Tournant narratif en sciences de l’éducation. Perspectives interdisciplinaires et internationales (original) (raw)
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Discussion autour du récit d’apprentissage
2016
Éric Bédard et Dominique Garand Essai DISCUSSION AUTOUR DU RÉCIT D'APPRENTISSAGE Éric Bédard : Dominique, j'aimerais d'abord te raconter ce qui m'a donné l'idée de ce dialogue avec toi. L'automne dernier, je flânais à Québec, sur la rue Cartier, j'entre dans une jolie librairie et j'aperçois Florence, reprise. Je n'avais lu de toi qu'un seul livre, Accès d'origine ou pourquoi je lis encore Groulx, Basile, Ferron…, que j'avais beaucoup apprécié. C'était en 2011, j'allais publier Recours aux sources. Essais sur notre rapport au passé, qui participait d'une démarche assez similaire à la tienne, même si j'abordais des questions différentes. Dans ces recueils, nous explorions tous les deux notre rapport à un héritage littéraire, politique, historiographique, que nous souhaitions assumer plutôt que renier, assumer de manière critique bien sûr. J'étais donc bien disposé à accueillir ton premier roman. Je dois cependant admettre que cette sympathie première n'explique pas tout. D'autres collègues, connaissances et amis publient des livres de toutes sortes et je ne me donne pas toujours la peine de les lire dès leur sortie. J'avais toutefois le sentiment que ton livre n'était pas comme les autres… J'ai lu les premières pages debout dans la librairie et j'ai tout de suite été convaincu que j'allais le dévorer. Ton narrateur, un doctorant d'origine italienne, décrit sa première rencontre avec un certain Pierre Maureault, professeur d'université, historien spécialiste du 19 e siècle québécois, et le mandat confié par ce dernier : raconter son « expérience florentine », cette année de sa jeunesse passée dans la capitale de la Renaissance pour entreprendre des études doctorales sur quelques zouaves dissidents. J'ai pressenti que ce Pierre Maureault allait vraiment se livrer, que ce livre allait proposer le véritable récit
"Le récit est employé dans de nombreux dispositifs d’éducation non formelle. La manière dont il peut contribuer à la transmission des connaissances reste cependant mal connue. Cette recherche s’attache à comprendre la manière dont il sert de support cognitif au récepteur lorsqu’il est employé dans des hypermédias de vulgarisation scientifique. Ce travail se base sur un modèle de la compréhension du récit élaboré dans le cadre de la narratologie cognitive, à la jointure de la narratologie classique et des sciences cognitives. De ce modèle, découlent différentes hypothèses relatives à l'effet de la narration et des caractéristiques structurelles du récit (linéarité, intégration du domaine de connaissance à l'univers diégétique, rôle des personnages) sur la compréhension d'un domaine de connaissance. Celles-ci ont donné lieu à deux études quasi-expérimentales menées sur un échantillon de plus de 300 enfants en fin de scolarité primaire. Les résultats montrent que le récit sert de support à certaines opérations cognitives, favorisant notamment des représentations plus riches et plus contextualisée du domaine de connaissance. Par contre, les résultats ne permettent pas de considérer que les alternatives hypertextuelles proposées aux utilisateurs par le dispositif narratif interactif constituent une variable d'entrée dans le traitement du récit éducatif. De la même manière, le rôle tenu par les personnages d’un récit interactif relativement aux liens hypertextuels ne semble jouer aucun rôle dans les représentations construites par les récepteurs. Ces deux résultats amènent à considérer d'un œil critique l'intérêt qu'il y aurait à élaborer des récits interactifs pour faire comprendre des domaines de connaissance complexes."
La narratologie en classe de français: premiers résultats d'une enquête internationale
Transpositio, 2023
Dans cette synthèse des premiers résultats de son enquête, je propose d’exploiter les données issues d’un questionnaire complété par 529 enseignant·e·s du secondaire (élèves de 12 à 18 ans) en Belgique, en France, en Suisse et au Québec. S’en dégage une «boite à outils» narratologique relativement partagée dans les pratiques enseignantes, même s’il faut constater quelques différences (notamment dans la terminologie, la fréquence d’utilisation des notions ou l’importance de celles-ci dans la réussite de l’épreuve finale) qui renvoient à des configurations disciplinaires elles-mêmes différenciées selon les pays. Les répondant·e·s français·es et suisses semblent ainsi accorder une place plus importante à l’outillage narratologique que leurs homologues belges et québécois·es, ce qui renvoie parallèlement, dans ces deux ensembles, à des places différenciées accordées à la littérature dans les cours de français (plus importante en France et Suisse). Au-delà des fréquences d’utilisation, le sentiment d’utilité associé aux notions d’analyse du récit a également été sondé, conduisant à la constatation (est-ce une surprise?) que 94% des répondant·e·s estiment utile ou très utile que leurs élèves soient ainsi formés sur le plan de la théorie du récit. Parmi les nombreux résultats obtenus permettant de dresser un état des lieux des pratiques actuelles, il est en revanche plus surprenant de voir que les enseignant·e·s n’estiment pas que les notions narratologiques et leur utilisation éloignent les élèves de la lecture-plaisir. URL: https://www.transpositio.org/articles/view/la-narratologie-en-classe-de-francais-premiers-resultats-d-une-enquete-internationale
Transpositio, 2023
En tant que narratologue travaillant en contexte académique, je suis arrivé il y a quelques années à un point où il m'a semblé légitime, et même nécessaire, de me pencher sur l'utilité des notions théoriques élaborées et débattues dans mon domaine de recherche. Il est en effet presque inévitable de se poser, à un moment ou à un autre de sa vie, la question de la valeur sociale de sa pratique professionnelle. Heureusement, si l'on en croit les travaux qui évoquent, depuis une trentaine d'années, le «tournant narratif» opéré dans les sciences sociales et les sciences humaines (Kreiswirth, 1992), on peut supposer que les notions narratologiques devraient être utiles pour un grand nombre de personnes impliquées dans des contextes sociaux variés. On constate en effet que la théorie du récit est souvent mobilisée dans les domaines du marketing et de la communication, mais aussi du droit, des sciences de l'éducation ou de la médecine, avec le retour des approches biographiques que l'on associe à l'empowerment et les théories concernant la dimension narrative de nos identités (Baroni, 2016a). Il semble néanmoins évident que la première utilité de la narratologie, du moins la plus visible socialement, réside dans l'outillage scolaire mis au service de l'étude des textes littéraires. Dans la formation obligatoire, la familiarisation avec les notions de focalisation, d'intrigue ou de narrateur passe en effet, dans les pays francophones du moins, par la classe de français, où cette «boite à outils» (Dawson, 2017) est non seulement mobilisée par les enseignants , mais constitue aussi souvent un objet d'enseignement dès le collège en France, le premier degré du secondaire en Belgique et en Suisse, et le premier cycle secondaire au Québec. Toutefois, un certain vertige existentiel saisit le narratologue soucieux de se mettre au service de la société civile quand il constate que cet outillage n'a pratiquement pas évolué en un demi-siècle, c'est-à-dire, précisément, depuis la parution de la «bible narratologique» (ou plus exactement du Livre de la Genèse de cette discipline) que constitue l'essai de Gérard Genette «Discours du récit», publié en 1972. Les institutions scolaires et la didactique du français auraient ainsi totalement ignoré les efforts consentis par celles et ceux qui ont tenté, au cours des dernières décennies, de faire évoluer la narratologie en la pensant au plus près des phénomènes verbaux, médiatiques, rhétoriques ou cognitifs qui sous-tendent les notions dégagées par les pères fondateurs de la discipline. S'il fallait blâmer quelqu'un de cette indifférence à la théorie contemporaine, sait-on bien à qui il conviendrait d'adresser la critique? Est-il du devoir des enseignants ou des didacticiens d'aller traquer les actualités de la narratologie contemporaine mondialisée (c'est-à-dire anglicisée), quand cette discipline de recherche est à peine présente dans les formations initiales des pays francophones? Pour être tout à fait honnête, il faudrait ajouter que les théoriciens du récit se sont pour la plupart assez peu préoccupés des usages sociaux ou scolaires des notions dont ils débattent. Cette narratologie appliquée (comme il existe, en science du langage, un courant identifié comme
Raconter son parcours de vie en contexte scolaire selon un cadre interprétatif interactionniste
2015
Cette communication propose une réflexion sur l’emploi des récits de vie en contexte scolaire. Nous assistons, depuis plus de 30 ans, à une valorisation des récits de vie en éducation (Dominicé, 1990 ; Pineau, 1984). Or, leur utilisation ne va pas de soi. Elle suppose une conceptualisation du récit, un cadre interprétatif permettant d’en comprendre le sens, la prise en compte de certaines limites et la mise en œuvre de précautions. Sans réflexion préalable, sans balises conceptuelles, l’apport des récits de vie peut être banalisé et tomber dans la superficialité. La réflexion est donc de mise et des précautions d’usage s’imposent (Clapier-Valladon & Poirier, 1983 ; Lani-Bayle, 2014). Le cadre de l’interactionnisme symbolique, largement adopté dans l’approche biographique, est le cadre privilégié dans cette communication (Goodson, 2001 ; Vanini De Carlo, 2014).
Récits de vie et interactionnisme symbolique à la croisée des chemins dans la recherche en éducation
Le recours à la méthodologie des récits de vie (ou histoires de vie) en éducation date d’une trentaine d’années. Largement utilisée en sociologie et en anthropologie, le rôle joué par la tradition socio-anthropologique de ce que l’on nomma « École de Chicago » a été amplement documenté. Les récits de vie étaient une des méthodes privilégiées par les fondateurs de cette École pour mieux comprendre la ‘réalité sociale’ du point de vue des acteurs concernés dans les années 20 par une importante croissance démographique de la ville étudiée et documentée par Thomas et Znaniecki dans leur imposant ouvrage The Polish Peasant in Europe and America. L’appellation « École de Chicago » doit néanmoins être maniée de manière prudente ; étiquette construite rétrospectivement, elle pourrait laisser croire que ladite École avait une certaine homogénéité, ce qui est remis en cause par plusieurs sociologues. Cependant, on considère que des traits ou « airs de famille » caractérisent les contributions de la génération fondatrice de l’École de sociologie de Chicago dont l’importance des études empiriques et la valorisation des démarches de recherche qualitative dans le domaine des sciences sociales. De ce même département émerge la perspective ou courant de l’« interactionnisme symbolique ». Cette communication présente un croisement de la méthodologie des récits de vie et de la perspective interactionniste. Il sera question d’éclairer par cette perspective l’interprétation du cadre interactif dans lequel le récit est recueilli (Goffman, 1973), le statut de la narration et leur analyse dans le terrain de la recherche en éducation (Bernard, 2014).
Transpositio, 2023
Ce sixième numéro de la revue Transpositio s’inscrit dans le prolongement d’un projet de recherche financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique intitulé « Pour une théorie du récit au service de l’enseignement » (FNS n° 197612). Cette recherche part d’un constat, ou plus exactement d’une hypothèse qui devait être vérifiée : de manière somme toute étonnante, plus de cinquante ans après la parution du fameux Discours du récit de Gérard Genette, et en dépit de toutes les critiques qui lui ont été adressées au fil du temps, l’outillage narratologique semble s’être maintenu dans l’enseignement du français et constitue encore non seulement un moyen d’aborder les textes ou de les rédiger, mais aussi un objet d’enseignement spécifique. Narrateur, focalisation, point de vue, intrigue ou analepses constituent donc, aujourd’hui comme hier, des savoirs scolaires dont la maitrise continue souvent d’être évaluée au terme des cursus. Face à cette étonnante résilience d’un attirail terminologique qui a parfois été accusé de dérive techniciste, l’équipe qui porte ce projet s’est donné pour mission d’interroger le statut de la narratologie enseignée, afin de mieux comprendre à la fois le processus historique qui a permis de scolariser la théorie du récit, et les raisons qui président à son maintien actuel, notamment dans les classes des niveaux du secondaire I et II (élèves de 12 à 18 ans) de quatre pays francophones (Suisse romande, Belgique, Québec et France). Pour dresser ce bilan, plusieurs grands témoins de l’émergence de la narratologie et de l’évolution de l’enseignement du français ont été sollicités, le regard rétrospectif permettant de ressaisir toute la complexité et l’épaisseur historique de cette scolarisation. On trouvera aussi dans ce dossier les premiers résultats d’une vaste enquête internationale menée par Luc Mahieu pour approcher les pratiques déclarées de plus de cinq cents enseignant·e·s de français, offrant une première cartographie chiffrée de la pace actuelle de la narratologie dans les cours de français. En outre, une journée d’étude à l’Université de Lausanne a permis de réunir plusieur·e·s didacticien·ne·s du français, qui nous ont offert des éclairages complémentaires et convergents sur un phénomène encore trop rarement interrogé dans une perspective didactique. À côté des approches historiques et des constats didactiques se pose aussi la question de la possibilité d’une amélioration de cette boite à outils, souvent mise au service de l’analyse ou de la production de textes « qui racontent ». Peut-on améliorer l’ergonomie des outils dont nous avons hérité en s’appuyant, d’une part, sur les nouvelles potentialités ouvertes par les évolutions récentes de la narratologie contemporaine, aujourd’hui davantage soucieuse de ressaisir le récit comme un dispositif verbal ou médiatique donnant naissance à une expérience narrative incarnée ? Est-il possible, d’autre part, de repenser cet outillage en le situant au plus près des pratiques scolaires qui en découlent. Entrée dans les pratiques à une époque qui coïncide plus ou moins avec l’émergence d’une réflexion sur la transposition didactique des savoirs, force est de constater, comme l’affirmait Yves Reuter il y a déjà plus de vingt ans, que les concepts narratologiques ont été trop peu discutés dans cette perspective : quels outils ? pour qui ? dans quel but ? à quel stade de la progression curriculaire… Plutôt que l’ignorer ou le rejeter par principe, la résilience attestée de la narratologie scolarisée nous invite à prendre au sérieux cette boite à outils souvent mobilisée dans la classe de français, de manière à accompagner son évolution en la sortant des ornières de la réflexion didactique.
2014
Des objets qui racontent des histoires : le patrimoine éducatif dans l'internationalisation des théories et des pratiques pédagogiques 1. LE PATRIMOINE SCOLAIRE : LES INQUIETUDES DU PRESENT ET LES LIGNES DE RECHERCHE Depuis une dizaine d'années on assiste à un intérêt tout particulier pour l'école et pour son passé, ce qui confère une signification nouvelle aux initiatives des années précédentes. Les historiens et les chercheurs en histoire de l'éducation ont porté un regard nouveau sur le patrimoine et la matérialité scolaire et, sur ces sujets, plusieurs projets de recherche et d'intervention ont été développés. Au niveau international, en particulier en Europe, ce mouvement de préservation et valorisation du patrimoine de l'éducation a acquis une importance croissante dans les domaines scientifiques de l'éducation et de l'histoire. En reliant, à ce propos, des lignes de recherche avec des initiatives de grande envergure, qui donnent une immense visibilité à l'histoire de l'école et au patrimoine éducatif dans les différents pays, plusieurs publications sont apparues dont les auteurs appartiennent à différentes communautés scientifiques de leurs pays respectifs et sont, simultanément, liées à des projets et à la création et consolidation de musées de l'éducation de prestige international. Ainsi a été publié en France un ouvrage collectif de référence sur le patrimoine de l'Education nationale 1 , qui s'articule avec l'action mise au point par le Musée National de l'Éducation (Rouen), qui intègre le INRP-Institut National de Recherche Pédagogique. De même, des études importantes 2 sont réalisées dans le domaine de l'histoire des disciplines scolaires, en accord avec le développement de projets qui visent à sauvegarder les matériels scientifiques dans le cadre de leur articulation avec les méthodes d'enseignement. En Espagne, les ouvrages sur ce thème 3 font partie d'une recherche qui a conduit aussi à la création d'un important réseau de musées pédagogiques, scolaires et sur l'enfance. Les communautés scientifiques d'Europe du Nord (Belgique, Pays-Bas, Grande-Bretagne, etc.) ont mis au point des études sur la matérialité de l'école, en liant cette dimension à des recherches sur la réalité en salle de classe (la boîte noire du système éducatif) et les pratiques pédagogiques 4. Les nombreuses