L’équivoque chez Michel Houellebecq : subtilités d’un personnage ambigu (original) (raw)

Du principe de complémentarité : l’ambiguïté de l’écriture utopique chez Michel Houellebecq

Xinyi Liu, Quêtes littéraires nº 11, 2021, Utopie : entre non-lieu et contrée idéale

Le principe de complémentarité, venu de la physique quantique, se rapproche de la réciprocité entre l’approche clinique et sa contrepartie pathétique chez Michel Houellebecq. Quant au questionnement utopique, ce principe peut être utilisé comme un pivot pour étudier l’ambiguïté de l’écriture utopique de l’auteur. En considérant ce principe physique comme point de départ, nous essaierons d’abord d’analyser les divers univers utopiques ou dystopiques chez Houellebecq, surtout à travers la relation entre l’individu et la société. Ensuite, en pénétrant dans l’espace houellebecquien, nous étudierons la représentation des non-lieux et des espaces traditionnellement utopiques sous sa plume, en fonction de la dichotomie entre le clinique et le pathétique. Enfin, au sens narratif, nous envisagerons la coexistence d’un récit idéologique et d’un récit utopique chez Houellebecq ; les frontières entre la voix de l’auteur, celle du narrateur et celle des personnages s’estompent. La sphère de la fiction et celle du réalisme se superposent.

« En tout cas, la question formelle est secondaire » : Michel Houellebecq et l’art du roman

Tangence

Cet article est consacré à l’étude d’un vaste ensemble de textes écrits par Michel Houellebecq entre 1991 et 2016 dans lesquels l’écrivain s’exprime sur l’art du roman. Que ce soit dans son essai H.P. Lovecraft. Contre le monde, contre la vie, dans ses chroniques rassemblées en deux volumes d’Interventions, dans le cadre d’entrevues, dans des préfaces, dans les pages de sa correspondance avec Bernard-Henri Lévy ou directement dans son oeuvre romanesque (et plus particulièrement dans ses deux romans les plus ouvertement métatextuels, à savoir Extension du domaine de la lutte et La carte et le territoire), Houellebecq a développé un discours sur le roman qui est demeuré étonnamment stable à travers le temps, le romancier ne manquant jamais une occasion de rappeler sa prédilection pour les formes dites « traditionnelles » du roman — et n’hésitant pas à affirmer, non sans désir de polémiquer, que par rapport à ce genre, aucune véritable révolution esthétique n’a eu lieu depuis Balzac. D...

L'intertextualité dans l'œuvre de Michel Houellebecq

This article is focused on intertextuality in Houellebecq’s work. It describes his philosophical influences such as Comte or Schopenhauer, who helped him to form his own ideas about life and humanity. It also points out his literary influences such as Baudelaire or Lautréamont, about whom Houellebecq refers often with admiration. In the end it evokes a more discreet intertextuality which is rarely exposed when we talk about his work. Published in SVĚT LITERATURY / LE MONDE DE LA LITTÉRATURE — ZVLÁŠTNÍ ČÍSLO. Univerzita Karlova v Praze (Université Charles de Prague). 2015. pp 133-140.

Comment débusquer la voix d’un auteur dans sa fiction ? Une étude de quelques provocations de Michel Houellebecq

Arborescences, 2016

Michel Houellebecq est un auteur controversé, non seulement parce que certains critiques s’interrogent sur le statut littéraire de son oeuvre, qui a connu un immense succès commercial, mais aussi parce que ses romans, souvent provocateurs, engendrent chez les lecteurs des réactions contrastées, qui vont du rejet radical, accompagné par une mise en cause de la valeur morale du texte, à une forte adhésion, généralement fondée sur le constat de la lucidité de l’auteur et de sa capacité à représenter le monde tel qu’il est, avec férocité, sans complaisance, mais également avec courage et un certain humour. Au coeur de ces jugements qui engagent des valeurs essentielles pour la littérature, se pose la question fondamentale de la polyphonie romanesque. Sur la base d’une analyse de quelques extraits tirés desParticules élémentaires, seront dégagés différents facteurs, textuels et contextuels, susceptibles de conditionner la réception du texte, notamment la perception de la « voix » de l’au...

Michel Houellebecq : "Présence humaine" ou l'envers du roman

"Je continue de penser que j'aurais dû prendre quelqu'un qui sache chanter. On aurait pu faire un truc. Mes limitations vocales m'empêchent d'arriver au niveau que mes textes mériteraient (rires). Il y a plein de trucs utilisables dans mes textes, mais il faut chanter, vraiment. Pas parler." Ces propos de Michel Houellebecq ont été prononcés en 2013, au coeur d'une entrevue avec Sylvain Bourmeau à propos de la publication de Configuration du dernier rivage. Curieusement, ils ne parlent pas de ce recueil. Ils n'ont même rien à voir avec la conversation dans laquelle ils se trouvent retranscrits. Ils ne sont d'ailleurs pas commentés par le journaliste. Mais la réflexion de l'écrivain est aisée à reconstruire : parlant d'Aragon, il évoque la mise en musique de ses poèmes par Jean Ferrat. Il se souvient alors qu'un tel travail a eu lieu sur la base de ses propres poèmes, treize ans auparavant. C'est en fait de Présence Humaine que parle ici Houellebecq, album rock, réalisé avec Bertrand Burgalat sur son propre label Tricatel, en 2000 : un travail où la musique du second sert de base au premier pour une performance 2 vocale particulière, tenant essentiellement du parlando. On assiste, dans cette réminiscence mal à propos, au retour d'un étrange refoulé. Un embarras affleure, et à cet embarras le statut de Présence humaine correspond, aussi bien dans la bibliographie au sens large de Houellebecq que dans la critique, où pendant longtemps il n'en a pas été question (il faudra d'ailleurs attendre 2016 pour que le disque soit réédité). Treize ans après sa parution en tout cas, on le voit : Houellebecq reste, face à cet objet, non réconcilié. D'abord au sens strict, parce que cette aventure musicale n'a pas eu de lendemain et qu'il serait pour le moins hasardeux d'attribuer au tandem Houellebecq-Burgalat la même qualité d'amitié que, par exemple, celle qui se dégage visiblement de la collaboration Houellebecq-Aubert. Au sens figuré également, parce que même après de nombreuses écoutes, ce disque faussement apathique, en réalité d'une très grande richesse de registres et d'émotions, n'offre aucune prise à la synthèse, ne présente aucune résolution, ne s'insère pas non plus avec clarté dans la série des projets de Houellebecq au fil du temps. C'est pourtant un travail qui en dit long sur l'esthétique houellebecquienne – en tout cas permet de l'envisager sous un angle élargi, que la lecture seule (des romans en particulier) ne permet pas.

Masculin versus féminin chez Michel Houellebecq

L'Esprit Créateur, 2004

Je rêvai d'une beurette qui dansait dans le métro. Elle n'avait pas les traits d'Aicha, du moins je ne crois pas. Elle se tenait au pilier central, comme les filles dans les go-go bars. Ses seins étaient recouverts d'un bandeau de coton minuscule, qu'elle relevait progressivement. Avec un sourire, elle les libéra tout à fait; ils étaient gonflés, ronds et bruns, magnifiques. Elle lécha ensuite ses doigts et se caressa les mamelons. Puis elle posa une main sur mon pantalon, fit coulisser la braguette et sortit mon sexe, qu'elle commenà §a à branler. Les gens passaient autour de nous, descendaient à leurs stations. Elle se mit à quatre pattes sur le sol, releva sa mini-jupe; elle ne portait rien en dessous. Sa vulve était accueillante, entourée de poils très noirs, comme un cadeau; je commenà §ai à la pénétrer. La rame était à demi pleine, mais personne ne faisait attention à nous. CE TEXTE EST TIRÉ DE PLATEFORME de Michel Houellebecq1. Après la mort de son père, le narrateur Michel décide de partir en voyage organisé en Thaïlande. Son groupe fait une excursion à laquelle il participe sans grand enthousiasme. Au lieu de visiter les alentours avec ses compagnons de voyage, il se soustrait au programme et s'enferme dans sa chambre d'hôtel. Rideaux tirés, il s'endort. On l'aura compris, Michel n'aime pas vraiment la vie. Les gens non plus. Soi encore moins que les Autres. La relation avec son père était difficile pour ne pas dire inexistante. La mort de ce dernier l'a moyennement affecté. Michel travaille au Ministère de la Culture où il est supposé aux dossiers de subventions des artistes contemporains. Son choix de la Thaïlande comme but de son voyage repose plus sur l'indifférence que sur une préférence due à une volonté propre. Sentiment qui, à tout prendre, lui serait totalement étranger. Aïcha est la jeune femme qui

Intertextualité chez Michel Houellebecq : un monde suspendu entre réalité et fiction

2018

In a world where the media has blurred the boundaries between public and private life, the status of the contemporary writer has become increasingly difficult to define. One can rightly raise the question of whether a literary text can still exist independently when the author acquires a certain celebrity status and when his works generate – in written and audio-visual form – an important mass of information, as well as popular and critical commentaries, in which creation and life merge. A hermeneutic framework is used in this study to examine intertextuality in Michel Houellebecq's work. The analysis includes external sources such as the media and writings of other writers and philosophers, as well as the various art forms practiced by the author himself. These intertextual elements are important in the interpretation of his literary work. The contemporary confluence of reality and fiction increases the perilous temptation to analyse Houellebecq's literary production only i...

(hors problématique - Frixxions) Houellebecq, le vingt-heures et l’art du roman: à propos de “Soumission”

Revue critique de fixxion française contemporaine, 2015

On entend souvent dans Soumission (comme dans beaucoup de romans de Houellebecq) une tonalité assertive, didactique, sentencieuse. Le personnage-narrateur peut bien faire état à l'occasion d'un "doute généralisé" 1 , son langage n'est pas celui d'un sceptique. Il multiplie les assertions de vérité, les abstractions généralisantes, les thèses tantôt triviales et tantôt provocantes, sur un ton d'évidence lassée : "Tel est le cas, dans nos sociétés encore occidentales et social-démocrates..." (11); "le vieillissement chez l'homme n'altère que très lentement son potentiel érotique, alors que chez la femme l'effondrement se produit avec une brutalité stupéfiante..." (24). La confusion règne, bien sûr ; la Vérité est hors d'atteinte (même si, d'une certaine façon, le roman fait mine de raconter son retour); mais les "vérités" pullulent, comme des mouches. Comme des mouches -ou comme des choses. Les vérités, comme chez ces positivistes dont Houellebecq se réclame parfois, sont des choses, ou comme des choses. Une vérité, chez lui, ne constitue pas une promesse, ne laisse pas entrevoir un avenir. Elle termine ; elle clôt ; elle met fin à la discussion. Elle est toujours une réduction ; elle jouit d'être une réduction. Ainsi : "elle avait légèrement écarté les cuisses, c'était le langage du corps ça, on était dans le réel" (42). Ou encore : cette relation "n'était que l'application d'un modèle" (20) ; "l'amour chez l'homme n'est rien d'autre que la reconnaissance pour le plaisir donné" (39) ; le système électif "n'était guère plus que le partage du pouvoir entre gangs rivaux" (50). Rien d'autre que... La vérité est, comme disait Renan, toujours triste. Aucun apophatisme chez Houellebecq ; pas non plus de relativisme. Ses narrateurs ne peuvent pas grand-chose, mais ils ont lu des sociologues, des psychologues, ou les abrégés qu'en font les journaux. Ils citent Nietzsche, Sun Tzu, Cyrulnik, Clausewitz. Sur le point d'appeler une escort, c'est "l'obscure notion kantienne de devoir envers soi" (196) qui se présente à leur esprit. Tentés par le suicide, ils ne parlent pas de "la dégradation de la vie", mais de "la dégradation de 'la somme des fonctions qui résistent à la mort' dont parle Bichat" (207). C'est faire le savant à peu de frais ; c'est aussi installer entre le sujet et le monde un rapport constamment abstrait, privé de toute fraîcheur et de toute immédiateté. C'est une vieille idée que l'intellect ne connaît pas les singuliers. Et de fait, il n'y a guère de singuliers dans Soumission. Aurélie ou Sandra, Chloé ou Violaine, n'importe : les "conclusions" qu'on tire de leur fréquentation sont identiques (21). Tout est pris dans des séries ; tous sont pris dans des séries. L'existence individuelle est une "brève illusion" (127). Triomphe de la sociologie. Les personnages de Houellebecq logent entièrement dans les statistiques. D'où suit qu'il n'y a pas d'autrui, ou à peine. L'unique véritable objet du narrateur, lui-même mis à part, c'est "la société". On comprend que le sensible n'est pas à la fête, même quand son irruption paraissait aller de soi. Ainsi, les rêveries érotiques du promeneur mâle dans Paris sont décrites comme "la détection des cuisses de femmes, la projection mentale reconstruisant la chatte à leur intersection, processus dont le pouvoir d'excitation est directement proportionnel à la longueur des jambes dénudées" (177). Description qu'on croirait faite exprès pour désamorcer "l'excitation" qu'elle mentionne. Ailleurs, quelques coïts

Entre l’esquive et la mise à plat : traduire l’intertextualité chez James Thurber

Palimpsestes, 2006

Il y a quelque temps déjà, j'ai tenté de répondre à la question de savoir si le dictionnaire était un conservatoire de clichés et mon propos était alors la représentation en lexicographie bilingue des clichés 1. Parmi ceux-ci, j'avais évoqué les citations usées, et, ce faisant, avais abordé ce que j'appellerais de l'intertextualité consignable, en reconnaissant bien vite les limites auxquelles les dictionnaires bilingues se trouvent confrontés, puisqu'ils ne peuvent d'une part enregistrer tout des deux cultures qu'ils représentent, d'autre part, prévoir ou prédire ce qui sera cité, pastiché, détourné, utilisé en allusion, etc., tout ce qui aura une charge ou une épaisseur intertextuelle dans chacune des cultures-laissant donc aux dictionnaires de citations, unilingues, le soin de répertorier ce qui est, ou peut être, mis à contribution par d'autres, dans d'autres textes, à d'autres fins, voire sous d'autres formes. Au dictionnaire bilingue, donc, le soin d'enregistrer les citations usées à force de « traîner partout », tellement clichés qu'elles n'ont plus grande valeur culturelle ni effet intertextuel au-delà de l'identification de leur auteur et du texte dont elles sont tirées, éventuellement. 2 C'est une préoccupation similaire qui m'a entraîné à me pencher aussi, ailleurs, sur la traduction des titres de presse, dans lesquels se cristallisent, me semble-t-il, les problèmes liés au non-dit à traduire et à l'allusion culturelle. En effet, le titre de presse anglo-saxon, dans sa grande tradition, le titre jeu de mots ou le titre clin d'oeil, est typiquement un texte qui en cache, plus ou moins, un autre, qui est la clé du décodage et de l'appréciation du titre. Le titre de presse entraîne le lecteur à opérer des rapprochements avec des éléments culturels aussi divers qu'oeuvres littéraires (par allusion à leur titre ou citation), films, chansons, discours connus, mais aussi dictons ou proverbes, slogans, etc. Le lecteur est donc amené à décoder la référence, selon le degré d'enfouissement de celle-ci, et ensuite à en apprécier la justesse et l'adéquation au fur et à Entre l'esquive et la mise à plat : traduire l'intertextualité chez James Thu...