Geometrie-et-vision-dans-Ding-und-Raum-de-Husserl (original) (raw)

La vie et ses fantômes. Figuration et conscience d'image chez Husserl

2020

Parfois, les images de l’art nous donnent l’occasion d’élargir notre expérience, de sentir et de voir autrement. Parfois, elles nous captivent, et c’est alors comme si notre regard s’éteignait sur elles. C’est cette diversité d’expériences de l’image qui nous intéresse, et que tenterons de comprendre en suivant le développement de la description de la conscience d’image chez Husserl, des premiers travaux phénoménologiques dans le cadre des Recherches logiques jusqu’aux œuvres relevant de la phénoménologie génétique. Nous chercherons à mettre en lumière comment, à chaque fois, c’est un autre rapport entre l’image et ce qu’elle figure qui est décrit, mobilisant des structures intentionnelles différentes. Les bonheurs et les malheurs de nos rencontres avec les images apparaîtront en bout de piste motivés par leur caractère institué, leur origine comme artefacts. // Sometimes, images of art allow us to broaden our experience, to feel and see differently. Other times they captivate us, and it is as if our gaze was dying on them. It is this diversity of experiences that interests us, and we will try to understand it by following the development of the description of image consciousness in the thought of Husserl, starting with the first phenomenological research in the Logical Investigations to the works pertaining to genetic phenomenology. We will highlight how, at each step, it is another relationship between the image and what it figures that is described, mobilizing different intentional structures. The joys and misfortunes of our encounters with images will ultimately appear motivated by their instituted character, their origin as artifact.

Indexicalité et horizon chez Husserl

Dialogue, 2013

Parce que leur sens semble fluctuant, les expressions indexicales ont longtemps constitué une énigme pour la théorie phénoménologique de la signification. La première analyse que Husserl leur a consacrée dans les Recherches logiques laisse deux difficultés en suspens. 1) En quoi une signification visant directement un objet et se remplissant dans une intuition donatrice est-elle différente de l’objet référentiel? 2) Comment une compréhension «symbolique» des expressions indexicales, sans le secours de la perception, est-elle possible? Nous montrons comment les notions de «concept propre» et d’«horizon intentionnel» ont permis d’apporter une réponse à ces questions. Sans cet enrichissement phénoménologique de la théorie du concept et de l’intentionnalité, le fonctionnement linguistique de l’indexicalité demeure inintelligible.

Horizon et arrière-plan dans le champ de l'audible. Réflexion à partir d'une remarque de Husserl

L’auteur s’intéresse aux problèmes d’arrimage entre la notion d’horizon et la conception des champs de perception sensible où intervient la notion d’arrière-plan. Arrière-plan et horizon chez Husserl sont intriqués, mais également l’objet d’une distinction qui doit être soulignée. Relevant quelques significations de « horizon » chez Husserl, l’auteur expose le problème de la structure horizontale des champs de perception sensible chez Husserl qui sont envisagés selon différentes perspectives qui ne sont pas parfaitement coordonnées, mais qui restent complémentaires et donc fournissent un ensemble de ressources qui permettent à Husserl des analyses étonnantes. L’auteur déplie une observation husserlienne comparative de la phénoménalisation d’objets simultanés dans les champs du visible et de l’audible. À partir de cette analyse, il défend la possibilité de laisser tomber l’affirmation de l’originarité de la structure arrière-plan/avant-plan pour la saisie phénoménologique du champ de l’audible. Il propose enfin une perspective sur la question du pouvoir subjectif participant à l’ouverture de l’horizon de l’audible une fois devenu impertinente l’analogie entre cette disposition et celle proprement spontanée et libre de la focalisation dans le cadre de la structure arrière-plan/avant-plan du champ du visible.

Husserl, phénoménologie et art abstrait

Ligeia, 2009

Le fondateur de la phénoménologie, Edmund Husserl, philosophe allemand ou plutôt germanophone originaire de la Moravie, a célébré le XX e siècle naissant en publiant ses six Recherches Logiques. La deuxième était entièrement consacrée à l'abstraction et aux théories afférentes. C'était un ouvrage savant qu'on ne pourrait taxer de "pré-phénoménologique", qu'en sachant où cette voie devait mener son auteur. L'abstraction y est traitée pour l'instant exclusivement de manière traditionnelle (sinon scolastique), c'est-à-dire du point de vue de la formation des notions générales, notamment scientifiques : Begriffsbildung. Comment la pensée déduit, en les abstrayant, certaines qualités de l'objet et les élève au niveau d'une notion ? Douze ans plus tard, en 1913, le tirage étant épuisé, il réédite ses Recherches logiques et en profite pour les corriger. Quand on a en tête les événements qui, dans l'histoire de l'art, séparent l'an 1901 de 1913, il n'y a rien d'étonnant à ce que les modifications du texte intervenues dans la deuxième édition témoignent d'un bouleversement dans la perspective husserlienne sur l'abstraction. Nulle doute que la raison provienne de sa découverte de l'art abstrait, dont l'amateur d'art Edmund Husserl a pris connaissance en visitant des galeries, en parcourant les nouvelles revues d'art et en s'intéressant à l'oeuvre, entre autres, de son compatriote tchèque (bohémien, lui, né à quelques 200 km de la ville natale de Husserl et une douzaine d'années son cadet) František Kupka. Commence alors une longue histoire de connivence entre la phénoménologie et l'art abstrait qui ont trouvé, l'un dans l'autre, leurs partenaires et interlocuteurs privilégiés. Que mes auditeurs et lecteurs me pardonnent cet exercice de virtual history ou plutôt cette boutade. Husserl fut un homme, comme on dit, cultivé, mais son amour de l'art n'a jamais enfreint ses voeux de fidélité à Beethoven, Dürer, Raphaël, Titien ou Michel-Ange. De Kupka (comme d'ailleurs de tous les autres artistes abstraits) il ignorait très probablement jusqu'à l'existence. Les modifications introduites dans la deuxième édition de sa deuxième Recherche Logique sont, c'est vrai, multiples, mais aucune ne laisse soupçonner la moindre trahison au goût plus que classique de son auteur, sans parler d'une refonte inspirée par l'irruption de l'art abstrait. Pourtant, une chose est juste dans l'histoire virtuelle que je viens de conter : à savoir l'alliance sacrée entre la phénoménologie et l'art abstrait. Nous avons donc affaire à une énigme : Husserl ayant été, au début du siècle, absolument imperméable à l'art de son époque, comment se fait-il qu'un demi-siècle plus tard, la phénoménologie se soit imposée comme la voie royale de compréhension de l'art moderne ? Je vais donc consacrer ces quelques réflexions à cette énigme. À priori la rencontre de la phénoménologie et de l'art abstrait paraissait bien compromise, du moins du côté des artistes qui boudaient la pensée académique. Comme le dit Mikel Dufrenne : "Entre la praxis artistique de ce temps et la réflexion esthétique, [il y avait 1 ] peu de communication ; les esthéticiens et les historiens sont plus familiers avec la Renaissance qu'avec le Fauvisme, le Cubisme, la musique de Debussy, de Stravinsky ou de Schönberg. Seule une esthétique spontanée, une théorisation immédiate portent sur ce que se fait hic et nunc ; mais elle est l'oeuvre des artistes eux-mêmes ou de leurs compagnons de route : de Kandinsky ou d'Apollinaire, et c'est dans le Blaue Reiter qu'elle s'écrit plutôt que dans la Zeitschrift für Aesthetik und allgemeine Kunstwissenschaft" 2. Les artistes savaient, donc, penser eux-mêmes, et s'ils recourraient à l'aide des philosophes, ils se tournaient plutôt vers Rudolf Steiner que vers Immanuel Kant. Sans parler de la métaphysique, même l'esthétique en tant que branche philosophique n'enchantait que peu les artistes-novateurs. N'oublions pas que, à la différence de l'esthétique d'aujourd'hui, celle de l'époque était fière de ne rien devoir ni pouvoir dire devant un tableau. C'était, comme on disait, une esthétique 'pure' (reine), propre, libre de toute impureté : de l'expérience de l'art en particulier. La jeune phénoménologie ne se démarquait, d'ailleurs, nullement de la 'rhétorique de la pureté' commune à la philosophie et à l'idéologie allemandes du XIX e et du bon premier tiers du XX e siècle 3. Dans le cadre phénoménologique, le changement n'interviendra qu'avec Heidegger dont L'origine de l'oeuvre d'art cherche déjà à parler à partir de l'oeuvre (bien qu'avec un résultat assez mitigé). Mais tous les phénoménologues n'étaient pas fiers de cette pureté (alias ignorance) à l'égard de l'expérience de création et de perception de l'art. En 1916, un jeune phénoménologue, élève de Husserl, accusait l'esthétique de ne pas être à même de prendre position sur les questions d'art posées par l'époque, notamment "par rapport à l'expressionnisme et au futurisme, aux arts appliqués modernes et à la musique moderne, à Stefan George et au mouvement Charon, à Hodler et à l'influence japonaise" 4. Ces accusations, mis à part leur évident bien-fondé, avaient un goût blasphématoire, puisqu'elles invitaient les théoriciens à prendre une position dans les débats artistiques. Si l'on passe maintenant à l'analyse un peu plus détaillée des obstacles à la rencontre avec l'art abstrait, ceux-ci étaient, du côté de la phénoménologie, de deux sortes : les uns concernaient l'art, les autres touchaient à l'abstraction. Quelle était l'attitude de Husserl lui-même à l'égard de l'art ? Cette attitude était, tout d'abord, absolument et sans faille aucune, mimétique et épistémique. Rien ne laisse soupçonner chez Husserl une conception non-représentativiste, non-figurative, non-analogique de l'art. En disant cela, évidemment, on est à cheval entre l'interprétation des positions théoriques du penseur et l'analyse de ses prédilections individuelles, intimes, qu'on essaie de détecter entre les lignes de ses ouvrages théoriques (puisque sa vie se laisse réduire plus ou moins à ceux-ci). Lorsque Husserl donne l'exemple du portrait, et dit qu'un portrait crée l'illusion que la personne est là 5 , nous sommes indécis : faut-il prendre ces paroles pour une position esthétique normative, ou pour le signe d'une extraordinaire impressionnabilité, d'une particulière délicatesse d'âme de l'individu Edmund Husserl ? Quoi qu'il en soit, l'art est pour lui un mode bien spécifique de connaissance du monde 6 .

Husserl et la théologie

2020

La tentative de Husserl consiste à nous sortir du monde par réductions successives mais jusqu’à un certain point, un point où nous sommes toujours au monde, à la lisière du monde, un point au-delà duquel, selon lui, on sort de la science, ce qu’il ne veut surtout pas faire, ce qu’il ne croit pas avoir fait. Pour faire de la science, quelle qu’elle soit, il faut partir de quelque chose – elle ne part pas de rien – et, qui plus est, ce quelque chose dont elle part doit être visible de tous, doit être un phénomène commun. Le bout du monde pour Husserl se réduit à deux choses : la conscience pure et l’intuition pure originairement donnante. La question suivante, ultime, métaphysique, serait celle de la généalogie de ces deux choses-là. Qu’est-ce que la conscience pure et d’où vient-elle ? Qu’est-ce que l’intuition pure et d’où vient-elle ? Sommes-nous plus avancés ? La question métaphysique est vite réglée par l’invention de Dieu. (Cet article est un extrait, légèrement modifié, de mon livre "Le phénomène religieux".)

Commentaire de l'Origine de la géométrie de Husserl

a) Je voudrais avant toute chose remercier Dominique Pradelle et Roberto Terzi de me donner l'occasion de m'exprimer ici. Je voudrais par la même occasion les remercier d'avoir placé la lecture que fait Marc Richir de l'Origine de la géométrie dans la continuité de celle de Merleau-Ponty et de Derrida. Cette suite est représentative d'un héritage : revendiqué dans le cas de Merleau-Ponty, plus contesté dans celui de Derrida, même si, j'aurais l'occasion d'y revenir, la lecture et le questionnement de cet auteur qui travaille nettement la pensée de Marc Richir et est à l'horizon de sa propre tentative.

Husserl et Stumpf sur la Gestalt et la fusion

Dans la seconde édition des Logische Untersuchungen, Husserl affi rme avoir investigué le premier, dans l'école de Brentano, les objets d'ordre supérieur et les qualités de forme. En effet, on retrouve dans Philosophie der Arithmetik une discussion des moments fi guraux et de la fusion qui pourrait donner un certain appui à une telle affi rmation. En considérant les concepts de Gestalt et de fusion dans leur contexte historique-particulièrement en relation à Stumpf en ce qui concerne ce dernier concept-nous constatons que Husserl a effectivement une conception plutôt originale et intéressante de ces phénomènes d'ordre supérieur. ABSTRACT.-In the second edition of the Logische Untersuchungen Husserl claims to have investigated higher order objects and Gestalt qualities before anyone else in the School of Brentano. Indeed, in the Philosophie der Arithmetik we fi nd a discussion of fi gural moments and fusion that could lend some support to such a claim. By considering the concepts of Gestalt and Verschmelzung in their relevant historical context, the latter especially in connection to Stumpf, we fi nd that Husserl indeed gave a quite original and interesting account of such higher order phenomena.

Visage et paysage chez Bruno Dumont

La rencontre cinématographique avec autrui, 2020

Les films de Bruno Dumont montrent des visages et des paysages dans une interaction et une intrication très spécifique. Le but du présent essai est de décrire et de caractériser cette relation, afin de répondre à la question de l’identification avec les personnages. Comment se fait-il que l’on s’identifie si difficilement aux personnages de Dumont, alors même qu’ils sont montrés (on devrait dire dépeints) de manière si réaliste?La rencontre d’autrui au cinéma repose sur des ressorts mystérieux, et l’examen de quelques personnages centraux dans les œuvres «flandriennes» de Dumont donne une piste pour saisir comment nous comprenons l’apparition et l’expression d’un autre humain, ou même d’un autre vivant quel qu’il soit. Il me semble que pour suivre cette piste, il convient de saisir ensemble l’expressivité d’un paysage et celle d’un visage, parce que c’est un tel lien qui dit avec la plus forte clarté l’identité d’un humain, son attachement à la terre qu’il contemple et dans laquelle il se fond.