Immigration au Canada (original) (raw)
Le déplacement d’individus d’un pays vers un autre dans le but de s’établir ailleurs est au cœur de l’histoire du Canada. L’histoire de l’immigration canadienne n’est pas celle d’une croissance démographique ordonnée; elle a plutôt été, et est toujours, à propos du développement économique ainsi que des attitudes et valeurs canadiennes. Elle a souvent été ouvertement économiquement égocentrique ainsi que discriminatoire sur le plan ethnique et racial malgré le fait qu’elle ait contribué à créer une société multiculturelle (voir Politique d'immigration canadienne; Réfugiés au Canada). L’immigration a également contribué à déposséder les peuples autochtones de leurs terres ancestrales.
Immigration en Nouvelle-France (du 16e au 18e siècle)
Tout au long du 17e siècle et durant une grande partie du 18esiècle, les administrations coloniales européennes, chargées de superviser ce qui adviendra du Canada, ne considèrent pas la colonisation comme une priorité. Au départ, les gouvernements français et britannique ne semblent pas préparés à dépenser d’importantes sommes d’argent ni d’énergie nécessaires pour encourager la colonisation. Du côté de la France et de la Grande-Bretagne, l’immigration vers ce Nouveau Monde qu’est le Canada n’est pas populaire non plus. Les aventuriers, les explorateurs et surtout les marchands qui agissent pour les intérêts français ou britanniques craignent l’ingérence des colons dans leur commerce lucratif (voir Traite des fourrures).
Cependant, la politique change éventuellement et les autorités coloniales encouragent lentement et avec prudence la colonisation au Canada. Ils espèrent qu’ainsi les colons garantiront la souveraineté des revendications territoriales coloniales, et qu’ils exploiteront les ressources naturelles du pays, souvent au nom des investisseurs européens. Ils espèrent également que les colons convertiront les peuples autochtones au christianisme. Les colonies se développent graduellement, mais non sans difficultés. La population de la Nouvelle-France à l’époque de la Conquête britannique (1759 à 1760) est d’environ 65 000 habitants. En Nouvelle-Écosse, une communauté écossaise transplantée est complétée par des colons allemands et suisses. À la fin des années 1700, des colonsirlandais viennent augmenter la population de Terre-Neuve.
Bien que la victoire des Britanniques ait limité la migration des Français (voir aussi Immigration française au Canada), elle n’entraîne pas pour autant une vague immédiate d’immigrants anglophones. À l’exception de quelques administrateurs, militaires et marchands britanniques qui comblent le vide laissé par le départ de leurs homologues français, peu de colons anglophones semblent s’intéresser au Canada. En fait, on peut même douter qu’ils aient été bien accueillis par les nouveaux dirigeants britanniques. Ces derniers craignent qu’un afflux de colons anglophones protestants ne complique l’administration de ce territoire catholique et francophone récemment conquis. La plupart des migrants britanniques sont beaucoup plus enclins à rechercher le climat plus tempéré et les institutions sociales familières des colonies américaines au sud du Canada.
Immigration des loyalistes (18e et 19e siècles)
Un bon nombre de nouveaux dirigeants britanniques du Québec sont bientôt contraints d’accepter plusieurs milliers de colons anglophones pour la plupart protestants qui sont déplacés à cause de la Révolution américaine. Connus sous le nom de loyalistesde l’Empire uni, ils sont en grande partie desréfugiés politiques. Un grand nombre d’entre eux migrent vers le nord non par choix, mais à cause des circonstances. Plusieurs refusent de devenir citoyens de la nouvelle République américaine, d’autres craignent des représailles pour avoir soutenu publiquement les Britanniques. Pour ces loyalistes, le Canada est un pays de second choix, comme il le sera pour un nombre incalculable de futurs immigrants qui viendront parce que l’endroit d’où ils viennent est défavorable, et que l’entrée ailleurs, souvent aux États-Unis, est restreinte.
La migration des loyalistes est soutenue par les autorités canadiennes qui offrent de l’approvisionnement aux nouveaux colons et organisent la distribution des terres. Malgré les épreuves endurées par les colons, leur sort est adouci grâce à l’intervention d’agents du gouvernement, une pratique qui se répétera souvent au Canada.
De nombreux loyalistes noirs quittent également les États-Unis pour l’Amérique du Nord britannique. Bien qu’ils se soient rangés du côté des Britanniques lors de la guerre d’Indépendance américaine, les loyalistes noirs font face à une hostilité raciste et à des inégalités considérables. Malgré tout, ils persévèrent et construisent des communautés solides, en particulier dans les villes commeShelburne et Birchtown en Nouvelle-Écosse. (Voir aussi L’arrivée des loyalistes noirs en Nouvelle-Écosse.)
Immigration irlandaise (19e siècle)
Tout au long du milieu du 19esiècle, les colonies, particulièrement au Canada-Ouest, reviennent à un modèle de croissance économique douloureusement lent et erratique. Officiellement encouragée, l’immigration en provenance de la Grande-Bretagne, et même des États-Unis, remplit progressivement les meilleures terres agricoles de la colonie et enrichit de nouvelles villes administratives et commerciales. Les nouveaux immigrants sont généralement semblables aux habitants déjà établis de la communauté. Cependant, la grande famine irlandaise et, dans une moindre mesure, l’échec d’une série de rébellions en Europe en 1848, envoient de nouvelles cohortes d’immigrants en Amérique du Nord.
Parmi ces dizaines de milliers de migrants, plusieurs sont irlandais, et leur arrivée au Canada déclenche des changements sociaux et économiques majeurs. À bien des égards, les Irlandais constituent la première grande cohorte d’immigrants venant de l’étranger au Canada, après les Anglais et les Français. Bien que les Irlandais parlent généralement l’anglais, ils ne reflètent pas les valeurs sociales, culturelles et religieuses des Canadiens anglais. Ils forment une minorité catholique dans un Canada-Ouest majoritairement protestant. Cependant, les catholiques irlandais se sentent un peu plus à l’aise avec les Canadiens français qui partagent leur foi, mais pas leur langue. La loyauté envers la Couronne britannique de plusieurs d’entre eux semble également suspecte dans un Canada où une loyauté ardente est exigée comme assurance contre le républicanisme américain.
Après avoir échappé à un mode de vie agraire où l’agriculture est synonyme de pauvreté et de dépendance, certains de ces Irlandais frappés par la famine ont peu ou aucun enthousiasme pour la vie sur une ferme (voir Histoire de l’agriculture). Donc, les Irlandais travaillent de manière saisonnière dans le développement du nouveau système élargi de canaux, dans le commerce du bois, et dans le réseau ferroviaire qui est en plein essor.
En raison de leur statut socio-économique qui est moins fortuné, ainsi que leurs identités ethniques et religieuses distinctes, des quartiers irlandais séparés apparaissent dans les villages et les villes canadiennes.
Migration vers l’Ouest (19e siècle et début du 20e siècle)
Avec un taux de mortalité relativement bas, un taux de natalité élevé, et une immigration faible mais constante venant des îles Britanniques, l’ère suivant immédiatement la Confédération connaît des problèmes de surpopulation (voir Population). Ce problème est aggravé par la rareté croissante de terres cultivables.
Pendant ce temps, les États-Unis, qui semblent posséder une réserve illimitée de terres libres et fertiles, attirent des milliers de nouveaux immigrants et de Canadiens anglais. L’industrie américaine attire également beaucoup de Canadiens français qui se rendent travailler dans des usines de la Nouvelle-Angleterre (voir Franco-Américains).
Vers la fin du 19esiècle, les futures provinces des Prairies s’ouvrent à la colonisation, mais seulement après le déplacement, parfois violent, des peuples métis et des Premières Nations de leurs terres. (Voir aussi Rébellion du Nord-Ouest.) Toutefois, la migration à grande échelle ne reprend que lorsque les besoins en produits agricoles, comme le blé, augmentent également.
Cette demande pour des produits agricoles, particulièrement pour le blé dur, coïncide avec l’élection du gouvernement de Wilfrid Laurier, qui encourage la colonisation de l’ouest avec une immigration à grande échelle. Clifford Sifton, le nouveau et agressif ministre de l’Intérieur du Canada, organise un programme d’immigration remanié et de grande envergure. Il est même prêt, quelque peu à contrecœur, à accueillir des colons agriculteurs qui viennent d’endroits autres que les îles Britanniques, l’Europe du Nord ou les États-Unis.
Cependant, la volonté de Clifford Sifton d’ouvrir les portes aux immigrants venant d’ailleurs que des sources traditionnelles ne reflète pas les politiques d’immigration canadiennes.
Pour les Canadiens anglophones, la définition traditionnelle de l’immigrant idéal peut avoir été modifiée, mais pas radicalement. Le gouvernement canadien préfère des migrants anglophones blancs venant de l’Empire britannique ou des États-Unis. Dans un même temps, les migrants non blancs se voient refuser l’entrée au pays pour des motifs racistes. Les immigrants idéaux sont des fermiers d’origine britannique ou américaine qui s’établissent dans l’Ouest.
Pressées par les intérêts des entreprises et des chemins de fer pour accroître l’immigration, les autorités de l’immigration équilibrent leurs angoisses ethniques avec une recherche effrénée de colons. Ils créent une liste des colons idéaux par ordre décroissant de préférence. Les agriculteurs britanniques et américains sont suivis des Français, des Belges, des Hollandais, des Scandinaves, des Suisses, des Finlandais, des Russes, des Austro-Hongrois (voir Autrichiens; Hongrois ), des Allemands, des Ukrainiens et des Polonais. Tout près du bas de la liste viennent ensuite ceux qui, dans l’esprit du public et du gouvernement, sont moins assimilables et moins désirables, c’est-à-dire les Italiens, les Slaves du Sud, les Grecs et les Syriens (voir Arabo-Canadiens ). En dernier se trouvent les Juifs, les Asiatiques, les Roms et les Noirs.
Cependant, Ottawa n’est pas la seule voix en matière d’immigration. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique accorde aussi une voix aux provinces si tel est leur choix. Le Québec est particulièrement intéressé et met sur pied son propre ministère de l’immigration. Ceci est en partie en réponse à l’expansion du Canada anglophone, et également dans un effort pour freiner, voire renverser, la migration des jeunes Québécois ruraux vers la Nouvelle-Angleterre. En coopération avec les autorités fédérales, des agents d’immigration sont envoyés en Nouvelle-Angleterre pour inciter les Canadiens français à retourner chez eux pour s’installer sur de nouvelles terres marginales. Ce programme ne rencontre qu’un succès limité, mais l’implication du Québec dans la gestion de ses propres priorités en matière d’immigration persiste.
Migrants et centres urbains
Malgré les précautions prises par le gouvernement, ce ne sont pas tous les immigrants qui s’engagent dans le domaine de l’agriculture ou de l’exploitation des ressources. Tout comme les Irlandais avant eux, de nombreux immigrants non anglophones et en grande partie non protestants rejettent la vie d’isolement rural et choisissent plutôt de travailler dans les villes. De plus, un bon nombre de ces migrants ne se voient demeurer au Canada ou en Amérique du Nord que temporairement. Certains cherchent à gagner suffisamment d’argent pour acheter une terre dans leur pays d’origine, pour préparer une dot pour une sœur, ou pour rembourser une dette de famille. Toutefois, ceux qui adoptent les définitions nord-américaines du succès ou qui ne peuvent retourner dans leur pays en raison du climat politique s’établissent au Canada. Si possible, ils font venir leurs femmes et enfants.
Des migrants d’origines de plus en plus diverses commencent à immigrer au Canada, parmi eux se trouvent des Macédoniens, des Russes, des Finlandais et des Chinois. On autorise l’entrée à plusieurs de ces migrants en raison des besoins de main-d’œuvre à combler à bon marché, ou pour avoir un bassin d’ouvriers qualifiés pour des travaux d’usine ou de construction. Certains d’entre eux travaillent dans les mines ou dans l’industrie forestière, d’autres comme les Chinois travaillent à terminer le chemin de fer du Canadien Pacifique. Plusieurs s’installent dans les villes comme Montréal, Winnipeg, Toronto,Hamilton et Vancouver. Cependant, ces immigrants font face à des angoisses et des préjugés ethniques et religieux auparavant réservés uniquement aux Irlandais.
L’arrivée de migrants issus de milieux culturels drastiquement différents génère une certaine hostilité raciste de la part de plusieurs Canadiens. Certains Canadiens réagissent en faisant preuve d’une tolérance pleine de dignité. Ils reconnaissent que ces étrangers sont là pour de bon, que leur travail et leurs compétences sont nécessaires, et que leurs conditions de vie sont sujettes à amélioration. Les immigrants jouent un rôle économique vital dans les centres urbains, ils installent des rails de tramway, ils travaillent dans les usines de textile, et ils creusent des systèmes d’égouts. Pourtant, de nombreux Canadiens exigent néanmoins un contrôle plus strict de l’immigration selon des critères ethniques et raciaux.
Immigration et racisme
La politique et l’administration canadiennes en matière d’immigration s’inclinent devant la nécessité économique en autorisant certains migrants à entrer au Canada. Cependant, elles ne le font qu’à contrecœur. Assez rapidement, des contrôles d’immigration restrictifs sont mis en place pour cesser l’immigration selon des critères ethniques et raciaux.
La migration chinoise est particulièrement visée. Des mesures comme la taxe d’entrée imposée aux Chinois, les taxes d’atterrissage, les accords de restriction bilatéraux, et les restrictions de voyage interdisent pratiquement toute immigration chinoise au Canada (voir aussi Loi de l’immigration chinoise). Les autorités canadiennes refusent également l’immigration des femmes chinoises. Le gouvernement craint que leur présence encourage les hommes chinois, qui sont au Canada temporairement en tant que main-d’œuvre dans les mines ou sur les chemins de fer, à s’installer de façon permanente. Les craintes racistes qu’un soi-disant « péril jaune » puisse mettre en danger le tissu moral de la société sont répandues.
En 1914, près de 400 migrants des Indes orientales à bord duKomagata Maru attendent dans le port de Vancouver pendant que les autorités canadiennes délibèrent sur leur sort. Malgré le fait qu’ils soient sujets de l’Empire britannique, les passagers ont exposé les restrictions racistes imposées par le Canada à l’immigration sud-asiatique. La nouvelle marine canadienne, en action pour la première fois, escorte le navire hors des eaux canadiennes sous les applaudissements de nombreux habitants de Vancouver qui observent de la rive. Plusieurs des passagers seront plus tard tués à leur retour en Inde.
Pendant la Première Guerre mondiale, une hystérie anti-allemande éclate au Canada. Cette hostilité xénophobe est largement dirigée contre ceux qui entretiennent des liens avec les pays ennemis. Bien que les étrangers qui ont des liens avec les pays alliés au Canada sont également ciblés en tant que sujets de souverains alliés. Malgré les besoins en effectifs militaires du Canada, les autorités britanniques et canadiennes estiment que, dans la mesure du possible, les étrangers appartiennent aux armées étrangères. On encourage donc les groupes comme les Italiens, les Serbes, les Polonais et certains Juifs à aller combattre dans les armées de leur mère patrie, ou bien ils sont recrutés dans des unités spécifiques de l’armée britannique qui sont réservées aux étrangers alliés de diverses origines. N’ayant pas d’armée nationale à laquelle se joindre, de nombreux Juifs, Macédoniens et Ukrainiens se portent volontaires dans l’armée canadienne.
En 1910 et 1911, des rumeurs se répandent selon lesquelles un groupe de Noirs se prépare à migrer vers le centre de l’Alberta. Descendants d’esclaves affranchis, ils se sont fait chasser de leurs terres sur le territoire de l’Oklahoma, où ils avaient obtenu des propriétés et espéraient commencer une nouvelle vie.
En Alberta, la réponse publique et politique est immédiate et prévisible. Les autorités fédérales mettent au point un plan ingénieux. Rien dans la Loi sur l’immigration n’exclut les Américains noirs, mais on peut refuser l’accès au Canada à tout immigrant pour des raisons de santé en vertu des dispositions médicales de la loi. Le gouvernement ordonne tout simplement aux inspecteurs de l’immigration et à leurs assistants médicaux qui se trouvent le long de la frontière américaine de rejeter tous les Noirs sous le prétexte qu’ils sont inaptes à être admis pour des raisons médicales. Il n’y a pas d’appel. Les Noirs ont été avertis qu’ils ne devraient pas perdre leur temps ou leur argent en envisageant l’immigration au Canada. (Voir aussi Décret C.P.1911‑1324.)
En raison de l’effondrement économique dévastateur causé par la Crise des années 1930, l’approche du gouvernement envers l’immigration s’endurcit. Les autorités de l’immigration se mettent à empêcher activement la migration au Canada. En 1933, Hitler règne sur l’Allemagne, et des millions d’opposants politiques et de Juifs auraient pu survivre si le Canada ou d’autres pays avaient offert l’asile à ces innocentes victimes. Bien que de nombreux Canadiens éprouvent, pour les réfugiés et leur situation désespérée, un mélange de sympathie et d’embarras face au manque d’aide gouvernemental, d’autres, incluant les membres du cabinet fédéral, de nombreux membres du corps diplomatique et les décideurs de politique d’immigration, réagissent avec inquiétude à toute pression exercée pour accueillir des Juifs ou des réfugiés politiques qui fuient l’Allemagne. Par conséquent, peu de réfugiés peuvent contourner les restrictions canadiennes en matière d’immigration. (Voir aussi Paquebot Saint Louis.)
Démanteler les barrières raciales et ethniques
En 1945, à la fin de la guerre, la réglementation canadienne en matière d’immigration demeure inchangée par rapport aux années restrictives d’avant-guerre. Cependant, les changements ne tardent pas à se produire. Stimulé par un essor économique, un marché du travail en croissance, et la demande de main-d’œuvre qui en résulte, le Canada commence progressivement à rouvrir ses portes à l’immigration européenne. Initialement, les portes s’ouvrent aux immigrants que le Canada a traditionnellement privilégiés, ceux du Royaume-Uni et de l’Europe de l’Ouest, puis éventuellement à ceux du reste de l’Europe. Toutefois, avec le début de la Guerre froide, l’immigration en provenance de l’Europe de l’Est cesse complètement. L’Union soviétique et ses alliés ferment leurs frontières occidentales. Mais un grand nombre d’immigrants entrent au Canada en provenance de l’Europe du Sud, de l’Italie, de la Grèce et du Portugal.
Contrairement à l’immigration des décennies précédentes, l’immigration d’après-guerre n’est pas exclusivement dirigée vers l’agriculture et les industries extractives de ressources naturelles en zone rurale. Le Canada émerge de la Deuxième Guerre mondiale en tant que puissance urbaine et industrielle, et de nombreux immigrants d’après-guerre occupent rapidement des emplois dans les secteurs de la fabrication et de la construction. Certains contribuent à l’expansion des infrastructures urbaines tandis que d’autres, plus instruits, répondent à la forte demande de professionnels formés qualifiés.
L’immigration canadienne subit d’autres changements remarquables durant les années d’après-guerre. Les gouvernements canadiens, le fédéral et les provinciaux, cèdent lentement aux pressions de la réforme des droits de la personne exercée par une génération antérieure d’immigrants et leurs enfants. De plus en plus actifs politiquement et faisant désormais partie de la classe moyenne, ces immigrants qui sont maintenant bien intégrés ont fait des sacrifices pour une cause commune avec les autres Canadiens dans l’effort de guerre; et donc, dans cette période d’après-guerre, ils refusent d’assumer le statut de citoyens de seconde zone dans un pays qu’ils ont contribué à protéger. Soutenus par des Canadiens qui partagent les mêmes idées, ils dénoncent ladiscrimination ethnique etraciale à laquelle ils font face et ils demandent une réforme des droits de la personne. Ils forcent les gouvernements à légiférer contre la discrimination fondée sur la race, la religion et l’origine, dans des domaines tels que l’emploi, le logement et l’éducation. Et au même moment où le Canada rend illégale la discrimination au pays, le gouvernement prend des mesures pour éliminer graduellement les barrières raciales, religieuses et ethniques de sa politique canadienne d’immigration.
Vers la fin des années 1960, la discrimination raciale ouverte de la politique d’immigration est disparue des lois et des règlements canadiens sur l’immigration. Par conséquent, les portes du pays s’ouvrent à un bon nombre de ceux qui, autrefois, auraient été rejetés, parce que jugés comme étant « indésirables » en raison de leur race ou de leur ethnicité. En 1971, pour la première fois dans l’histoire du Canada, la majorité des immigrants ne sont pas d’origine européenne. Depuis, c’est le cas chaque année.
Système de points d’appréciation de l’immigration
Il ne faut pas croire pour autant que quiconque peut entrer au Canada. Bien que les restrictions basées sur la race ou le pays d’origine soient disparues, le Canada maintient toujours des critères stricts pour déterminer qui est ou n’est pas un candidat souhaitable pour une entrée au Canada. À la fin des années 1960, le Canada instaure un système de points pour établir des normes fondées sur le mérite des individus qui demandent à immigrer au Canada.
Dans le cadre de ce système, chaque candidat pour devenir immigrant obtient des points en fonction de son âge, de son éducation, de sa capacité à parler l’anglais ou le français, et en fonction de la demande existante en matière des compétences professionnelles de ce candidat. Si un candidat est en bonne santé et de bonne moralité en plus de marquer des points, il est admis avec son époux(se) et leurs enfants. Ceux qui n’obtiennent pas suffisamment de points se voient refuser l’entrée au pays. Plus récemment, le Canada a modifié ses procédures afin de privilégier les candidats indépendants, qualifiés et immédiatement employables.
Une fois établis au Canada, la plupart des nouveaux arrivants, qu’on appelle maintenant « immigrants reçus », bénéficient de tous les mêmes droits que les citoyens canadiens, à l’exception notamment du droit de vote. Après un certain nombre d’années de résidence au Canada (maintenant trois ans sur cinq), chaque immigrant reçu peut demander la citoyenneté canadienne. De plus, les immigrants reçus, comme les citoyens canadiens, peuvent également demander à parrainer l’entrée au Canada de membres de la famille proche qui, autrement, ne seraient pas en mesure de satisfaire les critères rigoureux d’admissibilité. Le parrain doit accepter de s’assurer que toute personne amenée au Canada ne deviendra pas un fardeau économique pour la société. Pendant de nombreuses années, les familles parrainées par des personnes déjà au Canada ont constitué le groupe le plus important de personnes admises au Canada. (Voir Regroupement familial au Canada.)
Migration des réfugiés après 1945
Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les réfugiés ainsi que les autres personnes dépossédées par la guerre et la violence deviennent une part importante du flot d’immigration au Canada. Dans la pénurie de la main-d’œuvre d’après-guerre, le Canada fait entrer des dizaines de milliers de personnes déplacées. Un grand nombre d’entre eux sont alors sans abri en raison de la guerre, ou se retrouvent, à la fin de la guerre, à l’extérieur de leur pays d’origine et refusent d’y retourner. Parmi les personnes déplacées se trouvent des survivants juifs de l’Holocauste qui n’ont ni communauté ni famille où retourner. D’autres personnes déplacées refusent d’être rapatriées vers des pays qui sont maintenant sous la domination de l’Union soviétique. Plusieurs s’installent au Canada où ils se bâtissent une nouvelle vie.
Au cours des années 1960 et 1970, le Canada réagit également au sort de réfugiés d’autres pays qui sont sous le joug de dictatures. À la suite de l’échec du soulèvement hongrois de 1956 et de l’écrasement de la réforme politique en Tchécoslovaquie par l’Union soviétique en 1968, les réfugiés s’enfuient vers l’ouest. Le Canada répond en mettant de côté ses procédures d’immigration normales pour accueillir sa part de réfugiés. Dans les années qui suivent, le Canada accorde à nouveau une autorisation spéciale pour les réfugiés politiques de l’Ouganda, du Chili et d’ailleurs (voir aussi Latino-Américains). Dans chacun de ces cas, les réfugiés sont admis en tant qu’exceptions aux normes d’immigration sans devoir suivre toutes les procédures d’immigration habituelles.
En 1978, le Canada promulgue une nouvelle_Loi sur l’immigration_ qui, pour la première fois, affirme son engagement à aider et réinstaller les réfugiés qui fuient l’oppression, à savoir les individus qui ont des craintes fondées quant à leur risque d’être persécutées dans leur pays d’origine. Par conséquent, les réfugiés ne sont plus admis au Canada en tant qu’exception aux règlements d’immigration. L’admission des réfugiés fait maintenant partie de la loi et des règlements canadiens sur l’immigration. Mais elle demeure controversée et difficile à gérer. (Voir aussi Politique canadienne sur les réfugiés.)
Le premier grand programme de réinstallation des réfugiés en vertu de la nouvelle loi a lieu au début des années 1980 lorsque le Canada devient le chef de file des pays occidentaux en accueillant des réfugiés d’Asie duSud-Est, et plus particulièrement ceux en provenance du Vietnam, souvent appelés les « boat people » (réfugiés de la mer). Plusieurs de ces réfugiés de la mer sont sélectionnés parmi ceux qui ont fui le Vietnam à bord de minuscules bateaux et se sont retrouvés dans des camps de réfugiés en Thaïlande ou à Hong Kong en attendant des foyers permanents (voir aussi Réponse canadienne à la crise des réfugiés de la mer).
Certaines personnes cherchant une protection ne sont pas sélectionnées par les autorités de l’immigration, mais ils viennent plutôt au Canada pour demander le statut de réfugiés. Ces demandeurs d’asile arrivent parfois au Canada après être descendus d’avions qui se sont arrêtés à Gander à Terre-Neuve pendant l’escale de ravitaillement. Plusieurs d’entre eux cherchent à fuir les horreurs de la guerre et les persécutions de pays comme l’Amérique centrale, l’Afrique, le Moyen-Orient, le sous-continent indien et la Chine pour trouver refuge au Canada.
Une fois au Canada, les demandeurs d’asile doivent prouver aux autorités canadiennes qu’ils sont persécutés dans leur patrie. Si le statut de réfugié leur est accordé, ils peuvent rester au Canada; sinon, les demandeurs peuvent être déportés.
Immigration à la fin du 20e siècle
Au cours des années 1980, le nombre de personnes qui entrent au Canada et demandent le statut de réfugié augmente et le processus de détermination du statut de réfugié a du mal à traiter rapidement tous les demandeurs. Ces demandeurs d’asile ne sont pas non plus universellement accueillis par les Canadiens. Certains Canadiens craignent que plusieurs des demandeurs d’asile ne soient pas des réfugiés légitimes, mais plutôt des individus qui cherchent un moyen de contourner les règles sévères de l’immigration canadienne.
À la fin des années 1980, la question des réfugiés refait dramatiquement surface pour les Canadiens lorsque deux navires échouent illégalement sur la côte est du Canada, avec à leur bord des demandeurs d’asile sikhs (voir Sikhisme ) et tamouls. Au milieu des craintes exagérées qui circulent voulant que le Canada soit sur le point d’être « inondé », le Parlement et les autorités d’immigration commencent à resserrer les règlements et les procédures en matière de réfugiés. Il en résulte une rationalisation et un durcissement continus du processus canadien de détermination du statut de réfugié. Les autorités canadiennes travaillent également en étroite collaboration avec d’autres pays et avec des compagnies de transport pour rendre plus difficile l’accès aux personnes susceptibles de présenter une demande de réfugié au Canada. Certains Canadiens sont préoccupés par le fait que ces changements signifient que certains réfugiés légitimes se voient maintenant refuser le refuge auquel ils ont droit en vertu des lois internationales.
À la fin des années 1980 et au début des années 1990, en même temps que le Canada cherche à empêcher l’entrée de réfugiés au pays, il ouvre de nouvelles avenues pour d’autres immigrants ayant des compétences employables ou des ressources financières. Avec l’arrivée du gouvernement conservateur de Brian Mulroney, les personnes qui possèdent des fonds ou les compétences nécessaires pour investir et démarrer des entreprises au Canada sont invitées à présenter une demande d’immigration canadienne. L’idée est que ces initiatives pourraient contribuer à créer de l’emploi et de la richesse au Canada.
Par conséquent, le nombre d’immigrants entrepreneurs ou d’affaires augmente de manière remarquable, atteignant 6 % du total des immigrants entrant au Canada. Un bon nombre d’immigrants de la classe d’entrepreneurs viennent de Hong Kong, beaucoup d’entre eux cherchant refuge pour eux-mêmes, pour leurs familles et pour leurs actifs avant que la Chine ne prenne le contrôle de Hong Kong en 1997. Il est tout naturel qu’un grand nombre réponde à l’invitation du Canada et aux possibilités d’investissement en capital. En conséquence, le Canada devient une destination de choix pour les gens de Hong Kong et pour d’autres immigrants chinois, ainsi que pour les capitaux. Entre 1981 et 1983, les immigrants chinois investissent 1,1 milliard de dollars dans l’économie canadienne. La population des immigrants de Hong Kong et d’autres chinois est particulièrement prononcée dans les grandes régions urbaines telles que Vancouver et Toronto, où les communautés chinoises constituent désormais les plus importants groupes d’immigrants. Cependant, la plupart de ces immigrants de la classe d’entrepreneurs ne maîtrisent ni l’anglais ni le français à leur arrivée au Canada, ce qui incite le gouvernement canadien à instaurer des exigences linguistiques plus strictes pour ceux qui viennent au Canada.
L’immigration en provenance de l’Afrique (principalement de l’Afrique du Sud, de la Tanzanie, de l’Éthiopie, du Kenya, du Ghana, de l’Uganda et du Nigéria) augmente également durant les années 1980 et 1990. Certains de ces immigrants sont des professionnels diplômés et ils cherchent de meilleures conditions de travail au Canada. Toutefois, la vaste majorité d’entre eux sont des réfugiés qui fuient la guerre, la famine et l’instabilité politique et économique de leurs pays d’origine.
Avec le ralentissement économique des années 1990, l’immigration émerge à nouveau en tant que sujet de débat public. Rien de plus naturel, si on considère l’impact continu de l’immigration sur la société canadienne. Bien que de nombreux économistes soutiennent que le Canada, avec son taux de natalité relativement bas et sa population vieillissante, a besoin d’une infusion de population, d’énergie, de compétences, de capitaux et du pouvoir d’achat que les immigrants apportent au Canada, plusieurs continuent d’avoir des doutes.
Comme les immigrants d’origine non européenne constituent la large majorité de ceux qui entrent au pays, certains Canadiens expriment leur inquiétude face au caractère changeant du Canada urbain. Cependant, un grand nombre de ces préjugés envers les Canadiens d’origines ethniques et raciales différentes ont souvent tendance à être exagérés et à nuire aux communautés minoritaires.
Le débat public sur l’immigration au Canada demeure néanmoins civilisé et est certainement libre de la violence qu’a engendrée l’arrivée massive d’immigrants en France et en Allemagne.
Immigration canadienne depuis le 11 septembre 2001
En conséquence directe aux événements du 11 septembre 2001, de la menace terroriste et des questions de sécurité, le Canada a resserré ses politiques d’immigration (voir aussi Le 11 septembre et le Canada). En 2002, l’adoption de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) est adoptée. Cette nouvelle loi remplace la Loi sur l’immigration de 1976. Elle rend notamment plus difficile l’immigration au Canada, y compris pour les réfugiés. Cependant, cette loi facilite également l’entrée au Canada pour les couples vivant en union libre ou les unions de même sexe.
La position plus sévère du Canada à l’égard de la migration des réfugiés se reflète dans la manière dont le pays a traité les demandeurs d’asile tamouls en 2009 et 2010. Perçus comme étant des réfugiés simulés, plusieurs sont emprisonnés malgré le fait qu’ils étaient de vrais réfugiés. De nombreux Canadiens réagissent de la même façon face aux demandeurs d’asile qui traversent la frontière canado-américaine de manière irrégulière pour trouver une protection au Canada. (Voir aussi Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis.) Et ce, malgré le fait que c’est un droit de la personne reconnu internationalement que de chercher refuge dans un autre pays.
Ces attitudes contrastent fortement avec la réponse canadienne à la crise des réfugiés syriens. Entre 2015 et 2017, le Canada réinstalle 54 000 réfugiés syriens. Bien que ce chiffre soit supérieur à celui des États-Unis, la contribution du Canada fait pâle figure en comparaison des autres pays comme l’Allemagne, le Liban, la Turquie et la Suède.
Immigration de l’ère moderne au Canada
Le Canada accueille un nombre considérable d’immigrants chaque année. De 2001 à 2014, une moyenne d’environ 249 500 immigrants reçus s’est installée au Canada, chaque année. En 2015, plus de 271 800 migrants ont été admis, et ce nombre est passé à 296 300 en 2016.
Entre 2016 et 2021, le Canada a accueilli un peu plus de 1,3 million d’immigrants.
Les données du recensement de 2021 démontrent que les migrants en provenance de l’Inde, des Philippines et de la Chine sont les trois groupes les plus nombreux parmi les immigrants arrivés récemment au Canada. Près de 18,6 % des immigrants récents sont nés en Inde, 11,4 % sont nés aux Philippines, et 8,9 % sont nés en Chine. (Voir Canadiens de l’Asie du Sud;Communauté philippine au Canada; Communauté chinoise au Canada.) D’autres groupes importants d’immigrants sont originaires de la Syrie (4,8 %), du Nigéria (3 %), des États-Unis (3 %), du Pakistan (2,7 %), de la France (2 %), de l’Iran (1,9 %) et du Royaume-Uni (1,7 %).
Répondez au jeu-questionnaire!
Testez vos connaissances sur le multiculturalisme au Canada en répondant à ce jeu-questionnaire du Défi de la citoyenneté! Le Défi de la citoyenneté est un programme de Historica Canada qui invite les Canadiens et les Canadiennes à tester leurs connaissances nationales en répondant à un examen simulé de citoyenneté, ainsi qu’à d’autres jeux-questionnaires thématiques.
La vaste majorité des nouveaux arrivants (88,7 %) s’établissent dans quatre provinces : l’Ontario (44 %), le Québec (15,3 %), la Colombie-Britannique (14,9 %) et l’Alberta (14,5 %). La plupart d’entre eux vivent également dans les grands centres urbains de ces villes, comme Toronto (29,5 %), Montréal (12,2 %) et Vancouver (11,7 %). Ces trois villes accueillent à elles seules plus de la moitié de tous les immigrants récents. Toutefois, ce pourcentage a diminué à mesure que les immigrants se sont installés dans d’autres centres urbains.
Selon le recensement de 2021, les Canadiennes et les Canadiens originairement nés à l’extérieur du pays représentent 23 % (soit 8,3 millions de personnes) de la population canadienne, une proportion record depuis 1921. Le Canada compte la plus forte proportion d’immigrants parmi les pays du G7. (Voir Canada et le G7.)
Le Canada moderne a été construit sur la migration et les contributions de nombreux groupes d’immigrants, en commençant par les premiers colons français, en passant par les nouveaux arrivants du Royaume-Uni, de l’Europe centrale, des Antilles et de l’Afrique, jusqu’aux immigrants de l’Asie et du Moyen-Orient. Bien que les enjeux posés par le racisme et la discrimination demeurent, la société canadienne reste généralement ouverte à l’immigration. De plus, la contribution de nombreux immigrants à la société canadienne, ainsi que leur désir d’aider à bâtir une société meilleure en terre canadienne sont incontestables.