Amélie Marineau-Pelletier | Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne (original) (raw)
Papers by Amélie Marineau-Pelletier
Presses universitaires du Septentrion eBooks, 2023
New Approaches to the Archive in the Middle Ages, édité par Emily N. Savage, 2024
Villes et constructions étatiques en Lorraine (XIIIe-XVe siècle), 2023
La lettre possédait diverses fonctions d’ordre social, politique et juridique dans la société méd... more La lettre possédait diverses fonctions d’ordre social, politique et juridique dans la société médiévale et constitue pour l’historien un riche matériel révélateur des relations de pouvoir qui s’y jouaient. Au-delà de sa capacité à communiquer entre deux personnes mises à distance, la lettre missive servait à défendre un droit, à contraindre une partie, à légitimer un conflit : elle est omniprésente dans les procédés de résolution de conflits. Cet article examine une forme documentaire spécifique mal cernée par la recherche : la lettre missive ouverte. On lui conférait une force que je qualifie de « motrice » qui contraignait, par la menace sociale qu’elle véhiculait, les litigants à agir, à répondre ou à se déplacer pour rétablir la paix, contribuant ainsi à la fabrique du lien social et à la construction de la légitimité du pouvoir autour d’une notion centrale dans la société médiévale : l’honneur.
Écrit, pouvoir et culture urbaine au temps de Philippe de Vigneulles, 2023
Cet ouvrage collectif portant sur la vie à Metz à l’époque de Philippe de Vigneulles est issu du ... more Cet ouvrage collectif portant sur la vie à Metz à l’époque de Philippe de Vigneulles est issu du projet de recherche CPER Metz 1500. La pandémie de COVID-19 nous a conduits à repenser le projet sous la forme de cet ouvrage collectif dans lequel ce chapitre s’insère. Ma contribution s’inscrit dans la lignée directe de mes intérêts de recherche du postdoctorat, dans lequel je m’intéresse à comprendre la reproduction sociale des paraiges messins en tant que groupes gouvernants. L’article propose une réflexion sur la dimension sociale de la représentation des paraiges en tant que groupes dominants, par l’étude des marqueurs de distinction sociale et des pratiques matrimoniales dans la Chronique de Philippe de Vigneulles, rédigée au début du XVIe siècle.
Médiévales, 2021
En s’appuyant sur les apports récents de la sociolinguistique historique qui s’efforce de compren... more En s’appuyant sur les apports récents de la sociolinguistique historique qui s’efforce de comprendre les usages sociaux de la langue dans une société donnée, l’objectif de cet article consiste à examiner les pratiques linguistiques observées dans les échanges épistolaires de Metz, ville francophone du Saint-Empire romain germanique, avec ses destinataires germanophones à la fin du Moyen Âge. Comment les élites dirigeantes à Metz justifiaient-elles l’usage de la langue française dans leurs échanges écrits ? À quoi servait la pratique de traduction français-allemand de ces lettres effectuées par les officiers au service de la ville ? Constituait-elle un outil de la gestion administrative ou bien traduisait-elle l’existence d’une politique linguistique qui était le reflet d’une attitude consciente des élites messines visant à affirmer et renforcer leur légitimité dans un contexte d’altérité linguistique ? Par l’étude des usages linguistiques à Metz, il s’agira de mettre en exergue combien il est nécessaire de prendre en compte les diverses fonctions sociales de l’usage des langues non seulement entre les langues vernaculaires et le latin, mais également entre les langues vernaculaires elles-mêmes, lesquelles s’avèrent tout autant significatives.
Langages du pouvoir au Moyen Âge et au début de la modernité, 2021
À la fin du Moyen Âge, la ville de Metz était située dans les territoires romans de l'Empire. Fac... more À la fin du Moyen Âge, la ville de Metz était située dans les territoires romans de l'Empire. Face à l'essor de l'usage de l'allemand dans l'espace impérial, les autorités urbaines, qui utilisaient surtout le français dans leurs communications écrites durent s'adapter à ce nouvel environnement linguistique. Leurs stratégies inclurent la pratique de traduction des documents reçus et le recrutement d'officiers urbains, des secrétaires et des juristes, qui maîtrisaient l'allemand et le français.
Conservée aux Archives municipales de Metz se trouve actuellement une collection de près de 1500 ... more Conservée aux Archives municipales de Metz se trouve actuellement une collection de près de 1500 documents épistolaires datés entre 1383 et 1548 qui concernent la résolution de conflits entre la ville de Metz et les juridictions voisines. Mais, pour quelles raisons et à quelle fin les autorités urbaines accordèrent-elles tant de valeur à ces documents, justifiant d’en assurer la préservation sur la longue durée malgré leur nature éphémère une fois résolue la requête exposée dans la lettre ? Ce sont à ces questions que tente de répondre cette thèse. Par l’analyse détaillée de ce fonds documentaire pris dans son ensemble, il a été possible de porter un regard renouvelé sur la fabrique du pouvoir à la fin du Moyen, en plaçant au cœur de notre réflexion l’effet des pratiques documentaires sur la construction de la légitimité de la domination dans l’espace lorrain des groupes élitaires et détenteur du gouvernement de la ville de Metz : les paraiges. En nous fondant sur les apports récents de l’anthropologie de l’écrit et de l’anthropologie juridique, nous avons choisi d’adopter une approche documentaire qui consiste à examiner quantitativement et qualitativement les divers aspects (composition, matérialité, contenu) du fonds archivistique des lettres missives (AA18-AA28). Pour ce faire, nous avons eu recours à trois logiciels : Filemaker (analyse des éléments du système documentaire), TXM (analyse de textométrie) et QGIS (analyse des données spatiales). En considérant la collection comme un véritable système documentaire, il a été possible de révéler les liens structurant l’ensemble des pièces qui la composent (lettres originales, traductions, brouillons, copies, etc.) et de proposer quelques voies d’explication des fonctions médiévales de leur préservation pour les élites urbaines messines. L’analyse sérielle du matériel épistolaire a ainsi fait ressortir les fonctions juridiques, politiques et sociales attribuées aux lettres missives et les enjeux pour les paraiges de les préserver sur la longue durée. Plus qu’une question d’échange d’information, les lettres missives analysées possédaient une force motrice, puisqu’elles engageaient, voir contraignaient leurs destinataires à porter une action dans le but de rétablir les liens sociaux rompus ou mis à mal par la perpétration d’actions violentes considérées illégitimes. Inscrits dans le contexte des procédures amiables de la gestion de conflits issus de la faide, les choix conscients effectués par les paraiges pour assurer la préservation de ces documents et pour traiter cette volumineuse masse documentaire sont autant d’actions qui intervenaient dans la construction de l’image qu’ils se forgeaient d’eux-mêmes. Les lettres préservées gardent la trace d’un pouvoir urbain autonome et puissant, qui était profondément inscrit dans la hiérarchie complexe de l’aristocratie locale (urbaine, seigneuriale ou ecclésiastique). La thèse permet de mettre en évidence certains aspects de la domination sociale des paraiges peu pris en compte par la recherche et de mieux saisir les rapports étroits entre l’écrit, le gouvernement, l’espace et la construction de l’autorité, offrant une vision renouvelée de l’histoire messine à la fin du Moyen Âge.
Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales à titre d'exigence partiell... more Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales à titre d'exigence partielle en vue de l'obtention de la maitrise en histoire » Université d'Ottawa ©Amélie Marineau-Pelletier, Ottawa, Canada, 2013 II RÉSUMÉ « JE NE SAY S'ILZ M'ENTENDRONT EN TIOCHE, OU SI JE PARLERAI LATIN » : METZ, L'EMPIRE ET LES LANGUES À LA FIN DU MOYEN ÂGE Par Amélie Marineau-Pelletier Superviseur : Kouky Fianu Soumis : 2013 À la fin du Moyen Âge, la ville de Metz, située à l'extrême ouest de l'espace impérial et à la limite des aires linguistiques allemande et française, se définissait à la fois par son caractère gallique et impérial. Dans un contexte où l'empereur Maximilien I er de Habsbourg mit en place plusieurs transformations à la fois administratives et linguistiques auxquelles les États de l'Empire durent s'adapter, nous nous sommes intéressée à étudier la place qu'occupait cette ville romane au sein d'un empire qui se définissait de plus en plus par son caractère germanique. L'historiographie de la Lorraine, empreinte d'un lourd passé politique, a dépeint Metz, à la fin de la période médiévale, comme une ville complètement tournée vers le royaume de France. Or, les sources messines de cette époque présentent plutôt une ville tournée vers le Saint-Empire et qui entendait déployer les moyens nécessaires pour garantir ses droits et privilèges. Par le biais de l'étude de la ville de Metz, nous avons mené une réflexion sur la nature de la ville d'Empire au tournant de l'Époque moderne. Cette étude nous a permis d'illustrer les moyens mis en place par la cité de Metz pour s'adapter aux transformations de l'Empire et d'en expliquer les motivations. Les magistrats de la cité durent s'entourer d'un personnel qualifié tant par sa formation et III son expérience que par la maitrise de la langue allemande pour s'assurer de mener à bien leurs négociations diplomatiques, garantir leurs droits et privilèges et maintenir le dialogue politique avec l'empereur. En parallèle, le gouvernement urbain mit en place une activité de la traduction régulière des lettres impériales de l'allemand au français pour traiter la correspondance qui arrivait désormais essentiellement en langue allemande. Par l'étude des pratiques linguistiques, nous avons apporté des nuances au lien entre construction d'identité, langue et espace politique. En effet, à la fin du Moyen Âge, il ne saurait être question d'une équivalence entre unité étatique et unité linguistique dans l'espace du Saint-Empire, une entité plutôt polycentrique et plurilingue. Cependant, la langue revêt bel et bien un rôle politique et identitaire. Par extension, cette thèse a également permis de porter une réflexion sur l'applicabilité des concepts de pays d'entredeux et de frontière linguistique pour la période médiévale. IV REMERCIEMENTS J'adresse d'abord mes remerciements à Serge Lusignan sans qui ce projet n'aurait pas vu le jour pour m'avoir orientée vers la riche histoire culturelle lorraine et qui m'a transmis à la fois passion pour l'histoire et curiosité intellectuelle. Je remercie chaleureusement Kouky Fianu tant pour son dévouement exceptionnel, son soutien indéfectible que sa générosité intellectuelle qui m'ont permis d'approfondir mes réflexions et dépasser mes limites. Un mot pour mes amis Fannie Dionne et Simon Boisier-Michaud pour leur patience, leurs encouragements et leurs riches commentaires. J'adresse également quelques mots pour les employés des Archives Municipales de Metz qui ont su m'orienter dans mes recherches et faire de mon séjour à Metz une expérience unique. Ce projet a été financé par la bourse Armand-Bombardier du Conseil de Recherche en Sciences Humaines du Canada et par la bourse d'études supérieures de l'Ontario, lequelles m'ont permis de réaliser un séjour de recherche à Metz. V
1 AMÉLIE MARINEAU-PELLETIER Doctorante, Université d'Ottawa et École des hautes études en science... more 1 AMÉLIE MARINEAU-PELLETIER Doctorante, Université d'Ottawa et École des hautes études en sciences sociales Résumé À l'aube de l'époque moderne, la ville de Metz était située à la limite occidentale du Saint-Empire romain germanique, ainsi qu'à la limite des aires linguistiques française et allemande. Dans le contexte de l'émergence et de la diffusion de l'allemand comme langue de communication dans les limites physiques de l'Empire, Metz, majoritairement francophone, dut mettre en place des moyens pour mener à bien ses relations avec une cour impériale de plus en plus germanisée. Parmi d'autres, elle adopta la pratique de la traduction en français des lettres impériales reçues en allemand par la chancellerie messine. Or, cette pratique était-elle uniquement un outil de travail dû à l'incompréhension de la langue ou était-elle également l'expression du pouvoir et de l'identité de l'élite de la ville? Afin de répondre à la question, les lettres impériales reçues à Metz et leurs traductions en français produites sous le règne de Maximilien I er de Habsbourg (1486-1519) seront analysées selon une approche à la fois linguistique et codicologique.
Conference Presentations by Amélie Marineau-Pelletier
Congrès annuel de la Société canadienne des médiévistes, 2024
Depuis quelques années, l’arrivée du numérique a stimulé et dynamisé une réflexion sur l’archive ... more Depuis quelques années, l’arrivée du numérique a stimulé et dynamisé une réflexion sur l’archive autour des enjeux actuels de l’archivage qu’imposent l’accroissement exponentiel et l’obsolescence des données numériques. Elle a entrainé des mutations irréversibles, que ce soit par la numérisation d’archives matérielles déjà existantes ou par la production de nouvelles archives au format numérique. Le renouvèlement des matériaux offerts et la transformation des manières d’accéder aux archives imposent inévitablement une redéfinition de nos pratiques historiennes.
Récemment, les Archives municipales de Metz ont entrepris une vaste campagne de restauration et de numérisation de leurs collections anciennes. Les archives médiévales ont été détachées, restaurées, colmatées et numérisée afin d’en rationaliser la préservation. Ces procédés de restauration ont amélioré, certes, la lisibilité de la documentation ancienne, mais ont eu, au demeurant, pour effet de couper l’archive de l’environnement documentaire qui lui donnait un sens et d’en restreindre l’accessibilité en raison de la disponibilité de la documentation au format numérique. Notre proposition de communication vise, à travers l’examen du cas des lettres missives médiévales conservées aux Archives municipales de Metz, à réfléchir aux effets du numérique, de la dématérialisation et de la décontextualisation des archives sur la pratique historienne.
Colloque Pierre Savard, Université d'Ottawa, 2018
Cette communication s’insère dans une réflexion sur l’effet du tournant numérique sur le regard q... more Cette communication s’insère dans une réflexion sur l’effet du tournant numérique sur le regard que porte l’historien sur l’archive et sa préservation. À partir des considérations sur la collection des lettres missives préservées à Metz depuis le XVe étudiée dans le cadre de la thèse, l’objectif était de montrer comment la préservation documentaire fabriquait une image du gouvernement urbain et comment elle traduisait un discours sur la défense de l’autorité des élites gouvernantes à Metz par le choix de ce qui était préservé ou non.
Mobilités et échanges dans l’espace rhéno-mosan (IXe-XVe siècle), 2024
Entre les XIIIe et XVIe siècles, la ville de Metz était gouvernée par les paraiges, des groupes d... more Entre les XIIIe et XVIe siècles, la ville de Metz était gouvernée par les paraiges, des groupes d’association socio-politique fondés sur un principe d’hérédité et de participation politique. Les pratiques matrimoniales des paraiges se caractérisaient par une forte endogamie sociale en privilégiant les alliances entre familles déjà affiliées par hérédité aux paraiges, contribuant à assurer leur cohésion sociale. On observe cependant, au fil des générations, une baisse exponentielle de la démographie des paraiges, lesquels se trouvèrent menacés de disparition. Cette communication propose une lecture des mutations des stratégies matrimoniales des paraiges entre 1350 et 1550 par le biais de la reconstruction de leurs réseaux de parenté au prisme des humanités numériques Cette approche permettra plus largement de rendre compte de notre méconnaissance des transformations sociogénétiques proprement médiévales des élites messines et de réévaluer la notion présupposée de décadence attribuée aux paraiges entre 1450 et 1550, dépeints comme un système social nécrosé destiné « naturellement » à disparaître au cours du XVIe siècle.
La fabrique des archives et des institutions (du Moyen Âge à 1870), 2023
La ville de Metz entreprend depuis 2013 une vaste opération de restauration et de numérisation de... more La ville de Metz entreprend depuis 2013 une vaste opération de restauration et de numérisation de ses fonds anciens, qui n’est pas sans effet sur l’accessibilité à la documentation ancienne, inscrivant dans la longue durée l’effet des opérations archivistiques sur le regard que porte l’historien sur les sociétés passées. Mais nous en savons somme toute peu sur l’histoire mouvementée du stockage de la documentation issue de l’exercice du pouvoir à la fin du Moyen Âge. Comment l’évolution de la gestion documentaire à Metz participait-elle à la fabrique d’une image de la ville et de ses gouvernants ? Quelles sont les traces de la gestion documentaire, outre les deux inventaires médiévaux conservés ? Quel fut l’effet du basculement de souveraineté de 1552, alors que la ville était occupée par la couronne française, que permet de mieux saisir l’inventaire commandé par le roi en 1664 ? Cette communication a eu pour but de retracer les indices de la gestion documentaire des fonds médiévaux du Moyen Âge jusqu’en 1870, afin de mettre en évidence, non pas l’histoire du déplacement des archives en elle-même, mais plutôt l’effet des opérations archivistiques sur les processus de mise en mémoire et de mise en oubli de ces fonds anciens à partir de l’examen des comptes fiscaux de la ville et des inventaires anciens de ses archives. Communication dans le cadre d'un colloque organisé par l'Université de Strasbourg, 16-17 novembre 2023.
10th International Conference of the Medieval Chronicle Society (Université de Lorraine, Nancy), 2023
Les auteurs messins de la fin du Moyen Âge, tels que Philippe de Vigneulles ou Jean Praillon, int... more Les auteurs messins de la fin du Moyen Âge, tels que Philippe de Vigneulles ou Jean Praillon, intégraient à leur récit sur l’histoire de leur ville des mentions, voire des copies, intégrales ou partielles, de documents officiels produits ou conservés par le gouvernement urbain. Sous la plume des chroniqueurs, ces copies de traités de paix ou de lettres de correspondance participaient à la fabrication de l’image d’une ville défendant avec force ses privilèges politico-juridiques et s’opposant à ses ennemis extérieurs. Mais quel étaient les conditions de l’accès à la documentation issu de l’exercice du pouvoir urbain et que nous disent ces textes de nature historique sur le rapport qu’entretenait le gouvernement messin face à l’écrit ? Quelle part jouèrent les paraiges dans la mise à disponibilité de cette documentation ? Que ce soit en raison de leurs fonctions professionnelles ou par le clientélisme, les auteurs messins de la fin du Moyen Âge entretenaient un rapport singulier vis-à-vis de l’écrit municipal dont il convient de mieux cerner les contours.
Colloque Von Lüttig bis Straßburg (Université de Trèves), 2022
Entre les XIIIe et XVIe siècles, Metz, ville francophone du Saint-Empire romain germanique, était... more Entre les XIIIe et XVIe siècles, Metz, ville francophone du Saint-Empire romain germanique, était gouvernée par des élites gouvernantes appelées paraiges. Ils étaient au nombre de six cercles associatifs (Porte-Moselle, Jurue, Saint-Martin, Port-Saillis et Outre-Seille, puis, plus tardivement, le Commun). Leur histoire a fait couler beaucoup d’encre depuis le XIXe siècle. Des historiens tels qu’Auguste Prost, Henri Klipffel et Jean Schneider ont fait la promotion de ces groupes qui détenaient l’exclusivité du pouvoir urbain, devenant de véritables symboles d’un âge d’or d’une « République messine ». Leur déclin démographique avéré au tournant du XVIe siècle entraîna inévitablement, pour eux, la chute de leur système politique et, ce faisant, de l’autonomie de la ville. En effet, le système des paraiges disparu soudainement avec le basculement de souveraineté de 1552, en permettant l’ouverture des magistratures urbaines aux bourgeois jusque-là exclus de l’exercice du pouvoir. Le système perdait autrement dit sa raison d’être.
Une image immuable des paraiges se perpétue ainsi dans l’historiographie messine donnant pour impression qu’il n’y eut que peu transformations entre le XIVe siècle et le XVIe siècle, outre un désintérêt envers la politique municipale et une décadence progressive. Les travaux n’ont que très peu approfondi la question des modalités de la reproduction sociale des paraiges sur le temps long, excepté la thèse de Marianne Pundt qui nous offrait une histoire comparative des groupes dirigeants messins et trévirois au XIIIe siècle. Si les ordonnances urbaines établissaient dès 1367 les conditions juridiques de l’entrée en paraiges et celles donnant accès aux magistratures urbaines, elles demeurèrent toutefois inchangées jusqu’à la disparition des paraiges en 1552. Les pratiques sociales servant à établir une distinction sociale avec le reste de la population urbaine et à affirmer leur domination politique furent, quant à elles, sujettes à des mutations importantes sur la longue durée, qui impactèrent sur les modes leur reproduction sociale.
Ces pratiques sont de plusieurs ordres. Mentionnons les jeux d’armes, les fêtes urbaines et processions, les donations pieuses et constructions notables, les sépultures dans un lieu sacré, les acquisitions de propriétés foncières et les choix matrimoniaux. Or, pour quelles raisons ces groupes dominants auraient-ils favorisé de perpétuer une fermeture sociale qui devait mener, ultimement, à leur « suicide » social ? Le déclin démographique des paraiges, lié à leur fermeture sociale, mais aussi aux périodes de surmortalité, équivalait-il nécessairement à un désintérêt politique ? Comment s’opéraient la cohésion et la reproduction sociale des paraiges et quel en était le rôle des maillons féminins, cruellement absents de l’historiographie messine jusqu’à nos jours. La communication proposée se veut une première exploration à partir d’un corpus de textes choisis issus de la littérature historique civique et qui servira de prélude à un projet de recherche plus large dans le cadre d’un post-doctorat sur le rôle de la parenté dans l’organisation sociale des paraiges pour mieux comprendre les rapports entre pouvoir et parenté à Metz.
À la fin du Moyen Âge, les femmes et les enfants étaient exclus des paraiges réservés aux hommes en âge de participer au gouvernement de la cité. L’inscription en paraige d’un nouveau membre suivait un principe de transmission de la parenté et d’engagement politique impliquant la résidence à Metz. Au moment de recevoir sa première magistrature urbaine, le jeune homme avait la possibilité de choisir le paraige de son père ou celui de son aïeul maternel, mais il lui était proscrit d’en changer au cours de sa carrière. L’entrée en paraige se faisait au terme d’une enquête par le maître-échevin et les treize jurés afin de s’assurer de l’inscription en paraiges de la parenté du candidat. Grâce aux listes de membres, produites au début du XVIe siècle, il est possible de mesurer la décroissance démographique des paraiges messins à la fin du Moyen Âge qui passèrent de 155 membres éligibles aux magistratures de maître-échevin ou de treize jurés à aussi peu que 25 membres en 1538. Cette décroissance démographique, liée la surmortalité due aux guerres et aux épidémies, mais aussi aux alliances matrimoniales exogames, à l’abandon volontaire des droits politiques pour se mettre au service d’un seigneur ou à l’entrée dans un ordre religieux, pourrait-elle être le signe d’une mutation du système des paraiges ?
Le matériel des chroniques urbaines constitue un observatoire de choix. Si les auteurs n’étaient pas membres des paraiges à proprement dit, ils œuvraient près des cercles du pouvoir et faisaient l’éloge des groupes dirigeants. Par chroniques urbaines, nous entendons toute littérature historique civique qui fait l’éloge de l’histoire de la ville et de ses groupes dirigeants. Nous avons procédé à une sélection de quatre textes pour mener l’enquête :
- La Chronique de Philippe de Vigneulles, éditée par Charles Bruneau (origines de la ville jusqu’en 1525)
- La Chronique de Jacomin Husson, éditée par Henri Michelant (1113-1517)
- La Chronique des maîtres-échevins, éditée par Emmanuelle Charrette (1326-1475)
- Le Journal de Jean Aubrion, avec sa continuation par Pierre Aubrion, éditée par Lorédan Larchey (1465-1512)
Nous interrogeons ces textes à partir de l’an 1400 jusqu’à la fin de leurs rédactions respectives pour retracer le plus grand nombre d’alliances matrimoniales associées aux familles que l’on sait être liées aux paraiges, sachant que les données biographiques sont trop incertaines avant cette date. Cette analyse textuelle permet d’observer quatre tendances marquées. La première est l’existence d’une forte endogamie sociale de proximité qui favorise les alliances matrimoniales parmi les familles déjà apparentées aux paraiges (par transmission patrilinéaire ou matrilinéaire). La seconde est la pratique plus marginale d’une exogamie hypergamique dans l’aristocratie seigneuriale de la Lorraine, particulièrement dans le cas des maillons féminins et des remariages. La troisième est la présence accrue des femmes liées aux paraiges par liens de parenté à partir de la décennie 1440-1450, que ce soit par le biais de la filiation, du mariage, du décès ou de la sépulture. Finalement, la mention récurrente des fiançailles ou des noces en tant que moment de célébration et de démonstration du pouvoir social des paraiges dans l’espace urbain.
Les observations portées dans les chroniques urbaines permettent ainsi de dégager des tendances, qui sont toutefois déformées par l’attention portée par les chroniqueurs à un petit noyau de familles puissantes, comme les Desch, les Gournay, les Raigecourt, lesquelles ne représentent pas avec exhaustivité l’ensemble des familles reliées aux paraiges messins. Mon hypothèse est que, loin d’être limités à se reproduire par un processus héréditaire de transmission lignagère, les paraiges étaient structurés par des alliances matrimoniales renouées ou délaissées au fil des générations qui contribuaient à renforcer la clôture de ces groupes au profit d’un nombre restreint de familles qui se maintinrent au pouvoir jusqu’en 1552.
Communication à titre de conférencière invitée au Centre de recherche universitaire lorrain d’his... more Communication à titre de conférencière invitée au Centre de recherche universitaire lorrain d’histoire (CRUHL) au campus de Nancy de l’Université de Lorraine, 8 décembre 2021.
Communication dans le cadre d'un atelier bilingue de l’Axe « droit et société » de l’Université d... more Communication dans le cadre d'un atelier bilingue de l’Axe « droit et société » de l’Université d’Ottawa, « Who Cares About Legal History / Qui se soucie de l’histoire juridique ? »
Journées d’étude de l’Université de Strasbourg « Enquête sur la dénomination des livres municipaux (France du Nord et du Midi, espace germanique (1-2 février 2019) », 2019
Metz était, à la fin du Moyen Âge, une ville libre du Saint-Empire gouvernée par six groupes lign... more Metz était, à la fin du Moyen Âge, une ville libre du Saint-Empire gouvernée par six groupes lignagers appelés parages qui s’arrogeaient l’exclusivité de l’exercice du pouvoir urbain. Il est question d’une arche communale dès le premier tiers du XIIIe siècle, appelée airche au grant moustier ou volte au grant moustier, où étaient conservés fermés à clé les écrits municipaux, mais aussi les sceaux urbains et ceux des parages, ainsi que le trésor de la ville. S’il y a une activité scripturaire au nom de la ville dès l’établissement des Treize jurés, l’institution urbaine responsable des activités législatives et juridiques de la ville, les premières traces de la composition de livres municipaux remontent au dernier tiers du XIVe siècle avec le livre des atours produit en 1372. À partir de ce moment, la tenue de registres et de mises en série documentaire se démultiplia : les livres des tenours (1393), les livres des clamours (1444) et le livre au roge estelles (1435), sans parler des diverses séries fiscales comme les comptes du receveur de la ville de Metz (1408) et les comptes des trésoriers (1388).
Il faut toutefois noter que ce repérage des livres municipaux messins pour cette présente enquête s’est rapidement heurté à une difficulté majeure. Durant la nuit du 31 aout 1944, le feu du fort Saint-Quentin, où avaient été entreposés manuscrits, archives et incunables, a détruit nombre de manuscrits médiévaux, parmi lesquels plusieurs registres urbains. Il va sans dire, cette destruction massive des manuscrits médiévaux messins induit un effet pour le moins déformant sur la construction des collections anciennes des Archives municipales de Metz. Elle donne l’impression erronée que la ville de Metz recourait peu à la production de registres urbains, excepté pour la comptabilité urbaine (significativement non entreposés au fort Saint-Quentin). Or, la prise en compte de sources complémentaires, telles que les inventaires médiévaux, les comptes du receveur de la ville de Metz et les notes marginales ponctuelles disséminées dans l’ensemble de la documentation messine, nous a permis à la fois de retracer la production de livres municipaux, mais aussi de mener une enquête sur leur dénomination. Dans le cadre de cette présentation, nous porterons l’attention sur l’évolution et la signification de la dénomination de deux registres urbains, le livre des atours et le livre au roges estelles, afin de mettre en lumière la part de la construction archivistique, ainsi que les rapports entretenus entre la production de ces registres de législations urbaines, les lieux de la conservation documentaire et les acteurs chargés des activités scripturaires des Treize.
Ces nouvelles pratiques d’écriture mises en place par le gouvernement urbain à partir de la fin du XIVe siècle s’inscrivent dans une mutation plus générale de l’ensemble des pratiques scripturaires et de la gestion documentaire à Metz. Seuls deux inventaires médiévaux anciens, conservés dans le BNF FR 18905, un manuscrit composite de la deuxième moitié du XVe siècle, datant respectivement de la fin du XIVe siècle (1393-1399) et de la première moitié du XVe siècle (1431-1435), nous renseignent sur les documents contenus dans l’arche communale. En considérant les inventaires médiévaux messins, nous devons être sensibles à la différenciation à opérer entre l’efficacité administrative et l’organisation des archives, lesquels ne sont pas nécessairement des phénomènes concomitants. Plusieurs motifs pouvaient mener à leur rédaction, lesquels pouvaient servir d’outil administratif de repérage des documents conservés dans un lieu physique selon un système de classement donné, mais également servir d’outil juridique pour le pouvoir urbain en constituant un dossier de preuves pouvant être produites en justice. Or, l’absence de ces inventaires des livres urbains, ainsi que d’autres types documentaires (notamment les missives urbaines), nous mène à considérer les autres modes de la conservation documentaire à Metz : d’une part, la conservation de documents dans la voute de la chambre des Treize située dans le Palais des Treize, lieu de l’exercice du pouvoir urbain, et, d’autre part, la conservation aux mains des officiers urbains chargés de la production documentaire.
L’étude des registres urbains et des inventaires médiévaux a permis d’identifier l’acteur responsable à la fois de la production, de l’usage et de la conservation des livres municipaux : il s’agit du clerc des Treize, qui détenait des fonctions de secrétaire et de greffier, dont nous trouvons une première mention dans l’atour des métiers de 1366 (clerc lez Treses). Toutefois, ce n’est qu’à partir de 1384 que nous pouvons identifier l’individu chargé de l’office. Nous avons pu identifier entre 1384 et 1552 dix individus affectés à la charge. L’analyse des lettres de retenues conservées de ces clercs a montré que les conditions du recrutement et les fonctions du clerc des Treize s’affermirent avec le mandat de Jacomin de Châlon (1393-1405). La période, qui s’étend de 1393 à 1450 et où l’office était détenu par la famille de Châlon, se démarque comme une période charnière dans la mise en place de nouvelles pratiques de gestion documentaire : deux inventaires de l’arche communale sont rédigés (1393-1399 et 1431-1434), une mise en ordre des archives est effectuée (1421), le livre des atours est mis à jour, de nouvelles séries de registres sont produites (les livres des tenours à partir de 1393, les livres de clamours à partir de 1444 et un nouveau registre, le livre aux roges estelles, destiné à l’enregistrement de nouvelles pratiques législatives, les portefuers, à partir de 1435).
La prise en compte de la dimension humaine contribue à mieux distinguer les opérations de production, de conservation et d’archivage, lesquelles répondent à des logiques sociales distinctes. La mise en rapport des livres municipaux avec les activités scripturaires des clercs des Treize permet ainsi de dégager certaines logiques institutionnelles à Metz, qui ne connurent une rupture majeure qu’avec le rattachement de la ville au royaume de France en 1552. Il nous semble que l’absence de certains types de registres urbains est aussi révélatrice de dynamiques institutionnelles distinctives qu’il faut investiguer (par exemple les registres de délibérations qui n’apparaissent à Metz qu’à partir de 1565). La contextualisation de l’apparition des livres municipaux et l’évolution de leur dénomination imposent finalement de considérer qu’il existait d’autres modes de la production documentaire urbaine, dont la conservation et l’organisation portent aussi un sens social qui doit être envisagé dans une analyse du paysage documentaire servant à l’exercice du pouvoir et l’administration de la ville. Seule la prise en compte de l’ensemble de ces pratiques permettrait d’éclairer le processus d’institutionnalisation du gouvernement urbain et les périodes de tension (entre les groupes sociaux composant la société urbaine, ou entre la ville et les pouvoirs extérieurs), ainsi que d’historiciser les étapes et les opérations de mise en ordre archivistique.
Arbeitskreis für Mittelalterliche Geschichte (Université de Trèves), 2017
International Medieval Congress à l’Université de Leeds, 2018
Presses universitaires du Septentrion eBooks, 2023
New Approaches to the Archive in the Middle Ages, édité par Emily N. Savage, 2024
Villes et constructions étatiques en Lorraine (XIIIe-XVe siècle), 2023
La lettre possédait diverses fonctions d’ordre social, politique et juridique dans la société méd... more La lettre possédait diverses fonctions d’ordre social, politique et juridique dans la société médiévale et constitue pour l’historien un riche matériel révélateur des relations de pouvoir qui s’y jouaient. Au-delà de sa capacité à communiquer entre deux personnes mises à distance, la lettre missive servait à défendre un droit, à contraindre une partie, à légitimer un conflit : elle est omniprésente dans les procédés de résolution de conflits. Cet article examine une forme documentaire spécifique mal cernée par la recherche : la lettre missive ouverte. On lui conférait une force que je qualifie de « motrice » qui contraignait, par la menace sociale qu’elle véhiculait, les litigants à agir, à répondre ou à se déplacer pour rétablir la paix, contribuant ainsi à la fabrique du lien social et à la construction de la légitimité du pouvoir autour d’une notion centrale dans la société médiévale : l’honneur.
Écrit, pouvoir et culture urbaine au temps de Philippe de Vigneulles, 2023
Cet ouvrage collectif portant sur la vie à Metz à l’époque de Philippe de Vigneulles est issu du ... more Cet ouvrage collectif portant sur la vie à Metz à l’époque de Philippe de Vigneulles est issu du projet de recherche CPER Metz 1500. La pandémie de COVID-19 nous a conduits à repenser le projet sous la forme de cet ouvrage collectif dans lequel ce chapitre s’insère. Ma contribution s’inscrit dans la lignée directe de mes intérêts de recherche du postdoctorat, dans lequel je m’intéresse à comprendre la reproduction sociale des paraiges messins en tant que groupes gouvernants. L’article propose une réflexion sur la dimension sociale de la représentation des paraiges en tant que groupes dominants, par l’étude des marqueurs de distinction sociale et des pratiques matrimoniales dans la Chronique de Philippe de Vigneulles, rédigée au début du XVIe siècle.
Médiévales, 2021
En s’appuyant sur les apports récents de la sociolinguistique historique qui s’efforce de compren... more En s’appuyant sur les apports récents de la sociolinguistique historique qui s’efforce de comprendre les usages sociaux de la langue dans une société donnée, l’objectif de cet article consiste à examiner les pratiques linguistiques observées dans les échanges épistolaires de Metz, ville francophone du Saint-Empire romain germanique, avec ses destinataires germanophones à la fin du Moyen Âge. Comment les élites dirigeantes à Metz justifiaient-elles l’usage de la langue française dans leurs échanges écrits ? À quoi servait la pratique de traduction français-allemand de ces lettres effectuées par les officiers au service de la ville ? Constituait-elle un outil de la gestion administrative ou bien traduisait-elle l’existence d’une politique linguistique qui était le reflet d’une attitude consciente des élites messines visant à affirmer et renforcer leur légitimité dans un contexte d’altérité linguistique ? Par l’étude des usages linguistiques à Metz, il s’agira de mettre en exergue combien il est nécessaire de prendre en compte les diverses fonctions sociales de l’usage des langues non seulement entre les langues vernaculaires et le latin, mais également entre les langues vernaculaires elles-mêmes, lesquelles s’avèrent tout autant significatives.
Langages du pouvoir au Moyen Âge et au début de la modernité, 2021
À la fin du Moyen Âge, la ville de Metz était située dans les territoires romans de l'Empire. Fac... more À la fin du Moyen Âge, la ville de Metz était située dans les territoires romans de l'Empire. Face à l'essor de l'usage de l'allemand dans l'espace impérial, les autorités urbaines, qui utilisaient surtout le français dans leurs communications écrites durent s'adapter à ce nouvel environnement linguistique. Leurs stratégies inclurent la pratique de traduction des documents reçus et le recrutement d'officiers urbains, des secrétaires et des juristes, qui maîtrisaient l'allemand et le français.
Conservée aux Archives municipales de Metz se trouve actuellement une collection de près de 1500 ... more Conservée aux Archives municipales de Metz se trouve actuellement une collection de près de 1500 documents épistolaires datés entre 1383 et 1548 qui concernent la résolution de conflits entre la ville de Metz et les juridictions voisines. Mais, pour quelles raisons et à quelle fin les autorités urbaines accordèrent-elles tant de valeur à ces documents, justifiant d’en assurer la préservation sur la longue durée malgré leur nature éphémère une fois résolue la requête exposée dans la lettre ? Ce sont à ces questions que tente de répondre cette thèse. Par l’analyse détaillée de ce fonds documentaire pris dans son ensemble, il a été possible de porter un regard renouvelé sur la fabrique du pouvoir à la fin du Moyen, en plaçant au cœur de notre réflexion l’effet des pratiques documentaires sur la construction de la légitimité de la domination dans l’espace lorrain des groupes élitaires et détenteur du gouvernement de la ville de Metz : les paraiges. En nous fondant sur les apports récents de l’anthropologie de l’écrit et de l’anthropologie juridique, nous avons choisi d’adopter une approche documentaire qui consiste à examiner quantitativement et qualitativement les divers aspects (composition, matérialité, contenu) du fonds archivistique des lettres missives (AA18-AA28). Pour ce faire, nous avons eu recours à trois logiciels : Filemaker (analyse des éléments du système documentaire), TXM (analyse de textométrie) et QGIS (analyse des données spatiales). En considérant la collection comme un véritable système documentaire, il a été possible de révéler les liens structurant l’ensemble des pièces qui la composent (lettres originales, traductions, brouillons, copies, etc.) et de proposer quelques voies d’explication des fonctions médiévales de leur préservation pour les élites urbaines messines. L’analyse sérielle du matériel épistolaire a ainsi fait ressortir les fonctions juridiques, politiques et sociales attribuées aux lettres missives et les enjeux pour les paraiges de les préserver sur la longue durée. Plus qu’une question d’échange d’information, les lettres missives analysées possédaient une force motrice, puisqu’elles engageaient, voir contraignaient leurs destinataires à porter une action dans le but de rétablir les liens sociaux rompus ou mis à mal par la perpétration d’actions violentes considérées illégitimes. Inscrits dans le contexte des procédures amiables de la gestion de conflits issus de la faide, les choix conscients effectués par les paraiges pour assurer la préservation de ces documents et pour traiter cette volumineuse masse documentaire sont autant d’actions qui intervenaient dans la construction de l’image qu’ils se forgeaient d’eux-mêmes. Les lettres préservées gardent la trace d’un pouvoir urbain autonome et puissant, qui était profondément inscrit dans la hiérarchie complexe de l’aristocratie locale (urbaine, seigneuriale ou ecclésiastique). La thèse permet de mettre en évidence certains aspects de la domination sociale des paraiges peu pris en compte par la recherche et de mieux saisir les rapports étroits entre l’écrit, le gouvernement, l’espace et la construction de l’autorité, offrant une vision renouvelée de l’histoire messine à la fin du Moyen Âge.
Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales à titre d'exigence partiell... more Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales à titre d'exigence partielle en vue de l'obtention de la maitrise en histoire » Université d'Ottawa ©Amélie Marineau-Pelletier, Ottawa, Canada, 2013 II RÉSUMÉ « JE NE SAY S'ILZ M'ENTENDRONT EN TIOCHE, OU SI JE PARLERAI LATIN » : METZ, L'EMPIRE ET LES LANGUES À LA FIN DU MOYEN ÂGE Par Amélie Marineau-Pelletier Superviseur : Kouky Fianu Soumis : 2013 À la fin du Moyen Âge, la ville de Metz, située à l'extrême ouest de l'espace impérial et à la limite des aires linguistiques allemande et française, se définissait à la fois par son caractère gallique et impérial. Dans un contexte où l'empereur Maximilien I er de Habsbourg mit en place plusieurs transformations à la fois administratives et linguistiques auxquelles les États de l'Empire durent s'adapter, nous nous sommes intéressée à étudier la place qu'occupait cette ville romane au sein d'un empire qui se définissait de plus en plus par son caractère germanique. L'historiographie de la Lorraine, empreinte d'un lourd passé politique, a dépeint Metz, à la fin de la période médiévale, comme une ville complètement tournée vers le royaume de France. Or, les sources messines de cette époque présentent plutôt une ville tournée vers le Saint-Empire et qui entendait déployer les moyens nécessaires pour garantir ses droits et privilèges. Par le biais de l'étude de la ville de Metz, nous avons mené une réflexion sur la nature de la ville d'Empire au tournant de l'Époque moderne. Cette étude nous a permis d'illustrer les moyens mis en place par la cité de Metz pour s'adapter aux transformations de l'Empire et d'en expliquer les motivations. Les magistrats de la cité durent s'entourer d'un personnel qualifié tant par sa formation et III son expérience que par la maitrise de la langue allemande pour s'assurer de mener à bien leurs négociations diplomatiques, garantir leurs droits et privilèges et maintenir le dialogue politique avec l'empereur. En parallèle, le gouvernement urbain mit en place une activité de la traduction régulière des lettres impériales de l'allemand au français pour traiter la correspondance qui arrivait désormais essentiellement en langue allemande. Par l'étude des pratiques linguistiques, nous avons apporté des nuances au lien entre construction d'identité, langue et espace politique. En effet, à la fin du Moyen Âge, il ne saurait être question d'une équivalence entre unité étatique et unité linguistique dans l'espace du Saint-Empire, une entité plutôt polycentrique et plurilingue. Cependant, la langue revêt bel et bien un rôle politique et identitaire. Par extension, cette thèse a également permis de porter une réflexion sur l'applicabilité des concepts de pays d'entredeux et de frontière linguistique pour la période médiévale. IV REMERCIEMENTS J'adresse d'abord mes remerciements à Serge Lusignan sans qui ce projet n'aurait pas vu le jour pour m'avoir orientée vers la riche histoire culturelle lorraine et qui m'a transmis à la fois passion pour l'histoire et curiosité intellectuelle. Je remercie chaleureusement Kouky Fianu tant pour son dévouement exceptionnel, son soutien indéfectible que sa générosité intellectuelle qui m'ont permis d'approfondir mes réflexions et dépasser mes limites. Un mot pour mes amis Fannie Dionne et Simon Boisier-Michaud pour leur patience, leurs encouragements et leurs riches commentaires. J'adresse également quelques mots pour les employés des Archives Municipales de Metz qui ont su m'orienter dans mes recherches et faire de mon séjour à Metz une expérience unique. Ce projet a été financé par la bourse Armand-Bombardier du Conseil de Recherche en Sciences Humaines du Canada et par la bourse d'études supérieures de l'Ontario, lequelles m'ont permis de réaliser un séjour de recherche à Metz. V
1 AMÉLIE MARINEAU-PELLETIER Doctorante, Université d'Ottawa et École des hautes études en science... more 1 AMÉLIE MARINEAU-PELLETIER Doctorante, Université d'Ottawa et École des hautes études en sciences sociales Résumé À l'aube de l'époque moderne, la ville de Metz était située à la limite occidentale du Saint-Empire romain germanique, ainsi qu'à la limite des aires linguistiques française et allemande. Dans le contexte de l'émergence et de la diffusion de l'allemand comme langue de communication dans les limites physiques de l'Empire, Metz, majoritairement francophone, dut mettre en place des moyens pour mener à bien ses relations avec une cour impériale de plus en plus germanisée. Parmi d'autres, elle adopta la pratique de la traduction en français des lettres impériales reçues en allemand par la chancellerie messine. Or, cette pratique était-elle uniquement un outil de travail dû à l'incompréhension de la langue ou était-elle également l'expression du pouvoir et de l'identité de l'élite de la ville? Afin de répondre à la question, les lettres impériales reçues à Metz et leurs traductions en français produites sous le règne de Maximilien I er de Habsbourg (1486-1519) seront analysées selon une approche à la fois linguistique et codicologique.
Congrès annuel de la Société canadienne des médiévistes, 2024
Depuis quelques années, l’arrivée du numérique a stimulé et dynamisé une réflexion sur l’archive ... more Depuis quelques années, l’arrivée du numérique a stimulé et dynamisé une réflexion sur l’archive autour des enjeux actuels de l’archivage qu’imposent l’accroissement exponentiel et l’obsolescence des données numériques. Elle a entrainé des mutations irréversibles, que ce soit par la numérisation d’archives matérielles déjà existantes ou par la production de nouvelles archives au format numérique. Le renouvèlement des matériaux offerts et la transformation des manières d’accéder aux archives imposent inévitablement une redéfinition de nos pratiques historiennes.
Récemment, les Archives municipales de Metz ont entrepris une vaste campagne de restauration et de numérisation de leurs collections anciennes. Les archives médiévales ont été détachées, restaurées, colmatées et numérisée afin d’en rationaliser la préservation. Ces procédés de restauration ont amélioré, certes, la lisibilité de la documentation ancienne, mais ont eu, au demeurant, pour effet de couper l’archive de l’environnement documentaire qui lui donnait un sens et d’en restreindre l’accessibilité en raison de la disponibilité de la documentation au format numérique. Notre proposition de communication vise, à travers l’examen du cas des lettres missives médiévales conservées aux Archives municipales de Metz, à réfléchir aux effets du numérique, de la dématérialisation et de la décontextualisation des archives sur la pratique historienne.
Colloque Pierre Savard, Université d'Ottawa, 2018
Cette communication s’insère dans une réflexion sur l’effet du tournant numérique sur le regard q... more Cette communication s’insère dans une réflexion sur l’effet du tournant numérique sur le regard que porte l’historien sur l’archive et sa préservation. À partir des considérations sur la collection des lettres missives préservées à Metz depuis le XVe étudiée dans le cadre de la thèse, l’objectif était de montrer comment la préservation documentaire fabriquait une image du gouvernement urbain et comment elle traduisait un discours sur la défense de l’autorité des élites gouvernantes à Metz par le choix de ce qui était préservé ou non.
Mobilités et échanges dans l’espace rhéno-mosan (IXe-XVe siècle), 2024
Entre les XIIIe et XVIe siècles, la ville de Metz était gouvernée par les paraiges, des groupes d... more Entre les XIIIe et XVIe siècles, la ville de Metz était gouvernée par les paraiges, des groupes d’association socio-politique fondés sur un principe d’hérédité et de participation politique. Les pratiques matrimoniales des paraiges se caractérisaient par une forte endogamie sociale en privilégiant les alliances entre familles déjà affiliées par hérédité aux paraiges, contribuant à assurer leur cohésion sociale. On observe cependant, au fil des générations, une baisse exponentielle de la démographie des paraiges, lesquels se trouvèrent menacés de disparition. Cette communication propose une lecture des mutations des stratégies matrimoniales des paraiges entre 1350 et 1550 par le biais de la reconstruction de leurs réseaux de parenté au prisme des humanités numériques Cette approche permettra plus largement de rendre compte de notre méconnaissance des transformations sociogénétiques proprement médiévales des élites messines et de réévaluer la notion présupposée de décadence attribuée aux paraiges entre 1450 et 1550, dépeints comme un système social nécrosé destiné « naturellement » à disparaître au cours du XVIe siècle.
La fabrique des archives et des institutions (du Moyen Âge à 1870), 2023
La ville de Metz entreprend depuis 2013 une vaste opération de restauration et de numérisation de... more La ville de Metz entreprend depuis 2013 une vaste opération de restauration et de numérisation de ses fonds anciens, qui n’est pas sans effet sur l’accessibilité à la documentation ancienne, inscrivant dans la longue durée l’effet des opérations archivistiques sur le regard que porte l’historien sur les sociétés passées. Mais nous en savons somme toute peu sur l’histoire mouvementée du stockage de la documentation issue de l’exercice du pouvoir à la fin du Moyen Âge. Comment l’évolution de la gestion documentaire à Metz participait-elle à la fabrique d’une image de la ville et de ses gouvernants ? Quelles sont les traces de la gestion documentaire, outre les deux inventaires médiévaux conservés ? Quel fut l’effet du basculement de souveraineté de 1552, alors que la ville était occupée par la couronne française, que permet de mieux saisir l’inventaire commandé par le roi en 1664 ? Cette communication a eu pour but de retracer les indices de la gestion documentaire des fonds médiévaux du Moyen Âge jusqu’en 1870, afin de mettre en évidence, non pas l’histoire du déplacement des archives en elle-même, mais plutôt l’effet des opérations archivistiques sur les processus de mise en mémoire et de mise en oubli de ces fonds anciens à partir de l’examen des comptes fiscaux de la ville et des inventaires anciens de ses archives. Communication dans le cadre d'un colloque organisé par l'Université de Strasbourg, 16-17 novembre 2023.
10th International Conference of the Medieval Chronicle Society (Université de Lorraine, Nancy), 2023
Les auteurs messins de la fin du Moyen Âge, tels que Philippe de Vigneulles ou Jean Praillon, int... more Les auteurs messins de la fin du Moyen Âge, tels que Philippe de Vigneulles ou Jean Praillon, intégraient à leur récit sur l’histoire de leur ville des mentions, voire des copies, intégrales ou partielles, de documents officiels produits ou conservés par le gouvernement urbain. Sous la plume des chroniqueurs, ces copies de traités de paix ou de lettres de correspondance participaient à la fabrication de l’image d’une ville défendant avec force ses privilèges politico-juridiques et s’opposant à ses ennemis extérieurs. Mais quel étaient les conditions de l’accès à la documentation issu de l’exercice du pouvoir urbain et que nous disent ces textes de nature historique sur le rapport qu’entretenait le gouvernement messin face à l’écrit ? Quelle part jouèrent les paraiges dans la mise à disponibilité de cette documentation ? Que ce soit en raison de leurs fonctions professionnelles ou par le clientélisme, les auteurs messins de la fin du Moyen Âge entretenaient un rapport singulier vis-à-vis de l’écrit municipal dont il convient de mieux cerner les contours.
Colloque Von Lüttig bis Straßburg (Université de Trèves), 2022
Entre les XIIIe et XVIe siècles, Metz, ville francophone du Saint-Empire romain germanique, était... more Entre les XIIIe et XVIe siècles, Metz, ville francophone du Saint-Empire romain germanique, était gouvernée par des élites gouvernantes appelées paraiges. Ils étaient au nombre de six cercles associatifs (Porte-Moselle, Jurue, Saint-Martin, Port-Saillis et Outre-Seille, puis, plus tardivement, le Commun). Leur histoire a fait couler beaucoup d’encre depuis le XIXe siècle. Des historiens tels qu’Auguste Prost, Henri Klipffel et Jean Schneider ont fait la promotion de ces groupes qui détenaient l’exclusivité du pouvoir urbain, devenant de véritables symboles d’un âge d’or d’une « République messine ». Leur déclin démographique avéré au tournant du XVIe siècle entraîna inévitablement, pour eux, la chute de leur système politique et, ce faisant, de l’autonomie de la ville. En effet, le système des paraiges disparu soudainement avec le basculement de souveraineté de 1552, en permettant l’ouverture des magistratures urbaines aux bourgeois jusque-là exclus de l’exercice du pouvoir. Le système perdait autrement dit sa raison d’être.
Une image immuable des paraiges se perpétue ainsi dans l’historiographie messine donnant pour impression qu’il n’y eut que peu transformations entre le XIVe siècle et le XVIe siècle, outre un désintérêt envers la politique municipale et une décadence progressive. Les travaux n’ont que très peu approfondi la question des modalités de la reproduction sociale des paraiges sur le temps long, excepté la thèse de Marianne Pundt qui nous offrait une histoire comparative des groupes dirigeants messins et trévirois au XIIIe siècle. Si les ordonnances urbaines établissaient dès 1367 les conditions juridiques de l’entrée en paraiges et celles donnant accès aux magistratures urbaines, elles demeurèrent toutefois inchangées jusqu’à la disparition des paraiges en 1552. Les pratiques sociales servant à établir une distinction sociale avec le reste de la population urbaine et à affirmer leur domination politique furent, quant à elles, sujettes à des mutations importantes sur la longue durée, qui impactèrent sur les modes leur reproduction sociale.
Ces pratiques sont de plusieurs ordres. Mentionnons les jeux d’armes, les fêtes urbaines et processions, les donations pieuses et constructions notables, les sépultures dans un lieu sacré, les acquisitions de propriétés foncières et les choix matrimoniaux. Or, pour quelles raisons ces groupes dominants auraient-ils favorisé de perpétuer une fermeture sociale qui devait mener, ultimement, à leur « suicide » social ? Le déclin démographique des paraiges, lié à leur fermeture sociale, mais aussi aux périodes de surmortalité, équivalait-il nécessairement à un désintérêt politique ? Comment s’opéraient la cohésion et la reproduction sociale des paraiges et quel en était le rôle des maillons féminins, cruellement absents de l’historiographie messine jusqu’à nos jours. La communication proposée se veut une première exploration à partir d’un corpus de textes choisis issus de la littérature historique civique et qui servira de prélude à un projet de recherche plus large dans le cadre d’un post-doctorat sur le rôle de la parenté dans l’organisation sociale des paraiges pour mieux comprendre les rapports entre pouvoir et parenté à Metz.
À la fin du Moyen Âge, les femmes et les enfants étaient exclus des paraiges réservés aux hommes en âge de participer au gouvernement de la cité. L’inscription en paraige d’un nouveau membre suivait un principe de transmission de la parenté et d’engagement politique impliquant la résidence à Metz. Au moment de recevoir sa première magistrature urbaine, le jeune homme avait la possibilité de choisir le paraige de son père ou celui de son aïeul maternel, mais il lui était proscrit d’en changer au cours de sa carrière. L’entrée en paraige se faisait au terme d’une enquête par le maître-échevin et les treize jurés afin de s’assurer de l’inscription en paraiges de la parenté du candidat. Grâce aux listes de membres, produites au début du XVIe siècle, il est possible de mesurer la décroissance démographique des paraiges messins à la fin du Moyen Âge qui passèrent de 155 membres éligibles aux magistratures de maître-échevin ou de treize jurés à aussi peu que 25 membres en 1538. Cette décroissance démographique, liée la surmortalité due aux guerres et aux épidémies, mais aussi aux alliances matrimoniales exogames, à l’abandon volontaire des droits politiques pour se mettre au service d’un seigneur ou à l’entrée dans un ordre religieux, pourrait-elle être le signe d’une mutation du système des paraiges ?
Le matériel des chroniques urbaines constitue un observatoire de choix. Si les auteurs n’étaient pas membres des paraiges à proprement dit, ils œuvraient près des cercles du pouvoir et faisaient l’éloge des groupes dirigeants. Par chroniques urbaines, nous entendons toute littérature historique civique qui fait l’éloge de l’histoire de la ville et de ses groupes dirigeants. Nous avons procédé à une sélection de quatre textes pour mener l’enquête :
- La Chronique de Philippe de Vigneulles, éditée par Charles Bruneau (origines de la ville jusqu’en 1525)
- La Chronique de Jacomin Husson, éditée par Henri Michelant (1113-1517)
- La Chronique des maîtres-échevins, éditée par Emmanuelle Charrette (1326-1475)
- Le Journal de Jean Aubrion, avec sa continuation par Pierre Aubrion, éditée par Lorédan Larchey (1465-1512)
Nous interrogeons ces textes à partir de l’an 1400 jusqu’à la fin de leurs rédactions respectives pour retracer le plus grand nombre d’alliances matrimoniales associées aux familles que l’on sait être liées aux paraiges, sachant que les données biographiques sont trop incertaines avant cette date. Cette analyse textuelle permet d’observer quatre tendances marquées. La première est l’existence d’une forte endogamie sociale de proximité qui favorise les alliances matrimoniales parmi les familles déjà apparentées aux paraiges (par transmission patrilinéaire ou matrilinéaire). La seconde est la pratique plus marginale d’une exogamie hypergamique dans l’aristocratie seigneuriale de la Lorraine, particulièrement dans le cas des maillons féminins et des remariages. La troisième est la présence accrue des femmes liées aux paraiges par liens de parenté à partir de la décennie 1440-1450, que ce soit par le biais de la filiation, du mariage, du décès ou de la sépulture. Finalement, la mention récurrente des fiançailles ou des noces en tant que moment de célébration et de démonstration du pouvoir social des paraiges dans l’espace urbain.
Les observations portées dans les chroniques urbaines permettent ainsi de dégager des tendances, qui sont toutefois déformées par l’attention portée par les chroniqueurs à un petit noyau de familles puissantes, comme les Desch, les Gournay, les Raigecourt, lesquelles ne représentent pas avec exhaustivité l’ensemble des familles reliées aux paraiges messins. Mon hypothèse est que, loin d’être limités à se reproduire par un processus héréditaire de transmission lignagère, les paraiges étaient structurés par des alliances matrimoniales renouées ou délaissées au fil des générations qui contribuaient à renforcer la clôture de ces groupes au profit d’un nombre restreint de familles qui se maintinrent au pouvoir jusqu’en 1552.
Communication à titre de conférencière invitée au Centre de recherche universitaire lorrain d’his... more Communication à titre de conférencière invitée au Centre de recherche universitaire lorrain d’histoire (CRUHL) au campus de Nancy de l’Université de Lorraine, 8 décembre 2021.
Communication dans le cadre d'un atelier bilingue de l’Axe « droit et société » de l’Université d... more Communication dans le cadre d'un atelier bilingue de l’Axe « droit et société » de l’Université d’Ottawa, « Who Cares About Legal History / Qui se soucie de l’histoire juridique ? »
Journées d’étude de l’Université de Strasbourg « Enquête sur la dénomination des livres municipaux (France du Nord et du Midi, espace germanique (1-2 février 2019) », 2019
Metz était, à la fin du Moyen Âge, une ville libre du Saint-Empire gouvernée par six groupes lign... more Metz était, à la fin du Moyen Âge, une ville libre du Saint-Empire gouvernée par six groupes lignagers appelés parages qui s’arrogeaient l’exclusivité de l’exercice du pouvoir urbain. Il est question d’une arche communale dès le premier tiers du XIIIe siècle, appelée airche au grant moustier ou volte au grant moustier, où étaient conservés fermés à clé les écrits municipaux, mais aussi les sceaux urbains et ceux des parages, ainsi que le trésor de la ville. S’il y a une activité scripturaire au nom de la ville dès l’établissement des Treize jurés, l’institution urbaine responsable des activités législatives et juridiques de la ville, les premières traces de la composition de livres municipaux remontent au dernier tiers du XIVe siècle avec le livre des atours produit en 1372. À partir de ce moment, la tenue de registres et de mises en série documentaire se démultiplia : les livres des tenours (1393), les livres des clamours (1444) et le livre au roge estelles (1435), sans parler des diverses séries fiscales comme les comptes du receveur de la ville de Metz (1408) et les comptes des trésoriers (1388).
Il faut toutefois noter que ce repérage des livres municipaux messins pour cette présente enquête s’est rapidement heurté à une difficulté majeure. Durant la nuit du 31 aout 1944, le feu du fort Saint-Quentin, où avaient été entreposés manuscrits, archives et incunables, a détruit nombre de manuscrits médiévaux, parmi lesquels plusieurs registres urbains. Il va sans dire, cette destruction massive des manuscrits médiévaux messins induit un effet pour le moins déformant sur la construction des collections anciennes des Archives municipales de Metz. Elle donne l’impression erronée que la ville de Metz recourait peu à la production de registres urbains, excepté pour la comptabilité urbaine (significativement non entreposés au fort Saint-Quentin). Or, la prise en compte de sources complémentaires, telles que les inventaires médiévaux, les comptes du receveur de la ville de Metz et les notes marginales ponctuelles disséminées dans l’ensemble de la documentation messine, nous a permis à la fois de retracer la production de livres municipaux, mais aussi de mener une enquête sur leur dénomination. Dans le cadre de cette présentation, nous porterons l’attention sur l’évolution et la signification de la dénomination de deux registres urbains, le livre des atours et le livre au roges estelles, afin de mettre en lumière la part de la construction archivistique, ainsi que les rapports entretenus entre la production de ces registres de législations urbaines, les lieux de la conservation documentaire et les acteurs chargés des activités scripturaires des Treize.
Ces nouvelles pratiques d’écriture mises en place par le gouvernement urbain à partir de la fin du XIVe siècle s’inscrivent dans une mutation plus générale de l’ensemble des pratiques scripturaires et de la gestion documentaire à Metz. Seuls deux inventaires médiévaux anciens, conservés dans le BNF FR 18905, un manuscrit composite de la deuxième moitié du XVe siècle, datant respectivement de la fin du XIVe siècle (1393-1399) et de la première moitié du XVe siècle (1431-1435), nous renseignent sur les documents contenus dans l’arche communale. En considérant les inventaires médiévaux messins, nous devons être sensibles à la différenciation à opérer entre l’efficacité administrative et l’organisation des archives, lesquels ne sont pas nécessairement des phénomènes concomitants. Plusieurs motifs pouvaient mener à leur rédaction, lesquels pouvaient servir d’outil administratif de repérage des documents conservés dans un lieu physique selon un système de classement donné, mais également servir d’outil juridique pour le pouvoir urbain en constituant un dossier de preuves pouvant être produites en justice. Or, l’absence de ces inventaires des livres urbains, ainsi que d’autres types documentaires (notamment les missives urbaines), nous mène à considérer les autres modes de la conservation documentaire à Metz : d’une part, la conservation de documents dans la voute de la chambre des Treize située dans le Palais des Treize, lieu de l’exercice du pouvoir urbain, et, d’autre part, la conservation aux mains des officiers urbains chargés de la production documentaire.
L’étude des registres urbains et des inventaires médiévaux a permis d’identifier l’acteur responsable à la fois de la production, de l’usage et de la conservation des livres municipaux : il s’agit du clerc des Treize, qui détenait des fonctions de secrétaire et de greffier, dont nous trouvons une première mention dans l’atour des métiers de 1366 (clerc lez Treses). Toutefois, ce n’est qu’à partir de 1384 que nous pouvons identifier l’individu chargé de l’office. Nous avons pu identifier entre 1384 et 1552 dix individus affectés à la charge. L’analyse des lettres de retenues conservées de ces clercs a montré que les conditions du recrutement et les fonctions du clerc des Treize s’affermirent avec le mandat de Jacomin de Châlon (1393-1405). La période, qui s’étend de 1393 à 1450 et où l’office était détenu par la famille de Châlon, se démarque comme une période charnière dans la mise en place de nouvelles pratiques de gestion documentaire : deux inventaires de l’arche communale sont rédigés (1393-1399 et 1431-1434), une mise en ordre des archives est effectuée (1421), le livre des atours est mis à jour, de nouvelles séries de registres sont produites (les livres des tenours à partir de 1393, les livres de clamours à partir de 1444 et un nouveau registre, le livre aux roges estelles, destiné à l’enregistrement de nouvelles pratiques législatives, les portefuers, à partir de 1435).
La prise en compte de la dimension humaine contribue à mieux distinguer les opérations de production, de conservation et d’archivage, lesquelles répondent à des logiques sociales distinctes. La mise en rapport des livres municipaux avec les activités scripturaires des clercs des Treize permet ainsi de dégager certaines logiques institutionnelles à Metz, qui ne connurent une rupture majeure qu’avec le rattachement de la ville au royaume de France en 1552. Il nous semble que l’absence de certains types de registres urbains est aussi révélatrice de dynamiques institutionnelles distinctives qu’il faut investiguer (par exemple les registres de délibérations qui n’apparaissent à Metz qu’à partir de 1565). La contextualisation de l’apparition des livres municipaux et l’évolution de leur dénomination imposent finalement de considérer qu’il existait d’autres modes de la production documentaire urbaine, dont la conservation et l’organisation portent aussi un sens social qui doit être envisagé dans une analyse du paysage documentaire servant à l’exercice du pouvoir et l’administration de la ville. Seule la prise en compte de l’ensemble de ces pratiques permettrait d’éclairer le processus d’institutionnalisation du gouvernement urbain et les périodes de tension (entre les groupes sociaux composant la société urbaine, ou entre la ville et les pouvoirs extérieurs), ainsi que d’historiciser les étapes et les opérations de mise en ordre archivistique.
Arbeitskreis für Mittelalterliche Geschichte (Université de Trèves), 2017
International Medieval Congress à l’Université de Leeds, 2018
Colloque annuel de la SÉMQ, 2018
Au XVe siècle, Metz, ville francophone, soutenait toujours vigoureusement son attachement à un Em... more Au XVe siècle, Metz, ville francophone, soutenait toujours vigoureusement son attachement à un Empire qui se germanisait progressivement, adoptant l’allemand comme langue des communications officielles. Pourtant, la double capacité linguistique des élites à Metz et, par extension, de l’administration n’allait pas de soi dans une région à la proximité de la frontière des langues. La communication proposée analysera les compétences linguistiques du personnel urbain chargé de l’écriture administrative et de la traduction des documents officiels de l’allemand au français.
Communication dans le cadre de l'atelier : The multilingual city, c. 1250- c. 1800 : historical a... more Communication dans le cadre de l'atelier : The multilingual city, c. 1250- c. 1800 : historical approaches | La ville plurilingue, vers 1250 — vers 1800 : approches historiennes (Université de Leeds, 5 novembre 2021).
Historische Anthropologie, 2024
Memini. Travaux et Documents, 2023
Anthropologie historique, 2024
Cette conférence donnée à l'Université d'Ottawa a eu pour objectif de proposer un cas d’analyse f... more Cette conférence donnée à l'Université d'Ottawa a eu pour objectif de proposer un cas d’analyse fondé sur les méthodes de l’anthropologie de la parenté et des humanités numériques appliquées à la société médiévale. La séance s’est divisée en trois axes : un premier réservé la réception des travaux et méthodes de l’anthropologie de la parenté en études médiévales ; un deuxième s’est centré sur les défis de l’étude des populations anciennes et l’apport des outils numériques ; un troisième a permis de présenter plus dans le détail le cas messin à travers l’analyse des réseaux de parentés et d’alliances matrimoniales des paraiges messins en mettant l’emphase sur les biais et limites du corpus et les apports du logiciel PUCK.
Cité prospère, Metz profite de sa situation entre royaume de France et Saint-Empire, dont elle dé... more Cité prospère, Metz profite de sa situation entre royaume de France et Saint-Empire, dont elle dépend en théorie, pour bénéficier d’une quasi-indépendance à la fin du Moyen Âge. La cité contrôle un vaste territoire (le Pays messin) – une particularité notable alors qu’elle est entourée de grandes principautés – et connaît de profondes mutations politiques, économiques et sociales entre la fin du XIVe et le milieu du XVIe siècle. Cependant, le déclin progressif de son élite urbaine, les familles des paraiges, entraîne en 1552 la fin de son système de gouvernement oligarchique, mettant un terme à une période remarquables de l’histoire messine.
À la lumière des recherches de ces trente dernières années, un collectif d’une vingtaine de chercheurs – historiens, historiens de l’art et archéologues – propose à travers cet ouvrage un état de la connaissance sur la ville et son territoire. Une soixantaine de thématiques y sont abordées. Elles sont notamment consacrées à l’urbanisme et aux domaines militaire, politique, diplomatique, économique, culturel, ou encore religieux. Divisé en cinq chapitres, l’ouvrage est rythmé par des encarts faisant le point sur des innovations de l’époque médiévale à Metz.