Vivien Philizot | Université de Strasbourg (original) (raw)
Papers by Vivien Philizot
Ce texte est un résumé de mon Habilitation à diriger des recherches, préparée avec ma garante Cat... more Ce texte est un résumé de mon Habilitation à diriger des recherches, préparée avec ma garante Catherine de Smet, et soutenue à l’Université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis, le 4 février 2022. Le jury était composé de Catherine Chomarat-Ruiz, Professeure, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Yves Citton, Professeur, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Catherine de Smet, Professeure, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Nathalie Delbard, Professeure, Université de Lille, Valérie Devillard, Professeure, Université Paris 2 Panthéon-Assas.
Appareil, Jul 22, 2022
(English below) À certains égards, « design graphique » est une notion incompréhensible, recouvr... more (English below)
À certains égards, « design graphique » est une notion incompréhensible, recouvrant un ensemble diffus de pratiques, de situations, et d’objets hétérogènes, qui semblent dissuader toute tentative d’en circonscrire les contours sans cesse changeants. Pour saisir au mieux la forme problématique que découpe cette expression à la surface du monde, cet article se propose de suivre au plus près ses multiples traductions. Depuis quels paradigmes et sous quels autres noms, ce que nous nous entendons pour appeler « design graphique » a-t-il été construit, envisagé, théorisé, dans l’histoire récente ? À l’heure où l’on cherche partout sans les trouver les modèles scientifiques de la recherche en design et en design graphique, il est bien utile de remarquer que les objets qui entrent communément dans ces catégories sont appréhendés depuis des années par des champs du savoir voisins. En abordant trois traductions de « design graphique », cet article vise d’une part à donner un peu de netteté à cet ensemble de choses aux contours si diffus, d’autre part à déterminer avec un peu plus de précision les perspectives scientifiques par lesquelles une recherche en design graphique est aujourd’hui envisageable.
In some ways, “graphic design” is an incomprehensible notion, covering a diffuse set of practices, situations, and heterogeneous objects, which seem to dissuade any attempt to circumscribe its ever-changing contours. In order to better grasp the tricky form that this expression draws at the surface of the world, this paper proposes to follow its multiple translations, as closely as possible. From which paradigms and under what other names, what we mean to call “graphic design” has been constructed, considered, theorized in recent history ? At a time when one is searching everywhere without finding the scientific models of design and graphic design research, it is very useful to note that the objects that commonly fall into these categories have been apprehended for years by neighbouring fields of knowledge. By discussing three translations of “graphic design”, this paper aims to give some clarity to this set of things with such diffuse contours and to determine more precisely the scientific perspectives through which research in graphic design is possible today.
Graphisme en France, 2020
« Graphisme », « Design graphique ». Ce texte explore sous forme de dialogue une distinction term... more « Graphisme », « Design graphique ». Ce texte explore sous forme de dialogue une distinction terminologique épineuse et largement débattue. Comment ces dénominations se sont-elles progressivement imposées en France, quelles réalités différentes recouvrent-elles dans des contextes aussi spécifiques que les écoles d’art, les institutions publiques, les entreprises ou encore dans les manières dont les graphistes eux-mêmes se présentent ? Comment ces termes ont-ils été employés par des professions qui ont elles-mêmes leur propre histoire ? Comment ont-ils été investis de significations divergentes pour désigner toute la variété des rapports à la commande que nous observons dans les pratiques ? Comment des termes dont le sens est systématiquement déplacé et redéfini permettent-ils au public de comprendre ou de se méprendre sur ce qu’ils désignent comme activité, comme champ de pratiques, comme métiers ?
Graphisme en France, 2020
Ce texte est une introduction à notre traduction en français de « Disciplines of Design. Writing ... more Ce texte est une introduction à notre traduction en français de « Disciplines of Design. Writing with Foucault », un texte publié par la chercheuse Ellen Lupton en 1996 dans Design Writing Research. Le dispositif imaginé par l’auteure est surprenant et audacieux : il disperse en deux colonnes des extraits de L’Archéologie du savoir de Michel Foucault, dans lesquels Lupton a pris soin de remplacer les références de l’auteur à la folie et à la médecine par le terme « design » et d’autres notions afférentes (production visuelle, journaux, imprimeurs, etc.). Le propos est d’emblée annoncé par le titre et un texte liminaire : il s’agit d’examiner la cohérence du design comme discipline, en empruntant à Foucault sa méthode « archéologique ».
Technique et design graphique. Outils, médias, savoirs, 2020
Quel langage pourrait nous servir à appréhender la technique en design graphique sans la réduire ... more Quel langage pourrait nous servir à appréhender la technique en design graphique sans la réduire à des recettes, à des règles ou à des lois générales ? Un glossaire est un recueil de gloses, une collection d’explications de termes liés à un domaine spécifique. C’est un moyen technique qui passe par la langue, glỗssa en grec, pour donner à comprendre un vocabulaire spécialisé. À l’échelle – locale – du livre depuis lequel il est entrepris, le glossaire réorganise le monde en le donnant à lire de manière fragmentaire à son lecteur. Il est souvent pensé comme un outil, ou un ensemble d’outils, dont on parie sur la dimension opératoire (l’outil est destiné à être employé, manipulé, pour produire un certain travail – ici un travail intellectuel). Les termes qui suivent – boîte noire, définition, matériel, milieu, montage, surface, visibilité – ont été rassemblés selon ce principe. Ce glossaire est à l’état de projet, à la manière d’une boîte à outils qu’il est toujours possible de compléter, au gré des travaux que l’on voudra bien entreprendre.
Étapes, 2019
Faire de la science, c’est tracer des cartes. Circonscrire un territoire spécifique, repérer des ... more Faire de la science, c’est tracer des cartes. Circonscrire un territoire spécifique, repérer des discontinuités dans la trame apparente des choses, délimiter des régions, des provinces et leurs frontières, opérer des rapprochements ou instaurer des ruptures dans la texture du monde. Cette métaphore connue peut-elle nous apprendre quelque chose sur la part scientifique du design graphique, ce versant réflexif de la pratique, qui prend les différents noms de « recherche », « théorie », « science » ? Quelles sont les spécificités de la recherche au sujet du design graphique, dont nous entendons autant parler ? Quels sont les approches, les méthodes, les concepts susceptibles d’être mobilisés dans une recherche de ce genre ? Ou pour le dire en d’autres termes, si le design graphique est un territoire identifiable, quelles sont les cartes susceptibles d’être tracées pour l’appréhender ?
Radar. Essais critiques, 2019
Ces dernières années, les recherches sur l’intelligence artificielle ont fait des avancées specta... more Ces dernières années, les recherches sur l’intelligence artificielle ont fait des avancées spectaculaires dans le domaine de la vision. Des réseaux profonds de neurones semblent désormais capables de voir à notre place et de prendre des décisions sur le produit de leurs observations. Or les résistances que nous opposent depuis des siècles, à nous humains, les images et leur interprétation, ne semblent pas tomber pour autant. Apprendre à voir et à dessiner à une machine nous impose de redéfinir ce que le « voir », comme processus nécessairement imprégné par un savoir, peut bien vouloir dire. Irréductible à un champ du savoir spécifique, le problème de la vision des machines est fondamentalement un problème de culture visuelle. À l’image du cerveau, les réseaux de neurones sont souvent mobilisés comme des boîtes noires sur lesquelles nous projetons toutes sortes d’inquiétudes ou d’espérances et qui semblent résister à la moindre tentative de description. Pour tenter de comprendre ce que « voir » peut bien vouloir dire pour une machine, ce texte interroge la manière dont les réseaux profonds de neurones apprennent à lier ensemble le langage, le monde et la pensée, en examinant les détails à partir desquels la vision machinique semble s’établir.
Le Ludographe, connaître et pratiquer le design graphique à l’école élémentaire, 2019
Lorsqu’il s’agit d’identifier, le design graphique procède d’un certain nombre de choix contextue... more Lorsqu’il s’agit d’identifier, le design graphique procède d’un certain nombre de choix contextuels, qui mobilisent ces outils visuels que sont les mots, les images, les mot-images. Ce texte présente le design graphique dans cette perspective, en passant par plusieurs exemples de différentes échelles. Du pictogramme à l’identité visuelle d’une entreprise, c’est l’ensemble de notre univers de signes qui opère selon le régime de l’identification. Ce texte est publié dans Le kit pédagogique « Ludographe – Connaître et pratiquer le design graphique à l’école élémentaire », qui propose aux enseignants·e·s un ensemble d’outils et d’informations qui constituent une introduction au design graphique adaptée à leurs pratiques professionnelles.
Articulo - Journal of Urban Research, 2019
Between the 1950s and 1989, Kodak continuously occupied a surface of approximately one hundred sq... more Between the 1950s and 1989, Kodak continuously occupied a surface of approximately one hundred square metres in New York’s Grand Central Station with a display of panoramic photographs that were changed regularly. These giant “Coloramas” presented photographed scenes that were taken specifically for the project, with the hundreds of images displayed during this period all showing an idealised representation of the American family. These photographs would, however, have remained ordinary had their defining feature not been the placement of the photographer within the frame of the image. By connecting photography to the point of view by which it is constructed, these panoramas seem to prescribe to their public a certain relation to the images, and to initiate a reflexive process which seems to have now become general. The huge area covered by the Coloramas has today given way to the more discreet surface of our smartphones, laptops and other digital tablets, which govern our various visual practices and reorganise the notions of image, point of view and reflexivity in new ways. Between the Coloramas of the 1960s and today’s touch screens, the question arises as to whether the multiplication and spread of visual surface has changed something in the way that image – and thus the gaze – is built in public space.
Graphisme en France, 2017
If visual languages are only a more complex version and therefore are more adapted to our current... more If visual languages are only a more complex version and therefore are more adapted to our current world of corporate logotypes from the golden age of modernism, they all share the same need for adhesion, the same performative logic, and perhaps the same relation with power. What roles do our visual systems really play in our immediate environment? What do we invest them with daily? In which way do they participate in the social and cultural construction of our visual environment? If the contemporary approaches to visual studies tend to look at how images “act” and their performative capacity, and if it is established that the logotype is a form that discourse takes when it wants to “create an image,” it seems relevant to question the place that these symbols take in our world, and the way in which they can represent — present again, while being invested with their own authority and legality. Logology, literally the “science of discourse,” a slightly ironic nod to its Greek root, can also by understood as the science of logotypes, if we at least remember, that the completely visual way in which this eye is presented to us, remains fundamentally double, contrary or reinforced — whichever the case may be — by discourse’s own logic. With the double meaning of logotype and discourse, what does logos really mean?
Graphisme en France n°23, 2017
Si les langages visuels ne sont qu’une version plus complexe et donc plus adaptée à notre monde a... more Si les langages visuels ne sont qu’une version plus complexe et donc plus adaptée à notre monde actuel des logotypes corporates de l’âge d’or du modernisme, il partagent cependant avec ces derniers un même besoin d’adhésion, une même logique performative, et peut-être un même rapport au pouvoir. Quel rôle nos systèmes visuels jouent-il réellement dans notre environnement immédiat ? De quoi les investissons nous au quotidien ? De quelle manière participent-il à la construction sociale et culturelle de notre environnement visuel ? Si les orientations contemporaines des études visuelles ont tendance à porter sur l’ « agir » des images et leur capacité performative, et s’il est établi que le logotype est la forme que prend le discours lorsqu’il veut « faire image », il semble pertinent de s’interroger sur la place que prennent ces signes dans notre monde, et sur la manière dont ils peuvent à la fois représenter – présenter à nouveau –, tout en étant investis d’une autorité et d’une légalité propres. La « logologie », littéralement « science du discours », doublant avec un peu d’ironie sa racine grecque, peut aussi s’entendre comme une science du logotype, si du moins l’on retient que la manière tout à fait visuelle dont ce dernier se présente à nous, reste fondamentalement redoublée, contrariée ou renforcée – selon les cas – par la logique propre du discours. Au double sens de logotype et de discours, qu’est ce que le logos peut bien vouloir dire ?
Langages visuels et systèmes complexes, 2016
De nos jours, les objets visuels produits par le design – identités visuelles, sites internet, af... more De nos jours, les objets visuels produits par le design – identités visuelles, sites internet, affiches, campagnes de communication, etc. – semblent susciter des réactions et des sentiments contradictoires. D’une part, la conception de ces objets, engageant des choix de forme, de couleur, de typographie, d’image, passe pour une activité superficielle, supposée trouver ses raisons, bien loin des problèmes fondamentaux posés par la conduite du monde, dans le champ élargi et si discuté de l’esthétique. D’autre part, ces choix n’apparaissent pas si inoffensifs, si l’on se fie à l’amplitude des réactions qu’ils provoquent, allant de l’indignation la plus profonde aux louanges exacerbées. Comment une activité aussi superficielle peut‑elle faire l’objet de si vives réactions ? Que peuvent nous apprendre des inclinations aussi antagonistes sur le design graphique ?
Ce texte est une présentation du travail d'identité visuelle conçu pour l'Université de Strasbourg par le laboratoire Identités complexes entre 2015 et 1017.
Ce texte met en rapport la métaphore du verre en cristal imaginée par Beatrice Warde dans les ann... more Ce texte met en rapport la métaphore du verre en cristal imaginée par Beatrice Warde dans les années 1930 et le film de John Carpenter, They Live (1988), pour interroger la dimension politique du design graphique. Il s’agit plus précisément d’aborder cette contradiction séminale propre à l’invention, à l’époque moderne, du design graphique comme dispositif de mise à distance du monde et des choses du monde, et simultanément, comme négation de cette mise à distance. Les effets politiques du design graphique sont alors moins à chercher dans les éclatantes manifestations de la propagande au XXe siècle, que dans la banalité de cet acte quotidien qui consiste à incorporer les conditions du voir au voir lui-même. En faisant ainsi méconnaître l’arbitraire des catégories par lesquelles le sujet fait l’expérience de son environnement, le design graphique ne contribue-t-il pas à construire et à naturaliser les représentations sociales ? Il
s’agira ici de s’interroger sur la singularité du regard hérité du mouvement moderne, afin de comprendre comment le design graphique est impliqué – pour reprendre l’expression de WJT Mitchell – dans la construction sociale du champ visuel comme dans la construction visuelle du champ social.
Azimuts 42, Mar 15, 2015
Vivien Philizot Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance 108 Kitsch, bad taste... more Vivien Philizot Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance 108 Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance Vivien Philizot Une définition, poUr commencer Le terme tuning nous vient de l'anglais to tune, qui signifie « accorder », dans le sens musical qui fait que l'on accorde un instrument de musique pour qu'il sonne « juste ». ce terme s'est répandu dans les années 1980 aux états-Unis, en europe et au Japon, pour désigner une pratique consistant dès lors à accorder un type particulier d'instrument non moins musical : le moteur. par extension, le tuning -souvent confondu avec la plus sérieuse « préparation automobile » -a pu alors désigner le fait d'optimiser les performances d'un véhicule, puis d'en modifier l'apparence par l'ajout d'accessoires, de stickers, néons, pièces de carrosserie, ailerons, etc. Si le tuning trouve son acception première dans la recherche de l'équilibre tonal et de la hauteur de note correcte, c'est-à-dire du « juste », il se rapporte également à la recherche du « beau », dans toute sa dimension subjective.
Azimuts 42, Mar 15, 2015
Vivien Philizot Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance 108 Kitsch, bad taste... more Vivien Philizot Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance 108 Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance Vivien Philizot Une définition, poUr commencer Le terme tuning nous vient de l'anglais to tune, qui signifie « accorder », dans le sens musical qui fait que l'on accorde un instrument de musique pour qu'il sonne « juste ». ce terme s'est répandu dans les années 1980 aux états-Unis, en europe et au Japon, pour désigner une pratique consistant dès lors à accorder un type particulier d'instrument non moins musical : le moteur. par extension, le tuning -souvent confondu avec la plus sérieuse « préparation automobile » -a pu alors désigner le fait d'optimiser les performances d'un véhicule, puis d'en modifier l'apparence par l'ajout d'accessoires, de stickers, néons, pièces de carrosserie, ailerons, etc. Si le tuning trouve son acception première dans la recherche de l'équilibre tonal et de la hauteur de note correcte, c'est-à-dire du « juste », il se rapporte également à la recherche du « beau », dans toute sa dimension subjective.
Tombolo, Sep 30, 2014
Dans un article très médiatisé, Nelson Goodman proposait en 1977 de substituer à « Qu’est-ce que ... more Dans un article très médiatisé, Nelson Goodman proposait en 1977 de substituer à « Qu’est-ce que l’art ? » la question suivante : « Quand y a-t-il art ? » (When is Art?). Ce déplacement lui permettait alors de conditionner le statut ontologique de l’œuvre non plus à la définition de ses propriétés substantielles, mais plutôt à ses modes de signification, au contexte, à la convention ou encore aux usages. Tout comme l’art, le design graphique a lui aussi fait l'objet de nombreuses tentatives de définition, parmi lesquelles on retiendra la question lancée à l’occasion du concours étudiant du 21e festival international de l'affiche et du graphisme : « Le graphisme, qu'est-ce que c'est ? ». Mais au regard de la pensée de Goodman, ne devrait-on pas plutôt se poser la question suivante : « Quand y a-t-il design graphique ? ».
Graphisme en France, Jul 30, 2014
Graphisme en France 2014, Apr 9, 2014
Il y a très exactement 50 ans, en janvier 1964, Ken Garland publia dans le Guardian un manifeste ... more Il y a très exactement 50 ans, en janvier 1964, Ken Garland publia dans le Guardian un manifeste intitulé First Things First, signé par 22 designers, et dans lequel l’auteur dénonçait, à une époque qui était celle des (M)ad Men, les dérives d’une profession encore naissante au service du mode de vie occidental capitaliste et de l’économie de marché. Écrit en Angleterre, foyer des révolutions industrielles et des luttes sociales du XIXe siècle observées par Marx, lieu de naissance du design, le manifeste condamnait de manière virulente une partie de la profession épuisant « son temps et son énergie à créer une demande pour des choses qui sont au mieux superflues », et militait pour une pratique saine et éthique du design graphique qui porterait sur des questions plus fondamentales, environnementales, sociales et culturelles.
35 ans plus tard, à l’automne 1999, le texte est remanié par Rick Poynor et publié dans la revue Adbusters, signé par 33 designers, dont Zuzana Licko, Jonathan Barnbrook, Irma Boom, Armand Mevis, Ellen Lupton et bien d’autres. Ainsi réactualisé, ce First Things First 2000 Manifesto réaffirmait l’urgence d’une prise de conscience que le premier manifeste avait échoué à faire advenir.
Quelques mois plus tard, Michael Bierut de l’agence Pentagram, se faisant le relais des nombreuses critiques adressées aux signataires de ce nouveau manifeste, signe dans la revue ID un texte offrant sous forme de dix notes de bas de page (au manifeste), un commentaire critique qui pointe les contradictions d’une posture idéologique trop vertueuse pour être soutenable dans une économie globalisée.
Depuis les Don Draper des années 1950 aux Armand Mevis des années 2010, la pratique du design graphique s’est profondément transformée, voire démocratisée du fait du développement des pratiques numériques et des outils qui la rendent possible. On constate cependant que les questions posées par le manifeste de 1964 ont continué à agiter – plus ou moins souterrainement suivant les périodes – le champ du design graphique pendant les cinquante années qui suivirent. Si la charge critique de 1964 reste ainsi d’actualité, c’est qu’en s’attachant à définir les enjeux éthiques et idéologiques du design graphique, elle contribue à en dessiner les contours, c’est-à-dire, à en donner une définition. Cette histoire nous invite alors à nous interroger sur la légitimité de la distinction entre « culturel » et « commercial », sur la « division du travail du sens » comme mode opératoire du design depuis le Bauhaus (si l’on s’accorde avec le Marx de Baudrillard), sur les métamorphoses des procédés publicitaires et sur l’extension du champ du design au domaine de l’existence (prophétisé par Moholy-Nagy) propre à la postmodernité.
Il s’agit, dans ce texte – dans ces quelques « notes de bas de pages » aux Dix notes de bas de page de Michael Bierut – non pas de commenter l’histoire et la genèse de ces questions, mais d’en postuler l’actualité, et de tenter d’y répondre en réaffirmant le caractère fondamentalement social de cette activité particulière – le design graphique – qui consiste, pour reprendre les mots d’Abraham Moles, à « actualiser cette adéquation symbolique entre le donné de l'environnement et le projet de vie »
Figures de l'Art, Nov 10, 2013
Fondé sur un aller-retour entre projet et expérience, le design est une activité fondamentalement... more Fondé sur un aller-retour entre projet et expérience, le design est une activité fondamentalement contextuelle, dont la signification reste suspendue à son inscription dans une histoire collective. Le design semble à ce titre partager certaines propriétés avec le langage. Il est alors possible de tracer des correspondances entre le milieu linguistique et notre relation au monde, en tant qu’elle passe, non pas par les objets eux-mêmes, mais par la pratique des objets que le design a en charge de faire exister. Car c’est bien cette notion de pratique, dans son acception linguistique et anthropologique qui semble déterminer la possibilité pour l’objet de faire sens, et donc son appartenance même à cette catégorie d’« objet de design » si difficile à circonscrire.
Il s’agira alors de s’attarder sur les limites et conséquences de cette proximité, à la lumière de notions comme celles de jeu de langage, d’usage et de signification, historiquement explorées dans le champ de la philosophie analytique.
Nous verrons avec le projet Isotype, mené à partir des années 1920 par Otto Neurath, membre du cercle de Vienne, un exemple de transposition de modèles linguistiques au design graphique, qui trouvera sa postérité dans le travail de Ruedi Baur, posant ainsi les fondements d’une définition du design affranchie des critères stylistiques et des cloisonnements auxquels l’histoire de la discipline a souvent tenté de nous habituer.
Cahiers Design n°3, Nov 4, 2013
Une géologie du projet par Vivien Philizot Les objets du design graphique font bien souvent mécon... more Une géologie du projet par Vivien Philizot Les objets du design graphique font bien souvent méconnaître, sous la surface de l'affiche, de la page du livre ou de l'écran, les processus techniques qui président à leur conception et le réseau des agents qui la rendent possible. L'anamnèse graphique qui viserait à déconstruire un objet visuel donnerait à voir l'envers du décor, nous plongeant à rebours dans l'opacité du cours des événements, au fil de la diffusion, de l'impression, de la conception, pour ouvrir sur la commande séminale, première contrainte motivant le graphiste à s'engager sur un chemin souvent sinueux.
Ce texte est un résumé de mon Habilitation à diriger des recherches, préparée avec ma garante Cat... more Ce texte est un résumé de mon Habilitation à diriger des recherches, préparée avec ma garante Catherine de Smet, et soutenue à l’Université Paris VIII Vincennes - Saint-Denis, le 4 février 2022. Le jury était composé de Catherine Chomarat-Ruiz, Professeure, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Yves Citton, Professeur, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Catherine de Smet, Professeure, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Nathalie Delbard, Professeure, Université de Lille, Valérie Devillard, Professeure, Université Paris 2 Panthéon-Assas.
Appareil, Jul 22, 2022
(English below) À certains égards, « design graphique » est une notion incompréhensible, recouvr... more (English below)
À certains égards, « design graphique » est une notion incompréhensible, recouvrant un ensemble diffus de pratiques, de situations, et d’objets hétérogènes, qui semblent dissuader toute tentative d’en circonscrire les contours sans cesse changeants. Pour saisir au mieux la forme problématique que découpe cette expression à la surface du monde, cet article se propose de suivre au plus près ses multiples traductions. Depuis quels paradigmes et sous quels autres noms, ce que nous nous entendons pour appeler « design graphique » a-t-il été construit, envisagé, théorisé, dans l’histoire récente ? À l’heure où l’on cherche partout sans les trouver les modèles scientifiques de la recherche en design et en design graphique, il est bien utile de remarquer que les objets qui entrent communément dans ces catégories sont appréhendés depuis des années par des champs du savoir voisins. En abordant trois traductions de « design graphique », cet article vise d’une part à donner un peu de netteté à cet ensemble de choses aux contours si diffus, d’autre part à déterminer avec un peu plus de précision les perspectives scientifiques par lesquelles une recherche en design graphique est aujourd’hui envisageable.
In some ways, “graphic design” is an incomprehensible notion, covering a diffuse set of practices, situations, and heterogeneous objects, which seem to dissuade any attempt to circumscribe its ever-changing contours. In order to better grasp the tricky form that this expression draws at the surface of the world, this paper proposes to follow its multiple translations, as closely as possible. From which paradigms and under what other names, what we mean to call “graphic design” has been constructed, considered, theorized in recent history ? At a time when one is searching everywhere without finding the scientific models of design and graphic design research, it is very useful to note that the objects that commonly fall into these categories have been apprehended for years by neighbouring fields of knowledge. By discussing three translations of “graphic design”, this paper aims to give some clarity to this set of things with such diffuse contours and to determine more precisely the scientific perspectives through which research in graphic design is possible today.
Graphisme en France, 2020
« Graphisme », « Design graphique ». Ce texte explore sous forme de dialogue une distinction term... more « Graphisme », « Design graphique ». Ce texte explore sous forme de dialogue une distinction terminologique épineuse et largement débattue. Comment ces dénominations se sont-elles progressivement imposées en France, quelles réalités différentes recouvrent-elles dans des contextes aussi spécifiques que les écoles d’art, les institutions publiques, les entreprises ou encore dans les manières dont les graphistes eux-mêmes se présentent ? Comment ces termes ont-ils été employés par des professions qui ont elles-mêmes leur propre histoire ? Comment ont-ils été investis de significations divergentes pour désigner toute la variété des rapports à la commande que nous observons dans les pratiques ? Comment des termes dont le sens est systématiquement déplacé et redéfini permettent-ils au public de comprendre ou de se méprendre sur ce qu’ils désignent comme activité, comme champ de pratiques, comme métiers ?
Graphisme en France, 2020
Ce texte est une introduction à notre traduction en français de « Disciplines of Design. Writing ... more Ce texte est une introduction à notre traduction en français de « Disciplines of Design. Writing with Foucault », un texte publié par la chercheuse Ellen Lupton en 1996 dans Design Writing Research. Le dispositif imaginé par l’auteure est surprenant et audacieux : il disperse en deux colonnes des extraits de L’Archéologie du savoir de Michel Foucault, dans lesquels Lupton a pris soin de remplacer les références de l’auteur à la folie et à la médecine par le terme « design » et d’autres notions afférentes (production visuelle, journaux, imprimeurs, etc.). Le propos est d’emblée annoncé par le titre et un texte liminaire : il s’agit d’examiner la cohérence du design comme discipline, en empruntant à Foucault sa méthode « archéologique ».
Technique et design graphique. Outils, médias, savoirs, 2020
Quel langage pourrait nous servir à appréhender la technique en design graphique sans la réduire ... more Quel langage pourrait nous servir à appréhender la technique en design graphique sans la réduire à des recettes, à des règles ou à des lois générales ? Un glossaire est un recueil de gloses, une collection d’explications de termes liés à un domaine spécifique. C’est un moyen technique qui passe par la langue, glỗssa en grec, pour donner à comprendre un vocabulaire spécialisé. À l’échelle – locale – du livre depuis lequel il est entrepris, le glossaire réorganise le monde en le donnant à lire de manière fragmentaire à son lecteur. Il est souvent pensé comme un outil, ou un ensemble d’outils, dont on parie sur la dimension opératoire (l’outil est destiné à être employé, manipulé, pour produire un certain travail – ici un travail intellectuel). Les termes qui suivent – boîte noire, définition, matériel, milieu, montage, surface, visibilité – ont été rassemblés selon ce principe. Ce glossaire est à l’état de projet, à la manière d’une boîte à outils qu’il est toujours possible de compléter, au gré des travaux que l’on voudra bien entreprendre.
Étapes, 2019
Faire de la science, c’est tracer des cartes. Circonscrire un territoire spécifique, repérer des ... more Faire de la science, c’est tracer des cartes. Circonscrire un territoire spécifique, repérer des discontinuités dans la trame apparente des choses, délimiter des régions, des provinces et leurs frontières, opérer des rapprochements ou instaurer des ruptures dans la texture du monde. Cette métaphore connue peut-elle nous apprendre quelque chose sur la part scientifique du design graphique, ce versant réflexif de la pratique, qui prend les différents noms de « recherche », « théorie », « science » ? Quelles sont les spécificités de la recherche au sujet du design graphique, dont nous entendons autant parler ? Quels sont les approches, les méthodes, les concepts susceptibles d’être mobilisés dans une recherche de ce genre ? Ou pour le dire en d’autres termes, si le design graphique est un territoire identifiable, quelles sont les cartes susceptibles d’être tracées pour l’appréhender ?
Radar. Essais critiques, 2019
Ces dernières années, les recherches sur l’intelligence artificielle ont fait des avancées specta... more Ces dernières années, les recherches sur l’intelligence artificielle ont fait des avancées spectaculaires dans le domaine de la vision. Des réseaux profonds de neurones semblent désormais capables de voir à notre place et de prendre des décisions sur le produit de leurs observations. Or les résistances que nous opposent depuis des siècles, à nous humains, les images et leur interprétation, ne semblent pas tomber pour autant. Apprendre à voir et à dessiner à une machine nous impose de redéfinir ce que le « voir », comme processus nécessairement imprégné par un savoir, peut bien vouloir dire. Irréductible à un champ du savoir spécifique, le problème de la vision des machines est fondamentalement un problème de culture visuelle. À l’image du cerveau, les réseaux de neurones sont souvent mobilisés comme des boîtes noires sur lesquelles nous projetons toutes sortes d’inquiétudes ou d’espérances et qui semblent résister à la moindre tentative de description. Pour tenter de comprendre ce que « voir » peut bien vouloir dire pour une machine, ce texte interroge la manière dont les réseaux profonds de neurones apprennent à lier ensemble le langage, le monde et la pensée, en examinant les détails à partir desquels la vision machinique semble s’établir.
Le Ludographe, connaître et pratiquer le design graphique à l’école élémentaire, 2019
Lorsqu’il s’agit d’identifier, le design graphique procède d’un certain nombre de choix contextue... more Lorsqu’il s’agit d’identifier, le design graphique procède d’un certain nombre de choix contextuels, qui mobilisent ces outils visuels que sont les mots, les images, les mot-images. Ce texte présente le design graphique dans cette perspective, en passant par plusieurs exemples de différentes échelles. Du pictogramme à l’identité visuelle d’une entreprise, c’est l’ensemble de notre univers de signes qui opère selon le régime de l’identification. Ce texte est publié dans Le kit pédagogique « Ludographe – Connaître et pratiquer le design graphique à l’école élémentaire », qui propose aux enseignants·e·s un ensemble d’outils et d’informations qui constituent une introduction au design graphique adaptée à leurs pratiques professionnelles.
Articulo - Journal of Urban Research, 2019
Between the 1950s and 1989, Kodak continuously occupied a surface of approximately one hundred sq... more Between the 1950s and 1989, Kodak continuously occupied a surface of approximately one hundred square metres in New York’s Grand Central Station with a display of panoramic photographs that were changed regularly. These giant “Coloramas” presented photographed scenes that were taken specifically for the project, with the hundreds of images displayed during this period all showing an idealised representation of the American family. These photographs would, however, have remained ordinary had their defining feature not been the placement of the photographer within the frame of the image. By connecting photography to the point of view by which it is constructed, these panoramas seem to prescribe to their public a certain relation to the images, and to initiate a reflexive process which seems to have now become general. The huge area covered by the Coloramas has today given way to the more discreet surface of our smartphones, laptops and other digital tablets, which govern our various visual practices and reorganise the notions of image, point of view and reflexivity in new ways. Between the Coloramas of the 1960s and today’s touch screens, the question arises as to whether the multiplication and spread of visual surface has changed something in the way that image – and thus the gaze – is built in public space.
Graphisme en France, 2017
If visual languages are only a more complex version and therefore are more adapted to our current... more If visual languages are only a more complex version and therefore are more adapted to our current world of corporate logotypes from the golden age of modernism, they all share the same need for adhesion, the same performative logic, and perhaps the same relation with power. What roles do our visual systems really play in our immediate environment? What do we invest them with daily? In which way do they participate in the social and cultural construction of our visual environment? If the contemporary approaches to visual studies tend to look at how images “act” and their performative capacity, and if it is established that the logotype is a form that discourse takes when it wants to “create an image,” it seems relevant to question the place that these symbols take in our world, and the way in which they can represent — present again, while being invested with their own authority and legality. Logology, literally the “science of discourse,” a slightly ironic nod to its Greek root, can also by understood as the science of logotypes, if we at least remember, that the completely visual way in which this eye is presented to us, remains fundamentally double, contrary or reinforced — whichever the case may be — by discourse’s own logic. With the double meaning of logotype and discourse, what does logos really mean?
Graphisme en France n°23, 2017
Si les langages visuels ne sont qu’une version plus complexe et donc plus adaptée à notre monde a... more Si les langages visuels ne sont qu’une version plus complexe et donc plus adaptée à notre monde actuel des logotypes corporates de l’âge d’or du modernisme, il partagent cependant avec ces derniers un même besoin d’adhésion, une même logique performative, et peut-être un même rapport au pouvoir. Quel rôle nos systèmes visuels jouent-il réellement dans notre environnement immédiat ? De quoi les investissons nous au quotidien ? De quelle manière participent-il à la construction sociale et culturelle de notre environnement visuel ? Si les orientations contemporaines des études visuelles ont tendance à porter sur l’ « agir » des images et leur capacité performative, et s’il est établi que le logotype est la forme que prend le discours lorsqu’il veut « faire image », il semble pertinent de s’interroger sur la place que prennent ces signes dans notre monde, et sur la manière dont ils peuvent à la fois représenter – présenter à nouveau –, tout en étant investis d’une autorité et d’une légalité propres. La « logologie », littéralement « science du discours », doublant avec un peu d’ironie sa racine grecque, peut aussi s’entendre comme une science du logotype, si du moins l’on retient que la manière tout à fait visuelle dont ce dernier se présente à nous, reste fondamentalement redoublée, contrariée ou renforcée – selon les cas – par la logique propre du discours. Au double sens de logotype et de discours, qu’est ce que le logos peut bien vouloir dire ?
Langages visuels et systèmes complexes, 2016
De nos jours, les objets visuels produits par le design – identités visuelles, sites internet, af... more De nos jours, les objets visuels produits par le design – identités visuelles, sites internet, affiches, campagnes de communication, etc. – semblent susciter des réactions et des sentiments contradictoires. D’une part, la conception de ces objets, engageant des choix de forme, de couleur, de typographie, d’image, passe pour une activité superficielle, supposée trouver ses raisons, bien loin des problèmes fondamentaux posés par la conduite du monde, dans le champ élargi et si discuté de l’esthétique. D’autre part, ces choix n’apparaissent pas si inoffensifs, si l’on se fie à l’amplitude des réactions qu’ils provoquent, allant de l’indignation la plus profonde aux louanges exacerbées. Comment une activité aussi superficielle peut‑elle faire l’objet de si vives réactions ? Que peuvent nous apprendre des inclinations aussi antagonistes sur le design graphique ?
Ce texte est une présentation du travail d'identité visuelle conçu pour l'Université de Strasbourg par le laboratoire Identités complexes entre 2015 et 1017.
Ce texte met en rapport la métaphore du verre en cristal imaginée par Beatrice Warde dans les ann... more Ce texte met en rapport la métaphore du verre en cristal imaginée par Beatrice Warde dans les années 1930 et le film de John Carpenter, They Live (1988), pour interroger la dimension politique du design graphique. Il s’agit plus précisément d’aborder cette contradiction séminale propre à l’invention, à l’époque moderne, du design graphique comme dispositif de mise à distance du monde et des choses du monde, et simultanément, comme négation de cette mise à distance. Les effets politiques du design graphique sont alors moins à chercher dans les éclatantes manifestations de la propagande au XXe siècle, que dans la banalité de cet acte quotidien qui consiste à incorporer les conditions du voir au voir lui-même. En faisant ainsi méconnaître l’arbitraire des catégories par lesquelles le sujet fait l’expérience de son environnement, le design graphique ne contribue-t-il pas à construire et à naturaliser les représentations sociales ? Il
s’agira ici de s’interroger sur la singularité du regard hérité du mouvement moderne, afin de comprendre comment le design graphique est impliqué – pour reprendre l’expression de WJT Mitchell – dans la construction sociale du champ visuel comme dans la construction visuelle du champ social.
Azimuts 42, Mar 15, 2015
Vivien Philizot Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance 108 Kitsch, bad taste... more Vivien Philizot Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance 108 Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance Vivien Philizot Une définition, poUr commencer Le terme tuning nous vient de l'anglais to tune, qui signifie « accorder », dans le sens musical qui fait que l'on accorde un instrument de musique pour qu'il sonne « juste ». ce terme s'est répandu dans les années 1980 aux états-Unis, en europe et au Japon, pour désigner une pratique consistant dès lors à accorder un type particulier d'instrument non moins musical : le moteur. par extension, le tuning -souvent confondu avec la plus sérieuse « préparation automobile » -a pu alors désigner le fait d'optimiser les performances d'un véhicule, puis d'en modifier l'apparence par l'ajout d'accessoires, de stickers, néons, pièces de carrosserie, ailerons, etc. Si le tuning trouve son acception première dans la recherche de l'équilibre tonal et de la hauteur de note correcte, c'est-à-dire du « juste », il se rapporte également à la recherche du « beau », dans toute sa dimension subjective.
Azimuts 42, Mar 15, 2015
Vivien Philizot Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance 108 Kitsch, bad taste... more Vivien Philizot Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance 108 Kitsch, bad taste, Scheiße. Une esthétique de la dissonance Vivien Philizot Une définition, poUr commencer Le terme tuning nous vient de l'anglais to tune, qui signifie « accorder », dans le sens musical qui fait que l'on accorde un instrument de musique pour qu'il sonne « juste ». ce terme s'est répandu dans les années 1980 aux états-Unis, en europe et au Japon, pour désigner une pratique consistant dès lors à accorder un type particulier d'instrument non moins musical : le moteur. par extension, le tuning -souvent confondu avec la plus sérieuse « préparation automobile » -a pu alors désigner le fait d'optimiser les performances d'un véhicule, puis d'en modifier l'apparence par l'ajout d'accessoires, de stickers, néons, pièces de carrosserie, ailerons, etc. Si le tuning trouve son acception première dans la recherche de l'équilibre tonal et de la hauteur de note correcte, c'est-à-dire du « juste », il se rapporte également à la recherche du « beau », dans toute sa dimension subjective.
Tombolo, Sep 30, 2014
Dans un article très médiatisé, Nelson Goodman proposait en 1977 de substituer à « Qu’est-ce que ... more Dans un article très médiatisé, Nelson Goodman proposait en 1977 de substituer à « Qu’est-ce que l’art ? » la question suivante : « Quand y a-t-il art ? » (When is Art?). Ce déplacement lui permettait alors de conditionner le statut ontologique de l’œuvre non plus à la définition de ses propriétés substantielles, mais plutôt à ses modes de signification, au contexte, à la convention ou encore aux usages. Tout comme l’art, le design graphique a lui aussi fait l'objet de nombreuses tentatives de définition, parmi lesquelles on retiendra la question lancée à l’occasion du concours étudiant du 21e festival international de l'affiche et du graphisme : « Le graphisme, qu'est-ce que c'est ? ». Mais au regard de la pensée de Goodman, ne devrait-on pas plutôt se poser la question suivante : « Quand y a-t-il design graphique ? ».
Graphisme en France, Jul 30, 2014
Graphisme en France 2014, Apr 9, 2014
Il y a très exactement 50 ans, en janvier 1964, Ken Garland publia dans le Guardian un manifeste ... more Il y a très exactement 50 ans, en janvier 1964, Ken Garland publia dans le Guardian un manifeste intitulé First Things First, signé par 22 designers, et dans lequel l’auteur dénonçait, à une époque qui était celle des (M)ad Men, les dérives d’une profession encore naissante au service du mode de vie occidental capitaliste et de l’économie de marché. Écrit en Angleterre, foyer des révolutions industrielles et des luttes sociales du XIXe siècle observées par Marx, lieu de naissance du design, le manifeste condamnait de manière virulente une partie de la profession épuisant « son temps et son énergie à créer une demande pour des choses qui sont au mieux superflues », et militait pour une pratique saine et éthique du design graphique qui porterait sur des questions plus fondamentales, environnementales, sociales et culturelles.
35 ans plus tard, à l’automne 1999, le texte est remanié par Rick Poynor et publié dans la revue Adbusters, signé par 33 designers, dont Zuzana Licko, Jonathan Barnbrook, Irma Boom, Armand Mevis, Ellen Lupton et bien d’autres. Ainsi réactualisé, ce First Things First 2000 Manifesto réaffirmait l’urgence d’une prise de conscience que le premier manifeste avait échoué à faire advenir.
Quelques mois plus tard, Michael Bierut de l’agence Pentagram, se faisant le relais des nombreuses critiques adressées aux signataires de ce nouveau manifeste, signe dans la revue ID un texte offrant sous forme de dix notes de bas de page (au manifeste), un commentaire critique qui pointe les contradictions d’une posture idéologique trop vertueuse pour être soutenable dans une économie globalisée.
Depuis les Don Draper des années 1950 aux Armand Mevis des années 2010, la pratique du design graphique s’est profondément transformée, voire démocratisée du fait du développement des pratiques numériques et des outils qui la rendent possible. On constate cependant que les questions posées par le manifeste de 1964 ont continué à agiter – plus ou moins souterrainement suivant les périodes – le champ du design graphique pendant les cinquante années qui suivirent. Si la charge critique de 1964 reste ainsi d’actualité, c’est qu’en s’attachant à définir les enjeux éthiques et idéologiques du design graphique, elle contribue à en dessiner les contours, c’est-à-dire, à en donner une définition. Cette histoire nous invite alors à nous interroger sur la légitimité de la distinction entre « culturel » et « commercial », sur la « division du travail du sens » comme mode opératoire du design depuis le Bauhaus (si l’on s’accorde avec le Marx de Baudrillard), sur les métamorphoses des procédés publicitaires et sur l’extension du champ du design au domaine de l’existence (prophétisé par Moholy-Nagy) propre à la postmodernité.
Il s’agit, dans ce texte – dans ces quelques « notes de bas de pages » aux Dix notes de bas de page de Michael Bierut – non pas de commenter l’histoire et la genèse de ces questions, mais d’en postuler l’actualité, et de tenter d’y répondre en réaffirmant le caractère fondamentalement social de cette activité particulière – le design graphique – qui consiste, pour reprendre les mots d’Abraham Moles, à « actualiser cette adéquation symbolique entre le donné de l'environnement et le projet de vie »
Figures de l'Art, Nov 10, 2013
Fondé sur un aller-retour entre projet et expérience, le design est une activité fondamentalement... more Fondé sur un aller-retour entre projet et expérience, le design est une activité fondamentalement contextuelle, dont la signification reste suspendue à son inscription dans une histoire collective. Le design semble à ce titre partager certaines propriétés avec le langage. Il est alors possible de tracer des correspondances entre le milieu linguistique et notre relation au monde, en tant qu’elle passe, non pas par les objets eux-mêmes, mais par la pratique des objets que le design a en charge de faire exister. Car c’est bien cette notion de pratique, dans son acception linguistique et anthropologique qui semble déterminer la possibilité pour l’objet de faire sens, et donc son appartenance même à cette catégorie d’« objet de design » si difficile à circonscrire.
Il s’agira alors de s’attarder sur les limites et conséquences de cette proximité, à la lumière de notions comme celles de jeu de langage, d’usage et de signification, historiquement explorées dans le champ de la philosophie analytique.
Nous verrons avec le projet Isotype, mené à partir des années 1920 par Otto Neurath, membre du cercle de Vienne, un exemple de transposition de modèles linguistiques au design graphique, qui trouvera sa postérité dans le travail de Ruedi Baur, posant ainsi les fondements d’une définition du design affranchie des critères stylistiques et des cloisonnements auxquels l’histoire de la discipline a souvent tenté de nous habituer.
Cahiers Design n°3, Nov 4, 2013
Une géologie du projet par Vivien Philizot Les objets du design graphique font bien souvent mécon... more Une géologie du projet par Vivien Philizot Les objets du design graphique font bien souvent méconnaître, sous la surface de l'affiche, de la page du livre ou de l'écran, les processus techniques qui président à leur conception et le réseau des agents qui la rendent possible. L'anamnèse graphique qui viserait à déconstruire un objet visuel donnerait à voir l'envers du décor, nous plongeant à rebours dans l'opacité du cours des événements, au fil de la diffusion, de l'impression, de la conception, pour ouvrir sur la commande séminale, première contrainte motivant le graphiste à s'engager sur un chemin souvent sinueux.
Images premières. Aux origines de la représentation visuelle, 2023
En s’incarnant dans une infinie diversité d’objets, de phénomènes et de situations, les images se... more En s’incarnant dans une infinie diversité d’objets, de phénomènes et de situations, les images semblent toujours résister à notre irrépressible besoin de les définir. À moins, peut-être, de se demander d’où elles viennent. À rebours de la perfection achevée des images promises par la surenchère technologique, cet essai se propose d’observer la représentation visuelle à ses commencements et dans ses fondements. Il se déploie en douze tableaux, douze récits qui offrent chacun un point de vue singulier sur des « images premières ». Œuvres peintes, diagrammes, cartes, images télévisuelles, images scientifiques, ombres, photographies satellites, dessins pariétaux, se côtoient ainsi pour nous faire cheminer dans cette zone liminaire et fragile où les images sont tout juste des images. Aux frontières et aux origines mêmes de la représentation visuelle, les images premières peuvent nous aider à préciser, à raffiner, à définir, à la fois ce que nous savons sur les images et ce que nous pouvons savoir par les images.
Milieux, 2022
Comme l’a fait remarquer Thierry Paquot, l’espace public se donne habituellement à entendre de de... more Comme l’a fait remarquer Thierry Paquot, l’espace public se donne habituellement à entendre de deux manières : au singulier, c’est l’espace de discussion ouvert par la pratique démocratique, le lieu du débat et de la confrontation politique ; au pluriel, ce sont les espaces physiques et symboliques dans lesquels et par lesquels les publics circulent et communiquent. La question principale qui oriente les réflexions développées dans cet ouvrage est située précisément à l’intersection de ces deux définitions. Elle s’accompagne de l’hypothèse qu’à cette intersection se tiennent des images, qui jouent un rôle de premier plan dans les pratiques sociales et les situations visuelles dont est fait notre quotidien. Une œuvre d’art dans l’espace urbain, une manifestation parsemée d’affiches, une publicité, un graffiti ou une affiche institutionnelle… quelles sont les conséquences sur l’espace public et sur le débat démocratique de ces formes visuelles adressées publiquement au regard ? Chercher à savoir ce qu’est une image dans cet espace, c’est avant tout observer ce que font les images dans des environnements qu’elles occupent et qu’elles partagent avec nous. Si les images sont aussi bien insérées dans la trame de nos expériences, c’est qu’elles ont une véritable vie sociale.
Technique et design graphique, 2020
Notre environnement visuel est traversé de part en part par la technique. Pourtant, ces opération... more Notre environnement visuel est traversé de part en part par la technique. Pourtant, ces opérations sont bien souvent maintenues dans l’ombre de questions plus nobles portant sur les graphistes, leurs démarches et les formes qu’ils produisent. Les différentes contributions de cet ouvrage montrent, selon plusieurs éclairages complémentaires, que la technique n’est pas réductible à des opérations quantifiées ou à des objets fonctionnels, mais qu’elle revêt plus largement une dimension anthropologique beaucoup plus ancienne et profonde que ce que nos environnements technologiques ne laissent imaginer. Cet ouvrage témoigne de la multiplicité des approches possibles sur le sujet ainsi que de la fertilité d’une thématique qui reste encore largement à défricher, au croisement du design, des études visuelles, et des humanités numériques.
Langages visuels et systèmes complexes, 2016
Cet ouvrage rend compte du projet de recherche-action « Identités complexes : lisibilité et intel... more Cet ouvrage rend compte du projet de recherche-action « Identités complexes : lisibilité et intelligibilité de l’Université de Strasbourg », qui s’est développé à partir d’une réflexion sur les potentialités du design graphique à contribuer à une meilleure représentation de l’Université de Strasbourg. Le projet a conjugué pendant trois ans une approche spéculative de recherche – mêlant état des lieux, réflexion théorique, élaboration de modèles – à une démarche d’ordre pratique, qui a consisté à inventer et concevoir un nouveau système d’identification et de représentation pour l’université.
Livraison, 2010
Matière physique de l’écriture et de la pensée qu’elle matérialise, la typographie est le lieu d’... more Matière physique de l’écriture et de la pensée qu’elle matérialise, la typographie est le lieu d’une rencontre entre un contenu linguistique et une forme plastique, entre une idée et une mise en forme destinée à la fixer. Le caractère typographique cependant, de par sa forme, son origine et son style, engage dans cette rencontre sa propre histoire, se faisant ainsi le vecteur d’une signification concurrente impossible à négliger. En ouvrant des pistes de réflexion et des itinéraires croisés, ce numéro treize se propose d’explorer les rapports que la typographie entretient avec le langage.
Une cartographie de la recherche en design graphique, 2017
Catalogue d'exposition. Exposition présentée au Signe, Centre national du graphisme, Chaumont, du... more Catalogue d'exposition. Exposition présentée au Signe, Centre national du graphisme, Chaumont, du 13 mai au 6 août 2017, puis représentée à la Galerie NaMiMa de l’École supérieure d’art de Nancy, du 17 octobre au 30 novembre 2017.
Ces dernières années ont vu l’émergence d’un intérêt grandissant pour la recherche en design graphique, que l’on mesure à l’aune des axes et des projets développés dans les écoles d’art, du nombre croissant de thèses en préparation dans les universités et les écoles d’art, du travail de consolidation fait par différents acteurs institutionnels. À quoi peut bien ressembler le paysage de la recherche en design graphique ? C’est à cette question que tente de répondre cette exposition, qui en retour, peut elle-même se lire et se penser comme une cartographie.
A Cartography of Research in Graphic Design, 2017
Exhibition booklet. Exhibition from 17 October to 30 November 2017. Galerie NaMiMa, École nation... more Exhibition booklet. Exhibition from 17 October to 30 November 2017. Galerie NaMiMa, École nationale supérieure d’art et de design de Nancy, France.