Sur les pas d’un jeune soufi : récit commenté d’une expérience initiatique et extatique (original) (raw)

L’Orient des soufis : parcours initiatiques et voyages terrestres

Les Orients désorientés, J-P. Dubost et A. Gasquet éds., , 2013

La première partie de cet article présente la lecture que font les soufis des termes orient et occident d’après leurs commentaires des sources scripturaires, en particulier coraniques. L’accent est mis sur la dimension symbolique de ces deux concepts et leur usage dans le cheminement spirituel. Pour les soufis, il n’y a pas d’opposition entre Orient et Occident mais une complémentarité ontologique qui se résorbe quand l’homme, dépassant le plan horizontal, retrouve sa dimension verticale. Dans la deuxième partie, est abordée la biographie de trois personnages qui, à des époques différentes, ont eu un parcours de vie présentant bien des similitudes. Il fut marqué en particulier par l’exil qui les conduisit de l’occident du monde musulman vers ce qui en représente pour eux l’orient, le Moyen-Orient, pour finir leur vie dans la ville de Damas. Il s’agit d’Ibn ‘Arabî (m.1240), de l’Émir Abd al-Qâdir al-Jazâ’irî (m. 1883) et du cheikh Muhammad al-Hâshimî (m. 1961). La filiation spirituelle qui, à travers les siècles, relie ces trois maîtres n’est sans doute pas étrangère aux similitudes de leur voyage terrestre. Car pour eux, comme pour d’autres, le voyage vers l’Orient, tout à la fois exil et quête, s’est imposé comme nécessaire à l’accomplissement d’un itinéraire initiatique et à la réalisation de la quête mystique.

Rouvrir les portes de l’ijitihâd. Retour sur un mythe fondateur du salafisme

Mizane, 2020

Un des points centraux de la pensée islamique contemporaine tourne autour de l’idée qu’il faudrait « rouvrir les portes de l’ijtihâd » (effort de réflexion) progressivement fermées par l’establishment religieux. Partout dans le monde, y compris en France, savants et intellectuels musulmans appellent à mettre fin à la sclérose intellectuelle dont souffrirait l’Islam depuis plusieurs siècles. Cependant, par bien des aspects, les notions de « fermeture des portes de l’ijtihâd » et de déclin intellectuel sont en réalité des légendes – au sens étymologique – nées dans les cercles orientalistes et salafis, comme plus de trois décennies de recherches historiques et islamologiques le montrent

Un esclave a vu le monde: Se déplacer en tant qu’esclave au Soudan central (xixe siècle)

Locus – Revista de História, 2012

Le Soudan central au 19e siècle est caractérisé par une grande mobilité des hommes à travers des réseaux de circulations complexes. À l’intérieur de cet espace organisé et normé, les règles ne sont pas les mêmes pour tous. La mobilité, individuelle ou de groupe, est déterminée par la position sociale de chacun, sans que la possibilité de se déplacer ne soit un simple reflet des hiérarchises sociales. En effet, à la lecture des sources, on est frappé par l’omniprésence d’esclaves, hommes et femmes, sur les routes. Ce qui nous invite à questionner les capacités individuelles et collectives de ceux qui sont asservis à se déplacer et à exercer un contrôle sur leurs déplacements. Pour retrouver le vécu, les pratiques et l’expérience de ceux qui sont asservis, l’historien peut s’appuyer sur le corpus, restreint mais riche, de récits de vie d’esclaves. Ces témoignages offrent un contrepoint endogène, intime et personnel permettant de comprendre la complexité des expériences de mobilité en contexte d’asservissement. Dans des sociétés qui respectent et admirent ceux qui ont parcouru et vu le monde, l’expérience fondatrice de l’enlèvement, de la capture et de l’exil ainsi que l’accumulation d’expérience de déplacements vécus par les esclaves amènent à les considérer comme plus aptes à la mobilité et amène certains à faire carrière dans le monde largement professionnalisé du commerce de longue distance. Central Sudan in the 19th century is shaped by an intense mobility of people through complex networks of circulations. Within this organized space, the rules are not the same for everyone. The ability of Individuals and groups to move depends on the social status of each one, without following simply social hierarchies. In fact, the narratives of European explorers in the area, recount roads full of slaves, men and women, in groups or alone, chained or free to move. This extreme mobility of slaves, call for questioning the individual and collective ability of enslaved people to move and to control their movements. To access their experience and practices of mobility, the historian can draw upon the corpus of life stories or slave narratives. These testimonials from individuals who were slaves in central Sudan were collected by linguists or amateur scientists in the first half of the 19th century in London, Sierra Leone, Massachusetts, Rio or Bahia. Fifteen stories from one page to ten pages offer a counterpoint endogenous intimate and personal to understand the complexity of mobility experiences in context of enslavement. In these societies where those who travel are considered and admired, Slaves who have experienced abduction, capture, exile and an accumulation of travel experiences are often considered more suitable for mobility and it leads some of them to pursue careers in the largely professionalized world of long-distance trade. No século XIX, o Sudão central é caracterizado por uma alta mobilidade de pessoas por meio de redes complexas de circulação. Dentro deste espaço organizado e padronizado, as regras não são as mesmas para todos. A mobilidade, individual ou de grupo, é determinada pela posição social de cada um, sem que a possibilidade de mover-se não seja um simples reflexo das hierarquias sociais. De fato, à leitura de fontes, fica-se impressionado pela onipresença de escravos, homens e mulheres nas estradas. Isto nos convida a questionar as capacidades individuais e coletivas daqueles que são subjugados a mover-se e exercer um controle sobre seus movimentos. Para encontrar o momento vivido, as práticas e a experiência daqueles que são submissos, o historiador pode contar com o corpus, limitado mas rico, de narrativas de escravos. Estes testemunhos oferecem um contraponto endógeno, íntimo e pessoal que permitem compreender a complexidade das experiências de mobilidade em contexto de escravidão. Nas sociedades que respeitam e admiram aqueles que percorreram e viram o mundo, a experiência fundadora do rapto, da captura, do exílio e o acúmulo de experiência de deslocamentos vividos por escravos levam a considerá-los como mais aptos para a mobilidade e conduz alguns a seguir carreiras no mundo do comércio de longa distância amplamente profissionalizado.

La naissance de l’hagiographie marocaine : le milieu soufi de Fès et le Mustafād d’al-Tamīmī (m. 603/1206)

2014

L’édition du manuscrit du Mustafād fī manāqib al-ʿubbād bi-madīnat Fās wa-mā yalīhā min al-bilād (« Le renseignement bénéfique au sujet des faits vertueux et prodigieux des dévots de la ville de Fès et de ses environs ») de Muḥammad ʿAbd al-Karīm al-Tamīmī (m. 603/1206), ouvrage que l’on croyait perdu, permet de jeter une nouvelle lumière sur les origines de l’hagiographie marocaine, notamment sur les sources dont elle s’est inspirée et sur les circonstances de son émergence. Rédigé peu avant le célèbre Tašawwuf ilā riğāl al-taṣawwuf, le Mustafād constitue en effet le premier ouvrage hagiographique du Maroc et représente à plusieurs égards un document significatif qui est encore assez mal connu dans la recherche occidentale sur l’histoire religieuse du Maghreb. Mots-clés : hagiographie, Maroc, soufisme, Fès, sainteté, saints, Abū Madyan, Abū Yaʿzā, Ibn ʿArabī, Ibn Ḥirzihim, Almohades, al-Ġazālī, al-Qušayrī.

De David Reubeni au Juif Errant : dans les pas du « Juif au soulier »

Revue de l’histoire des religions, 2012

De David Reubeni au Juif Errant : dans les pas du « Juif au soulier » Plusieurs documents du XVI e siècle attestent que David Reubeni était connu sous le nom de « Juif au soulier ». À propos de cette énigmatique appellation on examine les rapports anciens du métier de la chaussure avec la prophétie et le messianisme. Certaines versions ibériques de la légende paneuropéenne du Juif Errant indiquent que l'identii cation traditionnelle de ce personnage à un cordonnier de Jérusalem qui aurait insulté le Christ semble avoir connu un enracinement précoce et privilégié dans les croyances et le folklore péninsulaires. On peut légitimement supposer que s'est produite en Espagne et au Portugal une interaction entre cette légende médiévale et les rumeurs qui ont dû circuler à propos du vagabond illuminé exécuté en 1538. From David Reubeni to the Wandering Jew: following the steps of the "Jew with a shoe" Several documents of the 16 th century vouch that David Reubeni was known as "the Jew with a shoe". About this strange nickname the author investigates the old relations of the shoemaking craft with prophecy and messianism. Some Iberian versions of the paneuropean legend of the Wandering Jew show that the traditional identii cation of this i gure to a cobbler from Jerusalem who was supposed to have insulted Christ seems to have had some early and special roots in peninsular beliefs and folklore. It can reasonably be supposed that in Spain and Portugal an interaction took place between this medieval legend and some of the rumours which probably spread about the enlightened wanderer executed in 1538. 1. Sur la carrière, les pérégrinations et la personnalité de ce prétendu missionnaire juif (peut-être d'origine éthiopienne), venu en Occident solliciter, au nom des « tribus perdues » d'Israël et de son frère (un certain Joseph, roi de quelques-unes de ces tribus), l'aide diplomatique et militaire du Pape et de l'Empereur ai n de renforcer l'armée qu'il disait vouloir lancer contre l'empire ottoman, voir l'article que lui consacre l'Encyclopaedia Judaica, t. XIV, Jérusalem, 1971, col. 114-115, le livre de Léa Sestieri, David Reubeni : un ebreo d'Arabia in missione secreta nell' Europa del Cinquecento, Gênes : Marietti, 1991 (qui comporte une traduction du Journal de Reubeni) et Mercedes García-Arenal, « "Un réconfort pour ceux qui sont dans l'attente". Prophétie et millénarisme dans la péninsule Ibérique et au Maghreb (xvi e-xvii e siècles) », Revue de l'Histoire des Religions, 220 (4), 2003, p. 445-486 (p. 465-470). Après d'inscrutables et peut-être mythiques visites à Alexandrie, Jérusalem, Safed, Damas, notre pèlerin messianique commence sa carrière diplomatique européenne à Venise en 1523 et l'achève sur un bûcher (à Badajoz ?) en 1538, après s'être entretenu, au i l des années, avec le Pape Clément VII et Jean III, roi du Portugal, et avoir éveillé par ses « ambassades » l'attention de Charles Quint. Son inl uence s'est cependant surtout exercée dans les communautés de « nouveaux chrétiens » au Portugal et en Espagne, où il semble avoir suscité assez d'agitation millénariste pour s'attirer les foudres de la couronne impériale et de l'Inquisition.