporains comme Jaccottet, Celan ou Du Bouchet : support inaperçu de la voix et de l’écriture, il donne forme au vide et au silence. Imperceptible et invisible, ce motif représente le cliché du sujet « je » en retrait sur la scène énonciative, voire celui de Dieu s’absentant du monde, condamnant les poètes au désoeuvrement. Il hante ces paysages avec figures absentes comme le spectre du Dieu de la religion et de la métaphysique. Dans les textes en prose, le souffle assure l’échange intime entre le corps du dedans et l’air ambiant, en...
La poésie de Philippe Jaccottet : réparer l’absence, « à la frontière de Dieu »
Sophie Guermès, Quêtes littéraires nº 2, 2012 : Aux confins de l'absence
In 1961 Philippe Jaccottet wrote: "The best answer to all kinds of questions is the poem’s very absence of a response". In keeping with the elusive nature of the world, abandoned by the gods and by God, the poem remains mysterious, thus trans-lating as well as preserving the inexhaustible richness of Nature and human beings. So the poet not only accepts such a precarious situation, but learns from it. Nevertheless, when someone dear dies, the poet tends to deny the absence of the loved one and revolts against it, since there no longer are any signs of presence: merely incomprehensible absence. Yet he chooses to bear witness, even if he remains ignorant and weak. In effect, this is a duty: poetry provides a link which enables the separation to avoid becoming a definitive absence. Words are repairing shuttles.
Écrire dans les décombres : Philippe Jaccottet, des cendres à la semaison
Nouveaux cahiers de Marge, 2022
I. Fragments de l'histoire contemporaine : Requiem, « L'Insurrection au-delà des chênaies », « Dans un tourbillon de neige » Le refus de nommer Abstraire la poésie des contingences historiques « Pleurer ne creuse pas de graves plaies » Sang et décombres II. L'histoire, dispersion du friable La poussière, décantation de l'éphémère « Comment chanterait-on sous ces pierres friables ? » « Fêter de la poussière allumée » III. Le chercheur de décombres La lumière dans les débris : le poète en glaneur Une feuille d'or, et quelques fossiles Conclusion AUTHOR'S NOTES Cet article est publié quatre ans après la communication qui le suscita, en 2018. Entre-temps, nous avons pu lire la thèse soutenue en 2019 par Ludivine Moulière, qui relève elle aussi le motif de la pulvérisation et l'importance des figures identificatoires du glaneur et du semeur, en lesquelles elle trouve pour sa part des modèles d'une poésie du vieillir. Nos approches sont différentes mais nous voulions souligner l'existence de ces travaux, ainsi que ceux d'Andreea-Flavia Bugiac, dont la thèse porte sur la sensibilité historique de Philippe Jaccottet.
Paru aux é ditions Delarbre : http://www.marie-delarbre.fr/grignan.html - http://www.lelitteraire.com/?p=25909 « Je dois avoir un ancêtre qui s’appelle Rousseau, j’ai voulu relire Les Rêveries d’un promeneur solitaire, livre admirable mais dans lequel, au fond, Rousseau parle beaucoup de lui et très peu de la nature » déclarait Philippe Jaccottet en 1997. Malgré l’enracinement commun de leur écriture poétique et journalière au cœur de paysages naturels, la proportion des parts accordées au moi et à la nature les distingue très clairement. Le lecteur de Jaccottet le sait bien : le poète parle en ses recueils bien plus de la nature qu’il ne parle de lui-même, et aspire plus à faire parler la nature qu’il ne tente de parler lui-même. Sources, ruisseaux, rivières, montagnes, cerisiers, églantiers, cognassiers, pommiers, fleurs, cailloux, chats-huant, criquets, rossignols… la poésie de Jaccottet abrite un microcosme bruissant et animé, une nature loquace face à laquelle le « je » semble parfois demeurer taciturne ; l’élection qui l’attache à Grignan en 1953 fera de ces paysages qui s’offrent alors à lui le combustible essentiel à son écriture comme à sa vie poétique ; source d’inspiration, terre riche de fragments d’un âge d’or perdu, le paysage permet ainsi au poète d’éprouver son écriture par ses tentatives de (re)présentations, et son contact quotidien lui permet surtout de « vivre de telle manière que l’écrit naisse naturellement » (La Semaison) ; le paysage de Grignan, à la façon d’un attrape-rêve, filtrerait ainsi l’angoisse qui noue la gorge du poète pour lui permettre de s’abreuver enfin librement à la source de la Présence et de la vie. © Marie Delarbre Éditions Dépôt légal : octobre 2016 ISBN : 978-2-913351-33-2 ISSN collection : 1635-6373
Et à sa rencontre descendent d'au-delà du ciel d'autres vols, plus blancs encore… La Semaison La réflexion sur la musique dans la poésie moderne de langue française est ténue mais insistante : on la retrouve notamment chez Pierre Jean Jouve, Louis-René des Forêts, Yves Bonnefoy, Claude Vigée, entre autres. Plusieurs travaux critiques ces dix dernières années en ont souligné l'importance 1 , et mis en valeur ces voix particulières qui régénèrent leur exigence poétique aux sources d'un autre art, dans un dialogue qui excède d'ailleurs largement les frontières nationales. Il en ressort dans une large mesure que la musique, in dürftiger Zeit, pourrait, par la puissance de fascination dont elle témoigne, constituer un élément de réassurance pour le poète, ou pour le dire en termes jaccottéens, « une obole pour le passeur », à même de susciter une « joie », suffisante peut-être pour remettre en route une forme d'élan qui permette de « se frayer un chemin dans la venue de la nuit » [CI, OE 1346 2 ]. Dans le cadre de cette réévaluation, la voix du poète vaudois apparaît singulière. Si Jaccottet partage avec sa génération et celle qui le précède la conscience aiguë qu'« il y a presque trop/de poids du côté sombre où je nous vois descendre » [CI, OE 1345], considère-t-il pour autant que la musique puisse constituer un adjuvant dans le cadre de la quête poétique, elle qui tente de « redresser avec de l'invisible chaque jour » [CI, OE 1346] ? 1 De ce point de vue, nous renvoyons évidemment aux ouvrages fondateurs de Michèle Finck, Vorrei e non Vorrei. Poésie moderne et musique, Paris, Champion, 2004, et Épiphanies musicales en poésie moderne. Le musicien panseur, Paris, Champion, 2014. Voir aussi, entre autres, Anne Faivre-Dupaigre, Poètes musiciens, Cendrars, Mandelstam, Pasternak, Presses Universitaires de Rennes, 2006, ainsi que les travaux de Natacha Lafond, Marik Froidefond, Irène Gayraud et nous-même. 2 Nous nous référerons tout au long de cet article à l'édition des OEuvres par José-Flore Tappy, avec Hervé Ferrage, Doris Jakubek et Jean-Marc Sourdillon, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2014 [OE]. Les abréviations feront figurer le nom du recueil, suivi de la pagination dans l'édition Pléiade. CI = Le Combat Inégal, remerciement pour le Grand Prix Schiller ; ABA = Après beaucoup d'années ; CV = Cahier de verdure ; S = La Semaison ; S2 = La Seconde Semaison ; S3 = Carnets (La Semaison III) ; O = Observations ; MR = À partir du mot Russie ; EN = Et, néanmoins ; C = Les Cormorans ; B = Beauregard ; PA = Promenade sous les arbres ; EM = L'Entretien des muses ; PB = Ce peu de bruits ; BP = Le Bol du pèlerin ; A = Airs ; L = Leçons. Par ailleurs, d'autres ouvrages ne figurent pas en Pléiade et se trouvent abréviés ici : TSO = Taches de soleil, ou d'ombre, Paris, Le Bruit du Temps, 2013 ; NB = « Extraits du Notenbüchlein », NRF n° 462, juillet-août 1991.
D’une Semaison à l’autre : contribution à une lecture des carnets de Philippe Jaccottet
2009
This M.A. thesis concerns the notebooks of the poet Philippe Jaccottet ; it attempts to find the main lines of a practice of writing which evolves as time goes by and to determine the status of the notebooks with regard to the rest of the work. The first four chapters of this thesis establish the characteristics of the writing of notebooks, by studying closely texts as well as their evolution over the years, and by comparing these texts with the works published at the same time. We notice that as time advances, the works tend to look like the texts found in notebooks. The last two chapters interpret, more globally, the work that we see in notebooks. Not only the notebooks are the most suited to lead a reflection on the poetry, they also insure cohesion and validity to the work.
Jacques Jouet : Poésie et monotype
L'Esprit Créateur, 2018
ACQUES JOUET AIME LES COLLABORATIONS en atelier ou par courrier (papier ou internet), en ville ou à la montagne. Il travaille avec des enfants, des apprentis, des personnes âgées, des écrivains, des artistes, des poètes (oulipiens ou non), etc. Son objectif est de mettre les mots en relation. En 2004, il publie avec l'artiste suisse Tito Honegger un livre, Optitoh qui mêle Tito et Oulipo et dont le texte fonctionne en résonance avec les vues d'atelier et les sculptures de l'artiste. Ce texte de commande devient le point de départ d'une nouvelle collaboration en 2008 avec un nouveau livre intitulé Un énorme exercice. Cette fois, les mots et les images ne sont plus associés après avoir été produits indépendamment, mais écrits et dessinés ensemble et présentés sous forme de monotypes. L'atelier d'Honegger devient le lieu d'un travail commun où les mots dits sont immédiatement saisis et transformés en impressions à tirage unique. Chaque impression génère un nouveau poème, et ainsi de suite. Jouet et Honegger continuent ensuite leur collaboration avec Paresse (2010), un cahier de seize pages qui rassemble des photographies de textes de Jouet, sculptés en fil de fer par l'artiste, et le mot paresse, cousu en fil de fer sur la couverture. Enfin, en 2012 paraît Montagneaux, le titre évoquant à la fois la montagne, l'eau et le cri des pastoureaux sur les chemins de transhumance : « monte agneau ! ». Ce livre a été réalisé « en compagnonnage 1 » et en montagne, dans le Val d'Herens valaisan avec, pour Honegger, un carnet de dessins et pour Jouet, un carnet de poèmes. Il présente une écriture mêlée, à la fois visuelle et verbale, les poèmes inventés et dits d'un seul trait sur le motif faisant écho au paysage et aux dessins qui, de leur côté, répondent aux mots avant d'être transférés, une fois et une seule, à la main, sur papier japon. Cette écriture de « certitude » (Montagneaux 13) interdit les retours en arrière. Elle révèle, pour parler comme Barthes lorsqu'il évoque le lien entre l'image photographique et l'objet de la représentation, une pratique indicielle. Cette pratique saisit le paysage et l'écriture par contact et sans repentir de manière à inclure, ici en monotype et en poésie, « la présence de la chose (à un certain moment passé) [d'une façon qui] n'est jamais métaphorique ; la photo est littéralement une émanation du référent 2 ». Ce passage par le tactile, à l'oeuvre dans Montagneau, participe du mélange des sens et des médias que cette étude propose d'observer. Elle interrogera particulièrement la façon dont les règles de la randonnée et du toucher permettent d'inclure la montagne et le