Louis-Antoine BEAUNIER, inspecteur g�n�ral des mines (original) (raw)
N� le 15 janvier 1779 � Melun. D�c�d� le 20 ao�t 1835. Fils de Antoine Louis Beaunier et de Cl�mentine Sourdeau.
NOTICE N�CROLOGIQUE extraite des ANNALES DES MINES, 1835, pp 515-540
Par M. DE BONNARD
_[NDLR: M. de Bonnard fut nomm� inspecteur g�n�ral de 1re classe le 14 septembre 1835, sur le poste lib�r� par M. Beaunier_]
LOUIS-ANTOINE BEAUNIER, inspecteur g�n�ral au corps royal des mines, ma�tre des requ�tes au conseil d'�tat, officier de la L�gion-d'Honneur, �tait n� � Melun, le 15 janvier 1779. Son p�re, fils d'un notaire de cette ville, n'ayant pas suivi la carri�re paternelle, s'�tait livr� avec succ�s � la culture des lettres, et voulait diriger lui-m�me l'�ducation de ses deux fils; mais, port� en 1791 aux premi�res places de l'administration d�partementale par la confiance de ses concitoyens, il fut proscrit peu de temps apr�s, et oblig� de se cacher � Paris. Quelques amis lui firent obtenir, du comit� de salut public, une de ces mises en r�quisition, par lesquelles un assez grand nombre de personnes furent plac�es � l'abri d'une partie au moins des effets du r�gime de la terreur. Les jeunes Beaunier �tudi�rent le dessin et la peinture dans l'atelier de Regnault, et l'un d'eux a suivi avec distinction la carri�re des arts. M. Beaunier p�re fut attach� successivement � diverses administrations ; il a �t� depuis, pendant assez long-temps, chef de bureau au minist�re de l'int�rieur, et ensuite chef de division � la direction g�n�rale des ponts et chauss�es. Plusieurs productions litt�raires l'ont fait conna�tre d'une mani�re avantageuse.
Deux arr�t�s du comit� de salut public, des 13 et 18 messidor an II (juillet 1794), ayant institu� une Agence des mines, sous les ordres de laquelle devaient �tre plac�s 8 inspecteurs, 12 ing�nieurs, et 40 �l�ves, Louis-Antoine Beaunier, alors �g� de 16 ans, se pr�senta aux examens ouverts en ex�cution de ces arr�t�s, et il fut re�u �l�ve des mines le 19 vent�se an III (9 mars 1795). Peu apr�s, la loi du 30 vend�miaire an IV ayant ordonn� que le nombre des �l�ves des mines serait r�duit � vingt, par un concours entre tous les �l�ves pr�c�demment admis, il fut l'un des �l�ves conserv�s.
Dans l'intervalle des �poques des cours de l'Ecole des mines, M. Beaunier parcourut en 1795 les Pyr�n�es et le Languedoc, avec MM. Picot-la-Peyrouse et Duhamel, et en 1797 les Alpes italiennes et dauphinoises, sous la conduite de Dolomieu. En octobre 1798, n'ayant pas encore vingt ans, il fut nomm�, au concours, ing�nieur des mines, et pendant dix-huit mois il fut employ� au laboratoire de l'Ecole des mines sous les ordres de Vauquelin, et charg� de coop�rer aux examens des �l�ves sur la chimie et la m�tallurgie. Il fit � cette �poque, avec M. Cordier, de nombreuses exp�riences, sur les divers minerais de mangan�se, fran�ais, dont les r�sultats sont consign�s dans le tome X du Journal des mines [voir le tome X, num�ro LVIII, Messidor].
En 1800, M. Beaunier visita, par autorisation du ministre, mais � ses frais, les montagnes et les mines de l'Auvergne et du Lyonnais. En 1801, il s�journa, pendant plusieurs mois, avec M. de Gallois, sur les mines de plomb de Poullaouen et d'Huelgoat. Au retour, les voyageurs se partag�rent la r�daction de leurs observations communes. M. Beaunier se chargea des parties qui avaient rapport � la pr�paration m�canique des minerais et � leur traitement m�tallurgique, ainsi qu'� des exp�riences sur les trempes, et � d'autres exp�riences sur l'appr�ciation de la temp�rature dans les fourneaux, aux principales �poques des op�rations. Ses m�moires sur ces divers sujets ont �t� publi�s dans le Journal des mines, t. XII et XVI. Les manuscrits des r�dactions de M. de Gallois ont �t� malheureusement perdus.
C'est apr�s sept ann�es ainsi employ�es en voyages et travaux th�oriques et pratiques, aussi instructifs que vari�s, qu'en 1802, �poque � laquelle les ing�nieurs des mines furent, pour la premi�re fois, plac�s � poste fixe dans les diverses parties de la France, M. Beaunier fut charg� du service d'un arrondissement, compos� des d�partemens des Ardennes, des For�ts, de la Meuse, de la Marne et de Seine-et-Marne. Atteint par une maladie grave, au milieu de sa premi�re tourn�e, il ne put reprendre son service que l'ann�e suivante, et son m�rite fut si promptement appr�ci� par les administrateurs avec lesquels ce service le mettait le plus en relation, que d�s 1804, les pr�fets des For�ts et des Ardennes demand�rent avec instance au ministre de l'int�rieur � �tre seuls charg�s de contribuer au traitement de l'ing�nieur des mines (De 1802 � 1810, une partie des appointemens des ing�nieurs des mines �tait pay�e par les d�partemens qui composaient les arrondissemens de ces ing�nieurs), pour toute la somme qui avait �t� mise � la charge des cinq d�partemens, afin que l'arrondissement de M. Beaunier p�t �tre r�duit � leurs deux d�partemens, auxquels sa pr�sence continuelle et l'emploi de tout son temps seraient d'une tr�s grande utilit�. D�s lors en effet, l'activit�, le z�le et la conduite du jeune ing�nieur, ainsi que l'�tendue de ses connaissances et les r�sultats de ses travaux sur la statistique min�rale, �taient l'objet des �loges de l'administration centrale et des pr�fets. Le tome XVI du Journal des mines contient un rapport qu'il a r�dig� en 1803, sur l'ancienne mine de cuivre de Stolzenbourg.
La circonstance remarquable que pr�sente le d�but de la carri�re d'ing�nieur de M.Beaunier, s'est fr�quemment renouvel�e pendant le cours de cette carri�re: partout o� un administrateur avait appris � le conna�tre, il voulait l'attacher � son d�partement, l'y conserver ou l'y faire revenir.
En l805, sur la demande du pr�fet de la Moselle et du conseil g�n�ral de ce d�partement, l'arrondissement de M. Beaunier fut form� par les d�partemens de la Moselle et des For�ts, et sa r�sidence fut fix�e � Metz. Ce changement lui procurait la double satisfaction d'�tre plac� pr�s d'un pr�fet (M. de Vaublanc), compatriote et ancien ami de sa famille, et d'un ing�nieur en chef (M. Duhamel), qui avait �t� le guide de ses premi�res courses min�ralogiques, et pour lequel il avait conserv� un sinc�re attachement.
La r�gularisation difficile des exploitations de mini�res de fer de Saint-Pancr� et d'Aumetz, commenc�e par les soins de M. H�ron de Villefosse, son pr�d�cesseur, fut l'un des principaux objets des travaux de M. Beaunier dans le d�partement de la Moselle : l'Atlas de Saint-Pancr�, qu'il dressa alors, a rendu facile l'ex�cution de toutes les mesures administratives concernant les g�tes de ces minerais, pr�cieux pour les forges du pays, et dont l'exploitation avait eu lieu, pendant long-temps, avec beaucoup de d�sordre.
A cette �poque on discutait au conseil d'�tat les bases d'un projet de loi sur les mines. Napol�on, qui appr�ciait les difficult�s de cette l�gislation exceptionnelle, interrogea assez longuement, en passant � Metz, en 1806, l'ing�nieur des mines qui lui fut pr�sent� et il parut frapp� de la justesse et de la lucidit� de ses r�ponses.
Des discussions et des r�clamations, nombreuses et compliqu�es, s'�tant �lev�es dans le d�partement du Gard, relativement � l'exploitation d�s mines de houille des environs d'Alais, un d�cret imp�rial, du 18 septembre 1807, ordonna l'envoi extraordinaire d'un ing�nieur sur les lieux, � l'effet d'examiner tous les titres et toutes les pr�tentions qui se trouvaient en conflit, et de proposer, tant pour les anciennes concessions, que pour des concessions nouvelles, les limites et les conditions les plus convenables. M. Beaunier fut charg� de cette mission importante. Le rapport tr�s d�velopp� qu'il r�digea en 1808 lui m�rita des �loges unanimes, et ses propositions furent adopt�es par le pr�fet, par l'administration des mines et par le ministre de l'int�rieur, pour �tre soumises au gouvernement.
Le pr�fet du Gard sollicitait vivement alors, pr�s du ministre de l'int�rieur, une disposition qui fix�t M. Beaunier dans ce d�partement; offrant pour contribuer � son traitement, sur le vote du conseil-g�n�ral, une allocation annuelle de 2400 francs; mais le retour de l'ing�nieur �tait aussi vivement r�clam� par les pr�fets des For�ts et de la Moselle :il revint dans son arrondissement, � la fin de 1808.
Un d�cret du 13 septembre 1808 ayant prescrit la division en soixante concessions des terrains houillers des environs de Sarrebr�ck, qui jusqu'alors avaient �t� exploit�s exclusivement par des fermiers du domaine de l'�tat, l'administration chargea, en 1809, MM. Beaunier et Calmelet, sous la direction de M. Duhamel, des op�rations pr�liminaires � cette division. Il fallait acqu�rir une connaissance compl�te du sol � diviser et des couches de houille qu'il renferme, en coordonnant le lever g�om�trique et le nivellement g�n�ral de tous les indices de houille �pars sur le sol, avec le lever et le nivellement de tous les travaux des mines. Ce travail consid�rable, le premier de ce genre qu'on ait fait en France, fut ex�cut� par les ing�nieurs avec un soin et un talent remarquables, pendant l'�t� de 1809 et le commencement de l'hiver suivant.
Mais d�j� la confiance de l'administration sup�rieure rappelait M. Beaunier dans le midi de la France. Plusieurs concessions de mines importantes de houille-lignite venaient d'�tre accord�es dans le d�partement des Bouches-du-Rh�ne. Dans le Gard, un d�cret du 12 novembre 1809, modifiant d'une mani�re notable les propositions du ministre, avait r�gularis� seulement trois concessions, et laissait encore beaucoup � faire pour l'institution de quatre concessions voisines. De nouvelles instances du pr�fet obtinrent que M. Beaunier v�nt reprendre sur de nouvelles bases et compl�ter son pr�c�dent travail. On le chargea en m�me temps de d�terminer les ouvrages d'art auxquels les concessionnaires des mines des d�partemens du Gard et des Bouches-du-Rh�ne devaient �tre assujettis, et d'en diriger l'ex�cution.
M. Beaunier ne partit pour cette nouvelle mission, qu'apr�s avoir re�u la r�compense due � ses travaux pr�c�dent : nomm� ing�nieur en chef le 29 juin 1810, son arrondissement fut form� de huit d�partemens, au nombre desquels furent compris les Bouches-du-Rh�ne et le Gard.
L'examen d'un objet important lui �tait recommand� par le ministre de l'int�rieur, comme confidentiel: le prix de la houille venait de s'�lever, sur le march� de Marseille, dans une assez forte proportion, et quelques consommateurs r�clamaient, � ce sujet, contre le syst�me des concessions, qu'on venait d'appliquer au d�partement, accusant en m�me temps les concessionnaires et m�me l'administration d'une connivence coupable. M. Beaunier prouva, dans ses rapports, que la hausse dont on se plaignait n'�tait due qu'� des causes naturelles, principalement � l'accroissement consid�rable et subit que l'�rection d'un grand nombre de fabriques de soude avait produit dans la consommation de la houille, et que les concessionnaires de mines ne profitaient de cette hausse de prix que dans une bien faible proportion.
Le lever des plans souterrains de toutes les mines de houilles des Bouches-du-Rh�ne, et le nivellement g�n�ral de tous les terrains conc�d�s furent prescrits en mars 1811, par le ministre de l'int�rieur, sur les propositions de M. Beaunier. Au mois de juin suivant, un nouveau rapport, concernant les mines de houille du Gard, termina l'instruction locale qu'avait exig�e l'ex�cution du d�cret du 12 novembre 1809, et dont la pr�paration avait �t� confi�e � M. l'ing�nieur Guenyveau.
Peu de mois apr�s, M. Beaunier perdit son p�re. Se trouvant � Paris � l'occasion de ce douloureux �v�nement, en mars 1812, il fut pr�cipitamment envoy� � Li�ge avec M. Cordier, inspecteur divisionnaire, pour y faire une enqu�te sur les causes des �v�nemens d�sastreux dont les mines de Li�ge �taient alors le th��tre.
Cette mission dura trois mois et fut tr�s laborieuse : ind�pendamment du proc�s-verbal de l'enqu�te relative � la mine de Beaujonc, le comit�, institu� � Li�ge par un arr�t� du ministre, et compos� de MM. Cordier, Beaunier, Mathieu, Blavier, et Migneron secr�taire, dut proposer les mesures d'urgence � appliquer � chacune des mines de houille du d�partement de l'Ourthe, qui offraient des causes imm�diates ou prochaines de danger, ainsi que les d�veloppemens dont les r�glemens de police relatifs aux mines lui paraissaient susceptibles; il dut enfin pr�senter ses vues, sur les moyens de coordonner les dispositions l�gislatives et le r�gime administratif des mines de France avec les anciens usages et r�glemens du pays de Li�ge, � l'effet de m�nager, s'il �tait possible, un avenir exempt de nouvelles catastrophes aux deux cents exploitations de houille de la contr�e. Cette derni�re partie du travail fut plus sp�cialement l'ouvrage de M. Beaunier.
Les circonstances d�plorables qui avaient occasion� l'institution du comit� de Li�ge, et les rapports de ce comit� contribu�rent � faire sentir, d'une mani�re plus frappante, les dangers que l'on courait, en �tendant le droit d'user et d'abuser � la jouissance des mines conc�d�es, et la n�cessit� de la haute surveillance exerc�e par le gouvernement sur les exploitations de mines, dans l'int�r�t de l'ordre public. Lors de leur retour, MM. Cordier et Beaunier furent charg�s, avec M. Lefebvre d'Hellencourt, inspecteur g�n�ral, de pr�parer un projet de r�glement g�n�ral de police souterraine, projet qui a servi de base au d�cret du 3 janvier 1813 sur cet objet.
Le pr�fet du d�partement de l'Ourthe avait �crit au directeur g�n�ral des mines, pour le prier de fixer M. Beaunier � Li�ge, comme ing�nieur en chef. M. Beaunier r�clama contre cette d�marche, faite � son insu : il revint � Paris, et ce fut pour �tre presque aussit�t charg� d'un autre travail extraordinaire.
Les mines de houille du d�partement de la Loire, que leur richesse et leur position, au centre de la France et dans un territoire appuy� � deux grands fleuves, peuvent faire consid�rer comme les mines les plus importantes du royaume, �taient depuis long-temps le th��tre d'extractions d�sordonn�es, par suite d'anciennes coutumes locales, dont une l�gislation incertaine n'avait pu combattre les effets. La loi du 21 avril 1810 sur les mines, et l'affermissement g�n�ral de l'ordre en France, permettant � l'administration de chercher � r�gulariser l'exploitation de cette source pr�cieuse de richesse publique, on reconnut qu'il �tait n�cessaire de commencer par d�finir exactement l'objet sur lequel on voulait agir, ainsi qu'on l'avait fait en 1809 pour le bassin houiller de Sarrebr�ck. Mais, dans le d�partement de la Loire, le travail �tait plus compliqu�, en raison de la vari�t� de gisement que pr�sentent dans ce bassin divers syst�mes ou groupes de couches de houille, ainsi que de la grande quantit� de fouilles et d'exploitations, entreprises depuis long-temps sur ces couches, et n'ayant entr'elles aucune coordination. La direction de cette Topographie ext�rieure et souterraine du territoire houiller de Saint-Etienne et de Rive-de-Gier fut confi�e � M. Beaunier, auquel M. Guenyveau, alors ing�nieur du d�partement de la Loire, et MM. Ch�ron, Gab�, Dubosc et de Gargan, aspirans, furent adjoints comme collaborateurs. Les difficult�s, que la r�sistance de plusieurs exploitans de mines semblait d'abord opposer, furent bient�t lev�es par l'active intervention de M. Beaunier, et les op�rations s'ex�cut�rent pendant la fin de 1812 et le commencement de 1813. Leurs r�sultats, comprenant les plans d'une �tendue superficielle de pr�s de 26 mille hectares, le nivellement de lignes de plus de 200 kilom�tres de d�veloppement, le trac� des affleuremens des nombreuses couches de houille et celui de l'intersection de toutes ces couches avec un plan horizontal donn�, la position de toutes les ouvertures des mines en activit� et des mines abandonn�es, les plans int�rieurs de 67 mines, l'annotation des anciens d�houillemens et des circonstances les plus remarquables de l'exploitation, l'indication des moyens d'�coulement naturel des eaux dans les diverses localit�s, etc., sont consign�s dans un atlas de 46 grandes feuilles, un registre de nivellement et un volume de texte, qui contient un aper�u g�ologique de la contr�e, la description des mines de houille, des observations g�n�rales sur la richesse, les d�bouch�s, l'administration de ces mines, et des vues d'am�lioration. Ce beau travail peut servir de mod�le � tous les travaux du m�me genre ; un extrait du texte a �t� ins�r� en 1816 dans le tome Ier des Annales des mines, avec la carte d'assemblage des feuilles de l'atlas.
Cette mission n'avait pas emp�ch� M. Beaunier de rester charg� en chef du service dans l'arrondissement dont N�mes �tait le chef-lieu, et dans lequel il fut m�me oblig� de faire une tourn�e pendant le cours des op�rations de Saint-Etienne. Ces derni�res n'�taient pas encore compl�tement termin�es, lorsqu'il fut nomm�, en f�vrier 1813, directeur de l'�cole pratique de Geislautern, en remplacement de M. Duhamel, appel� � Paris comme inspecteur g�n�ral.
Un arr�t� des consuls du 23 pluvi�se an X ( 13 f�vrier 1802) avait ordonn� l'institution de deux �coles pratiques des mines, � Geislautern, d�partement de la Sarre, et � Pesey, d�partement du Mont-Blanc ; mais, par suite de l'insuffisance des fonds, on n'avait pu organiser qu'� Pesey un �tablissement d'instruction. A Geislautern l'�cole n'�tait qu'en projet, et l'�tablissement consistait en une grande usine � fer et une mine de houille, dirig�es au compte de l'administration des mines. Cette direction ouvrit � l'esprit de M. Beaunier une nouvelle carri�re, en d�veloppant la facult� d'application pratique dont il �tait �minemment dou�. Tout ce qui pouvait perfectionner les proc�d�s ou accro�tre les produits de Geislautern fut l'objet de ses investigations empress�es, et l'administration �conomique et la comptabilit� d'une usine lui devinrent promptement aussi famili�res que les d�tails techniques. Les �v�nemens politiques, qui bient�t apr�s enlev�rent � la France le pays de Sarrebr�ck, ne permirent pas le d�veloppement de ses vues; mais, d�s les premiers mois de sa gestion, avant la fin de 1813, il �tait parvenu � faire fabriquer � Geislautern de l'acier fondu, sup�rieur en qualit� aux aciers de Li�ge, et d'un prix moins �lev�.
Dans l'hiver de 1813 � 1814, lorsque toute la contr�e environnante �tait en proie aux ravages du Typhus, les soins actifs et �clair�s de M. Beaunier pr�serv�rent Geislautern de la contagion. On venait, de tous les villages voisins, s'adresser � lui, pour avoir les mat�riaux et les proc�d�s des fumigations de Chlore, auxquelles il semblait impossible de ne pas attribuer une exception aussi frappante � la calamit� g�n�rale.
R�fugi� et enferm� � Metz pendant l'invasion de 1814, M. Beaunier retourna � Geislautern lors de la paix, pour �tre oblig� de fuir de nouveau en juin 1815. Cette fois, ce ne fut pas sans courir des dangers personnels, et il dut ensuite employer autant d'adresse que de courage, pour sauver le mat�riel, les produits et les pi�ces de comptabilit� de l'�tablissement qui lui �tait confi�. Profond�ment afflig� des maux de son pays, auquel il voyait d'ailleurs avec un chagrin particulier que les belles mines et usines des environs de Sarrebr�ck allaient devenir �trang�res, il �tait p�niblement affect� aussi du renversement de sa position : � Me voici, � �crivait-il � un ami, � chass� d'un lieu auquel deux ans de douleur m'avaient fortement attach�, et je vois en un instant s'�crouler tout l'�chafaudage de petite gloire et de bien-�tre que j'avais �lev� pour l'avenir, non sans de grands labeurs..... Mais, grand Dieu, que mes peines personnelles sont peu de chose, aupr�s des sentimens que les maux de la patrie me font �prouver ! �
Elev� � la premi�re classe de son grade le 1er janvier 1816, M. Beaunier fut charg� d'un arrondissement, comprenant les d�partemens de la Ni�vre, du Cher, de l'Allier et de Sa�ne-et-Loire. On lui confia, de plus, le service du d�partement de la Loire, conjointement avec M. de Gallois, en r�unissant � Saint-Etienne ces deux ing�nieurs en chef, comme commission temporaire, pour le service des mines de ce d�partement, et principalement pour l'application du r�gime l�gal des concessions � des exploitations aussi irr�guli�res que nombreuses. Le travail topographique, ex�cut� par M. Beaunier en 1812, �tablissait les bases sur lesquelles cette r�gularisation devait �tre appuy�e; mais l'op�ration administrative �tait encore h�riss�e de difficult�s : d'un c�t�, l'anciennet� des usages locaux, qui subordonnaient enti�rement dans ce pays l'exploitation des mines � la propri�t� du sol, et les habitudes inv�t�r�es, m�me les droits r�els qui en r�sultaient; la multiplicit� des int�r�ts et des pr�tentions qui, � l'annonce d'un changement, s'�levaient et se croisaient dans tous les sens; enfin des pr�ventions presque hostiles contre toute intervention de l'administration des mines ; de l'autre c�t�, la rigueur des principes pos�s par les lois, et la n�cessit�, que la nature des choses impose d'ailleurs, de r�gler l'exploitation des mines dans un but d'utilit� g�n�rale, rendaient ces difficult�s presque inextricables. L'am�nit� du caract�re de M. Beaunier, les formes conciliantes de son esprit, la confiance qu'il sut inspirer aux exploitans et aux propri�taires de sol, contribu�rent peut-�tre plus que toute autre chose � obtenir, sinon la fusion compl�te d'int�r�ts si diff�rens, au moins la r�union des principaux int�ress�s en groupes tellement form�s, qu'il f�t possible de les coordonner avec les divisions trac�es par l'administration, d'apr�s la disposition des g�tes de houille. Ce sont aussi les longs efforts de M. Beaunier, ses instantes sollicitations, et l'encha�nement convaincant des faits, des raisonnemens, des consid�rations qu'il a d�velopp�s dans ses rapports, qui ont amen� l'administration � se d�partir des r�gles s�v�res qu'elle s'�tait impos�es jusqu'alors, comme principes des concessions de mines, et � admettre, pour le r�glement des droits des propri�taires du sol, et pour la coordination des int�r�ts des propri�taires et des exploitans, des dispositions sp�ciales, sans l'adoption desquelles il e�t �t� probablement impossible d'obtenir la r�gularisation des mines de houille de la Loire.
C'est ainsi qu'on a pu instituer dans l'arrondissement de Saint-Etienne 56 concessions de mines de houille; c'est ainsi que les possessions, les jouissances, toujours contest�es jusqu'alors ou contestables � chaque instant, pour les mines comme pour les droits de tr�fonds, �tant devenues des propri�t�s l�gales, ont acquis sur-le-champ des valeurs incomparablement plus grandes, et que cette contr�e a pu voir se d�velopper sans obstacle la richesse min�rale dont elle a �t� dot�e par la nature.
Ces op�rations, auxquelles ont pris part successivement MM. les ing�nieurs DesRoches, Burdin, Thibaud et Dels�ri�s, ont dur� plusieurs ann�es ; mais d'autres objets d'une grande importance occupaient en m�me temps M. Beaunier. D�s le commencement de 1816, il avait appel� l'attention de l'administration sup�rieure sur les graves inconv�niens qui provenaient, dans les mines de France, de l'ignorance g�n�rale des ma�tres mineurs, en ce qui concerne les premiers principes de la g�om�trie et de l'art des mines, ce qui rendait le plus souvent inefficaces les visites des exploitations par les ing�nieurs, et les conseils donn�s par eux � des hommes qui ne pouvaient ni les comprendre ni les suivre. Il faisait voir que la cr�ation d'une �cole �l�mentaire, destin�e � former des chefs d'atelier et m�me des directeurs d'exploitation, �tait n�cessaire, pour que les ing�nieurs des mines pussent �tre utiles et les exploitations am�lior�es ; il proposait d'�tablir cette �cole avec l'unique secours des fonds sauv�s � l'�cole de Geislautern, et de la placer � Saint-Etienne, comme dans la localit� o� elle pouvait r�unir le plus de moyens d'instruction pratique, et �tre le plus imm�diatement profitable. La justesse de ces vues frappa l'administration : l'Ecole des mineurs fut institu�e, par une ordonnance royale du 2 ao�t 1816, conform�ment au plan propos� par M. Beaunier; le 19 du m�me mois il en fut nomm� directeur. Il sut faire marcher de front l'organisation d'un �tablissement, dans lequel il fallait tout cr�er, et le professorat qu'il y exer�a pendant plusieurs ann�es, avec les travaux administratifs difficiles qu'il dirigeait seul pendant le long voyage en Angleterre de M. de Gallois; et non-seulement ses pr�visions relatives � l'�cole ont �t� promptement justifi�es par le succ�s, mais ce succ�s a �t� tel, qu'il a fallu, en peu d'ann�es, donner un d�veloppement de plus en plus consid�rable, � une institution dont l'heureuse influence s'est fait sentir de plus en plus, dans les mines de toutes les parties de la France, et qui, aujourd'hui, fait participer constamment 120 �l�ves (dont 80 �l�ves ouvriers), � deux degr�s diff�rens d'instruction.
M. Beaunier voulut en outre profiter de son s�jour dans un pays aussi f�cond en ressources pour l'industrie min�ralurgique, en cr�ant des entreprises industrielles qui fussent utiles � son pays. D�s 1817 il chercha � introduire clans la fabrication des aciers fran�ais un perfectionnement depuis long-temps d�sir�, en faisant raffiner � la houille, par les m�thodes allemandes, les produits des aci�ries de Rives, et en donnant � ces aciers raffin�s les diverses qualit�s que r�clament les usages divers auxquels ils sont destin�s. Ayant obtenu, de M. le directeur g�n�ral, l'autorisation de diriger � cet effet une entreprise particuli�re, il fit �tablir � La B�rardi�re, pr�s Saint-Etienne, par un capitaliste avec lequel il �tait li�, une usine, qui, d�s la premi�re ann�e, livra au commerce des produits sup�rieurs. Encourag�s par le succ�s, les propri�taires �tendirent de plus en plus leur entreprise, d'abord en fabriquant � Beaupertuis, pr�s Rives, leurs aciers bruts, puis en produisant eux-m�mes les fontes d'acier dans le haut-fourneau de Saint-Hugon, relev� pour cet objet de ses ruines, construit et dirig� par M. Beaunier.
M. Beaunier introduisit aussi � La B�rardi�re la fabrication de l'acier fondu : en 1819, l'ensemble des usines �tait d�j� mont� de mani�re � produire annuellement 240,000 kilog. d'acier naturel raffin�, et 30,000 kilog. d'acier fondu soudable. D�s 1818 les produits de ces usines avaient obtenu une m�daille d'or, de la soci�t� d'encouragement pour l'industrie nationale; en 1819, � la suite de l'exposition des produits de l'industrie fran�aise, le gouvernement accorda aussi � M. Beaunier une m�daille d'or, et la d�coration de la L�gion-d'Honneur. A l'exposition suivante, en 1823, il fut fait rappel de la m�daille d'or de 1819, tant pour les fontes d'acier de Saint-Hugon que pour les aciers bruts de Beaupertuis, et pour les aciers fondus et autres, de toutes qualit�s, obtenus � La B�rardi�re. Peu de temps apr�s M. Beaunier cessa de diriger ces �tablissemens.
Il s'occupait alors, et d�j� depuis plusieurs ann�es, d'un autre progr�s industriel, plus important encore : il voulait introduire en France les chemins de fer, en construisant une voie de ce genre, qui unirait le Rh�ne � la Loire, � travers le bassin houiller de Saint-Etienne, chemin devant procurer imm�diatement � la richesse min�rale de ce pays des d�bouch�s faciles, et former peut-�tre, dans la suite, un anneau de la grande cha�ne de communication commerciale entre Marseille, Paris et le Havre. Quelques capitalistes �clair�s, appr�ciant promptement la haute valeur de l'id�e de M. Beaunier, s'associ�rent avec lui pour la mettre en pratique, en commen�ant par la communication entre Saint-Etienne et la Loire, et ils lui en confi�rent l'ex�cution. Il alla en Angleterre �tudier les chemins de fer les plus perfectionn�s � cette �poque. Une ordonnance du 26 f�vrier 1823 autorisa la compagnie qu'il avait form�e, � ex�cuter le chemin de fer de Saint-Etienne � Andrezieux; une autre ordonnance, du 30 juin 1824, approuva le trac� et les plans dress�s par M. Beaunier, pour une longueur d�velopp�e de 23 kilom�tres : le chemin fut construit sous sa direction pendant les ann�es suivantes, et livr� au public en ao�t 1827.
Le Chemin de fer de Lyon � Saint-Etienne
Dans cette op�ration, M. Beaunier avait � lutter contre les obstacles que pr�sente toujours la cr�ation d'une industrie nouvelle, et � se pr�server des m�comptes, des fautes que l'inexp�rience fait presque toujours commettre dans la pratique. Le peu de longueur totale de son chemin, et la quotit� connue et mod�r�e du tonnage, qu'il ne pouvait pas esp�rer de voir d�passer tant que les canaux lat�raux � la Loire ne seraient pas achev�s, ne permettant pas de compter sur des b�n�fices prochains consid�rables, commandaient l'�conomie dans les constructions. De cette circonstance, et de la configuration �troite et sinueuse de la vall�e du Furens, que le chemin de fer devait suivre, r�sultait par exemple l'impossibilit� d'un trac� avec des courbes � tr�s grands rayons, telles que celles qui ont �t� construites plus tard sur d'autres voies du m�me genre. M. Beaunier dut aussi employer la fonte, comme mati�re premi�re de ses rails, et non le fer mall�able, qu'on a plus g�n�ralement employ� depuis 1827, et le rench�rissement consid�rable ( de 35 fr. � 50 fr. ) que la fonte �prouva en 1815 et 1826, accrut, dans une proportion notable et tout-�-fait inattendue, les d�penses premi�res de son entreprise. Enfin cette entreprise ne put �tre compl�t�e ainsi qu'il l'avait con�ue : la continuation du chemin de fer, de Saint-Etienne au Rh�ne, fut conc�d�e � une autre compagnie; une troisi�me compagnie obtint le prolongement de la ligne du c�t� oppos�, c'est-�-dire en descendant la Loire d'Andrezieux � Roanne, prolongement � l'�tude duquel M. Beaunier avait consacr� beaucoup de temps et de soins; et le chemin de fer de Saint-Etienne � Andrezieux est rest� isol�, avec le d�savantage, r�sultant de ce qu'il est plac� entre deux chemins de m�me nature, beaucoup plus longs, pour lesquels, par cons�quent, les frais annuels d'administration doivent �tre une fraction d'autant plus faible du montant de l'int�r�t du capital engag�. De plus, les perfectionnemens apport�s � la navigation des canaux du nord de la France, ont amen� les houilles belges � Paris, � meilleur march� et en plus grande abondance, au moment m�me o� a commenc� la viabilit� du chemin de fer de Saint-Etienne � la Loire, ce qui a enlev� � ce chemin une partie des produits qu'il semblait devoir offrir. Et pourtant, l'entreprise a heureusement r�sist� aux secousses qui depuis six ans ont �branl� ou an�anti tant de sp�culations industrielles plus brillantes, et la prosp�rit� de son avenir para�t assur�e, ainsi que l'accomplissement des pr�visions de M. Beaunier, bien second� dans sa gestion, il faut en convenir, par la sagesse et par l'enti�re confiance de l'administration de sa compagnie.
C'est en menant ainsi de front trois ou quatre genres de travaux diff�rens, dont chacun aurait paru pouvoir suffire � une vie active, que M. Beaunier a pass� douze ann�es � St-Etienne. En 1822, �tant encore ing�nieur en chef du d�partement de la Loire, il fut charg� de faire une tourn�e d'inspecteur divisionnaire, dans les d�partement de l'Auvergne, du Dauphin� et de la Provence. Le compte qu'il a rendu de cette inspection, est surtout remarquable par des cartes g�ographiques d�partementales qui y sont annex�es, et sur lesquelles il a trac�, au moyen de signes vari�s et d'annotations marginales, le r�sum� complet de la statistique min�rale de chaque d�partement.
Le 26 mai 1824, le grade d'inspecteur divisionnaire fut conf�r� � M. Beaunier, qui conserva la direction de l'�cole des mineurs, mais qui dut venir � Paris, tous les ans, pour participer pendant l'hiver aux travaux du conseil g�n�ral des mines.
En novembre 1828, une commission charg�e, sous la pr�sidence du ministre du commerce et des manufactures, d'examiner diverses questions de l�gislation commerciale, ouvrit une enqu�te sur la question des fers. Sur la demande adress�e au ministre par les ma�tres des forges du d�partement de la Loire, M. Beaunier fut appel� et interrog� par la commission. Ses r�ponses, publi�es en 1829, dans l'Enqu�te sur les fers, renferment, avec des renseignemens int�ressans sur l'�tat de l'industrie du fer � cette �poque, des aper�us frappants de v�rit� et en partie tout-�-fait neufs : sur la connexit� de l'industrie du fer avec le d�veloppement de l'exploitation de la houille, l'�tablissement des chemins de fer, des canaux et des autres voies de communications, ainsi que relativement � la comparaison des effets que produirait sur toutes ces industries l'abaissement du prix des fers, dans les deux cas o� cet abaissement serait obtenu par la r�duction du droit �tabli sur les fers �trangers, ou par la concurrence entre les produits des usines fran�aises. En 1832, une enqu�te analogue ayant �t� ordonn�e sur la question des houilles, M. Beaunier fut encore appel� � donner des renseignemens et � faire conna�tre son avis : le tout a �t� ins�r� par extrait dans le volume relatif � cette seconde enqu�te, publi� en 1833.
Les soci�t�s industrielles s'empressaient aussi de recourir � ses conseils. En 1829, la compagnie des mines et du chemin de fer d'Epinac le pria de faire partie du conseil d'administration de cette entreprise, et il dut au moins c�der aux sollicitations des chefs de la soci�t�, en faisant un voyage � Epinac, � l'effet d'examiner l'�tat des choses et la meilleure direction � donner au chemin de fer. En 1831, � la pri�re de la soci�t� des fonderies et forges d'Alais, il dressa, pour les mines de houille appartenant � cette compagnie, un projet de grands travaux d'am�nagement, qui a re�u un commencement d'ex�cution, et dont l'ach�vement aura pour effet d'assurer aux usines d'Alais un approvisionnement en combustibles, ind�pendant des concessions voisines.
Directeur de l'�cole des mineurs, et directeur du premier chemin de fer que l'on ait construit en France, M. Beaunier �tait appel�, par cette position, � recevoir un grand nombre de voyageurs, quelquefois d'un rang �lev�, et par lesquels son m�rite et son caract�re �taient promptement appr�ci�s : l'estime, on pourrait m�me dire l'amiti� de tous, lui �taient de ce moment acquises ; mais il s'�tait acquis au plus haut degr� l'estime et la confiance des habitans de Saint-Etienne, m�me sous les rapports les plus �trangers aux objets de ses �tudes et de son service. Il fut d�l�gu� par la ville de Saint-Etienne, en plusieurs occasions importantes, soit aupr�s des ministres, soit, en 1831, lors des funestes evenemens de Lyon, aupr�s de M. le duc d'Orl�ans, auquel, peu de mois auparavant, il avait servi de guide dans la visite du chemin de fer, des usines et des mines; enfin, son �lection comme membre du conseil municipal de Saint-Etienne, lorsque d�j� il ne r�sidait plus habituellement dans cette ville, est un t�moignage frappant de la consid�ration et de la reconnaissance qu'on lui avait vou�es.
En septembre 1830, M. Beaunier fut appel� au conseil d'�tat, comme ma�tre des requ�tes en service extraordinaire ; le 27 avril 1832, lors de la suppression du grade d'inspecteur divisionnaire des mines, il fut nomm� inspecteur g�n�ral de premi�re classe; en janvier 1833, il fut �lev� au grade d'officier de la L�gion-d'Honneur. [NDLR : voir la composition du conseil g�n�ral des mines en 1834 ainsi que les inspections g�n�rales des mines en 1834]
Bien qu'il f�t oblig�, par ses nouvelles fonctions, � une r�sidence presque constante � Paris, on crut devoir lui conserver encore la Direction de l'�cole des mineurs de Saint-Etienne, � l'administration de laquelle l'ascendant qu'il s'�tait justement acquis sur tous ses collaborateurs, rendait toujours cette direction, m�me �loign�e, extr�mement utile.
A Paris, et ind�pendamment de sa coop�ration habituelle aux travaux du conseil g�n�ral des mines, M. Beaunier fut successivement charg� de la pr�paration de plusieurs dispositions l�gislatives ou administratives, importantes pour le corps des ing�nieurs des mines, pour l'exploitation des mines, pour l'industrie min�rale. Ses travaux de statistique dans plusieurs d�partemens l'avaient fait remarquer d�s son d�but dans le service d'ing�nieur; il �tait rest� p�n�tr� de l'importance que pr�sente la r�union coordonn�e de semblables collections de faits, et ses propositions ont beaucoup contribu� � faire instituer, en janvier 1834, pr�s de l'administration des mines, la Commission de statistique de l'industrie min�rale, dont il fut nomm� pr�sident. Les premiers r�sultats, recueillis et publi�s par cette commission, � la suite du compte rendu des travaux des ing�nieurs pendant l'ann�e 1834, ont attir� l'attention ; les r�sultats du m�me genre, qui vont �tre publi�s pour 1835, auront encore plus d'int�r�t.
Tels sont les principaux travaux qui ont rempli la vie de M. Beaunier. Aucune carri�re d'ing�nieur des mines n'a �t� plus active, plus vari�e ; aucune n'a eu, successivement, ou m�me simultan�ment, pour objet, plus de fonctions importantes, plus de missions extraordinaires ; et cependant, souvent, d�s sa jeunesse, l'�tat de sa sant� ou les sympt�mes d'infirmit�s cruelles venaient s'opposer � l'accomplissement de ses travaux, et m�me affecter p�niblement son esprit. Il n'avait pas encore vingt-huit ans, lorsque l'un de ses yeux s'affaiblit d'une mani�re rapide, et cessa bient�t � peu pr�s compl�tement de voir. Peu de temps apr�s des sympt�mes analogues se manifest�rent � l'autre oeil; un commencement de cataracte se d�clara, et M. Beaunier eut l'effrayante perspective de devenir aveugle m�me avant la vieillesse. Cette crainte ne s'est pas r�alis�e ; mais, depuis l'�ge de quarante ans, des douleurs rhumatismales, vives et fr�quentes, combattues sans succ�s par l'usage r�p�t� des eaux thermales, une irritation gastrique contre laquelle il avait sans cesse � se d�fendre, enfin des mouvemens du sang, qui se manifestaient de temps en temps d'une mani�re inqui�tante, lui laissaient peu d'intervalles de bonne sant�.
Ces intervalles devinrent plus rares, depuis une maladie qui, en 1829, avait �t� caus�e en grande partie par une trop forte tension d'esprit, par des inqui�tudes et des chagrins trop vivement ressentis. Souvent, dans ses derni�res ann�es, il se trouvait hors d'�tat de suffire aux travaux dont il �tait charg� ; souvent il parlait de sa retraite, ou m�me de sa fin, comme devant �tre prochaine; et la force de sa constitution, et la vigueur et la jeunesse de son esprit, emp�chaient ses amis d'ajouter foi � ces tristes pressentimens.
En juillet 1835, une atteinte goutteuse le priva d'abord de l'usage de la main droite, et se compliqua bient�t avec des affections intestinales, graves et douloureuses. Pendant un mois, M. Beaunier fut en proie aux souffrances les plus vives, qu'il supporta avec courage et r�signation. Il y a succomb�, le 20 ao�t 1835, �g� seulement de cinquante-six ans.
Peu de morts peuvent �tre plus regrettables, non-seulement pour le corps des mines et pour l'administration, mais pour le pays.
Dou� d'un esprit juste, lucide et inventif, qui envisageait toujours les questions de haut, les voyait sous toutes leurs faces et dans tous leurs d�tails, poss�dant en outre � un degr� peu commun la facult� d'appliquer les conceptions administratives, de m�me que les donn�es scientifiques, M. Beaunier portait toujours la lumi�re sur les objets de son examen. Il se f�t distingu� dans les positions les plus �lev�es, ainsi qu'il s'est distingu� comme ing�nieur et comme industriel. II �tait promoteur z�l�, mais �clair�, du progr�s, d�vou� � tout ce qui �tait bon et utile, incessamment pr�occup� de tout ce qui lui semblait pouvoir contribuer au bien-�tre des hommes, � l'am�lioration du sort des classes ouvri�res, � la prosp�rit� de la France.
Par ses rares et heureuses qualit�s, par son caract�re aimable, M. Beaunier inspirait � ses chefs, comme � ses camarades et � ses subordonn�s, une estime et une affection particuli�res ; et ces sentimens, il les inspirait m�me aux personnes qui n'avaient avec lui que des relations passag�res. Bien �loign� de s'enorgueillir de cette sorte de succ�s, il semblait, dans des circonstances qui auraient pu para�tre assez importantes pour lui, �viter les occasions d'en tirer le moindre avantage.
Lors de sa nomination comme chevalier de la L�gion-d'Honneur en 1819, il fut assez modeste pour s'applaudir de ce que la d�coration lui �tait donn�e en qualit� de manufacturier. �Si je l'avais re�ue comme ing�nieur, �crivait-il, il me faudrait en avoir honte : les plus dignes auraient d� passer avant moi.�
Il conserva toujours cette modestie, qui allait jusqu'� le rendre timide : au conseil d'�tat, il ne se d�cidait qu'avec la plus grande peine � demander la parole, m�me dans les discussions relatives aux sujets qu'il poss�dait le mieux.
Dans la soci�t�, M. Beaunier avait un esprit distingu� et simple, original sans affectation, gai et bienveillant. On reconnaissait en lui un tact, une finesse d'observation et de discernement remarquables ; mais sa bont�, sa cordiale am�nit� �taient plus remarquables encore. Il faut avoir connu les charmes d'une longue intimit� avec lui, pour savoir tout ce que ses amis ont perdu.... Pour appr�cier tout ce qu'il valait comme fils, comme fr�re, comme second p�re de la fille de son fr�re, il faut l'avoir vu dans l'int�rieur de sa famille, au bonheur de laquelle il avait consacr� son existence.
M. Cordier, dont le nom s'est plac� naturellement plusieurs fois, dans la mention de travaux qui lui ont �t� communs avec M. Beaunier, M. Cordier, son coll�gue au conseil d'�tat, comme au conseil g�n�ral des mines, a prononc�, le 21 ao�t, sur la tombe de notre camarade, un touchant discours, dont nous reproduirons ici les derniers mots :
� Les services que M. Beaunier a rendus au pays sont � jamais inscrits dans les fastes de l'ing�nieur, et le souvenir s'en perp�tuera au sein du corps des mines, o� son nom vivra entour� d'estime, de respect et de reconnaissance. �
Plaque comm�morative de la construction des premiers chemins de fer de France, install�e par la mairie de Saint-Etienne devant la gare de Saint-Etienne Chateaucreux, au-dessous du buste de Marc Seguin. Photo R. Mahl.
Publi� dans le LIVRE DU CENTENAIRE (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME III, page 158
BEAUNIER (Louis-Antoine), n� le 15 janvier 1779, mort Inspecteur g�n�ral le 20 ao�t 1835, appartenait � cette premi�re promotion de l'�cole des Mines de Paris, de 1794-1795, qui n'a eu de lien avec l'Ecole Polytechnique que par les quelques le�ons que les �l�ves, qui en faisaient partie, ont �t� autoris�s � y suivre.
Beaunier �tait entr� directement � l'Ecole des mines de Paris le 19 vent�se an III (9 mars 1795) dans la premi�re promotion de quarante �l�ves qui y furent successivement admis. Il passa ing�nieur au second concours ouvert � cet effet, en octobre 1798, il resta dix-huit mois au laboratoire, employ� par Vauquelin, et occup� � faire passer aux �l�ves leurs examens sur la chimie et la m�tallurgie.
Peu de carri�res ont �t� plus et mieux, remplies que celle de Beaunier, dans toutes les branches industrielles et administratives dont le Corps des Mines peut �tre appel� � s'occuper.
Nous avons dit ses travaux de d�but dans le lev� du bassin houiller de la Sarre. Il y fut, en outre, charg� de diriger l'usine et les mines de Geislautern, qui devaient �tre transform�es, on le sait, en �cole pratique. Nous indiquons ci-dessus son r�le et son action, de 1813 � 1824, pour l'assiette de la propri�t� mini�re � Saint-�tienne. Les services �minents rendus par lui � cet �gard le firent envoyer pour le m�me but dans les Bouches-du-Rh�ne et le Gard, en vue des concessions � instituer dans le bassin de Fuveau et dans celui d'Alais.
Nous le verrons plus tard poursuivant, � la B�rardi�re, des essais heureux pour la fabrication d'aciers fondus avec des fers fran�ais (1819-1823), cr�ant et constituant en 1823-1827 le premier chemin de fer qui ait �t� conc�d� en France, et enfin fondant et dirigeant � Saint-�tienne, de 1816 � sa mort, l'�cole des mines de cette ville.
Les m�moires de Boussingault, �l�ve � l'Ecole des mineurs � partir de 1818, d�crivent Beaunier sous un angle inattendu :
" Le directeur M. Beaunier �tait un homme du monde. On disait tout bas que son talent de chanteur n'avait pas peu contribu� � son avancement : c'�tait fort probable. Cependant je puis dire qu'il savait et professait fort bien la g�ologie. Sous l'empire, il dirigeait l'�cole des mineurs �tablie � Kaiserslautern et ce fut sur sa proposition qu'on cr�a l'�cole de Saint-Etienne ".
La signature de Beaunier, extraite de l'Atlas houiller de la Sarre
Pour un portrait de Beaunier, voir le site des noms de rues de Saint-Etienne
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