Identités contemporaines, traditions, communautés, sociétés (original) (raw)
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CEMOTI, 1998
Le cas des migrants de Turquie en Europe Depuis quelques années l'individu reprend sa place dans les débats en sciences sociales à travers ses « appartenances » communautaire, sociétale, nationale. Les libéraux s'opposent aux « communautaristes » pour situer l'individu face au pouvoir et optimiser ses droits dans les sociétés modernes, complexes et multiculturelles. Or le processus de modernisation politique _ avec la formation de l'Etat_nation _ avait extrait l'individu de ses relations dites primordiales pour le situer directement face à l'Etat en tant que citoyen, remplaçant ainsi la loyauté vis_à_vis des pairs par la loyauté vis_à_vis de la communauté politique et l'affectivité par la rationalité comme indicateur du progrès et de l'émancipation. Quant au processus de modernisation économique à l'origine de transformations sociales, il s'est accompagné d'analyses dichotomiques des relations sociales et des modes de solidarité. C'est dans cette perspective que la sociologie classique présente la communauté (Gemeinschaft) comme une forme d'organisation traditionnelle et statique, caractérisée par la proximité des relations, fondées sur la « volonté naturelle » ou la « volonté spontanée », qui s'oppose à la société (Gesellschaft) où c'est une « volonté réfléchie », donc la rationalité qui déterritine les relations entre individus 1. Durkheim de son côté s'appuie sur les formes de solidarité _ mécanique ou organique _ pour définir les liens entre individus dans une communauté ou dans la société 2. D'après cette typologie dichotomique, la modernisation entraîne la dissolution des communautés, et la mobilisation accrue des individus intègre ses membres dans la société, en situant l'individu _ le citoyen _ face à l'Etat, et assurant ainsi sa loyauté vis_à_vis de la nation, laquelle, d'après Weber, est la seule communauté née de la modernité. C'est désormais la communauté politique qui représente l'intérêt général au_delà des intérêts particuliers, communautaires et identitaires. Les revendications identitaires dans l'espace public depuis les années 1980 vont à l'encontre de cette évolution dans la mesure où elles s'accompagnent d'une identification collective exprimée dans un cadre de plus en plus communautaire. Les communautés obsolètes depuis la formation de l'Etat_nation, l'industrialisation et l'urbanisation, bref depuis la modernisation politique et économique, reviennent dans le débat politique par le biais du multiculturalisme. Ce dernier, défini comme « la politique de la reconnaissance » par Charles Taylor, apparaît comme une réponse politique à l'apparition de communautés dites ethniques _ qu'elles soient religieuses, linguistiques ou nationales _ et sexuelles en quête de reconnaissance et de représentativité. Dans cette perspective, communauté ethnique, ou communauté d'intérêt, ou encore communauté de « circonstance » selon la formule de Jean Leca 3 , il s'agit d'une forme d'organisation qui permet de négocier chacun des éléments de l'identité avec les pouvoirs publics. Les militants, détenteurs d'une identité collective construite à partir de l'expérience de l'immigration ou de la situation de minorité, selon les cas, font intervenir l'affectif (par les liens primordiaux) et le rationnel (par les liens créés avec la société, l'Etat et ses institutions) pour rendre leur action plus efficace. L'identité devient, dès lors, la stratégie d'action, et la formation de communauté, la tactique nécessaire pour faire reconnaître les particularités affichées et les négocier avec l'Etat 4. L'immigration se situe dans ce débat de façon complexe, voire à certains égards, contradictoire. Tout d'abord, l'individu immigré s'appuie sur une double référence de structures sociales et de cultures politiques : celle du pays de départ et celle du pays d'installation. Le projet est néanmoins le même. Il se résume en termes d'accès à la modernité. Il s'agit de réaliser une mobilité ascendante afin d'assurer une intégration sociale, et en même temps, de se détacher de ses liens communautaires _ religieux, linguistiques, régionaux _ afin de répondre aux exigences d'une assimilation culturelle et politique dans l'Etat_nation. Ce constat est valable aussi bien pour les pays européens que pour la Turquie. De fait, l'immigration économique qui caractérise l'ensemble des départs de Turquie vers les pays européens est, avant tout, un projet individuel. Elle s'inscrit dans le processus de modernisation
Savoirs traditionnels, populations locales et ressources globalisées
2000
Depuis la signature de la Convention sur la diversité biologique, les dimensions politiques et juridiques de la conservation de la biodiversité se sont affirmées. Parmi celles-ci, la reconnaissance des savoirs traditionnels des communautés autochtones et locales est devenue une question centrale des négociations. Ces savoirs ont été investis d'un rôle décisif dans la protection de la biodiversité et dans l'instauration d'un marché des ressources génétiques. Ils ont été pour cela requalifiés comme patrimoine culturel à respecter, information à protéger ou encore marchandise à valoriser pour une nouvelle économie de la connaissance.
Ethnographie, anthropologie et contemporanéité
2007
Cet article presente une analyse du savoir anthropologique dans le Bresil contemporain a partir de la description des formes particulieres de savoir et des styles anthropologiques qui ont construit l’ethnographie et ses objets privilegies a certains moments historiques dans notre pays. Nous nous referons tout d’abord aux contextes politiques et socioculturels au sein desquels, entre la fin du XIXe siecle et 1930, s’est developpee une production qui presente une reflexion sur la construction de la societe bresilienne. Ensuite, nous decrivons les processus d’institutionnalisation de l’anthropologie, de 1940 jusqu’a son developpement contemporain. Au terme de cet article, nous presentons le probleme des rapports institutionnels et des pouvoir sous-jacents au savoir ethnographique, qui configurent ses limites et ses possibilites au Bresil.
Social Anthropology, vol.8, part 3, pp.163-197, 2000
des modernes. Etude comparative d'une idée-valeur polysémique en Russie et en Occident Il s'agit dans cet article de revenir sur la compréhension de l'idéologie moderne en s'efforçant de retrouver, par l'intermédiaire de l'exemple russe, le tracé de son imposition progressive au sein des sociétés 'holistes' au sens où l'entend Louis Dumont (1983) 1 L'étude du concept de 'communauté', traditionnellement opposé en sociologie au terme de 'société' depuis Tönnies afin de définir une conception 'traditionnelle' des relations sociales inhérente aux liens 'primaires' (familiaux et locaux), nous permettra d'appréhender les phénomènes d'acculturation d'une façon complexifiée, nonobstant la vision surannée d'un remplacement progressif des liens 'communautaires' par la généralisation du schème contractualiste qui fonde la forme 'sociétaire' des collectivités humaines. 2 Dans un second temps, à la lumière des hypothèses élaborées à propos de la hiérarchie de valeurs russe, nous nous efforcerons d'introduire quelques propositions sur une question d'importance capitale dans les débats contemporains, à savoir le prolongement de l'existence des communautés sous la forme de 'communautarisme'. Sous ce terme se comprend l'antagonisme conflictuel que peuvent entretenir les 'identités' ethniques, culturelles, religieuses, d'une part entre elles, et d'autre part envers un pouvoir central 'républicain', arc-bouté sur la défense de l'égalité individuelle entre citoyens, seule apte à assurer l'intégration au sein d'un état-nation en crise. Loin de son apparence nostalgique de paradis perdu, porté par une vision passéiste du monde, l'idée-valeur de 'communauté' nous semble plutôt un lieu prépondérant de réappropriation à travers lequel une totalité sociale peut, dans un cadre explicite de
Figures modernes de la singularité et pensée de la communauté
Dès l’abord, la singularité, en tant que concept, ne peut s’émanciper d’un paradoxe : par rapport à l’altérité de « l’étranger », qui est radicalement séparé, elle souffre d’un défaut d’autonomie. Elle relève d’une orientation incomplètement assumée, d’un mouvement qui n’atteint jamais son terme sinon à s’abolir. Souvent, elle relève d’une stratégie qui n’est pas indépendante d’un mode de rapport à l’autre. Cela revient à souligner le fait qu’à son corps défendant, pour ainsi dire, elle ne s’entend jamais que par rapport à une norme, au groupe, à une norme de groupe.
Situations créoles, entre culture et identité
2008
Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi à partir de : Jean-Luc Bonniol "Situations créoles, entre culture et identité". Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Carlo A. Célius, Situations créoles. Pratiques et représentations, pp. 49-59. Québec, Editions Nota bene, 2006, 307 pp. Collection Société. M. Jean-Luc Bonniol, anthropologue, nous ont accordé le 21 avril 2008 son autorisation de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.