Le silence, le secret, la transparence : de l'art du gouvernement à la science (original) (raw)
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2015
Le silence chez Bacon est d'abord celui du savant, du philosophe qui décide de s'abstenir, de « tenir sa langue » selon les mots de Zénon 1 , ou bien de s'engager dans l'arène et de conseiller le prince. Il s'oppose ainsi au bavardage oiseux de ces joueurs de violon que dictent leurs intérêts personnels plutôt que celui de l'Etat ou qui ne disent au roi que ce qu'il veut bien entendre ; ou bien encore, il s'oppose à ces « arts mauvais » qui, à l'image du traité de Machiavel, n'entretiennent qu'un rapport de façade avec la vertu morale 2. Le silence c'est aussi celui par lequel le prince doit se garder de divulguer ses intentions ou les secrets d'Etat à qui que ce soit, pas même à ses conseillers. Pour Bacon en effet, seul le prince est en droit de produire des traités de politique en extrayant de sa pratique des principes de gouvernement. Le discours purement théorique des penseurs en la matière se perd dans les étoiles 3. Pourtant, Bacon s'estime autorisé à formuler de tels principes à partir de sa longue expérience d'homme d'État sous Elisabeth, puis sous Jacques Ier. Ne doit-on pour autant retenir de lui que l'image du « sycophante royal » 4 figé dans la posture du conseiller 5 ? Le genre du conseil au prince a connu une fortune particulière à la période pré-moderne comme l'atteste la multiplication des traités sur l'art de gouverner. Empreints de tacitisme et fondés
Gouverner par la science: perspectives comparées
Presses universitaires de Grenoble 1. Desrosières, 1993. 2. En espagnol, enquête de « Caracterización Socioeconómica Nacional ». 3. À cette époque (début des années 1990), qui correspond au début de la transition à la démocratie au Chili, le nombre de pauvres se serait élevé à 40 % de la population.
La science ouverte à l’épreuve de la sobriété
Vers la sobriété numérique
o Opportunité d'ouvrir la science, la mutation numé- rique constitue aussi un défi pour l'environnement. Le nouvel impératif de sobriété remet-il en question la promesse d'une « diffusion sans entrave » 1 portée par la science ouverte ? Cette tension sera questionnée dans cet article de réflexion 2 . Le cas des données de la recherche sera en particulier traité, en envisageant diverses pistes d'actions.
Revue internationale d'éthique sociétale et gouvernementale vol. 19, n° 2 | 2017 : Patrimoine et éthique publique : enjeux politiques et professionnels de la représentation et de la communication du patrimoine Enjeux éthiques et politiques de la communication du patrimoine Résumés Français English Les artistes ont depuis longtemps été sollicités pour illustrer les avancées de l'anatomie scientifique, mais rares sont les scientifiques qui se sont aventurés sur le terrain des arts. Or nous sommes de plus en plus conviés à des expositions délocalisées où s'exposent des cadavres et des images du corps humain produites par des imageries médicales. Bien que ces manifestations soient présentées comme des activités pédagogiques et artistiques, ces technologies proposent une certaine déréalisation du corps qui touche aussi aux lieux qui les accueillent. Non seulement assistons-nous à une perturbation des relations disciplinaires (entre arts et sciences), mais aussi à une délocalisation des lieux de mémoire (musées, site web, etc.) qui soutiennent de telles représentations. Que peut-on en penser ? Est-ce l'expression d'une réappropriation des oeuvres d'art, la consolidation des avancées d'un certain consumérisme du corps à travers les arts ? Il n'en demeure pas moins que les associations entre le corps et les technologies tendent à se consolider à partir de la réification du lien que la tradition occidentale a établi entre le voir et la vérité. Regarde-ton encore le corps ou confirme-ton une tradition, si ce n'est une métaphysique ? Artists have long been solicited to illustrate the advances in scientific anatomy, but scientists have
La science, les politiques et le public : quelle réalité, quels écueils ?
Natures Sciences Sociétés, 2016
-Il s'agit ici de regarder les sciences dans une perspective ethnographique, en soulignant que la création des résultats scientifiques et leur évaluation par le public sont sociales et s'inscrivent dans des processus contextuels. La perte de la crédibilité scientifique au sein d'un large public, aux États-Unis en particulier, semble due au fait qu'après la Seconde Guerre mondiale, les sciences ont créé un niveau d'attente irréaliste et ont eu des conséquences indésirables et inattendues, alors que la pratique scientifique devenait de plus en plus liée à la sphère commerciale et aux gouvernements. Dans ce contexte, l'effondrement relatif de l'éducation en matière de science, de technologie, d'ingénierie et de mathématiques (STEM) fut, aux États-Unis, particulièrement dommageable. Recouvrer la confiance d'une large part de la société implique de reconsidérer les pratiques et la communication scientifiques, ainsi que le contexte institutionnel dans lequel les sciences sont mises en oeuvre.
Transparencia y Secreto, 2015
Le phénomène de WikiLeaks est une fuite et la publication de l’information secrète sans l’identification directe des sources. Sa raison d’être est celle de la presse à scandale – produire dans le public l’effet fâcheux, choquant par la révélation des faits, des actes, des propos considérés comme contraires à la morale, aux usages. Il ne s’exprime, ni communique, ni signale. Il fait faire et il sanctionne. Il provoque une grande affaire qui émeut l’opinion publique à la fois par son caractère immoral et par la personnalité des gens qui y sont compromis. Modalisé par l’incertitude d’authenticité de l’information révélée, le modèle de WikiLeaks est la manipulation factitive du savoir dans le discours. Elle organise la quête (désir, besoin, manque) et la fuite (crainte, déroute, dispersion) de l’information. Elle vise à l’effet d’autodestruction du secret sur le versant cognitif de la sémiosphère médiatique. Elle fait le détenteur s’avouer, se repentir, s’échouer, tomber au pouvoir de l’affect. Ce versant affectif de la sémiosphère, manifestation forcée du secret, n’est pas pris en considération par les médias. Pourtant, la littérature d’anticipation dont Nous autres de Zamiatine (entre autres) avait modélisé le sens du fonctionnement de secret dans le régime de transparence. Nous comprenons le sens comme lieu et rôle du phénomène /processus dans la structure plus générale. Notre exposé problématise le rapport du secret à la transparence imposée par les médias comme la règle et la conduite de l’information. Le rapport est l’histoire du développement de l’action et de l’éprouver de rapporter, de dénoncer. Notre objectif est de montrer la double modalisation contradictoire du terme de secret. Dans la structure modale dite alétique, il est positif : il nécessite le /devoir-être/ réservé à quelques-uns. Dans la structure modale dite déontique, il est négatif et facultatif dans sa position de /ne pas devoir faire/: le détenteur ne doit pas le révéler. La fuite est donc sa seconde nature. D’où le dilemme et la délibération entre l’utilité et la nuisance de dénonciation. Nous présentons d’abord le développement des conséquences dramatiques de la transparence de Nous autres. Nous examinons ensuite le secret et la transparence en tant que termes de différentes générations. Nous définissons enfin le lieu et le rôle du secret à partir du système catégoriel de la sémiotique greimassienne.