Philippe Le Doze | Université Rennes 2 (original) (raw)
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Auguste (27 avant notre ère/14 de notre ère) est le premier prince romain. Traditionnellement pré... more Auguste (27 avant notre ère/14 de notre ère) est le premier prince romain. Traditionnellement présenté comme froid, calculateur, manipulateur et hypocrite, parfois comme un caméléon, l’homme aux trois pères (Caius Octavius, Jules César, Apollon) s’avère être une personnalité infiniment plus complexe. Il est un enfant de la crise, celle, interminable, née de l’action des Gracques, et un protagoniste des guerres civiles qui suivirent l’assassinat de César en 44. Mais les forces de destruction peuvent aussi être des forces de régénération. Sorti vainqueur de la lutte contre Brutus, puis contre Cléopâtre et Antoine, le jeune César a prétendu être l’émule de Romulus, refonder Rome et l’amener vers un nouvel Âge d’or. C’est en homme providentiel, en instrument des dieux, qu’Auguste a souhaité se présenter.
Celui qui a accru l’empire romain comme personne ne l’avait fait jusque-là fut aussi le créateur d’un régime nouveau, le Principat, destiné à vivre jusqu’à la fin de l’Empire romain. Il est en même temps à l’origine d’une restauration destinée à répondre à une crise multiforme, tout à la fois politique, religieuse et morale. Ami des grands poètes de son époque (Virgile, Horace, Properce), assisté par Agrippa et Mécène pour accomplir son œuvre, Auguste fut aussi celui qui modifia l’aspect de la ville de Rome qui devint alors une véritable capitale d’empire et put enfin rivaliser, par sa splendeur, avec les cités grecques.
Cette biographie suggère que, tout en ayant été le père d’un régime de nature monarchique, Auguste fut aussi et surtout un prince républicain, un homme toujours soucieux d’ancrer ses nombreuses réformes dans la tradition romaine, posture qui n’interdisait en rien l’innovation. Mieux encore, c’est le portrait d’un homme soucieux des attentes parfois contradictoires de ses contemporains qui se dessine : Auguste, premier prince romain, a dû se glisser dans les plis d’un costume dont il ne fut pas seul maître du patron. L’ouvrage s’achève sur une présentation de la légende d’Auguste, protéiforme et, par bien des aspects, le plus souvent éloignée de la réalité historique. D’abord archétype du bon prince, il est devenu au Moyen Âge celui qui créa les conditions de la venue du Christ, avant que devenir le modèle des tenants de l’absolutiste et un tyran pour les philosophes des Lumières. Figure complaisamment récupérée par Mussolini, l’image aujourd’hui donnée d’Auguste par la bande dessinée, le cinéma et les séries télévisées demeure singulièrement réductrice
Mécène, descendant des rois étrusques, ami du premier empereur, Auguste, et personnalité phare de... more Mécène, descendant des rois étrusques, ami du premier empereur, Auguste, et personnalité phare de la fin de la République romaine et de l'Empire naissant, demeure aujourd'hui encore une figure méconnue. Tout à la fois diplomate, conseiller d'Octavien/Auguste et, durant un temps, responsable du gouvernement de Rome et de l'Italie, il a joué un rôle majeur dans l'émergence d'un régime d'essence monarchique. Cet engagement politique lui a valu, de la part de ses adversaires sénateurs (et, plus tard, de Sénèque), un portrait noir. Son adhésion à l'épicurisme fut instrumentalisée afin de décrédibiliser un chevalier qui jamais n'aurait dû revêtir les responsabilités qui furent les siennes au sein de l'État romain. C'est toutefois essentiellement en tant que protecteur des poètes, Virgile, Horace et Properce en particulier, que Mécène a laissé son nom à la postérité. Très vite, il a symbolisé l'âge d'or du patronage littéraire. Sous son égide, certaines des oeuvres majeures de la littérature latine ont vu le jour, l'Énéide en premier lieu. Il a été l'un des fers de lance d'une politique culturelle visant à donner à Rome une littérature capable de rivaliser avec celle du monde grec. Personnalité singulière ayant tout à la fois le goût de l'ombre et celui de la provocation, figure centrale d'un cercle épicurien qui servit sans doute en partie de thérapie à sa nature inquiète, Mécène est une figure hors norme de l'histoire de Rome.
Janvier 27 avant n. è. : sur les décombres de la défunte République, Octavien/Auguste posait les ... more Janvier 27 avant n. è. : sur les décombres de la défunte République, Octavien/Auguste posait les fondations du Principat. À ses côtés, fidèle entre tous, Mécène, appelé à devenir l'archétype du patron littéraire. Depuis les guerres civiles, certains des poètes les plus en vue à Rome bénéficiaient de sa protection et de ses largesses. Il n'en fallut pas plus pour que le soupçon d'instrumentalisation naisse chez les Modernes. À rebours des théories classiques, l'auteur s'attache à démontrer que les poètes n'ont jamais eu à souffrir de ce compagnonnage. Non seulement le pouvoir naissant ne chercha pas à instrumentaliser leur talent afin d'asseoir le régime nouveau, mais ce sont bien plutôt les poètes qui prétendirent influencer ce dernier. Les liens entre la poésie et le politique dépassent toutefois la seule question de l'instrumentalisation. La période qui va de la fin de la République au début du Principat a été marquée par une vie littéraire florissante. Virgile, Horace, Properce, Tibulle, Ovide, d'autres encore, menèrent alors les lettres latines à leur apogée. Ils entendirent donner à la poésie latine la prééminence sur sa rivale grecque. Ils parachevaient là une dynamique apparue au tournant du milieu du I er avant n. è. Chapeautés par leurs patroni, ils souhaitèrent associer Octavien/Auguste à ce mouvement. Loin d'avoir joué le rôle d'initiateur, le Princeps répondit à une attente pressante, sans éclipser pour autant le rôle des aristocrates dans le domaine littéraire. Au fil des pages, le livre dévoile les modalités de la vie littéraire à Rome dans un contexte politique singulier. Il met en cause l'existence des cercles littéraires tout en analysant l'intérêt des aristocrates comme Mécène, Messalla ou Pollion à protéger les poètes et les caractéristiques de ce patronage
Ce livre étudie l’élaboration d’un archétype, celui du prince, d’Auguste à Constantin. Progressiv... more Ce livre étudie l’élaboration d’un archétype, celui du prince,
d’Auguste à Constantin. Progressivement a été imaginé une
sorte de « costume » qu’il fallait revêtir afin de paraître légitime
et de mériter de figurer parmi les « bons princes ». Cet archétype
correspondait à des contraintes et à des attentes auxquelles
il fallait se conformer et qui étaient censées contrebalancer la
toute-puissance, juridiquement fondée, du prince. On peut
évoquer à propos du prince une persona, c’est-à-dire un personnage
de théâtre, un rôle qu’il se doit d’adopter et de jouer devant
un public qui en est le juge. D’une certaine manière, le prince était
amené à intérioriser des normes dont il n’était pas nécessairement
l’auteur, et son comportement était soumis à la validation
des populations de l’empire. L’élaboration de ces normes doit
beaucoup au contexte largement expérimental (en dépit d’une
rhétorique en grande partie ancrée dans le passé) qui a présidé
aux débuts du Principat et à la lente évolution d’un régime de
nature monarchique vers un régime pleinement monarchique où
la personne du prince s’est très progressivement effacée, sans
l’avoir jamais été complètement, derrière la fonction.
Cet ouvrage croise les compétences de spécialistes de l’histoire du droit, de l’histoire politiqu... more Cet ouvrage croise les compétences de spécialistes de l’histoire du droit, de l’histoire politique, militaire, intellectuelle, culturelle, sociale et religieuse, afin de faire émerger les lieux et les instances de production des normes ainsi que les espaces de résistance aux contraintes normatives. Une trentaine de contributions de chercheurs français, allemands, belges, suisses et italiens, permettent d’aborder le problème complexe de la normativité à Rome sous des angles de réflexion variés. Le rôle des traditions savantes (la philosophie, le théâtre, la poésie, l’histoire, notamment) dans la « fabrique de la norme » a été l’objet d’une attention toute particulière. La norme en matière religieuse est également évoquée grâce à une réflexion croisée menée par des spécialistes de la religion romaine traditionnelle, des cultes isiaques et des religions monothéistes. Un troisième axe aborde l’influence des institutions et des élites dans la genèse des normes, à travers l’analyse de diverses magistratures, du rôle du Sénat ou encore de la fonction de prince. Ce volet est complété par des études sur le populus, sur les tribuns de la plèbe ainsi que sur les assemblées populaires. Enfin, après une réflexion sur la place de l’armée et des guerres civiles du Ier siècle avant n. è. dans la création de nouvelles normes, les modalités de diffusion de celles-ci (à travers la monnaie, les graffitis, les exempla ou encore la législation) font l’objet de plusieurs études.
Papers by Philippe Le Doze
Vegetarians never wanted to place themselves outside of the community in which they were living. ... more Vegetarians never wanted to place themselves outside of the community in which they were living. Yet, their life choice has generated more debate in Antiquity than is often thought. After a review of four examples of mistrust towards vegetarianism in Imperial Rome, this study will try to explain its roots. For this purpose, we will consider factors such as the influence of social norms and the effects of social conditioning; the will to fight that some vegetarians have shown, a will perhaps symbolised by the Ovidian Numa in the Metamorphoses, and also manifest in their denunciation of the utilitarianism which would be at the origin of meat consumption; the Christian condemnation implications of vegetarianism.
Même si les végétariens n’ont jamais souhaité se mettre en marge de la société dans laquelle ils vivaient, le végétarisme a vraisemblablement suscité plus de débats dans l’Antiquité qu’on ne le pense souvent. Après l’évocation de quatre moments démontrant une forme de méfiance à son égard dans la Rome impériale, cette étude vise à en expliquer les racines. Dans ce cadre, sont mobilisés le poids de la norme et les effets du conditionnement social; une volonté de combat dont certains végétariens ont pu faire preuve, volonté peut-être symbolisée par le Numa ovidien dans les Métamorphoses, et manifeste aussi dans leur dénonciation de l’utilitarisme qui serait à l’origine de la consommation de viande; les conséquences de la condamnation chrétienne (après bien des hésitations) du végétarisme.
ABSTRACT The logics at work during the exhibitions of animals in the Roman games and in the “h... more ABSTRACT
The logics at work during the exhibitions of animals in the Roman games and in the “human zoos” are based on mechanisms of thought, anthropocentrism and ethnocentrism, whose modalities (in particular the intuitive feeling of a greater completion in relation to the Other or a spontaneous solidarity with the similar) are largely convergent. At two distant historical periods, two events, one featuring animals, the other human beings, have contributed to building a narrative where imperial, metaphysical and practical issues are mixed and to establishing in the collective unconscious a relationship to the world that is not self-evident. In fine, what is played during these events, it is the right to dominate. Venationes and “human zoos” are the emanation of ideologies (specist anthropocentrism and racist ethnocentrism) which allowed, through the prism of the exoticism, to carry and to reinforce these logics of domination based on cognitive biases.
Keywords: Venationes, Human zoos, Anthropocentrism, Ethnocentrism, Cognitive bias, Ideologies, Exoticism, Empire.
RÉSUMÉ
Les logiques à l’œuvre lors des exhibitions d’animaux dans les jeux romains et dans les « zoos humains » se fondent sur des mécanismes de pensée, l’anthropocentrisme et l’ethnocentrisme, dont les modalités (en particulier le sentiment intuitif d’un plus grand achèvement par rapport à l’Autre ou encore une solidarité spontanée avec le semblable) sont en grande partie convergentes. À deux époques historiques éloignées, deux manifestations, l’une mettant en scène des animaux, l’autre des êtres humains, ont contribué à bâtir un récit où se mêlent enjeux impériaux, métaphysiques et pratiques et à asseoir dans l’inconscient collectif un rapport au monde n’allant pas de soi. In fine, ce qui se joue lors de ces manifestations, c’est le droit à dominer. Venationes et « zoos humains » sont l’émanation d’idéologies (l’anthropocentrisme spéciste et l’ethnocentrisme raciste) qui ont permis, en s’appuyant sur le prisme de l’exotisme, de porter et de renforcer ces logiques de domination fondées sur des biais cognitifs.
Mots-clés : Venationes, Zoos humains, Anthropocentrisme, Ethnocentrisme, Biais cognitif, Idéologies, Exotisme, Empire.
Pourquoi redéfinir l'anthropocentrisme ? Parce que sa signification demeure floue et son acceptio... more Pourquoi redéfinir l'anthropocentrisme ? Parce que sa signification demeure floue et son acception la plus ordinaire (la préférence donnée à l'humain dans un monde qu'il est libre d'exploiter à sa guise) tend à entrer en collision avec une notion de plus en plus utilisée ces dernières années, celle de spécisme. Le philosophe François Jaquet a récemment souligné le risque de confusion entre les deux termes. Il est, de fait, impératif de les dissocier. C'est possible si l'on fait l'hypothèse que l'anthropocentrisme est un biais cognitif, là où le spécisme relève d'un projet sociétal.
Pourquoi manger de la viande ? Les motivations des Anciens. Le 24 février, le Salon de l'Agricu... more Pourquoi manger de la viande ? Les motivations des Anciens.
Le 24 février, le Salon de l'Agriculture s'ouvrira comme chaque année, Porte de Versailles. Face aux critiques de plus en plus nombreuses s'élevant contre la consommation de viande, les professionnels du secteur sont désormais contraints de justifier leur activité. Cette défense du carnisme n'est en réalité pas nouvelle : l'Antiquité gréco-romaine montre que ce régime alimentaire n'allait, déjà, pas de soi. Les
Pourquoi être végétarien ? Ce que Grecs et Romains en disaient. Le Salon de l'Agriculture ouvrira... more Pourquoi être végétarien ? Ce que Grecs et Romains en disaient. Le Salon de l'Agriculture ouvrira ses portes le 24 février à Paris offrant une vitrine incomparable aux éleveurs français. Ce rendez-vous annuel rencontre un fort écho dans les médias, tout en se heurtant à une demande de plus en plus partagée de réduction de la consommation de viande, voire à une incitation à l'abstinence. Ce hiatus fait écho à un débat ancien puisque la question du végétarisme (le terme n'existait pas encore) était très présente dans l'Antiquité grecque et romaine déjà, sans doute plus qu'on ne le pense généralement. Porté par des personnalités comme Pythagore, Empédocle, Apollonios de Tyane, Plutarque ou encore Porphyre, ce discours se distingue par sa modernité. En effet, le discours des végétariens et végétaliens actuels entre souvent en résonance avec celui de leurs lointains prédécesseurs. Trois principaux types d'arguments étaient avancés, chaque auteur privilégiant, en fonction de sa sensibilité, certains d'entre eux de préférence aux autres. Le principe de précaution Ce principe découle chez certains végétariens de la croyance en l'immortalité de l'âme et sa potentielle migration d'un corps vers un autre, humain ou animal. Consommer de la viande induisait dès lors un risque d'anthropophagie expressément dénoncé par Empédocle. Une anecdote raconte qu'un jour Pythagore, qui passait près d'un homme qui maltraitait son chien, s'indigna : « Arrête de frapper ! Son âme, je l'entends, est celle d'un ami que j'ai pu reconnaître aux accents de sa voix. » Tous les végétariens ne partageaient pas cette croyance, pas plus que le reste de leurs contemporains. C'est pourquoi le jeune Sénèque, un temps adepte de l'abstinence de viande, préconise le principe de précaution : si la métempsycose existe, l'abstinence de viande sauve du crime ; dans le cas contraire, elle conduit malgré tout sur le chemin de la sobriété. Plutarque renchérit : certes, la métempsycose est incertaine, mais l'absence de preuve indéniable doit pousser à la prudence. La justice C'est sans doute l'argument le plus invoqué aujourd'hui encore. Plutarque distingue la réalité des premiers humains, quand l'agriculture n'avait pas encore été inventée, de celle de son époque. La chasse était alors une nécessité et ne saurait, dès lors, avoir été injuste. En outre, c'étaient des animaux sauvages, dangereux, que l'on tuait, non des bêtes d'élevage douces et tranquilles. Mais désormais, ajoute Plutarque, les humains regorgent de vivres. Aussi ne tuent-ils plus pour vivre mais pour satisfaire leurs sens : la nécessité a cédé le pas à la tyrannie des délices. Et de préciser : les traitements cruels que les humains font subir aux animaux pour rendre leur chair plus délicate (par exemple crever les yeux des
Cette étude se propose de prolonger la réflexion récemment menée par J. Meister sur la potentiell... more Cette étude se propose de prolonger la réflexion récemment menée par J. Meister sur la potentielle application de la théorie des deux corps du roi à la Rome antique. Si cette dernière trouve vite ses limites une fois appliquée à la réalité romaine, elle n’en demeure pas moins un outil intéressant pour interroger et comprendre l’essence du Principat. S’il n’y eut jamais une confusion pleine et entière entre le corpus rei publicae et le corpus principis (contrairement à ce que pourrait laisser croire une lecture un peu rapide d’Ovide, Tr., 4, 4, 13-16), ce fut d’abord et avant tout pour préserver une réalité, au moins de manière formelle, celle de la res publica dont on rappellera ici qu’elle ne saurait être confondue avec une forme institutionnelle. Or cette réalité s’exprimait plus précisément lors de l’avènement du nouveau prince et interdisait toute application de la théorie des deux corps du roi à Rome.
This study proposes to extend the reflection recently carried out by J. Meister on the potential application of the theory of the two bodies of the king to ancient Rome. If the latter quickly finds its limits once applied to the Roman reality, it nevertheless remains an interesting tool for questioning and understanding the essence of the Principate. If there was never a full and complete confusion between the corpus rei publicae and the corpus principis (contrary to what a rather quick reading of Ovid, Tr., 4, 4, 13-16, might lead one to believe), it was first and foremost in order to preserve a reality, at least in a formal way, that of the res publica, which, it will be recalled here, should not be confused with an institutional form. Now this reality was expressed more precisely at the time of the advent of the new prince and prohibited any application of the theory of the two bodies of the king in Rome.
Dialogues d'histoire ancienne, 2021
Augustus and the Res Publica: the Practical Implications of a Restoration Abstract: The restorati... more Augustus and the Res Publica: the Practical Implications of a Restoration
Abstract: The restoration of the res publica by Augustus was not an illusion: it is wrong to refer to a “monarchy with a republican façade.” This restoration was closely linked to a reference to SPQR that made it possible to distinguish between the Principate and tyranny. However, it must be dissociated from the creation of the regime, which was of the nature of a monarchy rather than a monarchy per se, even if its outline was conditioned by it. Lastly, the restoration of the res publica noticeably influenced the terms of succession: conditional heredity was thus preferred to dynastic legitimism.
Keywords: Augustus, Restoration, SPQR, Succession, Monarchy.
Auguste et la res publica : les implications pratiques d’ une restauration
Résumé : La restauration de la res publica par Auguste ne fut pas un leurre, et c’ est à tort que l’ on parle de « monarchie à façade républicaine ». Cette restauration fut étroitement liée à la référence au SPQR qui permit de distinguer le Principat de la tyrannie. Elle est en revanche à dissocier de la création du régime, de nature monarchique plus que monarchique à proprement parler, quand bien même en conditionna-t-elle les contours. Enfin, la restauration de la res publica influa sur les modalités de la succession : au légitimisme dynastique, on préféra alors l’ hérédité conditionnée.
Mots-clefs : Auguste, Restauration, SPQR, Succession, Monarchie.
The Augustan principate has many elements of a monarchical system. However, this does not allow t... more The Augustan principate has many elements of a monarchical system. However, this does not allow to question the reality of the Augustan restoration and to emphasize the ambiguity of the regime. The hypotheses such as “monarchy with republican façade” or a “republican fiction” are misleading. Indeed, the restoration of res publica hasn’t prevented institutional developments or monarchical inclinations. The whole basis of res publica was the respect of “ways of doing” and procedures, a frame considered as immutable. Augustan restoration didn’t aim to restore a prior state but to restore this frame (that of senatus populusque romanus). And this could be done with the establishment of a new political regime. Therefore, the Augustan principate cannot be considered as a cover intented to give a republican façade to a monarchical power.
Le fait que le principat augustéen ait une composante monarchique marquée appelée à s’affirmer de plus en plus avec le temps n’autorise pas à douter de la réalité de la restauration augustéenne et à dénoncer l’ambiguïté du régime. L’hypothèse d’une « monarchie à façade républicaine » ou d’une« fiction républicaine » est trompeuse dans la mesure où le rétablissement de la res publica n’interdisait ni les évolutions institutionnelles ni les velléités monarchiques. C’était dans les « manières de faire », dans le respect de certaines procédures, que résidait la res publica. La restauration augustéenne ne visa pas à rétablir dans le détail un état ante mais à restaurer un cadre (celui du senatus populusque romanus) considéré, lui, comme immuable mais qui n’interdisait pas l’établissement d’un régime nouveau. Le principat augustéen ne saurait donc être entendu comme un simple habillage destiné à donner une « façade républicaine » à un régime en réalité monarchique.
This study focuses on prince insertion in the republican institutions at the beginning of the Pri... more This study focuses on prince insertion in the republican institutions at the beginning of the Principate. The republic was not a political regime, unlike monarchy, oligarchy or democracy, but ares publica was a kind of autonomous subsystem from the political regime. For its part, the SPQR was an interface through which res publica could embody itself in a status. It required to act together and was perceived as an obstacle to dominatio. In some ways, it symbolized the political DNA of Rome. It did not prejudiced of the status. With the establishment of the Principate, the prince was compelled to combine with this SPQR, emanation of the res publica, mainly in connection with Senate's claims. The comitia continued to play a role in decisionmaking process, but in a ritualized form, as a reminder of its formal sovereignty. The Senate, which included the melior pars of populus, was associated too with power sustainably. The debate on prince's position within the res publica has initiated a « republican » ideology, opposed to a princely ideology, without having to interpret it as an opposition to the Principate.
Ce livre étudie l’élaboration d’un archétype, celui du prince, d’Auguste à Constantin. Progressiv... more Ce livre étudie l’élaboration d’un archétype, celui du prince,
d’Auguste à Constantin. Progressivement a été imaginé une
sorte de « costume » qu’il fallait revêtir afin de paraître légitime
et de mériter de figurer parmi les « bons princes ». Cet archétype
correspondait à des contraintes et à des attentes auxquelles
il fallait se conformer et qui étaient censées contrebalancer la
toute-puissance, juridiquement fondée, du prince. On peut
évoquer à propos du prince une persona, c’est-à-dire un personnage
de théâtre, un rôle qu’il se doit d’adopter et de jouer devant
un public qui en est le juge. D’une certaine manière, le prince était
amené à intérioriser des normes dont il n’était pas nécessairement
l’auteur, et son comportement était soumis à la validation
des populations de l’empire. L’élaboration de ces normes doit
beaucoup au contexte largement expérimental (en dépit d’une
rhétorique en grande partie ancrée dans le passé) qui a présidé
aux débuts du Principat et à la lente évolution d’un régime de
nature monarchique vers un régime pleinement monarchique où
la personne du prince s’est très progressivement effacée, sans
l’avoir jamais été complètement, derrière la fonction.
This study stresses the necessity to separate the notion of dynasty from that of monarchy for spe... more This study stresses the necessity to separate the notion of dynasty from that of monarchy for speaking of the succession of Augustus. The concern of Augustus was not to hide his will to establish a dynasty but to achieve it in a legitimate way by associating in the designation the Senate and the populus Romanus. Indeed, the Augustan restoration implied that these two instances remained sovereign. A large part of the population supported the strategy of Augustus. Augustus had to take into account expectations partly related to the history of Rome from its origins.
Cette étude montre que, dans le cadre de la succession d’Auguste, il est impératif de détacher la notion de dynastie de celle de monarchie à laquelle elle ne renvoie que très partiellement. Le souci d’Auguste n’a pas été de masquer sa volonté d’instaurer une dynastie mais de parvenir à le faire en légitimant les prétentions de son successeur et en associant à la désignation le Sénat et le peuple romain qui, dans le cadre de la restauration augustéenne, demeuraient souverains. La stratégie d’Auguste a bénéficié d’un parti-pris favorable d’une grande partie de la population de l’empire mais a dû prendre en considération des attentes particulières en partie liées à l’histoire de Rome depuis ses origines.
ABSTRACT The concept of ideology is frequently discussed by many sociologists and modern philosop... more ABSTRACT
The concept of ideology is frequently discussed by many sociologists and modern philosophers and used by historians of Rome. But it cannot be taken for granted as regards Antiquity. The rules and the conditions of Roman political life from Republic to early Roman Empire were not a fertile ground for the emergence of ideologies. However, in the Fifth century B.C. and with the birth of the Principate, struggles of ideological nature seemed to have shaped Roman political life.
RESUME
La notion d’idéologie, bien que récurrente chez les historiens de Rome, ne va pas de soi lorsqu’elle est appliquée à l’Antiquité. Les modalités de la vie politique à Rome de la République jusqu’au Haut-Empire constituaient même un terreau a priori défavorable à l’émergence des idéologies. Toutefois, en deux occasions, au Ve siècle avant n. è. et avec la naissance du Principat, une rivalité de type idéologique a contribué à structurer la vie politique romaine.
Horatius fought in the ranks of the Republicans before becoming, at least in appearance, one of t... more Horatius fought in the ranks of the Republicans before becoming, at least in appearance, one of the most fervent supporters of Augustus and of the Imperial regime. This ideological volte-face is very surprising, perhaps because we tend to assign ideologies a significance they did not actually have in the Roman world. In reality, Horatius did not believe he had recanted. He simply changed patrons after the defeat of his Republican friends ; he wagered a bet on the future by incorporating himself into a new network, that of the victors. Far from having been manipulated by the new regime, and far from having become its spokesman, he tried to influence it through his verses, and in this way assumed the stature of an intellectual.
Horace combattit dans les rangs des républicains avant de devenir, en apparence au moins, l’un des plus fervents partisans d’Auguste et du régime impérial. Cette volte-face idéologique ne manque pas de surprendre. Sans doute parce que nous accordons aux idéologies une place qui n’était pas la leur dans le monde romain. En réalité, jamais Horace n’eut le sentiment de se renier. Il a seulement changé de protecteurs après la défaite de ses amis républicains, fait un pari sur l’avenir en s’attachant à un nouveau réseau, celui des vainqueurs. Et loin d’avoir été manipulé par le nouveau régime, loin d’être devenu son porte-parole, il a, par ses vers, tenté de l’influencer, adoptant par là même la posture de l’intellectuel.
Through the analysis of texts from the end of the Republic to Augustus’ Principate, this article ... more Through the analysis of texts from the end of the Republic to Augustus’ Principate, this article aims to verify the validity of the concept of ideology in the Roman society. During the Republic, the right to deal with politics was based on virtue and relationships to renowned gens rather than on a peculiar future in prospect and community’ goals. Rulers were expected to ensure the proper working of institutions and to guarantee citizens’ safety. The Roman society could not imagine another model. When a crisis arose, chiefs had to restore rather than propose. Within Augustus’ Principate, the official discourse is changed in order to associate Rome’s fate and prosperity to the gens Augusta. At the same time, the government organization is responsible for any kind of counter-discourse. If one cannot speak of a real ideology, Augustus’ Principate attests to the advent of a proto-ideology.
À travers l’analyse de textes allant de la fin de la République au Principat d’Auguste, l’auteur se propose de vérifier la validité du concept d’idéologie dans la société romaine. Sous la République, le droit à commander relevait plus de la vertu et de l’appartenance à une gens illustre que d’une vision de l’avenir, d’un dessein communautaire. Ce qui était demandé aux dirigeants, c’était d’assurer le bon fonctionnement des institutions et la sécurité des citoyens. Le monde romain se refusait à imaginer une société autre. Lors d’une crise, il s’agissait de restaurer, non de proposer. Avec le Principat d’Auguste, le discours officiel se modifie et tend désormais à lier le destin de Rome et l’abondance à la gens Augusta. Dans le même temps, un discours d’opposition apparaît lié à la forme du régime. Si l’on ne peut parler de réelle idéologie, le Principat d’Auguste marque au moins l’apparition d’une proto-idéologie.
Auguste (27 avant notre ère/14 de notre ère) est le premier prince romain. Traditionnellement pré... more Auguste (27 avant notre ère/14 de notre ère) est le premier prince romain. Traditionnellement présenté comme froid, calculateur, manipulateur et hypocrite, parfois comme un caméléon, l’homme aux trois pères (Caius Octavius, Jules César, Apollon) s’avère être une personnalité infiniment plus complexe. Il est un enfant de la crise, celle, interminable, née de l’action des Gracques, et un protagoniste des guerres civiles qui suivirent l’assassinat de César en 44. Mais les forces de destruction peuvent aussi être des forces de régénération. Sorti vainqueur de la lutte contre Brutus, puis contre Cléopâtre et Antoine, le jeune César a prétendu être l’émule de Romulus, refonder Rome et l’amener vers un nouvel Âge d’or. C’est en homme providentiel, en instrument des dieux, qu’Auguste a souhaité se présenter.
Celui qui a accru l’empire romain comme personne ne l’avait fait jusque-là fut aussi le créateur d’un régime nouveau, le Principat, destiné à vivre jusqu’à la fin de l’Empire romain. Il est en même temps à l’origine d’une restauration destinée à répondre à une crise multiforme, tout à la fois politique, religieuse et morale. Ami des grands poètes de son époque (Virgile, Horace, Properce), assisté par Agrippa et Mécène pour accomplir son œuvre, Auguste fut aussi celui qui modifia l’aspect de la ville de Rome qui devint alors une véritable capitale d’empire et put enfin rivaliser, par sa splendeur, avec les cités grecques.
Cette biographie suggère que, tout en ayant été le père d’un régime de nature monarchique, Auguste fut aussi et surtout un prince républicain, un homme toujours soucieux d’ancrer ses nombreuses réformes dans la tradition romaine, posture qui n’interdisait en rien l’innovation. Mieux encore, c’est le portrait d’un homme soucieux des attentes parfois contradictoires de ses contemporains qui se dessine : Auguste, premier prince romain, a dû se glisser dans les plis d’un costume dont il ne fut pas seul maître du patron. L’ouvrage s’achève sur une présentation de la légende d’Auguste, protéiforme et, par bien des aspects, le plus souvent éloignée de la réalité historique. D’abord archétype du bon prince, il est devenu au Moyen Âge celui qui créa les conditions de la venue du Christ, avant que devenir le modèle des tenants de l’absolutiste et un tyran pour les philosophes des Lumières. Figure complaisamment récupérée par Mussolini, l’image aujourd’hui donnée d’Auguste par la bande dessinée, le cinéma et les séries télévisées demeure singulièrement réductrice
Mécène, descendant des rois étrusques, ami du premier empereur, Auguste, et personnalité phare de... more Mécène, descendant des rois étrusques, ami du premier empereur, Auguste, et personnalité phare de la fin de la République romaine et de l'Empire naissant, demeure aujourd'hui encore une figure méconnue. Tout à la fois diplomate, conseiller d'Octavien/Auguste et, durant un temps, responsable du gouvernement de Rome et de l'Italie, il a joué un rôle majeur dans l'émergence d'un régime d'essence monarchique. Cet engagement politique lui a valu, de la part de ses adversaires sénateurs (et, plus tard, de Sénèque), un portrait noir. Son adhésion à l'épicurisme fut instrumentalisée afin de décrédibiliser un chevalier qui jamais n'aurait dû revêtir les responsabilités qui furent les siennes au sein de l'État romain. C'est toutefois essentiellement en tant que protecteur des poètes, Virgile, Horace et Properce en particulier, que Mécène a laissé son nom à la postérité. Très vite, il a symbolisé l'âge d'or du patronage littéraire. Sous son égide, certaines des oeuvres majeures de la littérature latine ont vu le jour, l'Énéide en premier lieu. Il a été l'un des fers de lance d'une politique culturelle visant à donner à Rome une littérature capable de rivaliser avec celle du monde grec. Personnalité singulière ayant tout à la fois le goût de l'ombre et celui de la provocation, figure centrale d'un cercle épicurien qui servit sans doute en partie de thérapie à sa nature inquiète, Mécène est une figure hors norme de l'histoire de Rome.
Janvier 27 avant n. è. : sur les décombres de la défunte République, Octavien/Auguste posait les ... more Janvier 27 avant n. è. : sur les décombres de la défunte République, Octavien/Auguste posait les fondations du Principat. À ses côtés, fidèle entre tous, Mécène, appelé à devenir l'archétype du patron littéraire. Depuis les guerres civiles, certains des poètes les plus en vue à Rome bénéficiaient de sa protection et de ses largesses. Il n'en fallut pas plus pour que le soupçon d'instrumentalisation naisse chez les Modernes. À rebours des théories classiques, l'auteur s'attache à démontrer que les poètes n'ont jamais eu à souffrir de ce compagnonnage. Non seulement le pouvoir naissant ne chercha pas à instrumentaliser leur talent afin d'asseoir le régime nouveau, mais ce sont bien plutôt les poètes qui prétendirent influencer ce dernier. Les liens entre la poésie et le politique dépassent toutefois la seule question de l'instrumentalisation. La période qui va de la fin de la République au début du Principat a été marquée par une vie littéraire florissante. Virgile, Horace, Properce, Tibulle, Ovide, d'autres encore, menèrent alors les lettres latines à leur apogée. Ils entendirent donner à la poésie latine la prééminence sur sa rivale grecque. Ils parachevaient là une dynamique apparue au tournant du milieu du I er avant n. è. Chapeautés par leurs patroni, ils souhaitèrent associer Octavien/Auguste à ce mouvement. Loin d'avoir joué le rôle d'initiateur, le Princeps répondit à une attente pressante, sans éclipser pour autant le rôle des aristocrates dans le domaine littéraire. Au fil des pages, le livre dévoile les modalités de la vie littéraire à Rome dans un contexte politique singulier. Il met en cause l'existence des cercles littéraires tout en analysant l'intérêt des aristocrates comme Mécène, Messalla ou Pollion à protéger les poètes et les caractéristiques de ce patronage
Ce livre étudie l’élaboration d’un archétype, celui du prince, d’Auguste à Constantin. Progressiv... more Ce livre étudie l’élaboration d’un archétype, celui du prince,
d’Auguste à Constantin. Progressivement a été imaginé une
sorte de « costume » qu’il fallait revêtir afin de paraître légitime
et de mériter de figurer parmi les « bons princes ». Cet archétype
correspondait à des contraintes et à des attentes auxquelles
il fallait se conformer et qui étaient censées contrebalancer la
toute-puissance, juridiquement fondée, du prince. On peut
évoquer à propos du prince une persona, c’est-à-dire un personnage
de théâtre, un rôle qu’il se doit d’adopter et de jouer devant
un public qui en est le juge. D’une certaine manière, le prince était
amené à intérioriser des normes dont il n’était pas nécessairement
l’auteur, et son comportement était soumis à la validation
des populations de l’empire. L’élaboration de ces normes doit
beaucoup au contexte largement expérimental (en dépit d’une
rhétorique en grande partie ancrée dans le passé) qui a présidé
aux débuts du Principat et à la lente évolution d’un régime de
nature monarchique vers un régime pleinement monarchique où
la personne du prince s’est très progressivement effacée, sans
l’avoir jamais été complètement, derrière la fonction.
Cet ouvrage croise les compétences de spécialistes de l’histoire du droit, de l’histoire politiqu... more Cet ouvrage croise les compétences de spécialistes de l’histoire du droit, de l’histoire politique, militaire, intellectuelle, culturelle, sociale et religieuse, afin de faire émerger les lieux et les instances de production des normes ainsi que les espaces de résistance aux contraintes normatives. Une trentaine de contributions de chercheurs français, allemands, belges, suisses et italiens, permettent d’aborder le problème complexe de la normativité à Rome sous des angles de réflexion variés. Le rôle des traditions savantes (la philosophie, le théâtre, la poésie, l’histoire, notamment) dans la « fabrique de la norme » a été l’objet d’une attention toute particulière. La norme en matière religieuse est également évoquée grâce à une réflexion croisée menée par des spécialistes de la religion romaine traditionnelle, des cultes isiaques et des religions monothéistes. Un troisième axe aborde l’influence des institutions et des élites dans la genèse des normes, à travers l’analyse de diverses magistratures, du rôle du Sénat ou encore de la fonction de prince. Ce volet est complété par des études sur le populus, sur les tribuns de la plèbe ainsi que sur les assemblées populaires. Enfin, après une réflexion sur la place de l’armée et des guerres civiles du Ier siècle avant n. è. dans la création de nouvelles normes, les modalités de diffusion de celles-ci (à travers la monnaie, les graffitis, les exempla ou encore la législation) font l’objet de plusieurs études.
Vegetarians never wanted to place themselves outside of the community in which they were living. ... more Vegetarians never wanted to place themselves outside of the community in which they were living. Yet, their life choice has generated more debate in Antiquity than is often thought. After a review of four examples of mistrust towards vegetarianism in Imperial Rome, this study will try to explain its roots. For this purpose, we will consider factors such as the influence of social norms and the effects of social conditioning; the will to fight that some vegetarians have shown, a will perhaps symbolised by the Ovidian Numa in the Metamorphoses, and also manifest in their denunciation of the utilitarianism which would be at the origin of meat consumption; the Christian condemnation implications of vegetarianism.
Même si les végétariens n’ont jamais souhaité se mettre en marge de la société dans laquelle ils vivaient, le végétarisme a vraisemblablement suscité plus de débats dans l’Antiquité qu’on ne le pense souvent. Après l’évocation de quatre moments démontrant une forme de méfiance à son égard dans la Rome impériale, cette étude vise à en expliquer les racines. Dans ce cadre, sont mobilisés le poids de la norme et les effets du conditionnement social; une volonté de combat dont certains végétariens ont pu faire preuve, volonté peut-être symbolisée par le Numa ovidien dans les Métamorphoses, et manifeste aussi dans leur dénonciation de l’utilitarisme qui serait à l’origine de la consommation de viande; les conséquences de la condamnation chrétienne (après bien des hésitations) du végétarisme.
ABSTRACT The logics at work during the exhibitions of animals in the Roman games and in the “h... more ABSTRACT
The logics at work during the exhibitions of animals in the Roman games and in the “human zoos” are based on mechanisms of thought, anthropocentrism and ethnocentrism, whose modalities (in particular the intuitive feeling of a greater completion in relation to the Other or a spontaneous solidarity with the similar) are largely convergent. At two distant historical periods, two events, one featuring animals, the other human beings, have contributed to building a narrative where imperial, metaphysical and practical issues are mixed and to establishing in the collective unconscious a relationship to the world that is not self-evident. In fine, what is played during these events, it is the right to dominate. Venationes and “human zoos” are the emanation of ideologies (specist anthropocentrism and racist ethnocentrism) which allowed, through the prism of the exoticism, to carry and to reinforce these logics of domination based on cognitive biases.
Keywords: Venationes, Human zoos, Anthropocentrism, Ethnocentrism, Cognitive bias, Ideologies, Exoticism, Empire.
RÉSUMÉ
Les logiques à l’œuvre lors des exhibitions d’animaux dans les jeux romains et dans les « zoos humains » se fondent sur des mécanismes de pensée, l’anthropocentrisme et l’ethnocentrisme, dont les modalités (en particulier le sentiment intuitif d’un plus grand achèvement par rapport à l’Autre ou encore une solidarité spontanée avec le semblable) sont en grande partie convergentes. À deux époques historiques éloignées, deux manifestations, l’une mettant en scène des animaux, l’autre des êtres humains, ont contribué à bâtir un récit où se mêlent enjeux impériaux, métaphysiques et pratiques et à asseoir dans l’inconscient collectif un rapport au monde n’allant pas de soi. In fine, ce qui se joue lors de ces manifestations, c’est le droit à dominer. Venationes et « zoos humains » sont l’émanation d’idéologies (l’anthropocentrisme spéciste et l’ethnocentrisme raciste) qui ont permis, en s’appuyant sur le prisme de l’exotisme, de porter et de renforcer ces logiques de domination fondées sur des biais cognitifs.
Mots-clés : Venationes, Zoos humains, Anthropocentrisme, Ethnocentrisme, Biais cognitif, Idéologies, Exotisme, Empire.
Pourquoi redéfinir l'anthropocentrisme ? Parce que sa signification demeure floue et son acceptio... more Pourquoi redéfinir l'anthropocentrisme ? Parce que sa signification demeure floue et son acception la plus ordinaire (la préférence donnée à l'humain dans un monde qu'il est libre d'exploiter à sa guise) tend à entrer en collision avec une notion de plus en plus utilisée ces dernières années, celle de spécisme. Le philosophe François Jaquet a récemment souligné le risque de confusion entre les deux termes. Il est, de fait, impératif de les dissocier. C'est possible si l'on fait l'hypothèse que l'anthropocentrisme est un biais cognitif, là où le spécisme relève d'un projet sociétal.
Pourquoi manger de la viande ? Les motivations des Anciens. Le 24 février, le Salon de l'Agricu... more Pourquoi manger de la viande ? Les motivations des Anciens.
Le 24 février, le Salon de l'Agriculture s'ouvrira comme chaque année, Porte de Versailles. Face aux critiques de plus en plus nombreuses s'élevant contre la consommation de viande, les professionnels du secteur sont désormais contraints de justifier leur activité. Cette défense du carnisme n'est en réalité pas nouvelle : l'Antiquité gréco-romaine montre que ce régime alimentaire n'allait, déjà, pas de soi. Les
Pourquoi être végétarien ? Ce que Grecs et Romains en disaient. Le Salon de l'Agriculture ouvrira... more Pourquoi être végétarien ? Ce que Grecs et Romains en disaient. Le Salon de l'Agriculture ouvrira ses portes le 24 février à Paris offrant une vitrine incomparable aux éleveurs français. Ce rendez-vous annuel rencontre un fort écho dans les médias, tout en se heurtant à une demande de plus en plus partagée de réduction de la consommation de viande, voire à une incitation à l'abstinence. Ce hiatus fait écho à un débat ancien puisque la question du végétarisme (le terme n'existait pas encore) était très présente dans l'Antiquité grecque et romaine déjà, sans doute plus qu'on ne le pense généralement. Porté par des personnalités comme Pythagore, Empédocle, Apollonios de Tyane, Plutarque ou encore Porphyre, ce discours se distingue par sa modernité. En effet, le discours des végétariens et végétaliens actuels entre souvent en résonance avec celui de leurs lointains prédécesseurs. Trois principaux types d'arguments étaient avancés, chaque auteur privilégiant, en fonction de sa sensibilité, certains d'entre eux de préférence aux autres. Le principe de précaution Ce principe découle chez certains végétariens de la croyance en l'immortalité de l'âme et sa potentielle migration d'un corps vers un autre, humain ou animal. Consommer de la viande induisait dès lors un risque d'anthropophagie expressément dénoncé par Empédocle. Une anecdote raconte qu'un jour Pythagore, qui passait près d'un homme qui maltraitait son chien, s'indigna : « Arrête de frapper ! Son âme, je l'entends, est celle d'un ami que j'ai pu reconnaître aux accents de sa voix. » Tous les végétariens ne partageaient pas cette croyance, pas plus que le reste de leurs contemporains. C'est pourquoi le jeune Sénèque, un temps adepte de l'abstinence de viande, préconise le principe de précaution : si la métempsycose existe, l'abstinence de viande sauve du crime ; dans le cas contraire, elle conduit malgré tout sur le chemin de la sobriété. Plutarque renchérit : certes, la métempsycose est incertaine, mais l'absence de preuve indéniable doit pousser à la prudence. La justice C'est sans doute l'argument le plus invoqué aujourd'hui encore. Plutarque distingue la réalité des premiers humains, quand l'agriculture n'avait pas encore été inventée, de celle de son époque. La chasse était alors une nécessité et ne saurait, dès lors, avoir été injuste. En outre, c'étaient des animaux sauvages, dangereux, que l'on tuait, non des bêtes d'élevage douces et tranquilles. Mais désormais, ajoute Plutarque, les humains regorgent de vivres. Aussi ne tuent-ils plus pour vivre mais pour satisfaire leurs sens : la nécessité a cédé le pas à la tyrannie des délices. Et de préciser : les traitements cruels que les humains font subir aux animaux pour rendre leur chair plus délicate (par exemple crever les yeux des
Cette étude se propose de prolonger la réflexion récemment menée par J. Meister sur la potentiell... more Cette étude se propose de prolonger la réflexion récemment menée par J. Meister sur la potentielle application de la théorie des deux corps du roi à la Rome antique. Si cette dernière trouve vite ses limites une fois appliquée à la réalité romaine, elle n’en demeure pas moins un outil intéressant pour interroger et comprendre l’essence du Principat. S’il n’y eut jamais une confusion pleine et entière entre le corpus rei publicae et le corpus principis (contrairement à ce que pourrait laisser croire une lecture un peu rapide d’Ovide, Tr., 4, 4, 13-16), ce fut d’abord et avant tout pour préserver une réalité, au moins de manière formelle, celle de la res publica dont on rappellera ici qu’elle ne saurait être confondue avec une forme institutionnelle. Or cette réalité s’exprimait plus précisément lors de l’avènement du nouveau prince et interdisait toute application de la théorie des deux corps du roi à Rome.
This study proposes to extend the reflection recently carried out by J. Meister on the potential application of the theory of the two bodies of the king to ancient Rome. If the latter quickly finds its limits once applied to the Roman reality, it nevertheless remains an interesting tool for questioning and understanding the essence of the Principate. If there was never a full and complete confusion between the corpus rei publicae and the corpus principis (contrary to what a rather quick reading of Ovid, Tr., 4, 4, 13-16, might lead one to believe), it was first and foremost in order to preserve a reality, at least in a formal way, that of the res publica, which, it will be recalled here, should not be confused with an institutional form. Now this reality was expressed more precisely at the time of the advent of the new prince and prohibited any application of the theory of the two bodies of the king in Rome.
Dialogues d'histoire ancienne, 2021
Augustus and the Res Publica: the Practical Implications of a Restoration Abstract: The restorati... more Augustus and the Res Publica: the Practical Implications of a Restoration
Abstract: The restoration of the res publica by Augustus was not an illusion: it is wrong to refer to a “monarchy with a republican façade.” This restoration was closely linked to a reference to SPQR that made it possible to distinguish between the Principate and tyranny. However, it must be dissociated from the creation of the regime, which was of the nature of a monarchy rather than a monarchy per se, even if its outline was conditioned by it. Lastly, the restoration of the res publica noticeably influenced the terms of succession: conditional heredity was thus preferred to dynastic legitimism.
Keywords: Augustus, Restoration, SPQR, Succession, Monarchy.
Auguste et la res publica : les implications pratiques d’ une restauration
Résumé : La restauration de la res publica par Auguste ne fut pas un leurre, et c’ est à tort que l’ on parle de « monarchie à façade républicaine ». Cette restauration fut étroitement liée à la référence au SPQR qui permit de distinguer le Principat de la tyrannie. Elle est en revanche à dissocier de la création du régime, de nature monarchique plus que monarchique à proprement parler, quand bien même en conditionna-t-elle les contours. Enfin, la restauration de la res publica influa sur les modalités de la succession : au légitimisme dynastique, on préféra alors l’ hérédité conditionnée.
Mots-clefs : Auguste, Restauration, SPQR, Succession, Monarchie.
The Augustan principate has many elements of a monarchical system. However, this does not allow t... more The Augustan principate has many elements of a monarchical system. However, this does not allow to question the reality of the Augustan restoration and to emphasize the ambiguity of the regime. The hypotheses such as “monarchy with republican façade” or a “republican fiction” are misleading. Indeed, the restoration of res publica hasn’t prevented institutional developments or monarchical inclinations. The whole basis of res publica was the respect of “ways of doing” and procedures, a frame considered as immutable. Augustan restoration didn’t aim to restore a prior state but to restore this frame (that of senatus populusque romanus). And this could be done with the establishment of a new political regime. Therefore, the Augustan principate cannot be considered as a cover intented to give a republican façade to a monarchical power.
Le fait que le principat augustéen ait une composante monarchique marquée appelée à s’affirmer de plus en plus avec le temps n’autorise pas à douter de la réalité de la restauration augustéenne et à dénoncer l’ambiguïté du régime. L’hypothèse d’une « monarchie à façade républicaine » ou d’une« fiction républicaine » est trompeuse dans la mesure où le rétablissement de la res publica n’interdisait ni les évolutions institutionnelles ni les velléités monarchiques. C’était dans les « manières de faire », dans le respect de certaines procédures, que résidait la res publica. La restauration augustéenne ne visa pas à rétablir dans le détail un état ante mais à restaurer un cadre (celui du senatus populusque romanus) considéré, lui, comme immuable mais qui n’interdisait pas l’établissement d’un régime nouveau. Le principat augustéen ne saurait donc être entendu comme un simple habillage destiné à donner une « façade républicaine » à un régime en réalité monarchique.
This study focuses on prince insertion in the republican institutions at the beginning of the Pri... more This study focuses on prince insertion in the republican institutions at the beginning of the Principate. The republic was not a political regime, unlike monarchy, oligarchy or democracy, but ares publica was a kind of autonomous subsystem from the political regime. For its part, the SPQR was an interface through which res publica could embody itself in a status. It required to act together and was perceived as an obstacle to dominatio. In some ways, it symbolized the political DNA of Rome. It did not prejudiced of the status. With the establishment of the Principate, the prince was compelled to combine with this SPQR, emanation of the res publica, mainly in connection with Senate's claims. The comitia continued to play a role in decisionmaking process, but in a ritualized form, as a reminder of its formal sovereignty. The Senate, which included the melior pars of populus, was associated too with power sustainably. The debate on prince's position within the res publica has initiated a « republican » ideology, opposed to a princely ideology, without having to interpret it as an opposition to the Principate.
Ce livre étudie l’élaboration d’un archétype, celui du prince, d’Auguste à Constantin. Progressiv... more Ce livre étudie l’élaboration d’un archétype, celui du prince,
d’Auguste à Constantin. Progressivement a été imaginé une
sorte de « costume » qu’il fallait revêtir afin de paraître légitime
et de mériter de figurer parmi les « bons princes ». Cet archétype
correspondait à des contraintes et à des attentes auxquelles
il fallait se conformer et qui étaient censées contrebalancer la
toute-puissance, juridiquement fondée, du prince. On peut
évoquer à propos du prince une persona, c’est-à-dire un personnage
de théâtre, un rôle qu’il se doit d’adopter et de jouer devant
un public qui en est le juge. D’une certaine manière, le prince était
amené à intérioriser des normes dont il n’était pas nécessairement
l’auteur, et son comportement était soumis à la validation
des populations de l’empire. L’élaboration de ces normes doit
beaucoup au contexte largement expérimental (en dépit d’une
rhétorique en grande partie ancrée dans le passé) qui a présidé
aux débuts du Principat et à la lente évolution d’un régime de
nature monarchique vers un régime pleinement monarchique où
la personne du prince s’est très progressivement effacée, sans
l’avoir jamais été complètement, derrière la fonction.
This study stresses the necessity to separate the notion of dynasty from that of monarchy for spe... more This study stresses the necessity to separate the notion of dynasty from that of monarchy for speaking of the succession of Augustus. The concern of Augustus was not to hide his will to establish a dynasty but to achieve it in a legitimate way by associating in the designation the Senate and the populus Romanus. Indeed, the Augustan restoration implied that these two instances remained sovereign. A large part of the population supported the strategy of Augustus. Augustus had to take into account expectations partly related to the history of Rome from its origins.
Cette étude montre que, dans le cadre de la succession d’Auguste, il est impératif de détacher la notion de dynastie de celle de monarchie à laquelle elle ne renvoie que très partiellement. Le souci d’Auguste n’a pas été de masquer sa volonté d’instaurer une dynastie mais de parvenir à le faire en légitimant les prétentions de son successeur et en associant à la désignation le Sénat et le peuple romain qui, dans le cadre de la restauration augustéenne, demeuraient souverains. La stratégie d’Auguste a bénéficié d’un parti-pris favorable d’une grande partie de la population de l’empire mais a dû prendre en considération des attentes particulières en partie liées à l’histoire de Rome depuis ses origines.
ABSTRACT The concept of ideology is frequently discussed by many sociologists and modern philosop... more ABSTRACT
The concept of ideology is frequently discussed by many sociologists and modern philosophers and used by historians of Rome. But it cannot be taken for granted as regards Antiquity. The rules and the conditions of Roman political life from Republic to early Roman Empire were not a fertile ground for the emergence of ideologies. However, in the Fifth century B.C. and with the birth of the Principate, struggles of ideological nature seemed to have shaped Roman political life.
RESUME
La notion d’idéologie, bien que récurrente chez les historiens de Rome, ne va pas de soi lorsqu’elle est appliquée à l’Antiquité. Les modalités de la vie politique à Rome de la République jusqu’au Haut-Empire constituaient même un terreau a priori défavorable à l’émergence des idéologies. Toutefois, en deux occasions, au Ve siècle avant n. è. et avec la naissance du Principat, une rivalité de type idéologique a contribué à structurer la vie politique romaine.
Horatius fought in the ranks of the Republicans before becoming, at least in appearance, one of t... more Horatius fought in the ranks of the Republicans before becoming, at least in appearance, one of the most fervent supporters of Augustus and of the Imperial regime. This ideological volte-face is very surprising, perhaps because we tend to assign ideologies a significance they did not actually have in the Roman world. In reality, Horatius did not believe he had recanted. He simply changed patrons after the defeat of his Republican friends ; he wagered a bet on the future by incorporating himself into a new network, that of the victors. Far from having been manipulated by the new regime, and far from having become its spokesman, he tried to influence it through his verses, and in this way assumed the stature of an intellectual.
Horace combattit dans les rangs des républicains avant de devenir, en apparence au moins, l’un des plus fervents partisans d’Auguste et du régime impérial. Cette volte-face idéologique ne manque pas de surprendre. Sans doute parce que nous accordons aux idéologies une place qui n’était pas la leur dans le monde romain. En réalité, jamais Horace n’eut le sentiment de se renier. Il a seulement changé de protecteurs après la défaite de ses amis républicains, fait un pari sur l’avenir en s’attachant à un nouveau réseau, celui des vainqueurs. Et loin d’avoir été manipulé par le nouveau régime, loin d’être devenu son porte-parole, il a, par ses vers, tenté de l’influencer, adoptant par là même la posture de l’intellectuel.
Through the analysis of texts from the end of the Republic to Augustus’ Principate, this article ... more Through the analysis of texts from the end of the Republic to Augustus’ Principate, this article aims to verify the validity of the concept of ideology in the Roman society. During the Republic, the right to deal with politics was based on virtue and relationships to renowned gens rather than on a peculiar future in prospect and community’ goals. Rulers were expected to ensure the proper working of institutions and to guarantee citizens’ safety. The Roman society could not imagine another model. When a crisis arose, chiefs had to restore rather than propose. Within Augustus’ Principate, the official discourse is changed in order to associate Rome’s fate and prosperity to the gens Augusta. At the same time, the government organization is responsible for any kind of counter-discourse. If one cannot speak of a real ideology, Augustus’ Principate attests to the advent of a proto-ideology.
À travers l’analyse de textes allant de la fin de la République au Principat d’Auguste, l’auteur se propose de vérifier la validité du concept d’idéologie dans la société romaine. Sous la République, le droit à commander relevait plus de la vertu et de l’appartenance à une gens illustre que d’une vision de l’avenir, d’un dessein communautaire. Ce qui était demandé aux dirigeants, c’était d’assurer le bon fonctionnement des institutions et la sécurité des citoyens. Le monde romain se refusait à imaginer une société autre. Lors d’une crise, il s’agissait de restaurer, non de proposer. Avec le Principat d’Auguste, le discours officiel se modifie et tend désormais à lier le destin de Rome et l’abondance à la gens Augusta. Dans le même temps, un discours d’opposition apparaît lié à la forme du régime. Si l’on ne peut parler de réelle idéologie, le Principat d’Auguste marque au moins l’apparition d’une proto-idéologie.
Vers le milieu du Ier siècle avant n. è., un vaste mouvement de renouveau des lettres latines, da... more Vers le milieu du Ier siècle avant n. è., un vaste mouvement de renouveau des lettres latines, dans une large mesure inspiré par l’impérialisme romain et le sentiment d’un affaiblissement dû aux guerres civiles, émergea et trouva son aboutissement lors de la période augustéenne. La domination romaine ne serait pas uniquement politique et militaire : elle serait aussi culturelle. À l’origine de cette entreprise, l’action d’un certain nombre d’aristocrates romains, mus tout à la fois par un sincère amour des lettres et leur patriotisme. Octavien/Auguste fut associé à ce mouvement selon une logique voulant que l’État doit répondre aux sollicitations dont il est l’objet. Le processus fut celui de la requête. Loin d’avoir été un initiateur, le Princeps fut, en tant que premier évergète, celui vers lequel les regards convergèrent.
Italiam concepit : l’Italie de Virgile dans P. Linant de Bellefonds, É. Prioux, A. Rouveret (éd.)... more Italiam concepit : l’Italie de Virgile
dans P. Linant de Bellefonds, É. Prioux, A. Rouveret (éd.), D’Alexandre à Auguste. Dynamiques de la création dans les arts visuels et la poésie, colloque international organisé à Paris les 10, 11 et 12 mai 2012, ArScAn – UMR 7041, Rennes, PUR, 2015, p. 217-231
Ce que narre Virgile dans l’Énéide, c’est la naissance d’une nation italienne (qui remplace les nations italiennes). À l’époque augustéenne, l’Italie était pleinement entendue comme incluant l’ensemble de la péninsule. Virgile paraît souhaiter que ce qui était une entité géographique et administrative reconnue devienne aussi une entité historique, nous pourrions dire ethnique, comme pour lui donner une âme, une cohésion afin de renforcer un édifice qui n’avait que trop souffert de ses dissensions. L’assimilation, menée peu à peu, ne signifiait pas qu’il y eut formation d’une conscience de l’unité de l’Italie. C’est sans doute cela que regrette Virgile. Comme toujours dans les phases de transition, les choses sont ambivalentes : après la Guerre sociale, la latinisation de la péninsule s’est accélérée. On a donc tout à la fois un processus d’unification qui s’accélère et des peurs qui s’expriment face à celle-ci. Désormais, l’unification relevait moins d’un point de droit que d’un état d’esprit. Il paraît que Virgile ait voulu dépasser la formule restée fameuse de Cicéron sur les deux patries : la patrie de cœur, celle du lieu de naissance, et celle de la citoyenneté et du droit, Rome. Le souhait de Virgile devait rester à l’état de rêverie. Peut-être fut-il le seul à aspirer à cette nation pleinement italienne. Toujours est-il que l’idée d’une identité italienne complète et parfaitement acceptée devait encore mûrir. Il est possible que Virgile ait aspiré à favoriser cette maturation.
L’habileté de Virgile a été de prétendre que la singularité italienne n’était pas tant la conséquence d’une acculturation, mais qu’elle avait ses sources dans les origines mêmes de l’histoire de la péninsule : c’est moins les Romains qui ont romanisé les Italiens qu’eux-mêmes qui sont issus d’une communauté italique qu’ils ont réintégrée à l’époque d’Énée. La logique de Virgile est subtile : les Troyens sont les ancêtres des Romains, mais puisque Dardanus, père des Troyens, est Italien, le sang romain est lui-même, par ses origines, italien.
Le vœu de l’unité relevait d’une réflexion menée par un homme accablé par le spectacle des guerres civiles et les menaces qu’elles représentaient pour l’empire. Virgile, comme beaucoup de ses contemporains, devait avoir conscience que l’unité était le gage de la paix. Lors des guerres puniques, Hannibal avait parié sur les divisions, lesquelles avaient resurgi lors de la Guerre sociale. Cette dernière n’avait pas été une lutte entre imperatores rivaux. En 41, on avait assisté à une nouvelle prise d’armes de l’Italie. L’exemple grec devait être dans toutes les têtes. Le rêve virgilien, précisément, était l’espoir d’un territoire unifié et en paix avec lui-même : Italiam concepit (Martial, VIII, 55, 19).
Il est traditionnel de présenter les élégiaques comme les tenants d’un mode de vie alternatif. Ch... more Il est traditionnel de présenter les élégiaques comme les tenants d’un mode de vie alternatif. Chantres de l’individualité, ils représenteraient une forme de subversion. Pourtant, les élégiaques décrivaient moins un mode de vie qu’un état psychique. Il est impératif de distinguer dans leurs vers ce qui relève du topos de la uox poetae, plus difficilement discernable. En bien des occasions, la littérature élégiaque se présente comme ludique et non comme incitative. Elle relève des permissivités que s’accorde toute société, dès lors qu’elle n’a d’expression que littéraire. C’est d’ailleurs peut-être parce que Tibulle est celui qui respecte le mieux les codes et l’esprit du genre qu’il fut perçu par les Anciens comme le plus grand des élégiaques. Toutefois, derrière les conventions littéraires, la voix de l’auteur finit parfois par se faire entendre, et avec elle, mezza voce, une certaine vision du monde émerge. Et si l’on veut bien faire leur part aux différences entre élégiaques, on s’aperçoit que le genre autorisait une pensée autonome et qu’il ne contraignait pas les desseins du poète, plus ou moins normatifs ou subversifs en fonction des cas. Properce est sans doute l’élégiaque qui a le mieux répondu aux injonctions de la morale traditionnelle. Chez lui, le portrait de l’exclusus amator a des vertus prophylactiques. Il est parvenu à réutiliser les différents codes élégiaques dans un discours cohérent et personnel au service d’une restauration morale. Ovide est sans conteste plus subversif car, non seulement sa morale est une morale du plaisir et du présent, mais, avec lui, la passion n’a plus rien de tragique. Bien plus, les femmes acquièrent dans son œuvre une volonté et des aspirations propres.
Usually, elegiac poets are portrayed as proponents of an alternative way of life. As heralds of individuality, they are considered as subversive personalities. However, elegiac poets described less a lifestyle than a psychic state. In their verses, a distinction has to be made between topos and uox poetae. Very often, elegiac literature is rather a play in which a kind of permissiveness is expressed, than an incentive discourse. Thus, Tibullus who respected the codes of this genre accurately, was considered as the greatest elegiac poet by the Ancients. However, behind literary conventions, we can sometimes detect the uox poetae and its vision of the world. Through elegy, each poet was able to express his own thought with his own sensibility. Poets could be more or less normative and subversive, depending on the particular case. Among the elegiac poets, Propertius is undoubtedly the one who upheld the most traditional morality. When he described the exclusus amator, he aimed at preventing the emergence of moral decline. Using a personal and coherent way, he succeeded in using elegiac codes, in order to contribute to moral restoration. Undoubtedly, Ovid is more subversive: not only because his morality was a morality of pleasure, but also because in his verses, passion was no more tragic and women had their own will and aspirations.
Traditionellerweise werden die Elegiker als Anhänger eines alternativen Lebensstils angesehen. Als Sänger der Individualität stünden sie für eine Form von Subversion. Tatsächlich aber beschrieben die Elegiker weniger einen Lebensstil als einen Seelenzustand. So ist es wichtig, in ihren Versen zwischen dem Topos und der vox poeta zu unterscheiden, wobei letztere schwieriger zu erkennen ist. Häufig erscheint die elegische Dichtung als spielerisch, nicht als anspornend. Sie zeugt von Regelverletzungen, die es in jeder Gesellschaft gibt, auch wenn diese vor allem in literarischer Form zum Ausdruck gebracht werden. Es ist übrigens möglicherweise aus dem Grund, da er die Regeln und den Geist des literarischen Genres am klarsten respektierte, dass Tibull bei den Alten als der größte der elegischen Dichter galt. Jedenfalls kann man hinter den literarischen Konventionen schließlich zuweilen die Stimme des Dichters selbst vernehmen, und mit ihr wird, mezza voce, eine bestimmte Vision der Welt erkennbar. Und wenn man Unterschiede zwischen den Elegikern sehen möchte, erkennt man, das dieses literarische Genre autonomes Denken zuließ und die Absichten des Dichters nicht einengte: diese waren, von Fall zu Fall, mehr oder weniger normativ oder subversiv. Properz ist ohne Zweifel der Elegiker, der am klarsten den Erwartungen der traditionellen Moral entsprochen hat. Bei ihm besitzt der exclusus amator geradezu prophylaktische Qualitäten. Dem Dichter gelingt es, die verschiedenen Codes der Liebesdichtung in einem kohärenten und persönlichen Diskurs im Dienste einer restaurativen Moral einzusetzen. Ovid ist ohne Zweifel subversiver, da die Leidenschaft bei ihm nichts Tragisches mehr besitzt. Zudem erhalten die Frauen bei ihm einen eigenen Willen und eigene Interessen.
Georg. 4, 67-108 has to be considered as an analogical discourse. Through the beehive we can see ... more Georg. 4, 67-108 has to be considered as an analogical discourse. Through the beehive we can see both a reflection on Civil wars (the impious act par excellence as Virgil tells us) and the struggle for power. Virgil aware of the contemporary institutional changes asserts that the king is no longer legitimate as such. Not only he has to be chosen among the best, but also he has to be shaped and controlled so as to offer moral guarantees that will limit his overwhelming power. Behind the question of the virtues of the prince, appears one about the moral valor of the population as a whole. As the rex assumes the role of coryphaeus, the people fall in step with him. These few verses prove that Virgil developed a philosophy related to the political upheavals that Rome was going through at the time.
Georg. 4, 67-108 est à lire comme un discours analogique. La ruche est le prétexte à une méditation sur les guerres civiles (ici décrites comme l’acte impie par excellence), mais aussi sur la compétition pour le pouvoir. Conscient des évolutions institutionnelles à l’œuvre depuis de nombreuses décennies à Rome, Virgile affirme que le « roi » n’est pas légitime en tant que tel. Non seulement il doit être choisi parmi les meilleurs, mais il doit aussi être contrôlé, façonné, de manière à offrir les garanties morales qui agiront comme une limite à sa toute-puissance. Derrière la question des vertus du prince, c’est aussi la valeur morale de l’ensemble de la population qui est en jeu. Le rex joue le rôle du coryphée, le peuple se mettant au diapason. Ces quelques vers montrent que Virgile a développé une réflexion de nature politique en lien avec les bouleversements que connaissait Rome à cette période.
L’objectif de cette étude est de montrer que vouloir protéger les artistes ne signifiait pas néce... more L’objectif de cette étude est de montrer que vouloir protéger les artistes ne signifiait pas nécessairement vouloir les contrôler. S’il n’y eut pas de manipulation de la part du pouvoir, s’il n’y eut pas volonté d’instrumentaliser leur talent, il ne faut cependant pas négliger le bénéfice politique que l’on pouvait tirer à les côtoyer (mais dans ce cadre, ce n’est pas le fond de l’œuvre qui compte). Notre enquête s’arrête notamment sur les « transferts de popularité ». Dans ce cadre, la fréquentation des poètes, comme de n’importe quelle personnalité, n’était pas neutre et, dans cette société de l’ostentation, a constitué, dès la fin de la République, un élément de l’apparat pour les aristocrates romains. Les motivations des patroni furent d’ailleurs diverses (accéder à l’immortalité par les lettres, assurer la continuité de son influence au sein de sa propre gens, créer une littérature latine capable de rivaliser avec la littérature grecque, bénéficier d’un stimulant intellectuel). S’il y avait bien une dimension politique à protéger des poètes, elle relève du contingent, de l’accident, plus que d’une volonté préalable. Cette dimension politique a un caractère concomitant, au sens étymologique du terme ; elle « va avec », « elle découle de », mais elle « n’est pas » l’essence de la relation entre le patron et son protégé. Au final, ce fonctionnement assurait aux poètes une large indépendance dans la parole à l’égard du pouvoir (qui allait de l’adhésion sincère à l’œuvre d’Auguste à une critique voilée, en passant par le conseil).
La difusión del hábito epigráfico funerario en contextos indí genas de la provincia Baetica [On t... more La difusión del hábito epigráfico funerario en contextos indí genas de la provincia Baetica [On the Expansion of the Funerary Epigraphic Habit in Indigenous Contexts in
Le pouvoir des bons mots. « Faire rire » et politique à Rome du milieu du III e siècle a.C. à l'a... more Le pouvoir des bons mots. « Faire rire » et politique à Rome du milieu du III e siècle a.C. à l'avènement des Antonins, Bibliothèques des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, fasc. 390, Rome, 2019, 500 p. La politique romaine n'était pas empreinte que de grauitas. L'humour (ou le « faire rire », formule empruntée à Cicéron et Quintilien), sous des formes variées, avait toute sa place sur la scène politique romaine et on ne s'étonnera pas si cette qualité trouva à s'insérer dans les stratégies des premiers de la cité, non plus de ce qu'elle opéra comme un élément de distinction sociale, un savoir-faire codifié (notamment à travers le concept d'urbanitas) qu'on pouvait apprendre à maîtriser en alternant les manières de « faire rire ». C'était là, notamment, la caractéristique des bons orateurs, lesquels soulignaient ainsi publiquement leur force d'esprit (plus encore peut-être, en raison de sa spontanéité, quand le bon mot venait en réplique à une attaque préalable). Que ce soit lors des procès, au Sénat, sur le Forum ou dans le cadre militaire et diplomatique, les traits d'humour trouvaient aisément à s'exprimer et avaient leur utilité, variable en fonction des lieux (par exemple, gagner l'assentiment du Sénat ou les faveurs d'un jury, créer de la cohésion au sein des légions ou donner confiance aux soldats avant un combat). Bien souvent, ils révèlent un rapport de force et relèvent d'une mise en scène des puissants. Ce sont les mécanismes destinés à provoquer le rire, dans un contexte donné (en dépit de
Le livre de Clément Chillet (CC), tiré d'une thèse de doctorat soutenue en 2012, ne se veut pas
Moatti Claudia, Res publica. Histoire romaine de la chose publique, Paris, Fayard, 2018, 467 p. S... more Moatti Claudia, Res publica. Histoire romaine de la chose publique, Paris, Fayard, 2018, 467 p. S'il est un mot (ou plutôt une locution) dont la traduction et l'usage moderne posent question, c'est bien celui de res publica. L'ambitieux livre de Cl. Moatti part d'une idée simple : les mots ont une histoire et, de fait, leur acception, évolue dans le temps. D'où la nécessité, afin d'éviter les malentendus, de retrouver comment les Romains ont utilisé cette notion tout à la fois polysémique, conflictuelle et intraduisible. Cl. Moatti note d'emblée que la res publica n'était originellement ni une abstraction ni un régime politique. Dans la locution, le mot important est res, qui n'est ensuite que précisé. Cette « chose », note l'auteure, est, ce point est fondamental, une sorte d'enveloppe au contenu incertain, sans référent précis a priori, mais qui est nécessairement l'« objet » de quelque chose, ce sur quoi on porte le regard, ce dont on parle, ce sur quoi on agit. Res appartient par ailleurs au langage judiciaire : c'est l'affaire qu'il faut qualifier et à propos de laquelle il faut délibérer. De fait, quand on parle de res publica, l'expression désigne les « affaires » dont parlent les citoyens et qu'ils ont en commun. De fait, la res publica est ce qui est commun à tous sans pour autant être consensuel : la conflictualité est consubstantielle à la notion de res publica.
Lefebvre Laurie, Le mythe Néron. La fabrique d'un monstre dans la littérature antique (I er-V e s... more Lefebvre Laurie, Le mythe Néron. La fabrique d'un monstre dans la littérature antique (I er-V e s.), Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2017, 363 p. Néron a tôt occupé une place singulière dans l'imaginaire antique au point de devenir, selon la formule de L. Lefebvre, une « icône tyrannique », l'hostem generis humanis (Plin., HN, 7, 45-46). Personne aujourd'hui ne doute de l'écart entre la légende noire de Néron et la réalité historique, quand bien même il demeure difficile de démêler le vrai du faux. L'intérêt de la présente étude vient de ce qu'elle ne tente pas de reconstituer la vie et l'oeuvre du dernier Julio-Claudien, mais s'intéresse à la mise en récit de son principat et à l'entreprise de déformation des faits. Celle-ci fut le pendant de la damnatio memoriae que Néron eut à subir, comme s'il s'était agi de « reconstruire une nouvelle mémoire » (p. 14) destinée à réinterpréter l'ensemble de ses actes pour en faire un monstre et établir un portrait à vocation éducative. De nombreuses études (centrées sur une oeuvre ou un motif précis) ont déjà été menées en ce sens : c'est dans leur sillage que L. Lefebvre entend se situer, mais en donnant à cette analyse un tour systématique et en se fondant sur un corpus littéraire exhaustif, afin de mieux appréhender cette réécriture de l'histoire, une histoire moins soucieuse de l'exactitude des faits que de la portée morale du récit et de présenter un portrait cohérent (destiné à étayer une vision orientée de Néron). C'est donc bien le prince devenu l'emblème de la tyrannie, non le Néron historique qui est ici analysé. Dans ce cadre, bien sûr, on en apprend sans doute davantage sur les époques durant lesquelles les sources ont été produites que sur celle de Néron proprement dite, d'autant que l'auteure a choisi d'exclure de son corpus les textes contemporains du principat de Néron, parce que trop ouvertement laudatifs. De fait, les premières sources dont elle dispose pour son analyse sont Tacite et Suétone. Le premier chapitre, très bien mené, se présente comme une « archéologie » de la légende destinée à en repérer les strates. Il recense et fait la typologie des différents textes ayant contribué à la fabrication de la légende noire de Néron (alors que divers témoignages montrent que, dans certains groupes sociaux, une tradition beaucoup plus favorable existait), les met en relation et sélectionne les éléments pertinents pour l'analyse. L'auteure met en exergue l'existence de grilles de lecture, de « filtres » qui ont conditionné les présentations, plus ou moins détaillées, de Néron (la tyrannie domitienne, par exemple, dans le cas de Tacite ; celle de Commode dans le cas de Dion Cassius ; la potentielle volonté de conseiller ou de critiquer Hadrien dans le cas de Suétone ; le prisme des valeurs sénatoriales en bien des cas). Les manipulations narratives destinées à créer telle ou telle impression chez le lecteur, sont rappelées, tout comme le contexte historique ou encore le projet littéraire. Les difficultés méthodologiques sont relevées, dont l'une des plus embarrassantes vient de ce que les oeuvres d'époque flavienne d'une certaine ampleur, celles qui ont posé les jalons de la légende de Néron, sont pour nous perdues. Pourtant, il est manifeste que, très vite, une vulgate concernant Néron
Peer-review. Articoli e note inviati per la pubblicazione alla rivista sono sottoposti -nella for... more Peer-review. Articoli e note inviati per la pubblicazione alla rivista sono sottoposti -nella forma del doppio anonimato -a peer-review di due esperti, di cui uno almeno esterno al Comitato Scientifico o alla Direzione. Nel secondo fascicolo delle annate pari è pubblicato l'elenco dei revisori.
e siècle av. J.-C. -fin du I er siècle ap. J.-C.), Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes e... more e siècle av. J.-C. -fin du I er siècle ap. J.-C.), Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, 353, Rome, 2014, 1031 p.
24 : l'auteure s'intéresse aux lettres que Trajan a transmises à Pline et que l'on trouve dans le... more 24 : l'auteure s'intéresse aux lettres que Trajan a transmises à Pline et que l'on trouve dans le livre XVII de la Correspondance dans la mesure où elles sont susceptibles de nous éclairer sur sa théorie et sa pratique du pouvoir. Les lettres permettent de voir quel idéal de gouvernement conçut Trajan. Tout d'abord, le refus de s'appuyer sur la crainte et la terreur, méthode qui aurait pour principal instrument le recours aux accusations de lèse-majesté. Quant à son autorité, elle doit s'imposer par le seul respect que l'on doit à sa personne. En ce sens, le princeps est désormais prince au sens moderne du terme, un souverain absolu, mais un optimus princeps dans la mesure où cette même autorité se fonde sur une pratique conforme à la justice (p. 16). Trajan tend en outre à distinguer la personne du prince à la fonction impériale (p. 17). Le monnayage d'époque trajane montre des différences entre la représentation qu'a le prince de sa fonction et celle qu'en donne un sénateur comme Pline, le premier mettant l'accent sur ses qualités militaires et bienfaitrices, le second effaçant davantage la personne de l'empereur derrière sa fonction (p. 18). Le prince doit en outre constamment donner des instructions dans les domaines les plus divers à son ami gouverneur, lequel fait preuve d'un sens de l'initiative limité, dans une province réputée difficile à administrer (p. 19). Les réponses témoignent avant tout d'une action de bon sens, d'un gouvernement modéré, privilégiant les solutions au cas par cas aux principes théoriques, trop généraux ou moraux. Derrière ces instructions, les objectifs, limités, sont : la prospérité de la province, l'ordre et la sécurité. Ce qui intéresse ici Trajan, c'est la réalité de la situation de la province, plus que des notions abstraites comme l'unité ou la justice par exemple : « […] si Trajan n'agit pas selon son bon plaisir, il n'agit pas non plus conformément à son idéal », l'action réelle (très pragmatique et essentiellement destinée à écarter tout risque de trouble par le respect des usages de chacun) s'écartant donc du discours officiel (p. 19-20). Dans ce cadre, la justice demeure une norme dont il faut se rapprocher tout en la restreignant à la recherche de la paix civile (p. 21). Par ailleurs, ses conseils sont fondés sur « le sentiment d'humanité » (douceur et indulgence guident son action) non sur des principes politiques ou juridiques abstraits (p. 22-23). Il s'agit de s'adapter à chaque cas particulier, sans toutefois remettre en cause l'idéal trajanien d'un pouvoir universel (et donc respecté) fondé sur la justice (p. 23). D'une certaine manière, l'homme et l'empereur s'opposent, créant une tension à même de borner l'humanité du premier de manière à préserver la dignité du second (p. 24).
Le livre de Ph. Akar étudie l'usage du terme concordia aux deux derniers siècles de la République... more Le livre de Ph. Akar étudie l'usage du terme concordia aux deux derniers siècles de la République. Il s'inscrit dans une mouvance désormais bien ancrée de recherches sur des notions qui, telles la clementia (G. Flamerie de Lachapelle) ou la libertas (I. Cogitore), permettent d'appréhender d'une manière plus fine les modalités de la vie politique romaine. Il est un utile complément à l'étude de J. A. Lobur, publiée en 2008, qui analyse la place prépondérante des notions de consensus et de concordia dans l'idéologie impériale. Si, comme souvent, il faut se garder de donner une acception définitive à un terme dont la signification est évolutive, le choix de cette étude est pleinement justifié dans la mesure où le mot concordia est d'un usage particulièrement fréquent dans les discours de cette période. Ainsi que le note l'auteur, il constitue une sorte de figure imposée, ce qui induit qu'il ait revêtu une importance particulière dans la représentation de soi de l'aristocratie romaine et dans les normes du comportement aristocratique. Le livre s'ouvre sur une longue mais utile introduction, dans laquelle l'auteur aborde notamment la question historiographique, avant de s'intéresser à l'origine de la notion de concordia à Rome et de mener une analyse sémantique du terme. Pour cette étude, le phénomène est classique, l'auteur a été très dépendant de certaines sources. Cicéron représente 40% des références au terme concordia dans les sources latines. Avec Tite-Live, on atteint les deux tiers. Pour les références en langue grecque, Denys d'Halicarnasse (pour près de 50%), Plutarque et Dion Cassius sont les principales sources. Cicéron et les sources d'époque impériale sont donc très largement majoritaires dans le corpus.
La civilisation latine nous a depuis longtemps habitués à manier avec précaution nombre de notion... more La civilisation latine nous a depuis longtemps habitués à manier avec précaution nombre de notions a priori familières mais dont l'examen approfondi révèle et la complexité et les singularités. La libertas est l'une d'entre elles. Omniprésente dans les récits historiques, elle possède des sens divers et se teinte de multiples nuances rendant impossible toute définition univoque. Aussi I. Cogitore a-t-elle dans cet ouvrage tenté de mettre en lumière ces variations sémantiques. L'étude fait suite à deux livres pionniers de Ch. Wirszubski et J. Bleicken sur la question et les complète utilement. L'auteur ne tente pas de définir la libertas (dont l'acception est de toute manière évolutive et qui, dans un même texte, peut recouper plusieurs sens) mais d'en étudier les manifestations successives à travers son expression littéraire de la fin de la République aux Antonins.
L'ouvrage collectif coordonné par W. J. Dominik, J. Garthwaite et P. A. Roche explore les différe... more L'ouvrage collectif coordonné par W. J. Dominik, J. Garthwaite et P. A. Roche explore les différentes stratégies et techniques adoptées par les auteurs romains entre 50 avant n. è. et 120 de n. è. pour évoquer la question politique et met en exergue certaines de leurs préoccupations. Dans un chapitre introductif en forme de bilan, les auteurs soulignent l'apport des diverses contributions, lesquelles montrent la permanence de la question politique (dans toutes ses acceptions) dans la littérature romaine en dépit de la mise en place du pouvoir impérial. La vitalité de cette thématique témoigne d'un engagement qui jamais n'a cessé, même si le contexte a pu contraindre les écrivains à user de diverses stratégies pour s'exprimer. La réflexion politique était d'autant plus nécessaire que les évolutions institutionnelles obligeaient à repenser les normes telles qu'elles avaient existé sous la
Penser l'animal. Du discours des Anciens aux questionnements actuels, 2022
Vendredi 13 mai 2022 / Journée d'étude du LAHM CReAAH/UMR 6566 organisée par Ph. Le Doze et Chr. ... more Vendredi 13 mai 2022 / Journée d'étude du LAHM CReAAH/UMR 6566 organisée par Ph. Le Doze et Chr. Vendries Université de Rennes 2 Amphi A2 Penser l'animal : du discours des Anciens aux questionnements actuels Au prisme des sciences sociales, la question de l'homme et de l'animal apparaît depuis quelques années comme un sujet désormais privilégié comme en témoigne en dernier lieu l'exposition organisée à Versailles, Les animaux du roi ou la parution du livre de Ch. Stépanoff, L'animal et la mort : chasses, modernité et crises du sauvage (La Découverte, 2021), qui invite à revoir nombre d'idées reçues sur la pratique de la chasse. On sait depuis Robert Delort que « les animaux ont une histoire », mais si les historiens ont pris l'habitude de questionner ce sujet sous l'angle du pouvoir, il n'est pas réductible à ce seul aspect. Anthropologues, sociologues, philosophes, historiens de l'art, témoignent de la diversité des approches possibles. Cette journée sera l'occasion de débattre de la manière dont on pense l'animal autour de plusieurs interventions choisies pour la diversité des approches. Les présentations des antiquisants seront enrichies par les contributions de deux collègues venues des sciences sociales, spécialistes de la question animale. Programme de la journée (9h-12h30 / 14h30-17h30) 9h. Accueil. 9h15-9h30. Introduction, Christophe Vendries (Université Rennes 2) 9h30-10h30. Van Tilbeurgh Véronique (Sociologie, Université Rennes 2) Que nous dit l'analyse des relations anthropozoologiques de l'évolution de la conception de l'animal dans la société contemporaine ? 10h30-11h30. Le Doze Philippe (Histoire ancienne, Université Rennes 2) Vivre selon la nature : la revanche des bêtes ? L'exemple du monde romain 11h30-12h30. Piel Thierry (Histoire ancienne, Nantes Université) Canis Etruriae, enquête sur le meilleur ami de l'Étrusque : animaux de compagnie ou compagnie des animaux ? 14h30-15h30. Dardenne Émilie (Anglais, Université Rennes 2) Le surgissement animal : des animal studies anglophones aux études animales françaises 15h30-16h30. Chazalon Ludi (Histoire de l'Art, Nantes Université) « Les chiens sont-ils bons à penser ? » L'animal domestique dans l'iconographie grecque des VI e et V e siècles 16h30-17h30. Trinquier Jean (Lettres classiques, ENS, Paris) Le bestiaire du mauvais oeil. Animal, magie et iconographie romaine