Introduction : à quoi servent les chiffres de la discrimination ? (original) (raw)
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Les statistiques au service du droit de la non-discrimination
Les cahiers de la LCD, 2021
Entretien avec Robin Médard-Les statistiques au service du droit de la nondiscrimination Pour citer : Médard Inghilterra, Robin, Vincent-Arnaud Chappe, et Mireille Eberhard. 2020. « Les statistiques au service du droit de la non-discrimination ». Les cahiers de la LCD N° 13(2):85-103. Robin Médard a soutenu en 2020 à l'université Paris Ouest Nanterre une thèse sur la « réalisation du droit de la non-discrimination, qui développe largement d'un point de vue juridique la question des conditions concrètes de mise en oeuvre de ce droit. Nous lui avons demandé ici d'expliquer la place particulière prise par les statistiques comme mode de preuve de la discrimination devant les tribunaux, alors qu'aujourd'hui ceux-ci sont progressivement amenés à se prononcer sur l'existence de discriminations « systémiques » ou institutionnelles. 1) Quel rôle ont joué les statistiques dans l'édification internationale du droit de la nondiscrimination (Union européenne, Conseil de l'Europe, etc.) ? Quelle influence a eu la notion de discrimination indirecte sur la question ?
Mesurer la discrimination, des statistiques publiques à l ’Insider Econometrics
Les cahiers de la LCD, 2021
Dominique Meurs est économiste, professeure d'université à Paris Ouest Nanterre, membre du laboratoire EconomiX et chercheuse associée à l'INED. Elle est réputée pour ses travaux pionniers en France sur la mesure des inégalités de genre au travail, mais également des discriminations ethnoraciales. Nous avons voulu lui donner ici la parole en raison de sa riche expérience sur les questions de quantification des inégalités, mais également parce qu'elle est une des rares chercheuses à travailler directement sur les données du personnel de grandes entreprises, en plus de l'utilisation plus classique des grandes enquêtes statistiques. Un travail pionnier dans l'analyse économique des inégalités salariales entre femmes et hommes en France Enquêtrice : Est-ce que tu peux te présenter, ainsi que tes objets ? Je suis économiste, professeure d'économie à l'université de Nanterre, chercheuse associée à l'Ined, dans l'unité démographie économique, et je suis également directrice exécutive de la chaire travail PSE (École d'économie de Paris). Dans ces trois institutions, j'ai développé des recherches de long terme sur la question des inégalités, qui mène, évidemment, à la question des discriminations. J'ai démarré cette approche par les inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Dans les années 90, j'ai rencontré une chercheuse australienne, Xin Meng, qui était en train de terminer sa thèse sur les inégalités de salaire et la discrimination en Chine. Elle me présente ses résultats et me dit : « Et alors, en France, c'est comment ? » Et là, le blanc. Parce qu'il n'y avait rien, à part quelques chiffres sur les écarts de salaire moyens. Il y avait aussi les travaux de Catherine Sofer sur la ségrégation professionnelle. Mais je ne pouvais pas donner à ma collègue le chiffre que tout le monde utilisait dans tous les pays du monde, pour chiffrer l'ampleur de la discrimination salariale à l'encontre des femmes, à partir de la méthode initiée par Ronald Oaxaca, dans les années 70 1. Ça a débouché sur un papier en commun (Meng et Meurs, 2001),
Le rôle des statistiques dans la transformation du système de discrimination
Les sciences sociales françaises ont toujours rencontré des difficultés à construire l'immigration en objet d'étude autonome et se sont fort peu emparées de la problématique du racisme ou des relations interethniques. Les évolutions actuelles de problématiques et de catégorisation appellent une adaptation de l'appareil d'observation statistique. Le déficit de capitalisation scientifique sur les discriminations engendre des lacunes des politiques publiques, tandis que la doctrine française en matière d'égalité détermine, directement et indirectement, les faiblesses de l'investigation scientifique. Cet article se propose de revenir sur les différentes justifications à la mobilisation de l'appareil statistique dans la mise en place d'une politique de lutte contre les discriminations. E n 1997 se tenait l'Année Européenne contre le Racisme. Les nombreuses manifestations qui se sont tenues à cette occasion ont popularisé une thématique restée relativement discrète en France jusque-là : la montée des discriminations ethniques ou raciales. Plusieurs études portant sur les discriminations dans le monde du travail ont mis en évidence la gravité et l'extension des traitements différenciés en raison de l'origine, réelle ou supposée, à l'embauche, mais aussi dans les carrières professionnelles et, plus sournoisement, d'un racisme quotidien dans les rapports de travail. Le même constat a ensuite été établi pour le logement (Simon, Kirstzbaum, 2001) et pour la plupart des domaines de la vie sociale : école, santé, services au public, loisirs, justice, police… Ainsi, le racisme n'est plus seulement appréhendé comme une idéologie qui fonde des projets politiques
Dans le modèle classique du droit antidiscriminatoire, la discrimination était conçue comme le fait de traiter délibérément de manière différente, en raison de leur sexe, de leur origine, de leur couleur de peau, ou d'un autre motif prohibé, deux personnes placées dans une situation analogue. Autrement dit, l'interdiction ne visait que les discriminations directes, c'est-à-dire les distinctions de traitement explicites, dépourvues de justification légitime. Dans cette optique, la discrimination était perçue comme le fait d'individus isolés, agissant de manière délibérée, motivés par des préjugés racistes, sexistes ou autres. Or, à partir des années 1970, diverses analyses démontrèrent le caractère partiel de cette conception du phénomène discriminatoire. Aux Etats-Unis, alors que le Civil Rights Act, qui interdit la discrimination, avait été adopté en 1964, les observateurs constatèrent que non seulement les disparités de traitement à l'encontre des Noirs ou des femmes ne disparaissaient pas, mais qu'en outre, les
Les politiques anti-discrimination et les statistiques : parametres d'une incoherence
Sociétés contemporaines, 2004
Le développement en France d'une politique de lutte contre les discriminations à la fin des années 1990 a engagé une évolution sensible du « modèle français d'intégration ». À la suite de deux directives européennes visant les discriminations « raciales » et « ethniques », de nouveaux outils conceptuels et juridiques sont venus appuyer l'application de cette politique. La notion de « discrimination indirecte » apporte ainsi de nouvelles ressources pour l'action, mais aussi pour la définition des phénomènes discriminatoires. La mobilisation de statistiques joue un rôle stratégique dans l'application des lois et politiques antidiscriminatoires. Pourtant, les données disponibles actuellement ne correspondent pas aux besoins définis par le cadre juridico-politique, pas plus qu'elles ne rendent possible une analyse scientifique des discriminations. Il faut rechercher les sources de cette incohérence dans les caractéristiques des catégories statistiques à mobiliser (« race » et « origine ethnique »), les modalités de contrôle de la production de statistiques et les controverses entourant l'identification statistique des discriminations.
Sociétés contemporaines, numéro 54, 2004
Le développement en France d'une politique de lutte contre les discriminations à la fin des années 1990 a engagé une évolution sensible du « modèle français d'intégration ». À la suite de deux directives européennes visant les discriminations « raciales » et « ethniques », de nouveaux outils conceptuels et juridiques sont venus appuyer l'application de cette politique. La notion de « discrimination indirecte » apporte ainsi de nouvelles ressources pour l'action, mais aussi pour la définition des phénomènes discriminatoires. La mobilisation de statistiques joue un rôle stratégique dans l'application des lois et politiques antidiscriminatoires. Pourtant, les données disponibles actuellement ne correspondent pas aux besoins définis par le cadre juridico-politique, pas plus qu'elles ne rendent possible une analyse scientifique des discriminations. Il faut rechercher les sources de cette incohérence dans les caractéristiques des catégories statistiques à mobiliser (« race » et « origine ethnique »), les modalités de contrôle de la production de statistiques et les controverses entourant l'identification statistique des discriminations. 2.
Revue internationale des sciences sociales, 2005
Le rôle des statistiques sur l'origine ethnique et la « race » dans le dispositif de lutte contre les discriminations au Canada par Maryse POTVIN | érès | Revue internationale des sciences sociales 2005/1 -N° 183 ISSN 3034-3037 | ISBN 2-7492-0462-8 | pages 31 à 48 Pour citer cet article : -Potvin M., Le rôle des statistiques sur l'origine ethnique et la « race » dans le dispositif de lutte contre les discriminations au Canada, Revue internationale des sciences sociales 2005/1, N° 183, p. 31-48.
Comment évaluer le "bien faire" en matière de statistique? La présente contribution se propose d'apporter un éclairage, limité, à cette ample question à partir de variables statistiques dont l'utilisation a suscité par le passé des évaluations contrastées, voire contradictoires. Ces 1 Cette contribution trouve place dans le cadre d'une recherche que je mène au Département de la recherche du CREST (INSEE), "Prendre la mesure des personnes : mesures statistiques et mesures politiques", qui prolonge et renouvelle une série de travaux sur l'histoire de la statistique et les politiques de la statistique et de l'information (Thévenot